DEUXIÈME PARTIE
:
LE VOLET ÉDUCATION DU PROJET DE
LOI
Le
chapitre 5 du projet de loi initial comporte trois articles consacrés au
droit à l'éducation :
- l'article 75 tend à consacrer le principe de discrimination positive
dans la répartition des moyens du service public de
l'éducation ;
- les articles 76 et 77 ont pour objet de rétablir un système de
bourses nationales de collège géré par le ministère
de l'éducation nationale.
Si on peut opposer le caractère déclaratif de la première
disposition au caractère technique des deux suivantes, il convient
cependant de noter que l'essentiel des modalités d'application du
nouveau régime des bourses de collège seront fixées par
voie réglementaire, ce qui conduira votre commission à demander
des précisions et des assurances au ministre pour apprécier la
portée de cette nouvelle réforme.
L'Assemblée nationale a adopté sans modifications substantielles
les articles relatifs au droit à l'éducation.
Elle a cependant complété l'article 75 en précisant que
les écoles et les établissements assurent une formation à
la connaissance et au respect des droits de la personne, que les
activités périscolaires favorisent l'égal accès des
élèves aux pratiques culturelles et sportives et aux nouvelles
technologies de l'information et de la communication, que les projets
d'établissement indiquent les moyens pour prendre en charge les
élèves issus des familles les plus défavorisées.
Elle a enfin adopté deux nouveaux articles faisant de la lutte contre
l'illettrisme une mission prioritaire du service public de l'éducation
et précisant l'appui que le comité d'éducation à la
santé et à la citoyenneté est chargé d'apporter
dans les établissements aux acteurs de la lutte contre
l'exclusion.
I. LA PARTICIPATION DE L'ÉCOLE À LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION : DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ AU PRINCIPE DE DISCRIMINATION POSITIVE
Le droit
à l'éducation est défini par la loi du 11 juillet 1975
relative à l'éducation qui dispose dans son article 1er que
" tout enfant a droit à une formation scolaire qui,
complétant l'action de sa famille concourt à son
éducation ".
Alors que près de 90 % des jeunes de
deux à vingt-deux ans sont scolarisés, et que plus de
800 000 enseignants encadrent environ 13 millions
d'élèves, l'enseignement scolaire semble avoir répondu
à cet objectif.
Ces chiffres qui témoignent de l'effort de la Nation en faveur de
l'éducation nationale dissimulent cependant des processus d'exclusion
à l'intérieur même du système scolaire, qui
remettent en cause le droit à l'éducation.
A. LES INÉGALITÉS SOCIALES ET LE SYSTÈME ÉDUCATIF
Comme le rappelle le récent rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les droits de l'enfant 1( * ) , si le système éducatif a permis de réduire les inégalités sociales, il tend aussi, dans une certaine mesure, à les reproduire.
1. La réduction des inégalités par l'école
Alors
qu'un enfant d'ouvrier a encore près de quatre fois moins de chance
d'accéder au baccalauréat qu'un enfant de cadre, les trois-quarts
des élèves issus d'un milieu ouvrier quittent l'école deux
ou trois après la fin de l'obligation scolaire avec un niveau
d'études ne dépassant pas le CAP ou le BEP.
D'après les associations regroupées au sein d'
" Alerte ", 200.000 jeunes sortiraient chaque année du
système scolaire sans formation, dont 80.000 sont
considérés comme illettrés.
Cette estimation est sans doute excessive puisque d'après les chiffres
de l'éducation nationale, les sorties sans diplôme de
l'enseignement secondaire se sont réduites de 202.000 à 97.000 de
1980 à 1995, soit 14 % du nombre total des sorties. Si 27 %
des jeunes d'une génération abandonnaient l'école sans
qualification il y a 25 ans, cette proportion ne devrait plus concerner, selon
la direction de l'évaluation et de la prospective (DEP), qu'un jeune sur
dix-sept en 2000.
Certaines indications révèlent également que
l'écart entre catégories sociales se réduit.
D'après l'étude de la DEP sur les sorties du système
scolaire entre 1991 et 1994, la proportion d'enfants d'ouvriers ou de
personnels de service intégrant l'université a progressé
quatre fois plus que celle d'enfants de cadres par rapport à
1987-1990 : 44 % des enfants de ces premières
catégories passent désormais par l'enseignement supérieur,
contre 78 % des enfants de cadres, chefs d'entreprises ou enseignants.