C. NOS PARTENAIRES EUROPÉENS TENDENT À LIBÉRALISER PLUS LARGEMENT LEUR MARCHÉ TOUT EN FAVORISANT LA COMPÉTITIVITÉ DE LEURS OPÉRATEURS
1. Une tendance à une assez large ouverture du marché à la concurrence
Nos
voisins européens ont déjà, pour certains,
procédé à une libéralisation et à une assez
large ouverture de leur marché électrique à la concurrence
ou projettent de le faire dans des délais plus brefs et avec des seuils
d'ouverture plus bas que ne l'impose la directive
82(
*
)
.
On rappellera
83(
*
)
brièvement que la Grande-Bretagne est l'un des précurseurs de ce
mouvement. Elle vient certes de repousser de six mois l'ouverture totale du
marché, qui permettra à l'ensemble des consommateurs de choisir
leur fournisseur. Mais le schéma n'est pas remis en cause, seule la
complexité des systèmes informatiques à mettre en place
expliquant ce report.
L'Allemagne vient, quant à elle, de décider une ouverture
théorique de son marché de 100 %
84(
*
)
. 95 % du marché danois
pourraient être prochainement ouvert à la concurrence, tandis que
62 % du marché néerlandais le seraient en 2002. La Belgique
projette d'atteindre un seuil d'ouverture d'environ 50 % en 2006.
L'Espagne accompagne ce mouvement et prévoit que la concurrence pourra
accéder à 38 % du marché en 2002 (seuil de 5 Gwh
à cette date, puis de 1 Gwh en 2004).
En définitive, l'ouverture moyenne du marché électrique
de l'Union européenne atteindra 60 % dès l'année
prochaine, alors que la directive n'impose qu'un seuil de 25 % dans un
premier temps.
2. La tentation de favoriser la compétitivité des opérateurs nationaux
Cette
tentation est légitime et partagée. Elle prend cependant des
formes variées : offensives dans certains cas, défensives dans
d'autres
.
Là où le secteur est fragmenté, la concentration va bon
train.
Les
Pays-Bas
ont l'ambition de regrouper leurs quatre
opérateurs dominants en un seul, afin de lui donner une chance dans la
restructuration du secteur électrique européen. En
Espagne
, où la recomposition du secteur électrique est
engagée depuis dix ans, deux opérateurs (Endesa et Iberdrola)
dominent le marché, dont ils détiennent 80 %.
Là où le producteur est déjà de bonne taille
mais un peu faible au plan du contrôle de la distribution, le
régulateur lui permet de se concentrer
. C'est ainsi qu'en
Suède, Vattenfall, l'opérateur public qui détient
50 % du marché national de la production et plus de la
moitié des réseaux régionaux, s'est constitué une
part de marché de 15 % de la distribution en peu de temps
grâce à des rachats ; Sydkraft -deuxième producteur avec
23 % de parts de marché- fait de même, sachant que l'aval de
la filière est très morcelé.
Par ailleurs, un certain nombre d'Etats membres favorisent les alliances
dans le secteur de l'énergie ou dans d'autres secteurs, dans une
perspective de diversification des opérateurs.
Si c'est depuis longtemps le cas en
Allemagne
-où les
électriciens font partie de groupes puissants et largement
diversifiés-, on a pu observer ce mouvement récemment dans
d'autres pays. C'est ainsi qu'en
Italie
, tandis que l'on continue
à évoquer diverses hypothèses de restructuration de la
compagnie nationale ENEL. Cette dernière a établi des
partenariats avec le gazier Enron et l'électricien américain
Entergy et a constitué avec Deutsche Telekom et France
Télécom une co-entreprise destinée à briguer la
troisième licence de téléphonie mobile ainsi qu'une
entrée dans la téléphonie fixe. En
Espagne
, ENDESA,
compagnie à actionnaire dominant public déjà fortement
implantée en Amérique latine, se développe fortement dans
les secteurs de l'eau, des télécommunications, du gaz et du
traitement des déchets.
Dans cet environnement en voie de recomposition accélérée,
l'effectivité de l'ouverture à la concurrence sera
sans
doute progressive et
parfois freinée par certaines modalités
de nature à favoriser les opérateurs historiques
.
C'est ainsi, par exemple, que les compagnies allemandes de distribution (les
" Stadtwerke ") garderont la possibilité d'être
" acheteur unique " jusqu'en 2006.
Certains pays, lorsque leurs compagnies nationales se trouvent mal
placées en termes de compétitivité, ont recours à
la faculté ouverte par la directive de faire prendre en charge par
l'ensemble des acteurs ou des consommateurs ce qu'on appelle les
" coûts échoués ", c'est-à-dire le
coût des engagements passés généralement
imposés par les pouvoirs publics et mettant la compagnie en situation
inégalitaire face à ses concurrents. L'Espagne et l'Italie
chiffrent, l'une et l'autre, à rien de moins que 80 milliards de
francs le montant des coûts de ce type à récupérer
sur 10 ans...