CHAPITRE II
LA COOPÉRATION EUROPÉENNE
EN
MATIÈRE D'ARMEMENT RESTE DIFFICILE
Le
budget d'équipement des armées n'a pas pour vocation
première de soutenir l'industrie d'armement, mais l'intérêt
de la défense est d'avoir pour fournisseur des industriels
compétents et en bonne santé financière. Chacun sait
qu'aujourd'hui le cadre national n'est plus approprié pour le maintien
d'une telle situation et qu'à défaut de l'émergence d'une
industrie d'armement européenne, nos armées n'auraient d'autre
solution que de figurer au rang des clients de peu de poids des entreprises
américaines.
Les principaux pays d'Europe occidentale coopèrent depuis longtemps
dans le domaine de l'armement. Des programmes anciens témoignent de la
réussite de cette volonté, notamment dans le domaine
aéronautique. La réussite des programmes JAGUAR, ATLANTIC et
TRANSALL en témoigne notamment.
Les perspectives ainsi tracées se sont-elles renforcées ? Votre
Rapporteur, à la suite d'entretiens qu'il a menés en cours
d'année, se doit de vous faire part de ses doutes sur les
possibilités françaises de peser dans cette évolution.
L'analyse porte sur la conduite des programmes et sur les restructurations
industrielles.
A. LA CONDUITE DES PROGRAMMES EN COOPÉRATION EST UN CHEMIN SEMÉ D'EMBÛCHES
-
Le point de départ d'un programme en coopération est
l'entente de plusieurs états-majors sur les spécifications
communes du matériel dont l'acquisition est recherchée. C'est une
opération souvent très difficile car les conceptions
stratégiques et tactiques peuvent être sensiblement
différentes. L'accent mis en France sur les capacité de
projection incite souvent à rechercher pour le matériel
terrestre, des équipements légers, facilement
aérotransportables. Tous nos alliés ne mettent pas l'accent sur
cette capacité de projection et le choix, pour le véhicule
blindé de combat d'infanterie (VBCI) d'un engin à huit roues
paraît plus conforme aux besoins allemands que français.
La Grande-Bretagne devrait, en théorie, rechercher des
équipements plus proches de ceux que souhaitent acquérir nos
armées. Pourtant, les vicissitudes subies par le programme de la
frégate HORIZON et de son armement sont une illustration des
difficultés substantielles à aboutir à des accords. La
volonté des états-majors et des gouvernements d'arriver à
une entente sur les spécifications des équipements doit
être avérée et constante.
-
Les contraintes budgétaires subies par les budgets de la
défense ne sont pas propres à la France. Elles peuvent conduire
les uns ou les autres à renoncer à tel ou tel équipement
sur lequel une coopération européenne s'était
amorcée. Les aléas subis très récemment par les
programmes HORUS et TRIMILSATCOM illustrent ce phénomène. Ils ne
doivent pas être dramatisés car ils croîtront avec la
montée de la coopération. Les Etats doivent cependant faire
preuve d'un sens aigu de leurs responsabilités et s'en tenir à
partir d'un certain degré d'avancement de la coopération,
à un engagement de non retour.
-
L'attrait pour les solutions les plus immédiatement
économiques peut mettre en danger la volonté de coopérer.
Le choix d'équipements " disponibles sur
étagères " et au meilleur prix risque en effet, l'effet
d'échelle jouant, de tourner le plus souvent au profit des industriels
américains.
Les grands programmes d'armement purement nationaux ont vécu, à
l'exception, pour l'instant, du domaine nucléaire. Gouvernements et
états-majors ont la nécessité de mettre en oeuvre
fermement volonté politique, organisations et procédures, pour
maintenir la capacité de l'Europe à équiper ses propres
armées.