A. LE MAINTIEN DU PRÊT A TAUX ZÉRO DEVRA S'ACCOMPAGNER D'UN EFFORT CROISSANT DU BUDGET DE L'ETAT
1. Le prêt à taux zéro : une aide complémentaire essentielle pour l'accession à la propriété des ménages aux revenus moyens
a) Le dispositif du prêt à taux zéro
Le
décret n°95-1064 du 29 septembre 1995 a créé cette
nouvelle aide de l'Etat à l'accession à la
propriété pour l'acquisition d'une résidence principale
qui s'est substituée aux prêts aidés à l'accession
à la propriété (PAP) et aux mesures fiscales qui y
étaient attachées.
Le prêt à taux zéro
est donc un dispositif,
financé sur le budget de l'Etat, permettant d'accorder des avances
remboursables sans intérêt à des personnes souhaitant
acquérir un logement. Il est en vigueur depuis le 1er octobre 1995.
Par rapport aux PAP, le dispositif élargit le nombre des ménages
susceptibles de bénéficier d'une aide à l'accession
sociale
4(
*
)
. Il est
également très favorable aux candidats à l'accession :
• en réduisant significativement le taux d'effort des
ménages, en particulier par le jeu des différés
d'amortissement pour les ménages les plus modestes,
• en facilitant l'accession à la propriété de
ménages appartenant aux catégories moyennes qui étaient
auparavant exclus du bénéfice des PAP.
Le prêt à taux zéro a d'ailleurs connu un très
vif succès dès sa création, et ceci malgré les
restrictions qui l'ont touché successivement en 1996 et 1997.
Du 1er janvier au 31 décembre 1996, 145.000 offres de prêts ont
été enregistrées par la société de gestion
du FGAS. En 1997, 123.000 offres de prêts ont été
émises par les établissements de crédit. La demande
induite par le prêt à taux zéro est restée soutenue
en 1998, malgré la restriction aux primo-accédants. Sur les huit
premiers mois de l'année, 74.881 prêts ont été
délivrés pour un montant de 4,312 milliards de francs.
Le
nombre de prêts devrait donc approcher les 110.000 unités fin
1998.
Le prêt à taux zéro a ainsi activement participé
à la reprise de la demande de logements en accession. L'obligation d'une
quotité minimum obligatoire de travaux (35%) abaissée en 1996
à 20%, a contribué, malheureusement trop temporairement, à
soutenir l'activité liée à l'amélioration des
logements.
b) Une aide complémentaire mais essentielle
Il
ne faut pas oublier que le prêt à taux zéro est un
élément du bouclage financier d'un projet immobilier
. En
effet, le prêt à taux zéro qui vise à abaisser le
taux d'effort consenti par l'accédant est un prêt auxiliaire qui
accompagne les autres prêts.
Le montant du prêt à taux zéro ne peut être
supérieur à 20% du coût de l'opération et à
50% du ou des prêts d'une durée supérieure à deux
ans concourant au financement de l'opération. Le prêt principal
peut être un prêt d'accession sociale, un prêt
conventionné ou encore un prêt bancaire classique.
La mise en place du prêt à taux zéro, limité
à 50% du montant des autres prêts accordés, a donc induit
une progression des prêts d'accession sociale.
Ceux-ci
s'élevaient, en flux, à 2.700 unités au premier semestre
1995 mais 6.000 unités au premier semestre 1996 et 5.500 unités
au premier semestre 1997.
Plan de financement moyen
année d'émission |
1997 (montants en F) |
1997 (en %) |
prêt à taux zéro |
102 000 |
16,7% |
prêt principal |
350 000 |
57,4% |
autres prêts (1) |
55 000 |
9,0% |
apport personnel |
103 000 |
16,9% |
total |
610 000 |
100% |
source SGFGAS (1) : y compris Epargne-Logement si elle existe.
2. L'extinction programmée du prélèvement sur le 1% logement devra s'accompagner d'une contribution croissante du budget de l'Etat
a) Le prélèvement sur le 1% logement devra s'éteindre en 2003
Dès 1995,
l'Etat a choisi d'effectuer des prélèvements
sur les organismes gérant le 1% logement
(dispositif destiné
au logement des salariés) afin de financer les prêts à taux
zéro.
La commission des finances du Sénat s'est régulièrement
opposée aux prélèvements "autoritaires" qui
démantèlent la participation des employeurs à l'effort de
construction. Le 1% logement est en effet un mécanisme paritaire qui
remplit correctement ses objectifs et aide au "bouclage" de nombreux projets
immobiliers (notamment dans le logement social). Elle a souhaité qu'une
négociation soit mise en oeuvre, ce qui fut fait en 1996.
Cependant, la convention du 17 novembre 1996 aux termes de laquelle les
collecteurs du 1 % logement finançaient une partie du prêt
à taux zéro à hauteur de 7 milliards de francs en
1997 et 1998 arrivait à expiration fin 1998, sans qu'aucune solution ne
se dessine.
Des négociations ont donc été engagées entre le
gouvernement et les collecteurs du 1 % logement pour trouver une solution
de sortie de ce dispositif, sans mettre en péril le prêt à
taux zéro.
Deux solutions s'opposaient :
- la première consistait à fiscaliser la collecte du 1 %
logement, c'est-à-dire que la contribution des entreprises au logement
de leurs salariés devenait une taxe et que le paritarisme était
abandonné ;
- la seconde solution était une convention entre l'Etat et les
collecteurs du 1 % pour trouver une solution de financement du prêt
à taux zéro pour les cinq années à venir.
Conformément aux voeux de la commission des finances, la
deuxième solution l'a emporté, et une convention a
été signée le 3 août dernier entre l'Etat et
l'UESL.
L'an dernier, le rapporteur du budget du logement - notre ancien
collègue Henri Collard - préconisait notamment ceci: "
une
rebudgétisation au moins partielle, qui tienne compte des
économies réalisées par la suppression des dépenses
fiscales. Il sera probablement nécessaire de faire à nouveau
appel au "1 % logement". Un retrait immédiat et total de son aide
paraît exclu, une sortie progressive s'imposera probablement"
.
Or, la solution retenue par la convention du 3 août dernier est
précisément celle-là.
Elle est satisfaisante dans la
mesure où elle prévoit une extinction progressive de la
contribution du 1% logement
(6,4 milliards de francs en 1999 jusqu'à
0 franc en 2003) et garantit que le prêt à taux zéro sera
maintenu dans l'avenir.
b) L'Etat devra trouver sur le budget général un financement complémentaire de 15 milliards de francs sur 5 ans, sauf à restreindre le champ d'application du prêt à taux zéro
Votre
rapporteur tient cependant à souligner que la convention du 3 août
1998 n'aura d'effet que si l'Etat parvient à dégager 15 milliards
de francs sur la période quinquennale de la convention
. Il s'agit
d'un effort très important : il conviendra donc d'être très
vigilant à ce que l'Etat respecte son engagement de ne plus recourir au
financement du prêt à taux zéro par le 1% logement.
A cet égard, il faut remarquer qu'une autre solution aurait pu
être trouvée, qui aurait permis de mettre en place un dispositif
à moyen terme : il s'agit de la distribution directe du prêt
à taux zéro par les organismes collecteurs du 1% logement.
Les prêts à taux zéro dont bénéficient les
salariés appartenant aux entreprises cotisant pour le 1 % logement
auraient été pris en charge totalement par les collecteurs du 1%
logement eux-mêmes, dans le cadre d'une caisse de financement. Ces
avances remboursables auraient eu un coût de 5,5 milliards de francs
environ pour 1999.
Des partenaires, notamment la Caisse des dépôts et consignations,
auraient complété cette somme à hauteur de
10 milliards de francs. Ce financement complémentaire
s'avère en effet indispensable au maintien des emplois traditionnels du
1 % logement .
Enfin,
le financement des prêts à taux zéro aux autres
personnes
(soit 50 % des prêts) aurait été
réintégré dans le budget.
Cette solution aurait permis d'alléger la charge des prêts
à taux zéro pesant sur le budget de l'Etat et de réduire
les risques de désengagement budgétaire ou de restriction du
prêt à taux zéro.
Elle n'a, cependant, pas été retenue.
La convention du 3 août 1998 : un dispositif satisfaisant mais qui reste conditionné au respect par l'Etat de ses engagements
La
convention rejoint les grandes préoccupations exprimées par la
commission des finances depuis plusieurs années
, à savoir :
- privilégier
la démarche contractuelle
et disposer d'une
vision de long terme (la convention est signée pour 5 ans),
-
mettre fin au démantèlement progressif du 1% logement :
le taux de collecte sera maintenu à 0,45% pendant toute la
durée de la convention
5(
*
)
, et la lourde charge de financement
du prêt à taux zéro ira en diminuant : la convention donne
le montant exact des prélèvements sur le 1% logement et ces
prélèvements seront dégressifs jusqu'à
s'éteindre dans 5 ans (6,4 milliards de francs en 1999, 5 milliards en
2000, 3,4 milliards en 2001 et 1,8 milliard en 2002).
-
reconnaître le rôle du 1% logement et le pérenniser
: la convention réaffirme les missions traditionnelles du 1%
logement (notamment dans le secteur locatif social), mais lui donne
également des missions entièrement nouvelles (aides à
l'emménagement, garanties, appoint pour la création d'un secteur
privé conventionné) dont certaines étaient
préconisées depuis longtemps par la commission (dispositif de
sécurisation des prêts).
-
moderniser le fonctionnement du 1% logement
: tout comme la
création de l'UESL avait été favorablement accueillie, la
transformation des comités interprofessionnels du logement (CIL) en
unions d'économie sociale (UES), avec un contrôle de leur gestion
par la Cour des comptes, ne peut qu'être approuvée, ainsi que les
efforts pour réduire les coûts de gestion des organismes
collecteurs.
c) Ne pas amplifier la restriction du champ du prêt à taux zéro
Initialement non contingenté, puis ouvert aux opérations sous
quotité de travaux réduite (20 %) en 1996, le prêt à
taux zéro a rapidement fait l'objet d'un contingentement, par la
création d'un compte d'affectation spéciale exclusivement
financé par le "1 % logement"
6(
*
)
, puis a vu la quotité de
travaux des opérations éligibles retrouver le niveau de 35 %
dès 1997. Depuis la loi de finances pour 1998, le prêt à
taux zéro est réservé aux primo-accédants
7(
*
)
.
Afin de réduire la charge du financement du prêt à taux
zéro, l'Etat pourrait être tenté d'amplifier le processus
de restriction de la portée de ce prêt
réglementé
.
Cependant, le projet de loi de finances donne des signes plutôt
encourageants, même s'il ne revient pas sur les mesures de restriction
antérieures
. En effet, le nombre de prêts à taux
zéro financés devrait être identique à celui de l'an
passé et les prélèvements de 500 millions de francs
en faveur du fonds national d'aide au logement pour financer l'APL-accession,
et de 260 millions de francs en faveur du FGAS pour financer la garantie des
prêts d'accession sociale sont réintégrés au budget.