C. LA CRÉATION D'UN DROIT SUI GENERIS
Indépendamment du droit d'auteur, la directive
prévoit la protection des fabricants de bases de données par un
droit sui generis portant sur le contenu de celle-ci.
La valeur
essentielle d'un grand nombre de bases de données réside dans les
informations qu'elles contiennent, dont la collecte, le stockage et le
traitement supposent parfois de lourds investissements. Ce contenu
n'étant pas une oeuvre de l'esprit, il ne peut bénéficier
du droit d'auteur.
Le droit sui generis prévu par la directive communautaire a pour but de
protéger l'investissement financier et professionnel consenti par le
fabricant d'une base de données pour rechercher et rassembler le contenu
de cette base. En effet,
" l'utilisation toujours croissante de la
technologie numérique expose le fabricant d'une base de données
au risque que le contenu de sa base de données soit copié et
adapté électroniquement sans autorisation pour en faire une autre
base de données, de contenu identique, mais qui ne violerait pas le
droit d'auteur applicable à la disposition du contenu de la
première base
7(
*
)
".
Il s'agit donc d'une
protection du contenu lui-même de la base de données.
Ce droit sui generis est directement inspiré du
" droit de
catalogue "
existant dans les pays nordiques. Ainsi, l'article 71
de
la loi danoise sur le droit d'auteur précise que
" les
catalogues, tables et ouvrages similaires qui rassemblent un grand nombre
d'informations ne peuvent, sans le consentement de celui qui les a
réalisés, être copiés avant l'expiration d'un
délai de dix années à compter de la fin de l'année
au cours de laquelle l'ouvrage a été divulgué ".
Au cours des négociations communautaires, la création d'un droit
sui generis est progressivement apparue comme le seul moyen de protéger
l'investissement réalisé par le fabricant d'une base de
données. Les États membres se sont donc ralliés à
cette solution qui protège le fabricant contre l'extraction ou la
réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle du
contenu de la base de données.
Ce droit sui generis se distingue du régime de la concurrence
déloyale, en particulier parce qu'il ne concerne pas seulement les
rapports entre commerçants, mais également les rapports entre
fournisseurs et utilisateurs. Il se distingue également clairement du
droit d'auteur, dans la mesure notamment où il n'existe aucun droit
moral attaché à ce droit. La directive précise clairement
dans un considérant qu'il ne s'agit en aucun cas d'une extension de la
protection du droit d'auteur aux simples faits ou aux données.
La mise en oeuvre de ce droit sui generis pourrait soulever un certain nombre
de difficultés. Elle pourrait en particulier conduire à des abus
de position dominante, ce qui justifie l'un des considérants de la
directive communautaire précisant que
" les dispositions de la
présente directive sont sans préjudice de l'application des
règles de la concurrence, qu'elles soient communautaires ou
nationales ".
Le droit sui generis introduit par la directive confère aux fabricants
de bases de données un certain nombre de prérogatives. L'article
7 de la directive prévoit le droit pour le fabricant d'une base de
données "
d'interdire l'extraction et/ou la réutilisation
de la totalité ou d'une partie substantielle, évaluée de
façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci lorsque
l'obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu
attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou
quantitatif ".
De même, l'extraction et la réutilisation
répétées et systématiques de parties non
substantielles du contenu de la base de données qui supposeraient des
actes contraires à une exploitation normale de cette base, ou qui
causeraient un préjudice injustifié aux intérêts
légitimes du fabricant de la base, ne sont pas autorisées.
Naturellement, l'utilisateur légitime d'une base de données peut
extraire et réutiliser des parties non substantielles de son contenu,
à condition qu'il n'effectue pas des actes qui sont en conflit avec
l'exploitation normale de cette base. Cette disposition vise à
éviter la multiplication d'extractions de parties non substantielles
dans le but de reconstituer l'intégralité de la base.
Comme pour le droit d'auteur, il existe des exceptions au droit sui generis.
Les États peuvent prévoir la possibilité pour un
utilisateur légitime d'extraire et de réutiliser une partie
substantielle d'une base de données lorsqu'il s'agit d'une extraction
à des fins privées du contenu d'une base de données non
électronique, lorsqu'il s'agit d'une extraction à des fins
d'illustration de l'enseignement ou de recherche scientifique, enfin lorsqu'il
s'agit d'une extraction ou d'une réutilisation à des fins de
sécurité publique ou aux fins d'une procédure
administrative ou juridictionnelle.
Le droit sui generis prévu par la directive expire quinze ans
après le 1er janvier de l'année qui suit la date de
l'achèvement de la base. Toute modification substantielle d'une base de
données permet de lui attribuer une nouvelle durée de protection.
Les États membres sont invités à prévoir des
sanctions appropriées contre la violation des droits prévus par
la directive.