EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une réunion tenue le mercredi 17 juin 1998 sous la présidence
de
M. Jean-Paul Hugot, vice-président
, la commission a
examiné le rapport de
M. Adrien Gouteyron
sur la proposition de
loi n° 98 (1997-1998) de M. Pierre Laffitte permettant à
des
fonctionnaires
de participer à la
création
d'entreprises innovantes
.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. James Bordas
, soulignant l'intérêt de cette proposition
de loi, a indiqué que la rigueur des règles de la fonction
publique pouvaient, dans certains cas, interdire le départ de chercheurs
vers le secteur industriel et, à ce titre, risquaient d'entraîner
une fuite des cerveaux au profit des pays étrangers.
M. Jean Bernadaux
, insistant également sur la
nécessité des échanges entre le secteur industriel et la
recherche publique, a évoqué à l'appui de ses propos le
bénéfice que les technopoles pouvaient retirer de la
proximité d'une université.
M. Guy Poirieux
a considéré que la proposition de loi, en
permettant aux fonctionnaires de participer à la création d'une
entreprise tout en leur garantissant un droit à
réintégration dans leur organisme d'origine, ne pouvait
être comprise comme un moyen de développer le goût du risque
chez les chercheurs.
M. Franck Sérusclat
s'est inquiété des
modalités selon lesquelles les intérêts matériels et
moraux de l'organisme public de recherche pourraient être
protégés dans les situations visées par la proposition de
loi.
M. Pierre Laffitte
a manifesté son accord avec les
aménagements proposés par le rapporteur à sa proposition
de loi. Il a relevé en particulier que l'impossibilité pour le
chercheur de participer, pour le compte de l'organisme dont il relève,
à la négociation du contrat fixant les conditions dans lesquelles
l'entreprise valoriserait les résultats de ses travaux était de
nature à protéger les intérêts du service public de
la recherche. Il a indiqué à ce titre que la loi allemande
attribuait la propriété des brevets aux chercheurs à la
différence de la loi française, qui l'attribue à
l'organisme de recherche ou à l'entreprise qui les emploie.
Par ailleurs, il a fait observer que, si les chercheurs créant des
entreprises bénéficiaient d'un droit à
réintégration, ils prenaient un risque financier en investissant
des capitaux. Soulignant l'importance pour les chercheurs de travailler dans le
secteur industriel, il a indiqué que les professeurs du
" Massachusetts Institute of Technology " (MIT) avaient pour
obligation de consacrer un jour par semaine à des consultations
auprès d'entreprises. Par ailleurs, il a rappelé que les
entreprises innovantes étaient à l'origine de la
quasi-totalité des créations d'emplois à haute valeur
ajoutée aux Etats-Unis au cours des dernières années.
Insistant sur la nécessité de développer l'esprit
d'entreprise chez les chercheurs, il s'est réjoui que deux ministres de
la recherche successifs se soient prononcés en faveur de l'adoption d'un
dispositif analogue à celui proposé par la proposition de loi. Il
a considéré, en effet, que cette dernière, sans pouvoir
remédier à elle seule à l'insuffisante valorisation de la
recherche dont souffre la France, permettait d'offrir un cadre légal
à un processus qui doit être encouragé.
M. Serge Lagauche
, tout en convenant de l'importance de la valorisation
des résultats de la recherche, a néanmoins insisté sur la
nécessité de veiller aux intérêts du service public
de la recherche lors de la négociation de la convention conclue entre
l'entreprise et l'organisme public prévue à l'article 25-1.
M. Franck Sérusclat
s'est inquiété des conditions
dans lesquelles l'organisme public de recherche prendrait part aux profits
dégagés par l'entreprise ainsi créée.
Rappelant que 50 000 Français travaillaient déjà dans la
Silicon Valley et évoquant les risques liés à une fuite
des cerveaux vers l'étranger,
M. Pierre Laffitte
a
indiqué que dans les années à venir, la croissance des
économies nationales dépendrait de l'existence et de la
valorisation des compétences scientifiques et technologiques. Il a
rappelé que le développement, dont le coût est au demeurant
très supérieur à celui de la recherche, ne relevait pas de
la mission des organismes publics de recherche qui ont, par ailleurs, un
intérêt financier évident à la valorisation des
travaux menés en leur sein.
Etablissant une distinction entre le cas de la création d'une entreprise
par un chercheur et celui du départ d'un chercheur dans une grande
entreprise, il a considéré que la proposition de loi
n'était pas de nature à encourager le " pantouflage "
des fonctionnaires dans l'industrie.
M. Jean-Paul Hugot
s'est interrogé sur les
éventuelles conséquences sur l'organisation interne des
organismes publics de recherche d'une participation accrue de leurs personnels
à des actions de valorisation.
M. Pierre Laffitte
a fait observer que la proposition de loi avait pour
objet principal d'assurer la transparence de pratiques qui se
développaient actuellement dans des conditions juridiques hasardeuses.
N'étant pas de nature à susciter l'engouement des chercheurs, son
application ne risquait pas de remettre en cause les structures des organismes
publics de recherche.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur
, répondant aux remarques de
MM. Franck Sérusclat et Serge Lagauche, a souligné qu'il
proposait de limiter à 10 % la part que peut détenir un chercheur
dans le capital de l'entreprise à laquelle il apporte son concours
scientifique. Par ailleurs, il a fait observer que si le chercheur participant
à la création d'une entreprise innovante
bénéficiait d'un droit à réintégration, il
assumait néanmoins un risque financier et qu'en outre, sa
carrière risquait d'être affectée par une telle initiative.
Il a souligné que, compte tenu des retards enregistrés par la
France dans certains secteurs, il importait d'encourager le
développement de l'innovation et que la proposition de loi était
susceptible d'y contribuer. A titre d'exemple, il a indiqué que
l'industrie des biotechnologies ne représentait en France que 50
entreprises, 3 000 salariés et une valeur estimée à 0,6
milliard de dollars alors qu'aux Etats-Unis elle comptait 1 300 entreprises,
118 000 salariés et une capitalisation de 83 milliards de dollars.
Enfin, il a rappelé que la Cour des comptes, dans un rapport public
particulier publié en 1997, avait recommandé une clarification
des conditions juridiques dans lesquelles les chercheurs pouvaient participer
à des entreprises valorisant les résultats de leurs travaux.
La commission a ensuite procédé à l'examen du dispositif
proposé par le rapporteur.
A l'issue de cet examen, elle a adopté les conclusions
proposées par son rapporteur
.