2. Les vertus d'une démarche pragmatique
Comme
l'annonçait de façon prémonitoire le Conseil
supérieur de l'audiovisuel dans le rapport "Audiovisuel -
Publicité" qu'il a rédigé à la demande de la
commission des finances du Sénat, " la question de la
publicité ne pourra pas être absente des débats concernant
la nouvelle loi sur l'audiovisuel ". On ne pouvait pas, en effet,
être plus perspicace.
Du côté des opérateurs privés, on pouvait selon lui,
attendre des interventions pour demander l'alignement de la
réglementation française sur les règles européennes
plus libérales : durée de la publicité plafonnée
à 15 % du temps d'antenne au lieu de 10, possibilité de
couper les oeuvres deux fois au lieu d'une, ouverture enfin des écrans
à des secteurs aujourd'hui bannis, tels la distribution, le
cinéma ou l'édition.
En ce qui concerne les chaînes publiques, le CSA considérait que
le législateur pourrait être mis en demeure de choisir entre deux
options : "
Soit, réduire la part de la publicité dans les
ressources des chaînes, en compensant le manque à gagner par un
financement public ou par l'augmentation de la redevance ; soit, dans le cas
contraire, imposer de fait aux chaînes publiques de s'engager plus encore
dans la logique commerciale".
Le choix est fait mais, ainsi que le démontrent les vicissitudes du
projet de loi, la méthode reste encore largement
indéterminée.
Ce qui est plus important encore, pour votre rapporteur spécial, c'est
d'attirer l'attention sur les handicaps du secteur public dans sa concurrence
avec les chaînes privées sur le marché publicitaire :
"
si minimes qu'elles paraissent, les restrictions appliquées aux
chaînes publiques en matière d'accès au marché
publicitaire (interdiction de couper les oeuvres par des écrans
publicitaires, exclusion du télé-achat) leur créent un
handicap qui ira croissant ; un gain d'un point d'audience rapporte, en part de
marché publicitaire, environ deux fois plus à une chaîne
privée qu'à une chaîne publique, et encore est-ce au prix
d'un effort considérable de la régie publicitaire de la
chaîne publique".
Réduire de façon autoritaire et brutale la durée des
écrans publicitaires, comme on se propose de le faire,
méconnaît la logique de fonctionnement des chaînes publiques
et les conditions d'exercice de leur activité.
Peut-être aurait-on intérêt, selon votre rapporteur
spécial, à explorer d'autres voies, moins dogmatiques et plus
pragmatiques.
En l'occurence, on gagnerait sans doute à
chercher à
réduire les handicaps dont souffre, dans sa compétition avec le
secteurprivé, le secteur public sur le plan du marché
publicitaire
, de façon à lui permettre de mieux
répartir les écrans et d'éviter ces tunnels interminables
aussi dissuasifs pour le téléspectateur et donc pour l'annonceur
que préjudiciables à la longue à l'image du service public.
On pourrait ainsi étudier, pour certaines émissions, de
variétés notamment, la possibilité d'introduire sur les
chaînes publiques des écrans de coupure, tout en préservant
l'intégrité des oeuvres de fiction. Le service public n'y
perdrait pas son âme et gagnerait de la souplesse dans son adaptation au
marché.
Bref, une telle méthode, progressive, proche du terrain, aurait
l'avantage supplémentaire de maintenir la concurrence. Il ne faudrait
pas que, sous prétexte de réduire la durée des
écrans publicitaires sur les chaînes publiques, on aboutisse
à des effets économiques paradoxaux :
il convient de favoriser
et de stimuler la concurrence, non de renforcer des monopoles
.