SECTION 5
Dispositions relatives à l'instauration
d'un
dépistage systématique des stupéfiants,
pour les
conducteurs impliqués dans un accident mortel
Article 7
Instauration d'un dépistage
systématique des stupéfiants,
pour les conducteurs
impliqués dans un accident mortel
L'article 7 du projet de loi tend à ajouter un
article L.3-1 au titre premier du livre II du code de la route.
Le texte proposé pour l'article L.3-1 prévoit que les
officiers ou agents de police judiciaire font procéder sur tout
conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de la
circulation, à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles
se révèlent positives ou s'avèrent impossibles, ou lorsque
le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens
médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il
conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme
stupéfiants.
Le texte proposé prévoit que les résultats de ces analyses
sont transmis au procureur de la République du lieu de l'accident et que
le refus de se soumettre aux vérifications prévues est puni de
deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30.000 francs, peine
prévue par l'article L.1er du code de la route en cas de refus de
se soumettre aux vérifications destinées à établir
la preuve de l'état alcoolique.
Au cours de la dixième législature, quatre propositions de loi
relatives à la conduite sous l'influence de stupéfiants avaient
été déposées à l'Assemblée
nationale
8(
*
)
. La commission des
Lois de l'Assemblée nationale a adopté des conclusions tendant
à instituer un dépistage de substances ou plantes classées
comme stupéfiants
9(
*
)
. Ces
conclusions envisageaient le dépistage sur tout conducteur d'un
véhicule impliqué dans un accident de la circulation ayant
causé un
dommage corporel
.
Dans la proposition de loi qu'il a déposée sur ce sujet
10(
*
)
le 22 janvier dernier, notre
collègue Edouard Le Jeune a proposé de soumettre à des
épreuves de dépistage "
le conducteur impliqué
dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel
et tout conducteur impliqué dans un quelconque accident de la
circulation ou auteur présumé de l'une des infractions aux
prescriptions (...) relatives à la vitesse des véhicules et au
port de la ceinture de sécurité ou du casque
".
Notre collègue a proposé en outre de punir de deux ans
d'emprisonnement et de 30.000 F d'amende (peines prévues en cas de
conduite sous l'empire d'un état alcoolique) la conduite sous l'empire
de stupéfiants, de substances psychotropes ou de médicaments de
nature à altérer gravement son comportement.
Par ailleurs, en décembre 1993, le comité
interministériel de sécurité routière a
décidé de mettre en place un comité chargé de
rédiger un Livre Blanc sur les effets des médicaments et des
drogues sur la sécurité routière. Ce Livre Blanc a
été publié en 1995. Les auteurs du Livre blanc, dans leurs
conclusions, ont constaté "
la discordance entre la richesse des
mesures législatives et réglementaires concernant l'alcool, et la
quasi absence de dispositions spécifiques concernant les
médicaments et surtout les drogues illicites. Après un accident
de la route, il est paradoxalement plus facile de mettre en évidence et
de sanctionner la consommation excessive et inadaptée d'un produit en
vente libre, que de reconnaître l'influence d'une drogue dont la
consommation est interdite
"
11(
*
)
.
Pour remédier à cette situation, les auteurs ont en particulier
proposé "
Une modification législative du code de la
route organisant la recherche d'une conduite sous l'influence de substances,
illicites ou détournées de leur usage, capables de modifier
l'aptitude à la conduite
(...) ".
La mesure proposée par le Gouvernement était donc très
attendue. Elle doit permettre, selon l'exposé des motifs du projet de
loi, "
d'améliorer les connaissances et de fonder sur celles-ci,
le moment venu, des mesures adaptées d'interdiction et de
répression spécifiques touchant la conduite sous l'emprise de
stupéfiants
".
Compte tenu du faible état d'avancement des connaissances sur ce sujet,
le Gouvernement ne propose pas la mise en oeuvre d'un dispositif
répressif spécifique pour punir la conduite sous l'influence de
substances ou plantes classées comme stupéfiants.
Certains éléments techniques militent contre l'instauration d'un
dispositif répressif spécifique. Pour certaines substances, il
conviendrait sans doute, comme en matière d'alcool, de définir
des seuils à partir desquels la conduite sous l'empire de ces substances
serait considérée comme répréhensible. En outre,
certains produits peuvent être détectés dans le sang ou les
urines longtemps après leur absorption, alors même qu'ils n'ont
plus d'influence sur la conduite d'un véhicule.
Par ailleurs, les conducteurs sous l'influence de substances
stupéfiantes pourront être poursuivis sur le fondement de
l'article L. 628 du code de la santé publique qui punit d'un
an d'emprisonnement et de 25.000 F d'amende l'usage illicite de l'une des
substances ou plantes classées comme stupéfiants. De plus, le
juge pourra tenir compte des résultats des recherches de
stupéfiants dans la définition de la sanction éventuelle
qu'il sera conduit à prononcer, en particulier pour homicide.
Malgré ces différents arguments, votre commission a estimé
impossible de ne pas prévoir une sanction spécifique à
l'encontre des personnes mettant en danger la vie d'autrui en conduisant un
véhicule alors qu'elles ont consommé des produits
stupéfiants. Elle a constaté que dans certains cas en effet, le
rôle des stupéfiants dans certains accidents de la circulation
était patent. Elle vous soumet donc un
amendement
tendant
à punir de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 F d'amende
(peines prévues pour la conduite sous l'empire d'un état
alcoolique) la personne ayant conduit après avoir fait usage, de
manière illicite, de substances ou plantes classées comme
stupéfiants.
L'une des questions essentielles que suscite la mesure proposée par le
Gouvernement est celle de son champ d'application. Le projet de loi impose un
dépistage systématique des stupéfiants pour les
conducteurs impliqués dans un accident
mortel
. Selon
l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, près de 12 000
conducteurs sont impliqués chaque année dans des accidents
mortels. On peut se demander si une mesure aussi ciblée permettra
d'obtenir rapidement des données épidémiologiques fiables
et de modifier les comportements de certains conducteurs.
Les auteurs du Livre blanc remis au Premier ministre en 1995 ont proposé
que les recherches soient pratiquées "
en cas d'accident
corporel, et lors d'une infraction aux règles de circulation mettant en
jeu la sécurité, dans les circonstances et avec la
procédure suivantes :
- en cas de comportement anormal disproportionné avec les
résultats de l'éthylotest et éventuellement de
l'éthylomètre, mise en oeuvre d'une méthode de
dépistage par prélèvement sanguin ou urinaire, suivie
éventuellement d'une méthode de confirmation et de
quantification ;
- si les tests sur le lieu de l'accident sont impossibles (sujet inconscient),
mise en oeuvre d'une recherche de substances illicites ou
détournées de leur usage par prise de sang comme c'est
actuellement le cas pour l'alcool, ou par l'examen des urines
".
Toutefois, les auteurs du Livre blanc ont indiqué à propos du
champ d'application du dépistage :
"
Nous devons tenir compte de la faisabilité des mesures qui
peuvent être adoptées. Il ne serait pas réaliste d'imposer
la recherche de nombreuses substances sur l'ensemble des impliqués dans
des accidents corporels de la circulation. Dans l'attente de la validation des
méthodes de dépistage utilisant la salive, il est
nécessaire de disposer d'urines ou de sang pour pouvoir faire une
recherche fiable (...). Nous devons également tenir compte du coût
des recherches systématiques. Dépister une alcoolisation illicite
et la quantifier avec précision par un dosage sanguin ou la mesurer dans
l'air expiré par un éthylomètre est une pratique dont le
coût est acceptable, compte tenu de l'importance de l'alcoolisation dans
notre pays. Rechercher et doser de multiples substances chez tous les
impliqués dans un accident corporel de la circulation peut avoir un
coût disproportionné avec la réalité de service
rendu. Il convient donc d'utiliser des approches
sélectives... ".
De fait, le dépistage des substances ou plantes classées comme
stupéfiants pose encore de multiples problèmes. Même si un
dispositif de recherche de stupéfiants reposant sur l'examen de la
salive devrait être mis au point dans un délai assez court, de
nombreuses incertitudes subsistent. Dans ces conditions, il convient de veiller
à n'adopter que des mesures effectivement applicables. Votre commission
n'a donc pas souhaité élargir le champ d'application du
dispositif proposé par le projet de loi.
Par ailleurs, cet article 7 tend à punir de deux ans d'emprisonnement et
30.000 F d'amende le refus de se soumettre aux vérifications
prévues. En matière d'alcoolémie, une telle sanction n'est
prévue que lorsque le conducteur a refusé de se soumettre aux
examens médicaux qui lui sont imposés lorsqu'il s'oppose à
l'épreuve de dépistage. Il paraît préférable
de prévoir, en matière de stupéfiants comme en
matière d'alcool, un dispositif en deux étapes, la sanction
n'intervenant qu'en cas de refus de se soumettre aux analyses et examens
médicaux, cliniques et biologiques. Un tel dispositif est d'autant plus
justifié que les épreuves de dépistage des
stupéfiants sont, pour l'heure, plus contraignantes que celles
prévues pour la recherche d'alcool.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
en ce sens et vous
propose d'adopter l'article 7 ainsi
modifié
.