II. LE PROJET DE LOI : UNE RECONNAISSANCE AMBIGUË DU RÔLE DES POLICES MUNICIPALES
A. LE CONTENU DU PROJET DE LOI INITIAL
1. Un encadrement et un contrôle étatique de l'activité et de l'organisation des polices municipales
Le projet de loi prévoit un renforcement très important du rôle de l'Etat concernant tant l'encadrement de l'activité des polices municipales que le contrôle de leur organisation.
a) Un encadrement de l'activité des polices municipales
•
(p. L'agrément des agents par le préfet et le procureur de la
république)
L'
article 6
du projet de loi prévoit, en plus de
l'agrément par le procureur de la République existant
actuellement, l'agrément par le préfet des agents de police
municipale nommés par le maire, ainsi que leur assermentation.
L'agrément pourra être retiré par le préfet ou le
procureur de la République, le maire ayant alors la faculté de
proposer un reclassement dans un autre cadre d'emploi, dans les conditions
prévues en cas d'inaptitude physique reconnue d'un agent de la fonction
publique territoriale.
Les policiers municipaux actuellement en fonctions devront faire l'objet d'un
nouvel agrément. Ils conserveront leurs compétences
antérieures jusqu'à ce qu'il ait été statué
sur leur agrément. En cas de refus d'agrément, ils pourront
être reclassés dans les conditions indiquées ci-dessus
(
article 20
).
•
(p. Le règlement de coordination)
L'
article 2
du projet dispose que dans toutes les communes employant au
moins
cinq
agents de police municipale, un règlement de
coordination conforme à un règlement type, approuvé par
décret en Conseil d'Etat, devra être élaboré
conjointement par le maire et le préfet, après avis du procureur
de la République.
Ce règlement de coordination précisera notamment la nature et le
lieu des interventions des agents et les modalités de la coordination de
leur action avec la police et la gendarmerie nationale.
A défaut d'accord entre le préfet et le maire sur le contenu de
ce règlement de coordination, dans un délai de
six mois
à compter de la délibération du conseil municipal portant
à cinq le nombre des emplois, ce règlement pourra être pris
par le préfet seul, après avis du procureur de la
République.
La même procédure sera applicable pour les polices municipales
actuellement en fonction, dans un délai de
six mois
à
compter de la publication du règlement type précédemment
mentionné (
article 18
).
•
(p. La réglementation des horaires d'exercice)
En absence de règlement général de coordination en
disposant autrement, l'
article 2
prévoit que les missions de la
police municipale ne pourront s'exercer qu'entre 7 H et 20 H, à
l'exception des gardes statiques des bâtiments communaux et de la
surveillance de manifestations organisées par l'autorité
municipale.
•
(p. L'autorisation de porter une arme)
L'
article 7
pose le principe du
non-armement
des polices
municipales. Toutefois des autorisations nominatives pourront être
accordées aux agents par le préfet, sur demande motivée du
maire, si les circonstances et les conditions d'exercice de leurs fonctions le
justifient et sous réserve qu'un règlement de coordination ait
été établi.
Les circonstances et les conditions dans lesquelles un agent pourra porter une
arme, de même que la catégorie et le type d'armes qui seront
autorisées, ainsi que les conditions de leur acquisition et de leur
détention par les communes seront déterminés par
décret en Conseil d'Etat.
•
(p. Une harmonisation de l'identification et des
équipements)
L'
article 8
prévoit l'uniformisation de la carte professionnelle,
de la tenue, de la signalisation des véhicules et des équipements
dont sont dotés les agents de police municipale de l'ensemble des
communes et exigent qu'ils soient distincts de ceux adoptés par la
police et la gendarmerie nationales.
Les caractéristiques et les normes techniques de ces
éléments seront fixés par décret en Conseil d'Etat
après avis de la commission consultative des polices municipales
instituée par le texte.
Les communes devront procéder à cette harmonisation dans un
délai de six mois après la publication de ce décret
(
article 19
).
Le port de la carte professionnelle et de la tenue seront obligatoires pendant
le service.
•
(p. L'autorisation de mise en commun occasionnelle des services de
police municipales )
L'
article 5
prévoit que, en cas de manifestation exceptionnelle
ou à l'occasion d'un afflux important de population lié à
la saison touristique, le préfet pourra autoriser les maires de communes
limitrophes ou appartenant à une même agglomération
à
mettre en commun
tout ou partie de leurs moyens de police
municipale pour l'exercice d'activités de police
administrative.
b) L'institution d'un contrôle
•
(p. La soumission à des règles de déontologie)
L'
article premier
précise que les moyens dont disposent les
policiers municipaux doivent être strictement en adéquation avec
leurs missions.
L'
article 9
prévoit l'établissement par décret en
Conseil d'Etat d'un code de déontologie des agents de police municipale.
•
(p. Les vérifications des services)
L'
article 4
prévoit que des vérifications de
l'organisation et du fonctionnement d'un service de police municipale pourront
être demandées par le maire, le préfet ou le procureur de
la République.
Ces vérifications seront décidées par le ministre de
l'intérieur, après avis de la commission consultative des polices
municipales.
Elles seront confiées aux services d'inspection relevant du ministre de
l'intérieur ou du ministre de la défense.
2. Des compétences élargies de police judiciaire sous l'autorité fonctionnelle de la hiérarchie judiciaire
a) Des compétences élargies de police judiciaire
Les
agents de police municipale garderont la qualification d'agent de police
judiciaire adjoint que leur reconnaît l'article 21 du code de
procédure pénale.
Ils resteront chargés d'assurer l'exécution des
arrêtés de police du maire. Certaines lois spéciales les
habilitent en outre à constater certaines infractions (publicité,
protection de la nature, pêche).
L'
article premier
élargit leurs compétences à la
constatation d'infractions au code de la route dont la liste est fixée
par décret en Conseil d'Etat. Ces compétences qui sont, à
l'heure actuelle limitées pour l'essentiel à la police du
stationnement des véhicules pourront donc être étendues
à certains aspects de la police de circulation.
L'
article 17
leur permet de constater des infractions relatives à
la conservation du domaine public routier.
•
(p. La possibilité de dresser des procès verbaux)
Les agents de police municipale auront désormais la possibilité,
dans leur domaine de compétences, de dresser de véritables
procès verbaux alors qu'ils ne peuvent actuellement qu'établir
des rapports à l'intention du maire. La possibilité qu'ils ont de
constater par procès verbal les contraventions aux arrêtés
de police du maire s'exercera néanmoins dans les conditions et limites
fixées par décret en Conseil d'Etat (
article premier
).
•
(p. La possibilité de procéder à des
relevés d'identité)
L'
article 14
habilite les agents de police municipale à relever
l'identité d'un contrevenant.
Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier
de son identité, l'agent de police municipale devra en rendre compte
immédiatement à un officier de police judiciaire de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale. Ce dernier pourra alors lui ordonner
de lui présenter sur le champ le contrevenant afin de procéder
lui-même à une vérification d'identité. A
défaut de cet ordre, l'agent de police municipale ne pourra pas retenir
ce contrevenant.
b) L'autorité fonctionnelle de la hiérarchie judiciaire
Les
policiers municipaux continueront comme c'est le cas actuellement à
être agréés par le Procureur de la République qui
pourra retirer son agrément (
article 6
).
L'
article 12
énonce que les agents de police municipale devront
rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire
de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement
compétent de toute infraction dont ils auront eu connaissance.
Leurs procès-verbaux devront être adressés au procureur de
la République par l'intermédiaire des officiers de police
judiciaire, une copie devant être transmise au maire.
Cet article prévoit également la possibilité de
réquisition des agents de police municipale par le procureur de la
République, le juge d'instruction et les officiers de police
judiciaire.
3. Une reconnaissance et une amélioration du statut des agents
a) La reconnaissance législative de la qualité d'agent de la fonction publique territoriale
L' article 6 mentionne explicitement que les agents de police municipale sont des fonctionnaires territoriaux recrutés dans le cadre d'un statut particulier, ce qui avait été jusqu'à présent admis implicitement.
b) Une amélioration du statut
L'
article 15
institue un droit à la formation
continue
des agents de police municipale. Cette formation sera assurée par le
Centre national de la fonction publique territoriale, dans des conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat. Elle sera
financée par une redevance pour prestations de service, versée
par les communes concernées.
L'
article 16
prévoit qu'en cas de décès d'un agent
de police municipale au cours d'une opération de police, ses conjoints
et orphelins pourront toucher une pension de réversion égale au
montant cumulé de la pension et des rentes viagères
d'invalidité auxquelles l'intéressé aurait pu
prétendre.
c) La création d'une commission consultative des polices municipales
L'
article 3
prévoit la création,
auprès
du ministre de l'intérieur, qui en désignera le président,
d'une commission consultative des polices municipales, composée pour
moitié de représentants de l'Etat et pour moitié, et en
nombre égal, de représentants des maires et des policiers
municipaux.
Cette commission devra donner son avis sur les normes techniques qui doivent
être arrêtées en matière d'équipements des
polices municipales (
article 8
) ainsi qu'en matière de
demande de vérification d'un service de police municipale (
article
4
).