N°
478
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 juin 1998
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions ,
Par MM.
Jacques OUDIN et Paul LORIDANT,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.)
:
780
,
856
et T.A.
136.
Sénat
:
445
,
450
(1997-1998).
Politique sociale.
AVANT-PROPOS
Votre
commission des finances a confié à
M. Jacques Oudin
le
soin d'apprécier le cadrage budgétaire général du
présent projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les
exclusions, ainsi que d'examiner certaines de ses dispositions à
caractère fiscal ou financier, dont elle s'est saisie pour avis.
Par ailleurs, elle a chargé
M. Paul Loridant
d'examiner les
dispositions du présent projet de loi relatives au surendettement des
ménages.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
CHAPITRE PREMIER
ANALYSE DU FINANCEMENT DU PROJET DE LOI
D'ORIENTATION
I. INTRODUCTION
A titre
liminaire, votre rapporteur pour avis tient à rappeler que la politique
de lutte contre les exclusions ne saurait se substituer à la politique
de l'emploi. En effet, la privation durable d'emploi reste la principale cause
d'exclusion. Le présent texte, aussi nécessaire soit-il, ne fait
qu'apporter des solutions palliatives aux conséquences d'une politique
de l'emploi impuissante, ou du moins insuffisamment efficace.
Or, les choix faits par le Gouvernement en matière de politique de
l'emploi ne sont pas ceux de votre commission des finances, ni de la
majorité du Sénat. Cette divergence d'appréciation s'est
déjà exprimée sur trois sujets différents.
Premièrement, votre commission des finances a exprimé son
désaccord, lors du dernier débat d'orientation budgétaire,
avec la priorité donnée à l'emploi public. Cette
priorité se traduit par l'arrêt du mouvement de réduction
des effectifs de la fonction publique amorcé par le Gouvernement de M.
Alain Juppé, le solde des créations et suppressions d'emplois
civils redevenant positif en 1998.
Elle se traduit également par la création des emplois-jeunes, par
la loi du 16 octobre 1997. Votre commission des finances admet l'urgence d'agir
sur le chômage des jeunes, mais elle doute de la viabilité
économique de ces emplois parapublics et craint qu'ils ne puissent
être pérennisés à terme autrement que par une
intégration dans la fonction publique.
Deuxièmement, votre commission des finances s'est opposée
à la restriction du dispositif d'allégement des charges sociales
sur les bas salaires résultant de l'article 115 de la loi de finances
pour 1998. Ce mécanisme, bien que lourd pour les finances publiques, est
vertueux car il modifie structurellement les comportements d'embauche des
employeurs et a vraisemblablement contribué à enrichir le contenu
de la croissance en emplois.
Le Gouvernement, qui a voulu gager par cette mesure d'économie le
financement des emplois jeunes, reconnaît aujourd'hui implicitement son
erreur en admettant les difficultés qui en sont résultées
pour les entreprises d'aide à domicile. Mais beaucoup d'autres secteurs
d'activité rémunérant leur personnel à des niveaux
voisins du SMIC ont été touchés.
Troisièmement, votre commission des finances partage entièrement
l'opinion de la commission des affaires sociales sur le caractère
néfaste de l'imposition autoritaire d'une réduction de la
durée du travail. L'impact effectif, en termes de créations
d'emplois, de cette mesure antiéconomique est pour le moins douteux.
Elle est rendue transitoirement incitative par un coûteux dispositif de
primes, source d'inégalités entre entreprises et d'effets
d'aubaine.
Votre rapporteur pour avis estime important de prendre date pour l'avenir sur
chacune de ces trois orientations du Gouvernement, car la croissance
actuellement retrouvée ne suffira pas toujours à en effacer les
conséquences.
Si les choix de la politique de l'emploi sont sujets à débat, il
existe indéniablement un consensus sur les modalités d'une action
plus efficace en matière de lutte contre les exclusions.
A cet égard, il est significatif que le présent texte reprenne
pour une large part les dispositions du projet de loi d'orientation relatif au
renforcement de la cohésion sociale présenté au nom de M.
Alain Juppé par M. Jacques Barrot. L'audition de Mme Martine Aubry
devant votre commission des finances a également confirmé une
certaine convergence de vues.
Fort de ce consensus, le gouvernement a fait de la lutte contre l'exclusion
l'une des priorités budgétaires, dans le cadre de la
préparation de la prochaine loi de finances.
Toutefois, votre commission des finances estime être dans son rôle
en rappelant que le consensus sur la nécessité d'agir plus
efficacement en matière de lutte contre les exclusions ne saurait
justifier n'importe quel niveau de dépense publique. La contrainte
financière s'impose ici comme ailleurs, et il ne s'agit pas tant de
dépenser plus, que de dépenser mieux.
D'autre part, ce serait une dangereuse facilité de penser qu'une
dépense publique est justifiée du seul fait qu'elle a une
finalité sociale. Votre rapporteur pour avis renvoie sur ce point aux
observations critiques de la Cour des comptes dans ses derniers rapports
publics, portant sur le revenu minimum d'insertion, les aides de l'Etat au
maintien et à la création d'emplois, les contrats emplois
solidarité, l'insertion des jeunes, et la politique d'intégration
des populations immigrées.
Le récent rapport de Mme Join-Lambert au Premier ministre se montre
également assez critique sur le fonds d'urgence sociale mis en place au
début de cette année en faveur des chômeurs, qui a
été abondé de 1 milliard de francs par un décret
d'avance en date du 16 janvier 1998. Par le biais de ce fonds, des sommes
importantes ont été dépensées en un temps record,
sans critères d'attribution définis, sans examen sérieux
des cas individuels et sans conditions, au risque de déstabiliser le
travail de terrain accompli depuis des années par les intervenants
sociaux.
Votre rapporteur pour avis n'hésite donc pas à affirmer que le
présent projet de loi d'orientation doit aussi répondre à
des préoccupations de bonne gestion des deniers publics.
L'accent mis sur la prévention des exclusions par des actions en amont
devrait réduire les situations dramatiques nécessitant un
traitement financièrement plus lourd.
La relance de l'insertion et l'encouragement à la sortie des dispositifs
d'assistance visent à amorcer une décrue du nombre des
bénéficiaires de minima sociaux.
L'évaluation et la mise en cohérence des actions devraient
permettre d'éliminer certaines dépenses inutiles et limiter les
possibilités d'optimisation ou de fraude à partir des dispositifs
existants.
De manière plus générale, votre rapporteur pour avis
considère que le financement de la lutte contre les exclusions doit
être gagé sur une véritable rigueur budgétaire.
C'est pourquoi, dans les développements qui suivent, il s'est
attaché à évaluer le coût exact du présent
projet de loi d'orientation et à examiner ses modalités de
financement.
Le présent projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre
les exclusions représente un coût budgétaire pour l'Etat de
15,9 milliards de francs sur trois ans.
Eu égard à ses incidences financières, il appelle de la
part de votre commission certaines précisions et observations tenant
tant au fond qu'à la présentation qui en a été
faite par le gouvernement.