Section IV : Relations entre l'attributaire et le bénéficiaire
La
section IV, constituée de six articles (articles L. 642-21 à
L. 642 - 26), rend compte du régime juridique applicable
aux relations entre l'attributaire et le bénéficiaire.
•
L'article L.642-21
dispose que, sous réserve des
obligations légales spécifiques figurant à la
présente section, les relations qui se nouent entre l'attributaire et le
bénéficiaire sont régies par la loi n° 89-462 du
6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports
locatifs. Le lien juridique qui les unit est de nature contractuelle : il
s'agit d'un bail. Ainsi, contrairement au régime de la
réquisition résultant de l'ordonnance du 11 octobre 1945, le
bénéficiaire, titulaire d'un bail, ne se trouve pas dans une
situation précaire et révocable à tout moment. On peut
s'interroger sur la compatibilité d'un tel lien avec la nature
même de la réquisition qui doit rester une réponse
exceptionnelle et temporaire aux problèmes de logement.
Les articles qui suivent prévoient un certain nombre de
dérogations au régime qui résulterait de l'application de
la loi du 6 juillet 1989.
• Votre commission vous propose par
un amendement
,
d'insérer
après l'article L.642-21
un
article
additionnel
reproduisant les dispositions figurant sous le premier
alinéa de l'article L. 642-23 qui définit la durée du bail
et exclut toute exigence de dépôt de garantie ou de caution. Il
paraît en effet logique de placer en tête du dispositif des
dispositions comportant des indications essentielles du régime
applicable.
•
L'article L.642-22
fixe des modalités de
détermination, de révision et de paiement du loyer dû par
le bénéficiaire à l'attributaire. Le loyer est
déterminé par application d'un prix de base au mètre
carré de surface habitable, fixé par décret. Il s'agit
donc d'un prix forfaitaire, indépendant de la qualité et de la
situation de l'immeuble et sans lien avec le prix du marché,
contrairement à ce que prévoyait l'ordonnance du 11 octobre 1945
(article L. 641-7 du code la construction et de l'habitation). Cette
disposition tire les conséquences de la pratique des réquisitions
mises en oeuvre en 1995 et 1996 où le prix de base retenu fut
respectivement de 25 francs et de 26 francs le mètre carré.
Le contrat de location étant conclu pour une durée d'un an
renouvelable aux termes de l'article L. 642-23, la révision du loyer
intervient au terme de chaque période annuelle.
Le critère retenu pour déterminer l'évolution du loyer est
celui prescrit par l'article 17 d) de la loi du 6 juillet 1989, à savoir
la variation de la moyenne sur quatre trimestres de l'indice national mesurant
le coût de la construction publié par l'Institut national de la
statistique et des études économiques (INSEE) et des indices des
trois trimestres qui précèdent la date de référence.
Le dernier alinéa précise que le loyer est payé
mensuellement, à terme échu. La périodicité de
paiement ainsi prévue ne trouve pas de correspondance dans la section
III concernant les modalités de versement par l'attributaire d'une
indemnité au titulaire du droit d'usage si bien que, dans
l'hypothèse où cette indemnité devrait faire l'objet d'un
versement préalable, ce qui semble devoir être le cas s'agissant
d'un dédommagement de la privation de jouissance touchant au droit de
propriété, il revient à l'attributaire de faire l'avance
des sommes correspondantes dans l'attente du recouvrement du loyer.
•
Votre commission vous propose, par
deux
amendements
, de transférer dans
deux articles additionnels
après l'article L. 642-22
les dispositions figurant sous les
articles L.642-24 et L. 642-25, qui respectivement, définissent le
délai de préavis du congé donné par le
bénéficiaire et interdisent à celui-ci de céder son
bail ou de sous-louer. La bonne compréhension du dispositif relatif
à l'expiration du bail et au mécanisme de sortie de la
réquisition figurant sous les articles L. 642-23 et L. 642-26 exige
que ces dispositions soient immédiatement consécutives.
•
L'article L.642-23
fixe la durée du bail, ses
modalités de reconduction et les conditions auxquelles l'occupant peut
être déchu du bénéfice du contrat de location.
Le premier alinéa dispose que le contrat de location est conclu pour une
durée d'un an ou, si la période restant à courir
jusqu'à la fin de la réquisition est inférieure à
un an, pour cette période.
L'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement, a
complété cet alinéa pour préciser que le contrat de
location ne devrait comporter ni dépôt de garantie, ni caution
simple ou solidaire. Si l'exigence d'un dépôt de garantie ou d'une
caution paraît en effet difficilement praticable dans la mesure où
les bénéficiaires sont des personnes particulièrement
défavorisées, on peut s'interroger sur le recours dont disposera
le titulaire du droit d'usage à l'expiration de la réquisition en
cas de dégradations.
Il semble que la réponse puisse être trouvée dans l'article
1735 du code civil applicable aux relations entre le titulaire du droit d'usage
et l'attributaire qui énonce que le preneur est tenu des
dégradations et pertes occasionnées par le fait du sous-locataire.
Votre commission vous soumet
un amendement
de suppression de ce premier
alinéa dont elle a proposé de reproduire les dispositions dans un
article additionnel après l'article L. 642-21.
Le deuxième alinéa ouvre la faculté au préfet,
trois mois avant l'expiration du bail, de proposer au
bénéficiaire un autre logement correspondant à ses besoins
et à ses possibilités. En cas de refus du
bénéficiaire, celui-ci est déchu de tout titre
d'occupation au terme du contrat de location. Cette déchéance est
automatique et résulte du seul refus : ainsi, l'ajout de
l'Assemblée nationale tendant à excepter les cas où le
bénéficiaire pourrait se prévaloir d'un
" motif
légitime et sérieux "
paraît sans portée
pratique dès lors que le juge n'est pas amené à
apprécier la situation. En outre, l'offre de relogement formulée
par le préfet doit tenir compte des besoins et des possibilités
du bénéficiaire ce qui constitue une garantie suffisante. Aussi
votre commission des Lois vous propose-t-elle
un amendement
tendant
à supprimer cet ajout.
Elle vous soumet en outre un
amendement
de cohérence tendant
à préciser que l'hypothèse dans laquelle le préfet
a la faculté et non l'obligation de proposer un relogement est celle
où l'expiration du bail intervient avant le terme de la
réquisition. L'hypothèse de la coïncidence entre expiration
du bail et expiration de la réquisition relève en effet de
l'article L. 642-26.
Le dernier alinéa prévoit qu'à défaut d'offre de
relogement le bail est reconduit pour la même durée, à
savoir une année, ou pour la durée restant à courir
jusqu'au terme de la réquisition si celle-ci est inférieure
à un an.
Cette disposition tend une nouvelle fois à
accréditer l'idée selon laquelle la réquisition,
contrairement à ce qui devrait être, peut constituer une
réponse durable aux problèmes de logement des personnes
défavorisées.
•
L'article L. 642-24
permet au bénéficiaire
de donner congé à tout moment à condition de respecter un
préavis d'un mois. Cette durée de préavis diffère
de celle résultant du I de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 qui
est en principe de trois mois. On observera cependant qu'aux termes de cette
loi le délai est réduit à un mois en cas de mutation ou de
nouvel emploi consécutif à une perte d'emploi, pour les
locataires de plus de soixante ans dont l'état de santé justifie
un changement de domicile et pour les bénéficiaires du RMI.
Votre commission vous propose un
amendement
de conséquence
tendant à supprimer cet article dont les dispositions sont
transférées après l'article L. 642-22.
•
L'article L. 642-25
interdit au
bénéficiaire de céder le bail dont il est titulaire ou de
sous-louer le logement qu'il occupe. Pareille interdiction est également
prescrite par l'article 8 de la loi du 6 juillet 1989 qui réserve
cependant le cas où le locataire recueillerait l'accord du bailleur en
vue de céder son contrat ou de sous-louer.
Votre commission vous propose un
amendement
de conséquence
tendant à supprimer cet article dont les dispositions sont
transférées après l'article L. 642-22.
•
L'article L. 642-26
décrit le mécanisme de
sortie de la réquisition.
Aux termes du
premier alinéa
, si le titulaire du droit d'usage
n'a pas proposé au bénéficiaire, trois mois au moins avant
la fin de la réquisition, un contrat de location, une obligation de
relogement pèse sur l'attributaire et, subsidiairement, sur le
préfet. L'attributaire ou le préfet sont en effet alors tenus de
proposer au bénéficiaire qui remplit les conditions pour
l'attribution d'un logement HLM la location d'un logement correspondant
à ses besoins et à ses possibilités.
Ce dispositif, bien qu'inspiré de l'article L. 252-4 du code la
construction et de l'habitation relatif au bail à réhabilitation
contient une double incohérence. En effet, et en premier lieu,
l'obligation de relogement étant subordonnée à l'absence
de proposition de contrat de location émanant du titulaire du droit
d'usage, il suffit que ce dernier formule une telle proposition pour que cette
obligation n'ait pas cours. Or une offre de location pourrait très bien
être formulée sans pour autant être susceptible d'être
acceptée par le bénéficiaire dans la mesure où, en
particulier, elle excéderait ses possibilités. Le
bénéficiaire se verrait alors privé de toute garantie de
relogement.
Par ailleurs et en second lieu, le mécanisme proposé
prévoit une obligation de relogement à la charge à la fois
de l'attributaire et du préfet. En l'absence de caractère
solidaire d'une telle obligation, ce dispositif paraît dépourvu de
signification juridique. En outre, il semble difficile de faire peser sur
l'attributaire une obligation de relogement dans la mesure où il ne
dispose pas nécessairement d'un parc locatif suffisant : cette
impossibilité pourrait en particulier concerner certains organismes
agréés susceptibles d'être désignés comme
attributaire.
Pour cet ensemble de raisons, votre commission des Lois vous propose
un
amendement
tendant à substituer au mécanisme proposé
un dispositif aux termes duquel, en l'absence de contrat de location conclu
entre le titulaire du droit d'usage et le bénéficiaire au moins
trois mois avant la fin de la réquisition, l'attributaire peut formuler
une offre de relogement à défaut de quoi l'obligation de reloger
le bénéficiaire incombe au préfet.
Le second alinéa
prévoit qu'en l'absence de bail conclu
entre le titulaire du droit d'usage et le bénéficiaire et en cas
de refus de l'offre de relogement qui lui est adressée, le
bénéficiaire est déchu de tout titre d'occupation à
l'expiration de la réquisition.
Comme à l'article L. 642-23, l'Assemblée nationale a exclu du
champ de cette déchéance les bénéficiaires pouvant
se prévaloir d'un motif légitime et sérieux. De le
même façon, votre commission des Lois vous propose
un
amendement
pour supprimer cet ajout qui aurait pour effet d'annuler le
caractère automatique de la déchéance et consacrerait, de
facto, le maintien dans les lieux du bénéficiaire et un
prolongement
sine die
de la réquisition.