B. RÉFORMER L'IMPÔT SUR LE REVENU
Le
ministre de l'Économie et des Finances admet la nécessité
d'une réforme de l'impôt sur le revenu. En septembre dernier, il a
déclaré sur France Inter, "
Dans les années qui
viennent
", il faut que
" la réflexion soit non seulement
avancée mais que l'action soit mise en oeuvre. Il y a une mise à
plat [ ] qui est certainement nécessaire et il me semble que c'est un
chantier auquel il faut qu'aujourd'hui les parlementaires, notamment,
s'attaquent et réfléchissent ".
C'est en vain que l'on chercherait dans le présent projet de budget des
traces de cette préoccupation pourtant, semble-t-il, encouragée
par le Premier Ministre, lorsqu'il affirme que "
notre fiscalité
souffre autant de sa structure déséquilibrée que de son
niveau excessif
".
La conjoncture est pourtant favorable. L'occasion était bonne de
" remettre à plat " un système fiscal, à la fois
dissuasif pour l'effort et les compétences, et de moins en moins
cohérent.
1. Une fiscalité qui décourage
Le poids
de l'impôt sur le revenu ne peut simplement être
apprécié par des chiffres bruts, qu'il s'agisse de son produit ou
du prélèvement qu'il représente en pourcentage du produit
national.
Les valeurs absolues doivent être mises en perspective avec les valeurs
relatives. La France a fait le choix de l'Union européenne ; elle a
fait le pari de l'Euro. Le poids de l'impôt s'évalue donc aussi,
relativement, par comparaison à la situation chez nos principaux
partenaires et concurrents.
a) L'alourdissement de l'impôt sur le revenu
Le
projet de budget prévoit, afin d'éviter un accroissement de la
pression fiscale qui serait lié à des hausses purement nominales
de revenus, de relever les tranches de la hausse des prix ( hors tabac)
prévue pour 1998, soit 0,8 %.
Cette opération traditionnelle ne suffit pas, lorsqu'elle intervient
dans un contexte de reprise économique, à empêcher
l'alourdissement de la pression fiscale : une simple indexation sur les
prix permet à l'État, par le jeu de la progressivité de
l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation de pouvoir d'achat
des Français.
Telle est bien la raison par laquelle s'explique la hausse attendue du produit
de l'impôt sur le revenu, indépendamment de la hausse de la
pression fiscale qui résulte du solde net des mesures
discrétionnaires, effectivement défavorable du fait de la
modification du régime du quotient familial.
L'impôt sur le revenu devrait rapporter en 1999
315,7 milliards de
francs
, soit un
surcroît de recettes de 16,2 milliards de
francs
par rapport aux estimations du produit révisé de
l'impôt pour 1998.
Cette croissance de 5,4% doit être comparée aux quelque 3,8% de
croissance du PIB en valeur prévue par le gouvernement. Dès lors
que l'impôt sur le revenu croît presqu'une fois et demie plus vite
que la production, on doit s'attendre à une augmentation de sa part dans
le produit national, qui passe de 3,52 à 3,58% du PIB.
Certes, si l'on retranche les 3,9 milliards de francs résultant de la
modification du régime du quotient familial, le produit de l'impôt
sur le revenu n'est plus que de 311,8 milliards de francs mais le taux de
croissance reste avec 4,1%, supérieur à celui de la croissance en
valeur du PIB.
Certains se félicitent du caractère " fortement
dynamique " de l'impôt sur le revenu en période de reprise de
la croissance économique ; mais on peut aussi s'inquiéter,
et tel est le cas de votre commission, de cette volonté de faire jouer
à plein ce mécanisme de dividende fiscal, alors que le niveau de
prélèvements obligatoires a déjà atteint dans notre
pays un des niveaux les plus élevés de l'Union
Européenne.
b) Des effets dissuasifs persistants
Au
handicap que constitue ce poids, globalement trop lourd, de l'impôt
à tous les niveaux, il faut ajouter les effets pervers d'un
barème trop progressif à ses deux extrémités.
La progressivité est trop forte à l'entrée du
barème : les taux marginaux effectifs des
prélèvements affectant les personnes disposant de faibles
ressources ne peuvent que décourager la reprise de l'activité.
Longtemps, la perte de certaines allocations a rendu la reprise d'un emploi peu
intéressante pour le salarié bénéficiaire du RMI.
La situation actuelle, sans doute plus satisfaisante que celle décrite
par le rapport de la commission présidée par M. Ducamin à
la fin de 1995, n'est pas encore optimale, ne serait-ce que parce que le
maintien de la décote aboutit, inévitablement, à une zone
de progressivité très élevée.
Le rapport de la commission d'études des prélèvements
obligatoires présidée par M. Ducamin déjà
cité, souligne, à cet égard, qu'une
" réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu, qui repose
sur une baisse des taux moyens et un élargissement corrélatif de
l'assiette, doit inclure une diminution significative du taux marginal
le plus élevé "
Au moment où le nouveau Chancelier allemand entreprend une
réforme conduisant à une baisse de l'impôt à tous
les niveaux du barème, il faut se demander si l'on peut, durablement,
avoir, dans notre pays, un barème plus progressif que chez nos
partenaires européens. Trappe à chômage à
l'entrée du barème, compte tenu des effets des prestations
sociales sous conditions de ressources, possible exode des cerveaux pour les
tranches les plus élevées, pourraient bien constituer des
handicaps graves pour l'économie et la société
françaises.
2. Un système de moins en moins cohérent
Le code
des impôts ne s'est pas fait en un jour et les incohérences que
votre commission veut souligner, ne datent pas d'aujourd'hui.
Mais force est toutefois de constater que le
gouvernement n'a pas seulement
interrompu le processus d'allégement du barème mais aussi celui
de rationalisation et de simplification entrepris, courageusement, par son
prédécesseur.
Les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances ne
peuvent prétendre relever d'un processus de rationalisation.
L'élimination des niches qu'il propose, au nom d'une justice abstraite,
est-elle vraiment équitable ? On solde un passé, certes
contestable, mais sans préparer l'avenir.
Car ce ne sont pas quelques
niches ponctuelles qu'il faut éliminer, mais le système fiscal
lui-même
, avec ses poisons et ses délices
, qu'il faut
réformer
.
a) Le jeu de la règle et des exceptions
Toujours plus de contraintes, toujours plus
d'exceptions
.
Telle semble être la
fatalité du système fiscal
français
et, en particulier, du régime de l'impôt sur
le revenu.
Au début des années 70, un sociologue, M. Michel Crozier, avait,
considérant les dérives bureaucratiques de l'administration
française, parlé du
jeu de la règle et du
passe-droit
, en faisant observer que le rôle du chef dans
l'administration était précisément de savoir
écarter l'application de la règle pour accorder le
" passe-droit ".
Sur ce plan, les choses ont - au moins faut-il l'espérer - dû
changer. En revanche, on peut se demander si la même logique ne se
retrouve pas,
mutatis mutandis
, dans notre système fiscal.
Comment ne pas constater que, surtout lorsqu'il s'agit d'impôt sur le
revenu, on ne fixe une règle que pour y apporter, parfois
immédiatement, une multitude d'exceptions.
Ce jeu de la règle et des exceptions ne résulte pas seulement de
la volonté de soigner des populations dignes
d'intérêt ; il procède, également, d'une
préférence de structure pour les régimes fiscaux
combinant règles rigoureuses et exceptions nombreuses
.
(1) Le souci constant de traiter les cas particuliers
La
complexité que chacun regrette dans notre système fiscal, et qui
explique à la fois l'épaisseur du code des impôts et son
caractère peu lisible, tient largement de la propension, bien
française, à ne voir que des cas particuliers.
Il ne s'agit pas seulement de volonté de satisfaire tel ou tel groupe,
telle ou telle clientèle, par une sorte d'infinie sollicitude pour les
cas particuliers ; la logique est plus profonde et résulte
plutôt d'un certain
perfectionnisme fiscal
: chaque situation
est particulière et mérite un
traitement sur mesure
.
D'où cette tendance à préférer les costumes fiscaux
sur mesure aux cotes mal taillées, et donc à multiplier les
exceptions à la règle.
Un certain nombre de mesures contenues dans la présente loi de finances
constitue une manifestation caractéristique de penchant pour la
différenciation des régimes. A la limite, on se trouve sans
points de repères pour apprécier la légitimité du
statu quo
ou du changement de la situation relative de telle ou telle
catégorie de contribuables.
On ne peut qu'être perplexe devant les argumentations de casuistique
fiscale développées par le rapport de la commission des finances
de l'Assemblée nationale au sujet des deux " mesures
d'accompagnement " de l'actualisation du barème : le
régime des déductions supplémentaires pour frais
professionnels des journalistes rebaptisées " allocation pour frais
d'emploi " et la situation des bénéficiaires de demi-parts
à caractère non familial au regard de l'abaissement du plafond de
l'avantage fiscal conféré par leur régime particulier de
quotient familial.
Où finit la distinction légitime fondée sur des
critères objectifs et rationnels, où commence la discrimination
attentatoire au principe d'égalité devant la loi, dont la
méconnaissance est régulièrement sanctionnée par le
juge constitutionnel ? L'importance prise au cours de cette
première lecture à l'Assemblée par les supputations des
uns et des autres sur ce que pourrait être l'attitude de Conseil
Constitutionnel face au texte, est très significative de cette
focalisation du débat sur la question des exceptions
légitimes
.
A force de vouloir opérer des distinctions de plus en plus fines de
façon à coller à chaque situation particulière, les
assemblées ont paradoxalement réduit leur liberté de
manoeuvre dans le vote de l'impôt. La problématique des exceptions
s'étant constitutionnalisée, le Parlement ne dispose plus que
d'une compétence conditionnelle, sous la haute surveillance du Conseil
Constitutionnel.
Dans le cas présent, les risques de censure ne sont pas
négligeables, sans que, pourtant, les discriminations proposées
soient, a priori, illégitimes. Mais, si votre commission relève
ces difficultés comme autant de signes de l'impasse dans laquelle s'est
engagé notre système fiscal, elle estime, compte tenu de sa
position favorable au
statu quo
, tant en matière de quotient
familial que de déductions professionnelles supplémentaires,
qu'elle n'a pas à entrer dans le débat.
Les deux novations évoquées plus haut lui paraissent en effet
inopportunes ou sans objet .
Votre commission des finances est vigoureusement opposée
pour des
raisons qu'elle va exposer,
à toute diminution des avantages
actuellement accordés aux familles et votre rapporteur
général demandera de maintenir le plafond à son niveau
actuel de 16.380 francs
.
D'autre part, en ce qui concerne les
déductions
supplémentaires pour frais professionnels des journalistes
, votre
rapporteur général
estime que, compte tenu des risques
juridiques que comporte le dispositif du projet de loi de finances,
étant donné, également, l'insatisfaction des principaux
intéressés face à la solution qui leur est
proposée, le plus sage est de
reconduire un dispositif analogue
à celui adopté l'année dernière, reportant d'un an
le début du processus d'abaissement du plafond.
On trouverait
ainsi
le temps de trouver une solution réellement satisfaisante
ou, espérons le sans y croire, de concevoir une vraie réforme de
l'impôt sur le revenu.
(2) La préférence pour les systèmes sous haute pression fiscale nominale
D'une
façon générale, on sent bien que pour les auteurs du
présent budget, le
code des impôts
n'est pas seulement le
moyen de rassembler des ressources mais également
un instrument
privilégié d'interventionnisme économique
. Sans doute
ne sont-ils, à cet égard, ni les premiers ni les seuls.
Selon la commission d'étude des prélèvements obligatoires
déjà citée, "
le niveau jugé
élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison
de mécanismes en tous genres ( ..)qui entachent gravement la
progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les
contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces
mécanismes et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de
l'économie
". Sans aller jusqu'à proscrire tout
mécanisme d'incitation fiscale, votre commission n'en considère
pas moins que, dans la perspective d'une baisse générale des
prélèvements, leur objet doit être réservé
à quelques situations très spécifiques en évitant
l'arbitraire et de trop nombreuses distorsions.
Tels ne sont manifestement pas les principes qui inspirent la politique que
traduit le présent budget. A la différence de la plupart de ses
prédécesseurs, ce gouvernement préfère
prélever plus ; soit, et il l'affiche volontiers, c'est pour
redistribuer plus, soit, et ceci n'est pas toujours explicitement
revendiqué, c'est pour, en accordant des avantages fiscaux,
faire
bénéficier ses mesures interventionnistes de l'effet de levier
dû au différentiel de pression fiscale.
La tentation est forte
, alors, selon les objectifs du moment, de manipuler
les boutons et
de modifier constamment les paramètres, au
détriment de la nécessaire stabilité de la règle
fiscale.
Bref, plus de changements et, surtout, plus de prélèvements pour
plus de redistribution ; pourtant, les uns pénalisent l'effort et
les autres peuvent , au delà d'un certain niveau, sinon
décourager du moins provoquer des transferts occultes,
éventuellement critiquables sur le plan de la justice ou de
l'efficacité.
Le projet de loi de finances pour 1999 nous offre un nouvel exemple de cette
attitude qui fait préférer un barème élevé
assorti de possibilités d'exonération à un
allégement du barème :
le doublement du crédit
d'impôt mis en place l'année dernière pour les travaux
à domicile. Votre commission des finances, évidemment favorable
aux objectifs poursuivis, aurait préféré que les quelque 2
milliards de francs au moins, que va coûter cette mesure, soient
affectés à des baisses d'impôts plutôt qu'à un
crédit d'impôt
. On remarque que l'alternative à cette
mesure n'est pas un allégement du barème mais une baisse - qu'il
n'est pas facile de négocier à Bruxelles - de la TVA sur les
travaux à domicile. Pour bien montrer, s'il en était besoin, que
le Gouvernement et sa majorité ne peuvent pour l'instant du moins se
résoudre à diminuer le poids de l'impôt sur le
revenu.
b) Un décalage croissant avec nos principaux concurrents
La
nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne vient d'annoncer une vaste
réforme fiscale qui souligne encore si besoin était le
décalage existant entre le système fiscal français et
celui de ses principaux concurrents.
Plus encore que les modalités elles-mêmes, c'est la méthode
et la priorité politique accordée à la question de
l'impôt sur le revenu qu'il faut considérer, de la part d'un
gouvernement idéologiquement proche de celui aujourd'hui aux affaires en
France...
Le premier geste de M. Schroeder a été d'annoncer une
réforme de l'impôt sur le revenu. Il y a là un signe
politique,
qui témoigne de l'importance de la question en Allemagne.
Au demeurant, pendant la campagne, l'ancienne majorité avait
également promis des réformes fiscales de grande ampleur,
comportant un allégement net de 30 milliards de DM.
Le plan de M. Schroeder, qui s'étale en 1999 et 2002 prévoit
54 milliards de DM d'allégement bruts compensés
partiellement par 40 milliards de DM de recettes consécutives
à la suppression de régimes fiscaux dérogatoires
.
Deux points méritent d'être soulignés :
1. il comprend, en contrepartie de l'élévation du seuil
d'imposition et d'une diminution des taux,
58 mesures de financement dites
" d'élargissement des bases de calcul fiscales ", qui s'apparentent
à des mesures d'élimination de " niches
fiscales "
: l'on retrouve donc la démarche globale du
plan du gouvernement de M. Juppé ;
2. il associe mesures fiscales et familiales, puis que les allocations
familiales sont sensiblement augmentées.
LA
RÉFORME FISCALE ALLEMANDE :
L'ÉLARGISSEMENT DES BASES DE CALCUL FISCALES
I. MESURES CONCERNANT LES RÈGLES RÉGISSANT L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (33.788 MILLIONS DE DM)
A. MESURES POUR LIMITER LES RECETTES EXONÉRÉES
(2.129 MILLIONS DE DM)
Ex : suppression de l'exonération des indemnités allant
jusqu'à 36.000 DM suite à la rupture du contrat de travail
par l'employeur (900 millions de DM)
B. MESURES POUR RÉINTÉGRER DANS LA BASE IMPOSABLES
LES GAINS RÉSULTANT D'OPÉRATIONS D'ALIÉNATION
(780 MILLIONS DE DM)
Ex : allongement des délais de 2 à 5 ans pendant lesquels
les gains réalisés suite à la vente d'un terrain sont
considérés comme spéculatifs (500 millions de DM)
C. MESURES VISANT L'OBJECTIVATION DES CONSTATS DE GAINS
(19.135 MILLIONS DE DM)
Ex : Suppression des déductions spécifiques pour
amortissement en faveur des PME et de la déduction pour
l'amortissement-épargne en faveur des PME (1.313 millions de DM)
Ex : limitation de la déduction des pertes par leur report
(600 millions de DM)
D.
MESURES VISANT À SUPPRIMER LES RÈGLES
SPÉCIFIQUES RELATIVES À DES REVENUS PARTICULIERS
(4.636 MILLIONS DE DM)
Pour les revenus d'exploitations agricoles et forestières
(381 millions de DM)
Ex : suppression de l'exonération pour les exploitants agricoles et
forestiers de la somme forfaitaire de 2.000 DM pour les célibataires et
de 4.000 DM pour les couples (250 millions de DM)
Pour les revenus tirés de l'exploitation commerciale et industrielle
(315 millions de DM)
Ex : suppression de l'exonération pouvant aller jusqu'à
60.000 DM des gains liés à l'aliénation
d'exploitation (250 millions de DM)
Pour les travailleurs indépendants (340 millions de DM)
Ex : suppression de l'exonération pouvant aller jusqu'à
60.000 DM des gains liés à l'aliénation
d'exploitation (140 millions de DM)
Pour les revenus des capitaux (3.600 millions de DM)
Ex : division par deux du montant de la tranche exonérée en
faveur des épargnants (3.600 millions de DM)
E. MESURES POUR LIMITER L'AVANTAGE FISCAL LIÉ AUX DÉPENSES
PARTICULIÈRES (943 MILLIONS DE DM)
Ex : diminution de l'aide à l'accession à la
propriété (763 millions de DM)
F. MESURES TARIFAIRES (6.285 MILLIONS DE DM)
Ex : suppression de la taxation à un taux égal à la
moitié du taux moyen qui résulterait d'une application de
l'impôt à l'ensemble des revenus concernant des ressources
extraordinaires (comme les revenus tirés de l'aliénation )
II. LES MESURES CONCERNANT L'IMPÔT SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES
(1.220 MILLIONS DE DM)
Ex : suppression de la déduction par les employeurs des frais de
voyage et de déménagement de leurs salariés
(450 millions de DM)
III. MESURES AFIN DE RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA
PROCÉDURE D'IMPOSITION (5.000 MILLIONS DE DM)
Programme d'action contre la criminalité économique et la fraude
fiscale (5.000 millions de DM)
|
Première phase
|
Deuxième phase
|
Troisième phase
|
Allocations familiales (Kindergeld) |
passe de 220 DM à 250 DM |
- |
de 250 DM
|
IR : tranche exonérée |
passe de 12.360 DM à 13.020 DM |
de 13.020
DM à
|
de 13.500
DM
|
IR : taux d'impôt minimal |
passe de 25,9 % à 23,9 % |
de 23,9 % à 22,9 % |
de 22,9 % à 19,9 % |
IR : taux maximal |
- |
passe de 53 % à 51 % |
de 51 % à 48,5 % |
IS des PME : taux maximal |
passe de 47 % à 45 % |
de 45 % à 43 % |
- |
Allègement total |
14 Mrd DM intégralement compensés |
16 Mrd DM intégralement compensés |
24 Mrd DM dont 14 compensés et 10 "d'allègement net" |
On note que si le taux très élevé de la première
tranche diminue de deux points passant de 25,9 à 19,9%, celui de la
tranche la plus élevée passerait de 53 à 48,5%.
La comparaison partielle de deux systèmes fiscaux est toujours
délicate ; mais la tendance est incontestable : un
gouvernement social - démocrate fait de la baisse de l'impôt sur
le revenu sa priorité.
Le gouvernement français peut-il ne pas en tenir compte ? Sa
réponse mérite d'être exposée : "
Nous avons
la même volonté d'abaisser les impôts sur les ménages
pour soutenir la croissance, mais chacun prend l'impôt qui est le plus
adéquat en la matière
" , a déclaré, fin
octobre, sur LCI, le secrétaire d'État au budget, Christian
Sautter.
Pour le gouvernement, la situation d'un pays à l'autre n'est pas la
même. En Allemagne, l'impôt sur le revenu pèse aussi
lourdement que la TVA dans les prélèvements obligatoires, alors
qu'en France il ne devrait rapporter que 315 milliards contre 830 milliards de
francs pour la TVA. Il estime donc logique que, dans le même souci, celui
d'aider les ménages, l'Allemagne commence à alléger
l'impôt sur le revenu, alors que la France compte d'abord faire un effort
de baisse de TVA.
Votre commission insiste sur le fait que le déséquilibre, n'est
pas si important, si l'on prend en compte toutes les composantes de
l'imposition du revenu.
En additionnant le produit de l'impôt sur le
revenu à ceux de la CSG et du RDS - qui font partie de l'impôt sur
le revenu même si ces contributions sont prélevées à
la source, ce qui est, d'ailleurs, également le cas de l'impôt sur
le revenu en Allemagne - on arrive à des montants moins
déséquilibrés, puisque le total de la fiscalité du
revenu atteint presque 629 milliards de francs.
Au demeurant, la baisse de la TVA en reste au niveau des pieuses
intentions et fait partie des " figures obligées " auxquelles
le gouvernement se sent tenu pour ne pas sembler tourner le dos trop vite
à ses engagements électoraux.
De toute façon,
ce qui importe, c'est la méthode et la
tendance
:
lier
, d'une part,
la réduction des niches
fiscales à l'allégement
et donc à la simplification du
barème, pour la méthode
; accepter de diminuer les taux de
toutes les tranches
, y compris, celui de la tranche la plus
élevée qui passe nettement en dessous de 50%, pour la tendance.
En l'état actuel des choses, ce plan semble effectivement un bel exemple
de cohérence, dont l'on ferait bien de s'inspirer de ce coté du
Rhin.
c) Fiscalité et prestations sociales : la transparence nécessaire
Lorsque les revenus de transfert et de remplacement
représentent plus de 35% contre 23% en 1970, on ne peut plus
considérer notre système fiscal indépendamment du
régime des prestations sociales.
Une vision d'ensemble est donc nécessaire notamment du point de vue des
seuils - actuellement uniquement fondés sur le critère
d'imposabilité - et du problème plus général de la
non imposition des prestations sociales.
Votre commission estime que cette situation, sans doute dans l'ensemble
justifiée, doit néanmoins être examinée de
près dans la mesure où le jeu combiné des règles
fiscales et sociales peut aboutir à des discriminations non
justifiées.
Sur ce point, il semble nécessaire de procéder à un
recensement des aides existantes, qui constitue le préalable à
l'effort de réflexion auquel invite, notamment, le Comité central
d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. Cet
organisme, que préside le premier président de la Cour des
comptes, souligne le caractère "
à la fois complexe,
injustifié et injuste
" , de l'appréciation des conditions de
ressources.
Il existe, ainsi, quatre prestations familiales versées sous conditions
de ressources : l'allocation jeune enfant (APJE), le complément familial
(CF), l'allocation parent isolé (API) et l'allocation de rentrée
scolaire (ARS). "
or,
selon le rapport
, pour ces seules quatre
prestations, on ne compte pas moins de deux plafonds de ressources, deux
systèmes différents pour la prise en compte des ressources et
deux systèmes pour la prise en compte de la taille du foyer
", une
variété de seuils qui "
rend le dispositif d'aides illisible
pour les bénéficiaires
" et qui, en outre est "
injustifié
" .
Le comité souhaite dans cette perspective l'unification du mode
d'évaluation des ressources, la création d'un " revenu social
référent unique ". Mais il va plus loin. Pour lui, "
les
prestations sociales et notamment les prestations familiales constituent bien
un revenu au sens civiliste classique (une somme d'argent provenant d'une
source permanente d'une manière périodique) : rien ne justifie
donc leur exclusion du champ de l'impôt
51(
*
)
"
Votre commission considère que, si cette position est manifestement trop
abrupte, la question mérite d'être soulevée et qu'elle
n'est actuellement sans solution satisfaisante que parce que le système
actuel est trop progressif à l'entrée dans le barème.
La fiscalisation des allocations familiales est inconcevable dans les
conditions actuelles car elle entraînerait un surcroît d'imposition
pour un nombre considérable de familles modestes : quelque 2,1
millions de foyers, it 7 % dans la seule métropole, perdraient en
moyenne 0,7 % de leur revenu disponible, indique le rapport Thélot
susmentionné. En outre, jusqu'à 320.000 foyers qui ne le
sont pas deviendraient imposables, ce qui leur ferait perdre " du
même coup un certain nombre d'avantages lorsqu'ils sont salariés
dans certaines grandes entreprises, ou lorsqu'ils accèdent à
certains services publics locaux ". L'avis de non-imposition est devenu un
passeport pour l'attribution ou le niveau de nombreuses prestations sociales.
Ce qui est certain, selon votre commission des finances, c'est que, "compte
tenu des initiatives prises au plan local, personne, comme le faisait remarquer
le rapport La Martinière ne peut prétendre en détenir un
état complet et à jour. Elles comportent des conséquences
perverses au point de vue social : l'existence de trappes à
pauvreté leur est due dans une très large mesure. "
En termes à la fois macro que micro économiques, fiscalité
et prestations sociales sont étroitement interdépendantes. La
question est maintenant qu'après la multiplication des prestations et la
diversification de leur origine à laquelle on a assisté, on
puisse clarifier la situation et établir une transparence sans laquelle
il n'est pas de vraie justice.
3. Les impératifs : une vue d'ensemble et une vision d'avenir
L'impôt sur le revenu doit être
réformé
en profondeur. Le Gouvernement le reconnaît mais ne le fait pas dans ce
budget
. Or le contexte favorable actuel, - dont on souhaite qu'il perdure
mais qui est soumis à de nombreuses incertitudes -, était
l'occasion d'engager la modernisation tant attendue de notre système
fiscal.
Sans perspective d'ensemble s'agissant des mesures strictement fiscales, ce
budget est aussi dépourvu de vision d'avenir. Prendre aux familles dites
riches pour donner aux familles modestes, est une politique à courte vue
contraire aux besoins démographiques du pays. On ne peut sur ce sujet
que rejoindre les propos du président de la République, lorsqu'il
a déclaré, à la fin de juin dernier devant l'UNAF :
"
La politique familiale ne saurait être de droite ou de
gauche ; elle doit être familiale ... elle cesse d'être
familiale quand elle commence à dépendre d'une redistribution
entre les familles
".
a) Un budget sans vision d'ensemble de l'impôt sur le revenu
La
commission ne voit d'abord dans certaines mesures relatives à
l'impôt sur le revenu contenues dans le présent projet de loi de
finances que la
juxtaposition de mesures ponctuelles éminemment
contestables, dès lors qu'elles ne prennent pas place dans un plan
général de modernisation de l'impôt sur le revenu
.
Le démantèlement des " niches " fiscales est
légitime, mais seulement dans le cadre d'une réforme
générale. Il se conçoit comme un des aspects d'un
processus de modernisation, dont l'autre volet est la clarification d'un
système fiscal particulièrement opaque. Le Gouvernement en fait
un moyen d'augmenter le rendement de l'impôt ; il devrait en faire
le résultat d'une vaste opération de simplification, qui tendrait
à rapprocher l'architecture de notre fiscalité des personnes de
celle existant chez nos principaux partenaires de la zone Euro.
Il y a des situations acquises, qui sans constituer des droits, doivent
être respectées ; il peut être légitime d'y
porter atteinte mais, progressivement, dans le contexte d'un
réaménagement de structure. Votre commission ne prend pas parti
sur le fond, car c'est d'abord une question de méthode.
Votre rapporteur général, cohérent avec sa position de
principe, vous propose par un amendement en seconde partie de la loi de
finances de reprendre le processus interrompu pour 1997 et 1998 en
prévoyant, sur le modèle du plan établi par le
Gouvernement de M. Juppé, un aménagement du barème et la
décote pour l'imposition des revenus des années 1999, 2000, 2001
et 2002.
La réforme proposée comporte :
- un
relèvement progressif de la tranche à taux
zéro
qui passerait de 26.100 F pour les revenus de 1998 à
29.000F pour les revenus de 1999, montant qui serait porté
progressivement à 40.000 F pour les revenus de 2002.
- un abaissement du plafond de la troisième tranche de
146.320 francs à 135.000 francs, pour les revenus de 1999,
montant qui serait progressivement porté à 101.000 francs pour
les revenus de 2002 ;
- un élargissement de la quatrième tranche qui irait pour les
revenus de 1999, de 135.000 à 211.000 francs (le plafond pour 1998 est
de 238.080 francs), montant progressivement porté à 143.500
francs revenus de 2002 ;
- un abaissement du plafond de la cinquième tranche, de
293.600 francs à 275.000 francs, montant progressivement
porté à 233.000 francs pour les revenus de 2002
Par ailleurs, à l'issue de la réforme, c'est à dire pour
les revenus de 2002,
les taux des trois premières tranches sont
allégés d'un point, les taux des trois suivantes étant
allégés de deux points
.
Le montant de la décote est abaissé à 2500 francs pour
les revenus de 1999 (contre 3.300 francs pour les revenus de 1998) et
progressivement diminué pour être supprimé pour les revenus
de 2002.
b) Les familles ponctionnées
Cette
politique de suppression des " niches " est d'autant plus critiquable
qu'elle se double de la remise en cause brutale du régime actuel du
quotient familial.
En 1997, le Gouvernement avait décidé la mise sous conditions de
ressources les allocations familiales. La mesure a pris effet pour les
versements de mars 1998.
Cette nouvelle politique a eu pour conséquence de priver quelque
386.000 familles, qui toutes n'étaient pas " aisées ",
de tout ou partie de leurs allocations.
Les protestations auxquelles a donné lieu la mesure, ont conduit le
Gouvernement à un
revirement radical dans la méthode mais
l'objectif reste le même.
Les sommes prélevées sur certaines familles ne leur sont pas
rendues : la suppression de la condition de ressources et donc le
rétablissement des allocations familiales pour tous sont en effet
compensés par l'abaissement du plafond de l'avantage fiscal
résultant de la demi-part de 16.380 à 11.000 francs
On note, également, que la recette de 3,9 milliards de francs provient
d'une part, du prélèvement supplémentaire sur les familles
ayant des enfants à charge à concurrence de 3,2 milliards de
francs et, d'autre part, pour le solde, des effets de la réduction du
plafond de la déduction des pensions versées aux enfants majeurs
ou de celle de l'abattement auquel donnent droit les enfants mariés ou
ayant eux-mêmes des enfants et rattachés au foyer fiscal des
parents.
Pour votre commission des finances, la mesure est, d'abord, critiquable dans
son principe.
Il est certain que l'on assiste à un
virage
capital
dans la
politique française de la famille
. Au delà du
procédé employé - mise sous conditions de ressources ou
abaissement du plafond du quotient familial -, on cesse de faire de la famille
l'objet d'une politique de redistribution horizontale, entre contribuables avec
et sans charges de famille.
Désormais, il est clair que
l'on prend à certaines familles
pour donner à d'autres les moyens dont elles ont besoin pour
élever leurs enfants
. Ce changement pourrait se
révéler funeste aussi bien pour la démographie que pour
l'économie françaises
Certes, la plupart des pays n'accordent pas d'avantages fiscaux proportionnels
au revenu et se contentent d'offrir des abattements nettement moins avantageux
que le système du quotient familial. Mais, la comparaison suppose que
soient pris en compte tous les paramètres et, en particulier, la
progressivité de l'ensemble du barème.
La nouvelle politique familiale n'est pas seulement une redistribution entre
familles " riches " et familles " pauvres " ; elle
doit s'interpréter aussi comme une
moindre redistribution entre
foyers avec et sans enfants
. Enfin, indirectement, cette politique doit
s'analyser comme un
alourdissement de la fiscalité pesant sur les
cadres
et donc comme un facteur supplémentaire de
pénalisation des " capacités ", de ceux qui par leur
compétence et leurs efforts sont à l'origine d'une bonne part du
dynamisme de l'économie française.
Globalement, votre commission des finances tient à souligner, sur un
plan technique, au-delà des questions de principe évoquées
plus haut :
1. que, si le nouveau régime
atténue largement les effets de
seuil
, et peut donc être considéré comme techniquement
préférable, il entérine une
diminution des ressources
consacrées à la famille, q
ui se traduit par une
hausse du
poids et de la progressivité de l'impôt pour les cadres ;
2. qu'il y aura, à l'issue de cette réforme, selon les
indications fournies par le rapport de l'Assemblée nationale,
presque
deux fois plus de " perdants " - 425.000 - que de
" gagnants " qui sont au nombre de 225.000
;
3. que le nouveau dispositif
renforce les avantages reconnus aux parents
isolés
, au risque de favoriser encore la situation des couples non
mariés par rapport à ceux qui le sont.
4. qu'il y a, en quelque sorte, une
double peine pour les familles
,
puisque, pour les familles pénalisées, ce sont les revenus de la
même année 1998, qui supporteront à la fois le
surcroît d'impôt et l'arrêt dix mois sur douze des
allocations familiales ;
5. qu'il y a des
"
perdants "
absolus qui sont les
couples avec un enfant
ne percevant pas d'allocations familiales et les
couples avec des enfants compris entre 20 et 26 ans
, c'est à dire
entre les âges auxquels prennent respectivement fin les allocations
familiales et le bénéfice de la demi-part supplémentaire.
En définitive, il faut se poser des questions de fond - notre politique
familiale est-elle bien orientée et a-t-on raison de ne pas aider et
même de moins aider le premier enfant ? - mais aussi des questions
de technique : les mécanismes fiscaux comme le quotient familial -
auxquels les Français sont à juste titre attachés -
n'ont-ils pas des limites voire des effets pervers ? Dans un monde
où la famille est devenue, hélas, éminemment mobile, se
décompose et heureusement quelquefois se recompose, ne faut-il pas
examiner sans a priori d'autres solutions, qui seront d'autant plus facile
à trouver qu'elles s'inscriront dans le processus d'allégement de
la pression fiscale sur le revenu que souhaite ardemment votre commission des
finances ?
*
* *
" Less is more ",
[" Moins, c'est
plus "]
cet aphorisme d'un architecte de la première moitié de ce
siècle mériterait d'être médité en
matière de fiscalité, en général, et d'impôt
sur le revenu, en particulier.
Le minimalisme est aujourd'hui en vogue, certes ; mais s'il y a une
vérité profonde dans cette formule, ce n'est pas seulement parce
que les Français veulent payer moins d'impôts, ce qui serait trop
simple ; le sens réel de la formule est qu'il faut un
système fiscal plus simple, plus fonctionnel, moins sophistiqué.
Trop d'impôt tue l'impôt,
on le sait
; mais trop
d'exceptions, dissout la règle, qui perd alors efficacité et
légitimité
. Il faut savoir en revenir aux choses simples
affirmait en substance une publicité. En matière fiscale, c'est
sans doute impossible. Soit. La complexité du code des impôts est
le reflet de la diversité des situations réelles.
Maintenant, les gouvernements successifs n'ont-ils pas cédé trop
facilement aux
démons du perfectionnisme fiscal
? Au fil du
temps, le code des impôts n'est-il pas devenu une sorte
d'usine
à gaz fiscale
, dont le rendement diminue au fur et à mesure
que l'on rajoute des tuyaux ? La pression fiscale est nominalement forte
mais elle diminue à mesure que l'on multiplie les dérivations.
Plus les circuits sont compliqués, plus les " pertes en
ligne " sont importantes, plus le système devient opaque et donc
comporte des risques d'injustices.
Une " mise à plat " est indispensable. Le gouvernement le dit
aujourd'hui après avoir interrompu celle qu'avait engagée son
prédécesseur. On aimerait le croire. Si le processus reprend,
tant mieux ; mais, peut-on prélever mieux quand on ne veut pas
prélever moins ?