C. L'HYPOTHÈQUE COMMUNAUTAIRE ET LE PROBLÈME DE LA DÉFINITION DU SERVICE PUBLIC AUDIOVISUEL
La
Commission de Bruxelles avait été saisie des premières
plaintes sur le sujet en 1992 et en 1993 par la télévision
privée espagnole Telecinco - dont MM. Kirch et Berlusconi sont
actionnaires - contre des aides gouvernementales à la
télévision publique RTVE. L'exemple fut suivi puisqu'une dizaine
de plaintes au total ont été adressées depuis aux services
du commissaire chargé de la concurrence M. Karel Van Miert : c'est ainsi
qu'en France TF1 a porté plainte contre France 2 et France 3,et qu'en
Grande-Bretagne, le groupe Murdoch s'attaque à la BBC, tandis qu'en
Italie la société Mediaset de Silvio Berlusconi s'en prend
à la RAI, et, en Allemagne, une Association des opérateurs
privés de télévision intente un action contre ARD et ZDF.
Toutes dénoncent la " concurrence abusive " des chaînes publiques,
financées à la fois par la redevance et la publicité.
Ces plaintes soulignent notamment que, grâce aux aides octroyées
à ces télévisions publiques, ces dernières peuvent
appliquer des tarifs de publicité moins élevés et
dommageables donc à une concurrence loyale.
En septembre dernier, la Cour européenne de justice condamne en la
Commission européenne en raison de son inaction fautive.
La réaction ne se fait pas attendre en dépit de l'attachement au
service public affiché par les gouvernements européens.
En fait, M. Karel Van Miert, le commissaire européen à la
Concurrence, a annoncé, au mois de novembre, qu'il renonçait
à présenter des " lignes directrices " fixant les
modalités de ces subventions, mais qu'il ouvrirait, en décembre,
des enquêtes sur les plaintes déposées par des groupes de
télévisions privées en commençant par
demander
aux autorités françaises, espagnoles et italiennes de lui fournir
leurs définitions du service public
, avant de statuer.
Quelques jours auparavant, les ministres européens de la culture avaient
souligné, dans une résolution commune, qu'ils étaient
seuls compétents " pour conférer, définir, organiser le
mandat de service public et leur système de financement " , en
s'appuyant notamment sur la défense de l'exception culturelle. Le
rôle de ces " services publics de radiodiffusion " et la
compétence des autorités nationales des Quinze à
définir librement leur financement ont été
réaffirmés au niveau politique. Pour Madame Catherine Trautmann,
la résolution "réaffirme et complète" le protocole
annexé au traité d'Amsterdam qui, déjà, " confirme
la compétence exclusive des États à définir,
conférer, organiser et financer les missions de service public ".
Il faut rappeler que si ce texte répète que le traité " ne
porte pas atteinte " à la liberté des États d'accorder des
financements à des organismes publics de radiodiffusion, il
précise que ce financement "n'altère pas les conditions des
échanges et la concurrence au sein de la Communauté dans une
mesure contraire à l'intérêt commun ".
L'initiative de la commission de Bruxelles présente
l'intérêt, selon votre rapporteur spécial, d'obliger les
États et en particulier de faire un effort pour clarifier la notion de
service public, dont il faut bien admettre qu'elle a perdu beaucoup de sa
netteté.