2. L'adaptation de la convention collective et l'aménagement de la durée hebdomadaire de travail
Les deux questions sont connexes. Une opportunité semble se dessiner pour adapter une convention qui constitue manifestement une source de rigidité face aux évolutions imposées par les nouvelles technologies ; la loi sur les 35 heures, de son côté, engendre un processus de négociations qui ne peut que s'articuler avec celui souhaité par les employeurs de l'audiovisuel pour l'adaptation de la convention.
a) La convention collective de l'audiovisuel
La
convention collective de la communication et de la production audiovisuelles
(CCCPA), signée le 31 mars 1984, est applicable aux personnels
techniques et administratifs (PTA) dans les sociétés et
organismes membres de l'Association des employeurs du secteur public
audiovisuel, qui regroupe la plupart d'entre eux
13(
*
)
.
Conclue à une époque où les entreprises publiques du
secteur audiovisuel jouissaient d'une position dominante, voire d'un monopole
de droit ou de fait dans la plupart des activités du secteur, la CCCPA
présente un ensemble de caractéristiques qui font que le
régime applicable aux PTA est très éloigné du
régime conventionnel de droit commun et s'apparente en fait à un
statut de la fonction publique : les conventions collectives de branches fixent
des garanties minimales (ce qui s'entend comme égales ou
supérieures au " plancher " que constituent les dispositions
légales), complétées ou améliorées dans les
accords d'entreprises.
La CCCPA est inadaptée dans un contexte devenu hautement concurrentiel,
pour des entreprises dont les situations se sont différenciées.
Dans ces conditions, la convention fait obstacle à une gestion
véritablement moderne et véritablement sociale des ressources
humaines, fondée sur la reconnaissance et le développement de la
performance individuelle et collective.
Le système est d'autant plus handicapant que les conditions de
révision sont très difficiles
14(
*
)
. En accord avec les tutelles,
l'Association des employeurs du service public de l'audiovisuel, signataire de
la CCCPA a dans un premier temps cherché non à dénoncer la
convention, mais à engager des négociations en vue de transformer
ce texte en convention collective à durée
indéterminée.
L'idée initiale était de faire en sorte que les procédures
de dénonciation et de révision puissent à l'avenir
être engagées à tout moment, conformément au droit
commun. Renégocier les modalités d'adaptation de la convention,
de façon à pouvoir aborder dans la sérénité,
sans date - butoir les problèmes de fond, tel était le principe
retenu par l'Association des employeurs du service public de l'audiovisuel.
Cependant, en l'absence d'accord de tous les syndicats signataires, il semble
que l'Association s'engage actuellement sur une voie moins ambitieuse certes,
mais qui reste nécessaire :
la révision des
modalités de révision.
La ministre a confirmé sa volonté de faire jouer
l'élément de souplesse que constitue
l'accord intervenu le 23
juin 1988
sur ces bases, qui bien que minimales ouvrent des perspectives
intéressantes. L'ouverture ainsi créée devrait permettre
d'établir progressivement un nouveau cadre conventionnel laissant
à l'entreprise une plus grande part de responsabilité dans la
définition des conditions et de la rémunération du travail.
Durée du travail
Les systèmes actuels d'organisation et d'aménagement du travail
ont été bâtis et se sont adaptés en fonction des
circonstances. Ils comportent des souplesses largement dérogatoires au
droit commun du travail répondant aux besoins des entreprises : les
dépassements hebdomadaires et quotidiens de la durée maximale du
travail ; les cycles dépassant le nombre de semaines maximal
autorisé (12) ; l'absence de repos compensateur légal ;
le plafonnement annuel à 450 heures supplémentaires (contre
130 heures dans le code du travail) ; les tableaux de service de
39 heures sur trois jours.
Ces dispositions sont en contradiction avec les dispositions légales
d'ordre public. Par ailleurs, les dispositions conventionnelles peuvent
être considérées comme contraignantes (le système
d'heures supplémentaires facultatives, avec paiement ou
récupération au choix des salariés),
coûteuses
15(
*
)
et
" risquées "
16(
*
)
.
La révision de la convention collective devra donc mettre en
conformité les dispositions conventionnelles avec les nouvelles
règles légales en vigueur.
Classifications
Les grilles de classification actuelles fondées sur un catalogue des
emplois existant dans les entreprises de l'audiovisuel ne permet pas de rendre
compte de l'évolution des emplois réellement exercés.
Cette classification ne prend pas en compte les évolutions intervenues,
notamment liées aux nouvelles technologies. Certains métiers
disparaissent, d'autres apparaissent, notamment dans le domaine informatique.
Par ailleurs, concernant les critères de qualifications, les
références aux diplômes et à certaines grandes
écoles sont aujourd'hui dépassées.
La révision de la convention collective devra donc porter sur la
définition d'une nouvelle grille de classification, prenant en compte
les nouvelles techniques et les évolutions des métiers. Le
nouveau système devra être évolutif, le plus souple
possible, et le plus adapté à la réalité des
entreprises.
Système salarial
Dans la fixation du salaire de recrutement, il y a absence de souplesse dans
le positionnement des diplômes par rapport à leur valeur sur le
marché du travail et pour l'entreprise.
L'évolution salariale garantie est très coûteuse en raison
du poids de l'ancienneté, doublement prise en compte à travers
l'avancement automatique et la prime d'ancienneté, sans que pour autant
les salariés apprécient à sa juste valeur ce facteur de
progression. Le système salarial est peu lisible car il ne permet pas de
dire directement et simplement ce que rapporte à un salarié une
évolution salariale ou une évolution fonctionnelle, de sorte que
globalement les salariés n'ont pas le sentiment de voir leurs
compétences et efforts distingués.
La classification des fonctions, comporte un mécanisme salarial
s'appliquant à toutes les sociétés. Il consiste en un
ensemble de grilles, auxquelles se raccordent les fonctions de la convention
collective ; le salaire total comprend un salaire de qualification et une
prime d'ancienneté automatique. Le salaire de qualification progresse
à l'ancienneté et au choix. Ainsi pour France 3, les deux
automatismes représentent, à eux seuls, une progression annuelle
de la masse salariale de 1,25 % ce qui est excessif, surtout en période
de faible inflation.
Par
le rôle des commissions paritaires dans le choix des mesures
individuelles
, on observe :
• une absence de responsabilisation des hiérarchiques vis à
vis de leurs collaborateurs ;
• un positionnement en porte-à-faux des cadres par rapport aux
non-cadres ;
• un alourdissement périodique du climat social
• On peut ajouter, pour France 3, que cette instance se surajoute aux
représentations prévues pour l'entreprise par le code du travail
: syndicats, délégués du personnel, comité
d'établissement, comité central, et qu'elle alourdit la gestion
d'une société aux structures déconcentrées.
Le cas de France 3
A France 3, le protocole signé à l'issue de la grève de
décembre 1997 prévoyait:
• dans la perspective de la réduction de la durée du
travail, l'identification des problèmes soulevés par les
35 heures ; ce travail a été engagé depuis le
début de l'année 1998 et a permis de faire le point sur les
durées du travail et les principales mesures d'aménagement qui
pourraient être envisagées ;
• que seraient mises en oeuvre les conditions d'un passage à la
semaine de 4 jours pour les journalistes, sur la base d'une
expérimentation dans plusieurs sites.
Les négociations avec les syndicats des journalistes ont, dans un
premier temps, permis d'analyser le temps de travail effectif et de
débattre des conditions du respect de la durée légale du
travail. En juin, cinq expérimentations de la semaine de 4 jours
ont été engagées dont le bilan sera tiré d'ici la
fin de l'année.
La révision de la convention collective devra donc porter sur un
système salarial permettant un meilleur équilibre entre les
déroulements de carrière minimum garantis et la reconnaissance
des évolutions professionnelles de chacun. Les modalités
d'intervention et les attributions, notamment de recours, des institutions
représentatives du personnel en matière de mesures individuelles
devront, sans doute, être réexaminées.
b) L'application des 35 heures à l'audiovisuel public
Les
entreprises du secteur de l'audiovisuel public sont exclues des aides publiques
destinées aux entreprises anticipant le passage à 35 heures
avant le 1
er
janvier 2000. Ainsi que le prévoit la loi, les
modalités d'accompagnement de la réduction du temps de travail
seront déterminées dans le cadre des procédures
régissant ses relations avec les tutelles.
A ce jour, il n'est pas possible de déterminer avec précision les
conséquences financières et l'impact sur l'emploi de la
réduction du temps de travail. Les entreprises du secteur ont en
général indiqué à votre rapporteur spécial
que ce coût de l'opération faisait l'objet d'une évaluation.
La procédure d'évaluation
Les modalités d'application des directives générales
concernant la réduction du temps de travail ont été
précisées aux représentants du secteur public audiovisuel
lors d'une réunion le 24 juillet dernier par les représentants de
la Direction du Budget et du SJTI.
Les principes définis par les tutelles sont les suivants :
• Prise en compte des situations réelles, des durées
effectives sur la semaine, sur l'année. Réalisation d'un
état des lieux préalable à l'ouverture des
négociations.
• Toute négociation devra être encadrée par un
mandat, selon une procédure semblable à celle utilisée
pour les accords salariaux, dont le calendrier doit être homogène
pour tous les diffuseurs.
• Les négociations sur la réduction du temps de
travail devront être couplées avec celles sur les salaires, dans
l'optique d'une modération salariale.
• La réduction du temps de travail devra s'accompagner d'une
évolution de l'organisation du travail et d'une amélioration des
performances économiques de l'entreprise ainsi que de la qualité
du service rendu au public. L'accord ne saurait reposer simplement sur la
hausse des subventions accordées par l'État.
Les sociétés de l'audiovisuel étant a priori exclues du
dispositif d'aide de l'État, elles devront financer le coût du
passage aux 35 heures sur leurs ressources propres.
Un état des lieux devra être établi pour préciser la
durée du travail et sa rémunération par services,
fonctions, catégories, mais aussi les règles, les pratiques en
vigueur, notamment en matière de contrôle des horaires, la
décomposition de la durée du travail, les pauses repas.
Cet état des lieux devra être mené de façon
concertée mais non négociée avec les organisations
syndicales .Il devra être remis aux autorités de tutelle à
l'automne.
Difficultés éventuelles d'application
Dans certaines sociétés, on a fait état de façon
plus précise du genre de problèmes qu'allait soulever
l'application de la législation des 35 heures au secteur de
l'audiovisuel public.
Ainsi pour les sociétés faisant travailler des petites
unités rédactionnelles, il est vraisemblable que, compte tenu de
la structure des effectifs et des contraintes structurelles de fonctionnement,
l'impact sera conséquent sur les personnels journalistes. En effet,
lorsque certaines rédactions ne comptent que 8 à 10 journalistes,
il sera difficile de dégager des gains de productivité. Par
ailleurs, les négociations sur l'organisation du travail, qui ont lieu
ou auront lieu dans d'autres entreprises du secteur public de l'audiovisuel, ne
manqueront pas d'avoir un effet de , alors même que les structures sont
moins propices à cette forme d'organisation
Concernant les personnels techniques et de production, le passage aux
35 heures est l'occasion de mener une réflexion sur une nouvelle
organisation du travail qui apporterait souplesse et adaptation
nécessaires à la mise en place du numérique.
Il est donc probable que la réduction du temps de travail engendrera
des besoins en effectifs supplémentaires notamment dans les secteurs
administratifs, ce qui ne peut manquer d'avoir des effets sur la masse salariale
Quant aux personnels rémunérés au cachet, la plupart
d'entre eux est rémunérée forfaitairement pour
réaliser une ou plusieurs émissions pendant la durée de la
grille. Le décompte du temps de travail effectif est extrêmement
difficile à réaliser.
Compte tenu de la complexité de l'opération, certaines
sociétés comme R.F.I, vont avoir recours, après appel
d'offres, à des cabinets spécialisés dans l'analyse de
l'existant par entretiens avec les différents Directeurs et responsables
de service. Ils vont ainsi participer à la réalisation de
l'état des lieux demandé dans la procédure lancée
par les tutelles. Cet état des lieux portera notamment, sur la
durée du travail par service, catégorie, fonction, le
décompte du temps de travail (notamment pause, temps de repas, heures
supplémentaires), le régime des congés, etc..., l'objectif
étant d'aboutir avant la fin de l'automne à un diagnostic
partagé avec les organisations syndicales.