II. LE PROBLÈME DE LA DISTRIBUTION DE CARBURANT
A. LA DIMINUTION DU NOMBRE DE STATIONS-SERVICE
On
comptait 47.500 stations-service dans l'Hexagone fin 1975 et 34.600 en 1985. Il
n'en subsistait plus que
17.514
fin 1997. L'an dernier, encore 450
points de vente ont disparu. 70 000 emplois ont ainsi été perdus
notamment en zones rurales ou au coeur des villes,
une station-service
classique utilisant cinq fois plus de personnel qu'une station de grande
surface par m
3
de carburant vendu
.
Ce phénomène a essentiellement affecté les
détaillants - qu'il s'agisse des distributeurs du réseau des
compagnies pétrolières ou des distributeurs
indépendants - dont la part de marché a diminué de 80
à 53 % depuis 1985, tandis que celles des grandes et moyennes
surfaces (GMS) s'accroissait de 20 à 47 % au cours de la même
période. La part de marché de ces dernières est
estimée par l'UFIP à 51,1 % en 1997.
Ces fermetures résultent donc en partie de la concurrence des GMS qui
utilisent les carburants comme produits d'appel, allant même
jusqu'à pratiquer des prix de vente qui ne couvrent pas l'ensemble des
coûts de distribution de ces produits. En 1972, un arrêté
tentait d'en limiter les débordements mais, par la suite, la
réglementation s'est efforcée de légaliser
a
posteriori
les remises sans cesse croissantes accordées par les
GMS.
Ainsi, de 1975 à 1980, avec un rabais autorisé de 6 centimes par
litre, le nombre de stations classiques a diminué de 14 % et celui
des stations des GMS a augmenté de 51 %. De 1980 à 1985, les
rabais autorisés sont passés progressivement de 10 c/l
à 17 c/l : les évolutions respectives ont
été de - 26 % et + 50 %. De 1985 à 1990,
dans un contexte concurrentiel exacerbé par des pratiques alors devenues
légales (la liberté des prix est intervenue en 1985), les
évolutions ont été de - 30 % et + 67 %.
Enfin, de 1990 à 1995, les évolutions ont été de
- 30 % et + 5 %, la quasi-totalité des
supermarchés ayant été équipés de pompes
avant 1990.
Il faut noter également que les grandes surfaces, qui s'approvisionnent
auprès des raffineurs, bénéficient de la baisse des prix
des produits raffinés résultant du déséquilibre
créé par le poids du gazole. En effet, alors que les raffineries
françaises ne disposent pas de l'outil de raffinage suffisant pour faire
face à l'accroissement de la demande de gazole, elles sont
obligées d'exporter les quantités de supercarburants qu'elles
raffinent en excédent.
En conséquence, les centrales d'achat des grandes surfaces sont en
mesure, dans le climat actuel de très forte concurrence et de bas prix
du pétrole, d'obtenir des prix base exportation de la part des
raffineurs puisque ces derniers n'ont pas d'alternative et qu'à
l'exportation ils supporteraient des frais de logistique
supplémentaires. Ces bas prix au stade du raffinage entraînent des
prix finaux déprimés au niveau de l'ensemble de la distribution
d'essence.
Certes les pouvoirs publics ont tenté de remédier à ce
phénomène de " raréfaction " de la desserte du
territoire en carburants
.
La loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au
développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat
prévoit ainsi l'obtention d'une autorisation spéciale pour
l'implantation de stations-service et l'extension de la taxe sur les surfaces
commerciales de la grande distribution aux surfaces de leurs stations de vente
de carburant au profit du Comité Professionnel de la Distribution des
Carburants (CPDC). Cet organisme est chargé de distribuer des aides
destinées à favoriser la maintien d'un nombre suffisant de points
de vente en zone rurale.
Mais, outre que cette loi est sans effet sur le réseau actuel, ses
textes d'application n'ont pas encore été publiés. Enfin,
les 60 millions de francs que devrait rapporter la taxe sur les surfaces de
vente de carburants ne représente que 20 000 F par an par
détaillant, ce qui paraît insuffisant pour assurer sa survie.
Les professionnels regrettent en conséquence que leurs propositions
visant à modifier le régime d'interdiction de la revente à
perte
113(
*
)
ou à
étendre le régime législatif des prix abusivement bas
à la vente des carburants n'aient pas été acceptées
par le Gouvernement, en dépit d'un avis favorable du Parlement. Ils font
valoir que
l'obligation d'intégrer l'ensemble des coûts de
distribution dans les prix de vente aurait permis
, à un coût
modique pour les consommateurs (hausse moyenne de 3 c/l pour l'ensemble de la
distribution pétrolière),
de faire cesser la pratique des prix
prédateurs et contribué au sauvetage des petites stations
situées dans la zone d'influence des grandes et moyennes surfaces.
Au total, le nombre de points de vente devrait continuer à
décroître au cours des prochaines années, bien que plus
lentement. Il faut espérer que les Français, qui se disent de
moins en moins prêts à faire un détour pour payer moins
cher leur essence
114(
*
)
,
agissent en conséquence.
Il est important d'observer que les futures normes imposées aux
stations-service en matière environnementales seront beaucoup plus
faciles à amortir pour des stations des GMS qui vendent plus d'un
million de litres par mois, que pour les stations du réseau traditionnel
qui écoulent en moyenne 150 000 à 200 000 litres par
mois.