Article 58
Modification de la procédure de résiliation
de
plein droit des baux d'habitation
Cet article tend à modifier l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 pour faciliter l'adoption de mesures tendant à prévenir l'expulsion dès l'engagement de la procédure judiciaire de résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement du loyer et des charges locatives aux termes convenus.
I - Le régime juridique en vigueur :
L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 énonce les
conditions dans lesquelles la clause de résiliation de plein droit d'un
contrat de location relatif à l'habitation principale pour défaut
de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement
du dépôt de garantie peut être mise en oeuvre.
Il convient tout d'abord de souligner que cette disposition ne s'applique
qu'aux baux afférents à l'habitation principale, à
l'exclusion des autres locaux à usage d'habitation tels que les locaux
meublés, les logements-foyers, les logements attribués ou
loués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un
emploi ou encore les locations saisonnières. La notion d'habitation
principale recouvre cependant les locaux à usage mixte professionnel et
d'habitation principale ainsi que les garages, places de stationnement, jardins
et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le
même bailleur (article 2 de la loi du 6 juillet 1989).
La mise en oeuvre de la procédure de l'article 24 susvisé, qui
est d'ordre public et à laquelle il n'est donc pas possible de
déroger par voie contractuelle, suppose en outre que le contrat de
location contienne une clause résolutoire de plein droit en cas de
défaillance du locataire concernant le paiement du loyer et des charges.
L'insertion d'une telle clause dans le bail est en effet facultative. A
défaut d'une telle clause, la résiliation doit être
demandée au juge sur le fondement de l'article 1741 du code civil aux
termes duquel "
le contrat de louage se résout (...) par le
défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs
engagements "
. Cependant, dans ce cas, la résiliation n'est pas
automatique : il revient au juge d'apprécier si les manquements
constatés sont d'une importance telle qu'ils doivent emporter la
résiliation du bail. Le bailleur a donc tout intérêt
à insérer dans le contrat une clause résolutoire de plein
droit car le juge se borne alors à constater la défaillance pour
prononcer la résiliation. Le juge des référés peut
en outre être saisi, l'ordonnance rendue présentant l'avantage
d'être exécutoire par provision, même s'il est
interjeté appel. La procédure est ainsi à la fois rapide
et certaine quant à son issue.
Le dispositif résultant de l'article 24 prévoit une
procédure en quatre phases :
- l'huissier mandaté par le bailleur remet au locataire un commandement
de payer ;
- si le commandement de payer demeure infructueux, à défaut, pour
le locataire, de verser l'intégralité des sommes dues, la clause
résolutoire devient acquise au terme d'un délai de deux mois ;
- le locataire défaillant est alors assigné à
comparaître devant le juge, par acte d'huissier. L'assignation peut
intervenir avant l'expiration du délai de deux mois
précité car aucun délai légal n'est fixé
entre le commandement de payer et celle-ci.
Toutefois, une telle anticipation n'est pas sans risque pour le bailleur
poursuivant : en effet, si le locataire acquitte les sommes dues avant
l'expiration du délai de deux mois ou si le juge lui accorde des
délais de paiement, l'assignation devient sans objet et le bailleur
devra assumer les frais de procédure engagés ;
- le juge constate la prise d'effet de la clause résolutoire et
vérifie la régularité de la procédure. Il ne
dispose d'aucun pouvoir d'appréciation. Il fixe une indemnité
d'occupation et autorise l'expulsion.
Le déroulement de la procédure ne peut être interrompu que
dans deux hypothèses : soit par le règlement des sommes dues dans
le délai de deux mois suivant le commandement de payer, soit par la
saisine du juge, dans ce même délai, aux fins d'obtention de
délais de paiement dans les conditions prévues par les articles
1244-1 et 1244-2 du code civil.
Sur le fondement de ces dispositions le juge peut en effet, compte tenu de la
situation du débiteur et en considération des besoins du
créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues
dans la limite de deux années.
La décision du juge octroyant un délai de paiement suspend les
procédures d'exécution engagées par le créancier.
Si le locataire apure sa dette dans les délais impartis par le juge et
selon les modalités fixées par lui, la clause résolutoire
est réputée ne jamais avoir joué.
En revanche, tout règlement effectué par le locataire
après l'expiration du délai de deux mois suivant le commandement
ne remet pas en cause la prise d'effet de la clause de résiliation de
plein droit et la procédure d'expulsion peut être poursuivie.