B. RÉDUIRE LES RECETTES PUBLICITAIRES ?
La question de la publicité est au coeur du débat sur l'audiovisuel. La controverse engendrée par le projet de loi du gouvernement montre que sans doute le problème des excès de recettes publicitaires est sans doute mal posé
1. Les raisons de l'augmentation continue des recettes publicitaires
Nombreux
sont ceux qui ont dénoncé les excès de publicité
sur les écrans publics et la course à l'audience à la
quelle elle a parfois contraint France Télévision.
Nombreux également sont ceux qui ont souligné, à juste
titre, que cette frénésie publicitaire avait pour
conséquence paradoxale de dévaloriser les écrans, car,
comme on l'a souvent répété, trop de pub tue la pub !
Faut-il estimer que la publicité, en elle-même, est pernicieuse et
pervertirait le service public ? à l'évidence, non ;
faut-il considérer qu'il y aurait un seuil critique au delà
duquel on changerait la nature du secteur public pour le soumettre à une
logique commerciale ? Ce n'est pas évident, même si l'on doit
penser, et sans donner à ce seuil une valeur absolue, qu'au delà
de 50% de ressources de publicité et de parrainage, une chaîne
doit tenir compte de considérations de nature commerciale dans sa
programmation.
Car ce
seuil de dépendance
, sur le niveau duquel on peut
évidemment discuter longtemps,
n'est pas une valeur absolue
indépendante de considérations intérieures et
extérieures à l'entreprise
.
Ainsi, lorsque le marché est très " demandeur ", comme
c'était le cas il y a quelques années, la chaîne
était en position de force et pouvait, compte tenu de la pénurie
d'écrans imposer ses conditions aux annonceurs ; lorsque le rapport
de force se renverse, il devient crucial de conserver ses clients au risque de
multiplier les ristournes et ...les écrans.
Les recettes publicitaires engendrent également une dépendance,
lorsque la rigidité des coûts place l'entreprise en situation
difficile en cas de baisse des recettes ; de ce point de vue, on a
certaines raisons de penser que le secteur public avec les rigidités et
les dérives résultant d'une convention collective
inchangée depuis quinze ans, n'a pas la même capacité de
réaction qu'un entreprise comme TF1, qui , l'expérience l'a
montré a su réagir à des difficultés
passagères.
Bref, ce n'est pas tant le niveau absolu des recettes publicitaires qui est
dangereux que son niveau relatif et les effets pervers qui peuvent conduire par
une sorte de fuite en avant quantitative à multiplier les écrans
aux heures de grande écoute et donc à imposer des tunnels
interminables, aussi commercialement inefficaces que préjudiciables
à l'image du secteur public.
On peut aussi se demander si cette course aux recettes publicitaires ne tient
pas aussi non seulement à l'insuffisance des financements publics, ce
qui ne fait guère de doute, mais aussi à la
précarité des crédits budgétaires. On comprend que
les responsables des chaînes ont pu préférer fonder leur
développement de leur politique de programmation sur des ressources dont
ils sont responsables et qui rémunèrent leurs efforts
plutôt que des ressources publiques, dont l'expérience leur
montrait qu'elles étaient à la marge extrêmement
précaires...
Mais, sur le fond, il faut bien admettre que la montée des recettes
publicitaires tient à la tendance au désengagement de
l'État :
rétrospectivement, il est clair qu'il est
contradictoire de maintenir un niveau de redevance parmi les plus bas en
Europe, d'accorder de généreuses exonérations, tout en
prétendant créer et faire fonctionner de nouvelles chaînes,
sans donner au secteur public les ressources dont il a besoin
...