N° 66
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 19 novembre 1998.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 8
CULTURE ET COMMUNICATION :
COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Rapporteur spécial
: M. Claude BELOT
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
(1998-1999).
Lois de finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS
Votre
rapporteur ne peut avoir l'ambition de présenter une analyse d'ensemble
de la situation de tous les organismes de l'audiovisuel public pour ce budget.
Les observations qu'il propose à la commission sont constituées,
• d'un ensemble de remarques sur le volet " ressources " du
budget de la communication audiovisuelle ;
• de deux séries de réflexions sur le service public et sur
la politique de la communication audiovisuels.
A. LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES A COURT TERME
Le présent budget apparaît bien comme un
budget
d'annonce
:
les réformes sont annoncées mais non
amorcées.
Au contraire, les évolutions que révèlent ce budget,
paraissent pour le moins différentes de celles que le projet de loi
laisse espérer.
Sans entrer dans la discussion par anticipation d'un projet de loi, dont
l'ombre portée pèse sur ce débat, on ne peut que rester
perplexe devant les difficultés que devrait soulever une
réduction volontariste des dépenses publicitaires
1. La marge de manoeuvre donnée par la redevance :une
anticipation optimiste ?
Avec constance, la commission a toujours souligné l'étroitesse de
l'assiette de la taxe parafiscale finançant l'audiovisuel. Aucun autre
pays démocratique ne compte autant de foyers de
téléspectateurs exonérés. Il s'agit de la
conséquence d'un
décret datant de 1982
qui, en
exonérant les personnes âgées de plus de 60 ans non
imposables,
a eu pour conséquence de quadrupler le nombre de comptes
exonérés passé de 1 à 4 millions en 10 ans.
Un premier correctif est intervenu en décembre 1993, avec le
relèvement de la condition d'âge à 65 ans, mais sans grands
résultats.
Ensuite, le décret n° 96-1220 du 30 décembre 1996
prévoit qu'à partir de 1998, pour être
exonéré de la redevance, il conviendra, pour les personnes
remplissant la condition d'âge (avoir 65 ans au 1er janvier 1998),
d'être titulaires de l'allocation supplémentaire définie
aux articles L 815-2 à L 815-8 du code de la
sécurité sociale (soit 73 906 F pour un couple). Les conditions
de revenus resteront toutefois inchangées pour les invalides ( soit 86
160 F pour un couple). Le
coût des exonérations de
redevances
est estimé à
2,7 milliards de francs
.
L'augmentation de 569,20 millions de francs prévue pour 1999 est due
pour une bonne part à l'amélioration de la lutte contre
l'évasion fiscale
1(
*
)
; celle-ci résulte
notamment du vote à l'initiative du Sénat d'une
possibilité de recoupement avec les fichiers de la taxe d'habitation
permise par la loi du 12 avril 1996.
Votre rapporteur se demande si cette augmentation des recettes à un
rythme plus rapide que celui du taux de la taxe est durable. Tôt ou tard
il faudra remettre à plat le système tant du point de vue de
l'assiette que des modalités de perception.
2. Le recul des crédits budgétaires : une tendance
réversible ?
Il faut également attirer l'attention sur le fait que les
crédits budgétaires inscrits au chapitre 46/30
au budget
des services généraux du Premier ministre, 120 millions de
francs, sont
entièrement affectés à RFI.
Cela est
présenté comme une clarification du financement du secteur public
dans la mesure où les programmes de RFI sont destinés à
des ménages non-résidents qui n'acquittent pas la redevance.
S'il y a une logique à financer RFI par des crédits
budgétaires - au risque de rendre cet organisme vulnérable aux
mesures de régulation -, on peut se demander pourquoi ces crédits
ne figurent pas au budget du ministère des Affaires
étrangères et de la Coopération.
Il y a quelque chose d'illogique à affecter à un organisme
remplissant une mission de souveraineté - qu'il est effectivement
légitime de vouloir financer sur fonds budgétaires -, des
crédits représentatifs du coût de l'exonération
d'une taxe, la redevance, que ne payent pas ses auditeurs et qui constitue une
part minoritaire de son financement.
Pour réduire la part des recettes publicitaires , il faut trouver des
ressources publiques de remplacement, qui ne peuvent venir que du budget ou de
la redevance - dans la mesure où votre rapporteur exclut
l'hypothèse avancée par certains d'une taxe additionnelle sur les
jeux. Le Gouvernement a affiché une volonté politique. Mais elle
ne se traduit pas dans la réalité budgétaire. Pour
l'instant, on ne voit pas comment dans un contexte de maîtrise de la
dépense publique, le gouvernement pourra dégager les ressources
publiques nécessaires.
3. Les handicaps du secteur public en matière de recettes
publicitaires
"
Il est important de noter que,
selon l'étude du Conseil
supérieur de l'audiovisuel susmentionnée
, si minimes qu'elles
paraissent, les restrictions appliquées aux chaînes publiques en
matière d'accès au marché publicitaire (
interdiction de
couper les oeuvres
par des écrans publicitaires ;
exclusion
du télé-achat
) leur créent
un handicap
qui ira
croissant
;
un gain d'un point d'audience rapporte, en part de
marché publicitaire, environ deux fois plus à une chaîne
privée qu'à une chaîne publique.
Entre 1992 et 1996, les recettes publicitaires de TF1 et de France 2 ont
augmenté respectivement de 1,2 milliard et de 0,75 milliard. Il a
suffi à TF1, qui avait pourtant perdu 6 points d'audience, d'augmenter
la durée de ses écrans de 30 minutes par jour. Par contre,
il a fallu à France 2, malgré une légère
progression de son audience, accroître la durée de ses
écrans de 40 minutes. "
L'étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel donne des chiffres
qui justifient cette appréciation.
"
En 1996, le montant global des recettes publicitaires brutes
facturées par les régies, pour le compte des chaînes
nationales hertziennes, s'élevait à 14,2 milliards dont
97 % concernaient 4 chaînes : TF1, France 2,
France 3 et M6.
Les recettes publicitaires de Canal +, avec 400 millions de francs
(4,5 % de son chiffre d'affaires), et même de La Cinquième
avec 17 millions de francs, sont loin d'être négligeables,
mais elles ne constituent pas pour ces chaînes un enjeu aussi vital que
celui qu'elles représentent pour les autres chaînes nationales
hertziennes. Les recettes publicitaires se répartissaient
inégalement entre les quatre chaînes concernées :
68 % environ aux chaînes privées, 32 % aux chaînes
publiques.
A l'intérieur de ces deux groupes, les montants sont à peu
près proportionnels à l'audience, avec
pour TF1 une
" prime au leader ",
qui tend peu à peu à se
réduire.
La relation entre l'audience et les recettes publicitaires n'est d'ailleurs pas
automatique, et comme le faisait remarquer Corinne Bouygues pour expliquer les
performances de TF1, qui, avec 35 % de parts d'audience, draine plus de
50 % des recettes publicitaires,
" ce qui importe ce n'est pas
tant l'audience des programmes, que l'audience des écrans publicitaires
auprès des publics cibles des annonceurs "
2(
*
)
.
Il n'en reste pas moins que les fluctuations de l'audience se retrouvent plus
ou moins accentuées, dans l'évolution des recettes publicitaires.
Ainsi, TF1, dont la part d'audience est passée de 41 % en 1992
à 35,3 % en 1996, a vu sa part de marché publicitaire (en
pourcentage du montant total facturé par les régies) passer de
58,2 % à 52,4 %. Dans le même temps, France 3, dont
l'audience augmentait de 13,7 % à 17,7 %, voyait sa part de
marché publicitaire progresser de 9,4 % à 12,4 %.
L'effort commercial nécessaire à une chaîne et à sa
régie pour accroître ou maintenir une part de marché n'est
donc pas moins important pour le secteur public que pour le secteur
privé, mais la liberté pour adapter le contenu de la grille de
programmes aux exigences des annonceurs ou aux rigueurs financières du
moment est beaucoup plus grande pour le second que pour le premier.
Cette différence d'adaptabilité à la concurrence fait que,
paradoxalement, les chaînes publiques apparaissent plus
vulnérables que les chaînes privées aux fluctuations du
marché publicitaire.
"
Votre rapporteur estime que si l'on veut que l'audiovisuel public voie
" le bout des tunnels ", il convient de réexaminer avec soin
le bien fondé de ces contraintes.
B. ADAPTER LE SERVICE PUBLIC
Le projet de loi relatif au secteur public de la communication audiovisuelle,
doit être l'occasion, si ce n'est de " refonder " - le terme
est à la mode - , du moins de redéfinir le contenu du service
public audiovisuel.
Avec l'oeil neuf que donne son peu de familiarité avec la
matière, votre rapporteur souhaite, dans la perspective de ce
débat législatif, avancer avec prudence quelques
réflexions sur les problèmes du secteur public, tels qu'ils
résultent du présent projet de budget.
1. Réfléchir au service public en termes de produit et de
marché ?
L'on arrive, aujourd'hui, au bout d'un processus commencé avec la
suppression du monopole.
Le téléspectateur n'est plus un
consommateur captif
. Il choisit le programme qui l'intéresse, sans
d'ailleurs toujours se demander s'il regarde une chaîne publique ou
privée. Les chaînes publiques sont en concurrence directe sur un
marché, qui a désormais une dimension continentale.
En moins de dix ans, avec de surcroît aujourd'hui, l'arrivée du
câble et du satellite, on voit bien que les règles du jeu et le
rapport de force sur le marché a changé. Sur un marché, on
constate, bien souvent, qu'il y a des firmes dominantes qui fixent les prix
directeurs ou, en tout cas, dominent le marché. Dans le domaine des
médias, il faut bien constater que ces firmes dominantes, en France,
celles qui servent de référence et sur lesquelles on a tendance
à s'aligner, sont, dans beaucoup de domaines de la programmation, des
chaînes privées.
A l'ère du monopole, on pouvait développer une
problématique de la télévision de type quelque peu
paternaliste, cherchant à deviner, à anticiper, voire à
imposer les choix du téléspectateur.
Dans le paysage audiovisuel actuel où l'offre est
démultipliée
, le téléspectateur vote avec sa
télécommande
, qui devient à la fois
le vecteur de
la concurrence
et un
outil d'interactivité
.
Les émissions de la télévision publique sont des produits
sur le marché ou plutôt font partie d'une gamme de produits qui a
besoin d'avoir un marché.
De ce point de vue, votre rapporteur a le sentiment qu'il y a
un fait
publicitaire
qui doit être pris en compte. Une partie de l'offre
d'émissions de service public peut et doit rester libre de tout message
publicitaire. Mais il faut se garder de toute publiphobie. Pour la jeune
génération, non seulement la publicité n'est, au moins
jusqu'à un certain point, pas perçue comme une gêne, mais
encore son absence serait presque suspecte, comme le signe de quelque chose
d'élitiste, donc d'ennuyeux, voire de ringard.
La culture que le secteur public a pour mission de véhiculer, doit
parfois s'avancer masquée derrière le divertissement.
Une chaîne généraliste grand public ne peut se
présenter comme complètement culturelle, car elle
risque de
confiner la culture dans un ghetto que le défaut de publicité
signalera de façon emblématique
; au contraire, de la
publicité,
consommée avec modération, non seulement
permettra aux responsables des émissions comme des chaînes de
rester en prise avec leur public
mais encore de
s'intégrer
naturellement dans le paysage audiovisuel
.
Tout le dilemme stratégique des chaînes de service public est
précisément de montrer leurs différences pour justifier
leur financement public sans pour autant s'isoler du reste du paysage
audiovisuel au risque de devenir des chaînes sans
téléspectateurs. L'audience du plus grand nombre reste un
objectif fondamental du service public au même titre que la
qualité.
2. Assurer l'autonomie de gestion et l'indépendance
financière
Votre rapporteur ne souhaite pas anticiper un débat sur les structures
d'autant plus qu'il semble que le projet puisse encore changer après son
examen par le Conseil d'État. Ni les instances de décision, ni
même le principe même du regroupement en holding ne lui paraissent
pouvoir être abordés au moment de la discussion du budget.
En revanche, il lui semble possible d'en rester au niveau des principes en
affirmant, compte tenu de la situation de concurrence dans laquelle se trouvent
placées les entreprises publiques du secteur de la communication, qu'il
est essentiel de parvenir, enfin, à la
séparation de
l'audiovisuel et de l'État.
Il s'agit bien sûr de garantir une autonomie de gestion. Des pas
importants ont été accomplis avec la création d'une
instance de régulation ; des progrès restent, à
l'évidence, à faire dans les textes sans doute mais plus encore
dans les moeurs.
Mais, et l'examen de la pratique budgétaire permet de le
vérifier, il est encore plus important de couper le cordon ombilical
financier qui relie - et soumet - les entreprises publiques de la communication
audiovisuelle à l'État.
Le rôle des mesures de régulation budgétaire, l'importance
qui en résulte dans la répartition des ressources des organismes
entre crédits budgétaires et ressources de redevance a contraint
jusqu'à présent les responsables à arpenter les
allées du pouvoir pour s'assurer du montant maximal mais aussi de la
structure optimale de leurs ressources dans le cadre d'un jeu dont la
règle de base est simple : se débarrasser du "
mistigri " des crédits budgétaires. La proportion
redevance/crédits constitue d'ailleurs un bon indice de la cote et de
l'influence respectives des différents responsables d'organismes et de
sociétés. Aujourd'hui, tout le monde le reconnaît,
la
vraie tutelle de l'audiovisuel est à Bercy.
La nomination par une instance indépendante reste tout à fait
formelle, si le pouvoir financier reste du côté de
l'exécutif. Deux voies sont possibles : accorder le droit avec le
fait en rendant à l'État le pouvoir de nomination, car de fait,
il n'est pas possible de gérer une entreprise sans la confiance de son
actionnaire, bailleur de fonds
3(
*
)
; protéger l'État
contre lui même en le gardant de la tentation d'intervenir sur le plan
financier. Pour votre rapporteur, le débat reste ouvert, entre deux
solutions, dont l'une peut apparaître comme une régression, et
l'autre, peu réaliste.
En tout état de cause, il semble, que la seconde voie n'a de chances
d'aboutir que si l'on donne à l'audiovisuel des ressources publiques
indépendantes de l'exécutif, c'est-à-dire fournies par la
redevance.
3. Garantir des ressources propres et surtout stables
Des trois types de ressources dont disposent les organismes du secteur
audiovisuel public, l'une s'est révélée
particulièrement volatile, les subventions budgétaires, les deux
autres ont pour elles sinon la stabilité du moins la
prévisibilité, avec pour inconvénients une
dépendance vis à vis des marchés ou du pouvoir politique.
La redevance est une source de financement sure mais qui n'a pas non plus, du
fait de son mode de répartition, que des effets dynamisants.
Indépendamment du problème de la répartition des concours
publics entre crédits budgétaires et attribution de redevance, la
redevance est, non une ressource qui se gagne, mais une ressource qui se
demande et s'octroie en fonction de critères parfois arbitraires et
susceptibles de décourager l'initiative. Il faut rappeler que,
très régulièrement, lorsque les croissances des recettes
publicitaires étaient supérieures aux prévisions, les
gouvernements successifs avaient profité de ce surcroît de
ressources pour diminuer les crédits budgétaires privant ainsi
les chaînes du fruit de leurs efforts.
Par ailleurs, faire reposer une trop grande partie du financement du secteur
public sur la publicité, c'est risquer de substituer une logique
commerciale à celle du service public .
Les excès de publicité sur les écrans publics sont
responsables de cette course à l'audience qui ont pu faire
dériver France Télévision mais ils pourraient
également faire déraper l'ensemble du secteur,.
Maintenant, la publicité constitue un moyen privilégié par
les directeurs de chaînes pour rester en contact direct avec le public.
Les recettes de publicité matérialisent les succès
d'audience et jouent un rôle important dans la motivation des
responsables.
A cause des contraintes de l'Audimat, France 2 et France 3 ne
parviennent pas, en dépit de la bonne volonté qui anime leurs
responsables, à devenir ces grandes chaînes
généralistes de référence, qui seules peuvent
donner une dimension nationale populaire aux missions de service public.
Les fonctions éducatives et culturelles ont largement disparu des
écrans des chaînes généralistes aux heures de grande
écoute pour être reléguées au plus profond de la
nuit. La culture, l'éducation existent mais pour les rencontrer, il faut
aller sur un cinquième canal, que son image pour le moins austère
ou élitiste coupe d'une grande partie du public.
Les recettes de publicité récompensent l'audience ; mais il
n'y a pas de mécanisme d'intéressement à la qualité
des programmes à une programmation ambitieuse en " prime
time ". Réduire la durée des écrans et donc les
revenus de la publicité, c'est bien ; mais, indépendamment
d'éventuels effets pervers, c'est à l'évidence
insuffisant, car, ce qui est nécessaire c'est de créer un
mécanisme d'incitation qui vienne récompenser le responsable qui
acceptera de perdre quelques points d'audience pour une émission de
référence.
Il faut réfléchir, au niveau des contrats d'objectifs ou dans le
cadre de mécanismes de financement spécifiques à un
système d'encouragement qui viendrait favoriser les émissions de
qualité programmées en prime time.
4. Adapter l'organisation du travail
Le maintien en l'état de la convention collective actuelle,
dépassée par l'évolution technologique, défavorise
le secteur public dans sa compétition avec le secteur privé et
aboutit à encourager une attitude de repli face à la concurrence.
La convention collective de la communication et de la production audiovisuelles
(CCCPA), signée le 31 mars 1984, est applicable aux personnels
techniques et administratifs (PTA) dans les sociétés et
organismes membres de l'Association des employeurs du secteur public
audiovisuel, qui regroupe la plupart d'entre eux
4(
*
)
. Cette convention a
été conclue par période de trois ans renouvelable. Le
terme de la période triennale d'application en cours est le 31 mars
1999.
Les formes prévues pour renégocier la convention sont si
contraignantes qu'il est en fait impossible aux partenaires sociaux de discuter
sereinement
5(
*
)
.
L'idée initiale était de faire en sorte que les procédures
de dénonciation et de révision puissent à l'avenir
être engagées à tout moment, en transformant cette
convention en convention à durée indéterminée
Cependant, faute de l'accord de tous les syndicats signataires, il semble que
l'association s'engage actuellement sur une voie moins ambitieuse certes mais
qui reste efficace :
la révision des modalités de
révision.
La signature d'un accord permettant la révision par amendement de la
convention collective à tout moment en dehors de la fenêtre
très courte existant jusqu'ici ouvre, on peut l'espérer, la voie
à une remise à plat des classifications et, d'une façon
générale, une meilleure prise en compte des
spécificités de chaque entreprise.
L'impact sur 1998 des surcoûts consécutifs au protocole de sortie
de grève du 12 décembre 1997 s'élève donc
à 49 millions de francs (35 millions de francs pour les
programmes régionaux, 14 millions de francs pour le rapprochement
salarial).
Une mission a été confiée à un ancien directeur des
relations humaines de France 2, M. Gantou pour examiner les conditions du
rapprochement. En tout état de cause l'enveloppe de 14 millions
prévue pour 1998 est bien inférieure aux besoins.
Seule une évolution de ce cadre peut garantir que la
société holding dont la création serait proposée
par le projet de loi n'aboutisse pas à la récréation de
l'ex-ORTF.
C. DÉFINIR UNE POLITIQUE GLOBALE DE LA COMMUNICATION
AUDIOVISUELLE
Une politique de la communication audiovisuelle ne se réduit pas au
service public. Plus encore, on ne peut pas gérer le secteur public dans
le superbe isolement des tendances mondiales. On ne peut pas parler du budget
sans évoquer la situation et les perspectives des opérateurs
privés, non pour se substituer à eux mais pour créer les
conditions dont ils ont pour faire face à la concurrence mondiale.
Au fil des alternances, trop de lois, trop de règlements ont
été édictés ces dernières années,
privant les opérateurs de la stabilité des règles du jeu
dont ils ont besoin pour se développer et pour s'adapter sereinement aux
marchés mondiaux
.
1. Des règles du jeu stables pour les opérateurs privés
Dans un marché mondialisé, éminemment mouvant tant sur le
plan technologique qu'économique, les opérateurs nationaux
industriels et commerciaux ont besoin d'un horizon stable pour affronter la
concurrence.
Pour se développer à l'extérieur, les entreprises doivent
pouvoir s'appuyer sur un marché domestique dynamique et surtout
prévisible. La conquête des marchés mondiaux suppose un
environnement stable à l'intérieur.
Des progrès ont été faits avec la création d'une
instance de régulation, dont le rôle est d'adapter à la
réalité, en toute indépendance, les principes
édictés par le Parlement. Dans un monde audiovisuel en mutation,
la régulation, pour reprendre les formules exprimées par
M. Hervé Bourges, est "
la forme moderne de l'intervention
de l'État dans un secteur économique. C'est une intervention qui,
préservant un certain nombre de principes intangibles, qui ne doivent
pas pouvoir être remis en cause par les lois du marché, permet
néanmoins de laisser la plus grande liberté et la plus grande
autonomie aux acteurs professionnels. "
2. Développer les industries de programme
La domination américaine est très nette sur le petit
écran, même si la tendance semble être à
l'amélioration. En 1996, plus de 46,5 % des oeuvres de fiction
télévisuelles diffusées sur les chaînes nationales
étaient d'origine américaine.
En dépit d'une amélioration récente, le
déséquilibre reste écrasant :
les quelque
490 millions de francs de programmes audiovisuels, que nous avons
réussi à exporter en 1996, ne représentent qu'environ la
centième partie de ce que les Américains ont, la même
année, vendu à l'Europe en produits audiovisuels.
De ce point de vue, si les
quotas
constituent une protection
nécessaire, celle-ci est certainement provisoire: ils se
présentent comme une sorte de
ligne Maginot,
dont le destin
est d'être contournée ; et ceci, en raison même de
l'évolution de la technologie.
La seule solution durable consiste donc à favoriser l'apparition d'une
forte industrie française de programmes audiovisuels adaptés aux
standards internationaux.
Madame la ministre de la culture et de la communication a annoncé fin
septembre 1997 au MIPCOM de Cannes le lancement d'un plan en faveur de la
production audiovisuelle. Votre rapporteur compte interroger la ministre sur le
bilan de ce plan.
3. Assurer la présence de la culture et de la langue
françaises
D'abord, il convient de revenir sur le problème du contrôle
parlementaire.
En 1997, les Assemblées ont adopté, à l'occasion du vote
du budget, une disposition insérant un nouvel article 53-1 dans la loi
du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication :
" Art. 53-1. - Un document retraçant les crédits, de toute
nature, qui concourent au fonctionnement des opérateurs intervenant dans
le domaine de l'action audiovisuelle extérieure et dont l'État ou
les sociétés nationales de programme mentionnées à
l'article 44 détiennent directement plus de la moitié du
capital, à la clôture du dernier exercice, est annexé au
projet de loi de finances de l'année.(...). "
Votre rapporteur vient de constater que les développements
consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le " jaune
budgétaire " ont gagné nettement en consistance.
Toutefois le problème de l'action audiovisuelle reste entier et les
avertissements du Président de la République lancés
à Cotonou en 1995 restent d'actualité :
" 90 %
des informations qui transitent par Internet sont émises en langue
anglaise, parce que les outils et les serveurs sont dédiés
à l'usage exclusif de cette langue. L'enjeu est clair : si, dans les
nouveaux médias, notre langue, nos programmes, nos créations ne
sont pas fortement présents, nos futures générations
seront économiquement et culturellement marginalisées. Sachons,
demain, offrir à la jeunesse du monde des rêves francophones,
exprimés dans des films, des feuilletons, et valorisant la richesse
culturelle et la créativité de chacun de nos peuples. Il faut
produire et diffuser en français. C'est une question de survie. Il faut
unir nos efforts ".