CHAPITRE II
UN BUDGET CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS
JURIDIQUES ET FINANCIÈRES
Le
budget annexe de l'aviation civile est confronté à des
difficultés juridiques profondes, diverses dans leurs natures. Si des
progrès ont été accomplis pour donner plus d'assise
juridique aux redevances aéronautiques, il reste quelques
difficultés substantielles de ce point de vue.
Mais, l'essentiel est ailleurs. Même des redevances entièrement
satisfaisantes sur le plan du droit ne sauraient assurer une gestion
équilibrée du BAAC. Il faut alors choisir entre deux
écueils également redoutables : le
déséquilibre financier ou la dénaturation du budget annexe.
Une autre voie doit donc être recherchée. Elle passe par une
réforme en profondeur.
I. MALGRÉ DES AMÉLIORATIONS CERTAINES, LE SYSTÈME DES REDEVANCES RESTE FRAGILE
Les
redevances aéronautiques représentent près de 79 %
des ressources propres du BAAC. Elles ont fait l'objet de contestations
récurrentes au terme desquelles plusieurs décisions de justice
sont intervenues pour rappeler que ce type de financement devait être
réservé à la couverture de prestations de services rendus
aux usagers.
Le Parlement à l'initiative de la commission des finances du
Sénat s'est également saisi de la question. Des progrès
ont pu être accomplis. Mais, il reste des éléments de
fragilité.
A. DES PROGRÈS ONT ÉTÉ ACCOMPLIS
1. L'intervention du Conseil d'Etat
L'intervention de la juridiction administrative, limitée pour des motifs juridiques quelque peu contestables à la RSTCA, a permis d'exercer un contrôle sur les taux de cette redevance et d'exclure le recours à cette formule pour le financement de missions d'intérêt général.
L'arrêt du 10 février 1995 sur la RSCTA
Rendu par la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à la demande de la Chambre Syndicale du Transport Aérien, un arrêt du 10 février 1995 a annulé l'arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre des transports daté du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.
Les motifs retenus par le Conseil ont été les suivants :
Le
premier, technique, a consisté à reprocher aux auteurs de
l'arrêté de n'avoir pas établi la liste des
aérodromes où les services de circulation aérienne rendus
donnaient lieu à rémunération en considération du
seuil d'activité des bases aéroportuaires. En somme,
l'administration se serait affranchie d'exercer son pouvoir
d'appréciation qui est aussi, en droit public français, un devoir.
Le second a consisté à estimer qu'en imputant de
façon forfaitaire une partie de l'ensemble des coûts
supportés par la DGAC comme des coûts générés
par le contrôle d'approche, l'administration n'étant pas en mesure
de justifier que la fraction des coûts ainsi imputée correspondait
bien à des charges auxquelles l'expose ledit contrôle.
Par cet arrêt dont votre commission avait rendu compte, le Conseil
d'Etat rappelait que les redevances devaient trouver une
contrepartie
directe et proportionnelle dans un service rendu
à ceux priés
de les acquitter.
Le même jour, un autre arrêt du Conseil d'Etat sur la redevance de
contrôle technique apportait la confirmation d'une jurisprudence
constante.
L'arrêt du 10 février 1995 sur la redevance de contrôle technique
Par
un
arrêt du 10 février 1995
, le Conseil d'Etat a
considéré que les dépenses de contrôle technique
étaient des dépenses liées à une mission de service
public d'intérêt général. Il en a conclu qu'elles ne
pouvaient être financées par des redevances pour service rendu.
Votre commission en avait également rendu compte en ces termes :
" Le sens de l'arrêt du Conseil d'Etat est dépourvu
d'ambiguïté :
les missions exercées par la DGAC au
service de l'intérêt public ne sauraient être
financées par redevances.
Sans préjuger des solutions juridictionnelles qui n'ont pas
été sollicitées à ce jour, il est loisible de
penser que cette règle trouve à s'appliquer dans d'autres
domaines d'activité de la DGAC et, en particulier, dans l'un, dont le
développement pourrait s'accélérer à l'avenir, la
sûreté -v. infra-
3(
*
)
. "
Il apparaissait alors à votre commission comme un fait très
probable que d'autres difficultés surgiraient à partir des
mêmes causes.
C'est ce qui s'est produit puisque par un arrêt du 20 mai 1998, le
Conseil d'Etat a annulé divers arrêtés fixant le taux de la
RSTCA au motif que les coûts de certaines missions d'intérêt
général encore inclus dans l'assiette de la RSTCA (Services de
sécurité d'incendie et de sauvetage -SSIS- et de gendarmerie du
transport aérien) devaient être financés autrement que par
redevances.
Le projet de budget pour 1999 en tient compte -v. supra- en réduisant le
taux unitaire de la RSTCA rapprochant ainsi les redevances perçues au
profit du BAAC de ce qu'elles sont autorisées à
être.
2. L'initiative du Parlement
a) L'article 99 de la loi de finances pour 1996
Mais, le
Parlement a également beaucoup contribué à
améliorer la situation.
Il était apparu à votre commission qu'une source importante de
contentieux venait de ce que les comptes à partir desquels
étaient fixés les tarifs des redevances de transport
aérien manquaient de transparence. Cette situation nourrissait à
l'évidence le soupçon que les coûts des missions
d'intérêt général exercées par la direction
générale de l'aviation civile (DGAC) étaient, au moins
partiellement, financés par les redevances. C'est la raison pour
laquelle votre rapporteur avait pris l'initiative de proposer un amendement,
devenu l'article 99 de la loi de finances pour 1996
, qui prescrivait que
soit remis chaque année au Parlement un état récapitulatif
présentant la répartition des coûts et des dépenses
budgétaires en distinguant ceux afférents aux prestations de
services rendus aux usagers et ceux résultant des missions
d'intérêt général public assumés par la DGAC.
Cette initiative avait évidemment d'abord pour objet de favoriser le
contrôle parlementaire du budget annexe de l'aviation civile.
Mais, il s'agissait aussi, d'une part, de traduire l'exigence d'une meilleure
transparence des opérations conduites par la DGAC et, d'autre part, un
effort de pédagogie et d'ouverture ayant été
réalisé à destination des redevables, de faciliter le
dialogue entre ceux-ci et l'administration.
Dans l'ensemble, ces objectifs ont été atteints et d'ailleurs les
conclusions du commissaire du gouvernement du Conseil d'Etat produites à
l'occasion de l'examen du contentieux qui devait donner lieu à
l'arrêt du 20 mai 1998 pouvaient indiquer :
"
L'administration a, par ailleurs, accompli d'importants efforts de
clarification et d'information, comme le lui impose d'ailleurs l'article 99 de
la loi de finances pour 1996. Ainsi le rapport établi à ce titre
à l'automne 1996 fournit d'utiles explications sur le mode de calcul
actuel de la RSTCA. Et de manière générale, c'est à
notre avis à juste titre que le rapport du sénateur Collin sur le
budget annexe de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1997
salue (p. 28) les efforts réalisés dans le sens de la
transparence.
"
b) Le rapport annuel
Grâce à la production de ce rapport les
problèmes posés par les modes de fixation des tarifs des
redevances sont exposés.
Ces problèmes sont doubles
.
Le premier
consiste dans l'identification des coûts de la
navigation aérienne.
Cette 'identification
n'est pas simple. Elle suppose en premier lieu
de disposer d'une comptabilité analytique fiable
permettant d'isoler
les coûts effectifs attachés à cette mission. Les
difficultés les plus sensibles rencontrées dans cet exercice
concernent l'identification des dépenses d'administration
générale résultant de l'exercice de la mission de
contrôle aérien dont 57,1 % des charges sont
considérés comme relevant de cette mission.
Mais d'autres conditions s'imposent pour que l'identification des
coûts de la navigation aérienne puisse être jugée
convenable. Il faut, en particulier, que le calcul des charges à
incorporer dans ces coûts soit pertinent.
Deux questions sont à évoquer :
- celle des investissements ;
- celle du calcul des intérêts.
S'agissant des investissements
, on ne peut en effet retenir l'ensemble
des charges budgétaires exposées dans l'intérêt du
contrôle aérien pour établir le montant des coûts du
contrôle. En effet, les recommandations de l'Organisation de
l'administration civile internationale -OACI- qui paraissent, sur ce point,
conformes à notre droit public précisent que la valeur d'origine
des immobilisations doit être amortie sur l'estimation de leur
durée de vie utile et que
les coûts d'amortissement ne doivent
commencer à courir qu'une fois l'installation mise en service
.
S'agissant du calcul des intérêts
, on rappelle que l'OACI
considère que les intérêts doivent être
calculés sur la base de la
valeur nette des immobilisations en
service au cours de l'exercice.
Enfin, surgit l'écueil du calcul des coûts dénommés
dans le
rapport "
éléments supplétifs
d'assiette
" et dont l'essentiel consiste dans les coûts des
prestations d'organismes extérieurs à la DGAC aux premiers rangs
desquels, le ministère de l'équipement et celui de la
défense. Leur prise en compte intégrale, alors même que la
DGAC ne supporte pas de dépenses à due proportion au profit de
ces deux ministères, est conforme au principe qui veut que l'ensemble
des coûts d'un service soit pris en compte pour en asseoir le tarif.
Le deuxième problème
est celui de l'imputation des
coûts de navigation aérienne.
A ce propos, plusieurs difficultés doivent être relevées.
La première concerne le "
mécanisme correcteur"
.
Les
taux des redevances de navigation aérienne sont établis sur la
base de prévision de la façon suivante. Une fois
déterminées les assiettes des redevances, leur tarif
découle de prévisions portant sur le niveau des unités de
service taxables. Si une erreur survient sur l'un ou l'autre nombre de ce
rapport, il se peut que les produits appelés soient inférieurs ou
supérieurs aux coûts effectivement engagés pour satisfaire
la mission de contrôle aérien. Le déficit ou
l'excédent de produit est alors ajouté ou déduit de
l'assiette des redevances, avec un décalage de 2 ans. Par exemple,
en 1996, un surcroît de produits de 131 millions de francs
constaté en 1994 a dû être déduit des coûts de
la mission de navigation aérienne.
Une deuxième difficulté déjà relevée l'an
dernier concerne le sort des
créances impayées
.
Avec les difficultés posées par les
exemptions et
exonérations
,
on aborde une troisième
difficulté
, de taille puisque les montants concernés ont
atteint 675 millions de francs en 1996, qui voit la DGAC renoncer à
percevoir les redevances auprès de certains usagers pour des prestations
de contrôle aérien rendues par elle à ces usagers.
Les exemptions concernent la RSTCA qui n'est perçue que lorsque le
trafic d'un aéroport dépasse le seuil de 5.000 unités de
service par an en moyenne sur les trois dernières années.
Les exonérations s'appliquent à certains types de vol et, en
particulier, aux vols militaires.
Les exonérations de fait concernent l'outremer où les redevances
effectivement perçus ne couvrent que moins de 20 % des coûts
effectifs de la navigation aérienne.
S'il apparaît justifié de réduire les coûts
associés à ces prestations pour calculer les coûts
facturables par voie de redevances, il ne faut pas en déduire que ces
coûts n'existent plus "ipso facto". En réalité, ils
subsistent et doivent être couverts par d'autres ressources.