RAPPORT N° 358 - PROJET DE LOI PORTANT DIVERSES MESURES RELATIVES A LA SECURITE ROUTIERE. PROPOSITION DE LOI PRESENTEE PAR M. EDOUARD LE JEUNE VISANT A REPRIMER LA CONDUITE AUTOMOBILE SOUS L'EMPIRE DE PRODUITS STUPEFIANTS, DE SUBSTANCES PSYCHOTROPES
M. Lucien LANIER, Sénateur
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LEGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU REGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GENERALE - RAPPORT N° 358 - 1997/1998
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : DES RÉSULTATS JUGÉS INSUFFISANTS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE
-
II. L'OBJECTIF DU PROJET DE LOI DÉPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT: RÉDUIRE DE MOITIÉ
EN CINQ ANS LE NOMBRE DE MORTS SUR LA ROUTE
- A. UN ÉLÉMENT D'UNE STRATÉGIE GLOBALE
-
B. UN PROJET DE LOI COHÉRENT
- 1. La formation des conducteurs novices auteurs d'une infraction grave
- 2. L'enseignement de la conduite et de la sécurité routière
- 3. La responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules
- 4. La création d'un délit en cas de récidive en moins d'un an de dépassement de la vitesse maximale autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h
- 5. L'instauration d'un dépistage systématique de l'usage de stupéfiants, pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel
- III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
- EXAMEN DES ARTICLES
-
SECTION 1
Disposition relative à la formation des conducteurs
novices auteurs d'infractions graves -
SECTION 2
Dispositions relatives à l'enseignement
de la conduite et de la sécurité routière -
SECTION 3
Dispositions relatives à la responsabilité
des propriétaires de véhicules -
SECTION 4
Dispositions relatives à la création d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée,
égal ou supérieur à 50 km/h -
SECTION 5
Dispositions relatives à l'instauration
d'un dépistage systématique des stupéfiants,
pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel -
SECTION 6
Dispositions diverses
N° 358
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :
- le projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière,
- la proposition de loi présentée par M. Edouard LE JEUNE visant à réprimer la conduite automobile sous l'empire de produits stupéfiants, de substances psychotropes ou de somnifères,
Par M. Lucien LANIER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Sénat
:
302
et
237
(1997-1998).
|
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Sécurité routière. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 25 mars 1998, sous la
présidence de MM. Jacques Larché, président, et
Charles Jolibois, vice-président, la commission des Lois du Sénat
a examiné, sur le rapport de M. Lucien Lanier le projet de loi
n° 302 (1997-1998) portant diverses mesures relatives à la
sécurité routière.
Ce projet de loi tend en particulier à instaurer une obligation de
formation pour les conducteurs novices auteurs d'une seule infraction grave,
à améliorer les conditions d'exercice de la profession
d'enseignant et d'exploitant d'établissements d'enseignement de la
conduite, à créer un délit en cas de récidive de
grand excès de vitesse, à étendre la responsabilité
pécuniaire du propriétaire d'un véhicule, enfin à
mettre en place un dépistage de l'usage de plantes et substances
classées comme stupéfiants en cas d'accident mortel.
M. Lucien Lanier, rapporteur, a approuvé les orientations du projet de
loi tout en soulignant que ce dernier ne résoudrait pas l'ensemble des
problèmes liés à la sécurité routière
et qu'une réflexion plus globale serait nécessaire, prenant en
compte à la fois les individus, les véhicules et les
infrastructures. Il a insisté sur la nécessité
impérieuse de responsabiliser les citoyens en développant les
actions de formation tout au long de la vie.
A la suite de la présentation par le rapporteur de l'économie du
projet de loi, la commission l'a adopté en lui apportant des amendements
tendant principalement à :
- imposer un stage aux conducteurs auteurs, dans les deux ans de l'obtention du
permis de conduire, d'infractions ayant entraîné le retrait de
quatre points au total, même lorsque cette perte de points est le
résultat de plusieurs infractions successives ;
- exiger des dirigeants d'auto-écoles de satisfaire à une
condition d'aptitude professionnelle ;
- indiquer explicitement dans le projet de loi que le propriétaire d'un
véhicule déclaré pécuniairement responsable d'une
infraction commise par un tiers n'est pas responsable pénalement et que
la responsabilité pécuniaire n'entraîne ni inscription au
casier judiciaire ni retrait de points ;
- créer un délit spécifique afin de réprimer la
conduite sous l'influence de plantes ou substances classées comme
stupéfiants, dont le projet de loi impose le dépistage en cas
d'accident mortel.
Mesdames, Messieurs,
La France compte encore chaque année plus de 8 000 morts sur ses routes
et figure, en matière de sécurité routière, parmi
les pays de l'Union européenne dont les résultats sont les plus
médiocres. Face à ce constat, le Gouvernement s'est fixé
un objectif ambitieux de réduction de moitié du nombre de
tués sur la route en cinq ans.
Le projet de loi qui vous est soumis ne constitue qu'un élément
de la stratégie définie par le Gouvernement lors du Comité
interministériel de novembre 1997, stratégie dont l'un des axes
majeurs est le renforcement de la formation. Un tel accent mis sur la formation
doit être salué, même s'il convient encore de mettre en
oeuvre concrètement cet objectif. La responsabilisation des personnes
est la clé d'une politique de sécurité routière
efficace. Elle doit être menée dès le plus jeune âge,
les enfants pouvant jouer un rôle tout à fait essentiel en
matière de sécurité, par l'apprentissage précoce de
notions qu'ils n'oublieront plus, mais aussi par l'influence qu'ils peuvent
exercer sur leur entourage et particulièrement sur leurs parents.
Le projet de loi soumis au Sénat comporte des dispositions utiles,
dont certaines étaient attendues depuis longtemps, comme le
dépistage des plantes et substances classées comme
stupéfiants, également proposé par notre collègue
Edouard Le Jeune. Ce projet de loi mérite donc d'être soutenu.
Pour autant, il n'est pas certain que l'ajout de quelques
réglementations nouvelles dans une matière où les
dispositions législatives et réglementaires se sont
multipliées au cours des dernières années soit suffisant
pour parvenir à améliorer significativement la
sécurité sur nos routes.
Il deviendra de plus en plus difficile de faire l'économie d'une
réflexion plus globale, remettant sur le métier l'ensemble des
problèmes liés à la sécurité
routière, en prenant en considération les individus, les
véhicules et les infrastructures. A cet égard, le Comité
interministériel de sécurité routière a
décidé en novembre 1997 qu'un audit de sécurité
pour les projets routiers serait prochainement mis en oeuvre. Il paraît
singulier qu'il ait fallu attendre 1998 pour qu'une telle procédure soit
envisagée...
Votre commission des Lois, compte tenu de l'objet limité du projet de
loi qui vous est soumis, a estimé difficile d'engager une
réflexion globale dans ce cadre, mais souhaitait néanmoins
attirer l'attention de tous les acteurs concernés sur la
nécessité de poursuivre la réflexion en matière de
sécurité routière en ayant pour objectif essentiel la
responsabilisation des individus.
I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : DES RÉSULTATS JUGÉS INSUFFISANTS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE
A. LE DROIT EXISTANT
Le code de la route contient aujourd'hui un dispositif destiné à prévenir et à réprimer les comportements portant atteinte à la sécurité routière. Ce dispositif a fait l'objet d'adaptations fréquentes.
1. Le dispositif répressif
a) Un large éventail d'incriminations
Un certain nombre d'infractions constituent des délits
punis de peines d'emprisonnement. Ainsi, la conduite sous l'empire d'un
état alcoolique (présence dans le sang d'un taux d'alcool pur
égal ou supérieur à 0,8 gramme pour mille) est punie de
deux ans d'emprisonnement et de 30.000 francs d'amende en vertu de
l'article L. 1er du code de la route. De même, le fait, pour un
conducteur, de ne pas s'arrêter sachant qu'il vint de causer ou
d'occasionner un accident est passible de deux ans d'emprisonnement et de
200.000 francs d'amende.
Un grand nombre d'infractions aux règles posées par le code de la
route sont passibles des peines prévues pour les contraventions de la
quatrième classe (5.000 F d'amende au maximum). C'est le cas des
infractions aux règles relatives aux limitations de vitesse. Aucune
modulation de l'amende n'est actuellement prévue pour tenir compte de
l'importance du dépassement de la vitesse maximale autorisée. Les
infractions aux règles relatives aux croisements et dépassements,
aux intersections de routes et aux priorités de passage, ainsi qu'aux
signalisations prescrivant l'arrêt absolu sont également punies de
l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
Indépendamment des règles posées par le code de la route,
il convient de rappeler que certaines dispositions du code pénal ont
vocation à sanctionner les comportements dangereux en matière de
circulation. Il s'agit en particulier des dispositions relatives aux homicides
ou blessures involontaires (articles 221-6 et suivants du code pénal) et
des dispositions relatives à la mise en danger d'autrui (article 121-3
du code pénal).
Aux peines de prison et d'amende s'ajoutent fréquemment des peines
complémentaires. Ainsi, en vertu de l'article L. 15 du code de
la route, certaines infractions peuvent donner lieu à l'annulation du
permis de conduire. Les cours et tribunaux peuvent en particulier prononcer
cette annulation en cas d'homicide ou de blessures involontaires commis
à l'occasion de la conduite d'un véhicule et en cas de
condamnation pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Dans certains cas, l'annulation du permis de conduire est de plein droit, en
particulier en cas de récidive de l'un des délits prévus
à l'article L. 1er du code de la route, relatif à la
conduite sous l'empire d'un état alcoolique. De même
l'article L. 14 prévoit la possibilité pour le juge
d'ordonner la suspension du permis de conduire pendant trois ans au plus en cas
de condamnation pour certaines infractions, en particulier la conduite sous
l'empire d'un état alcoolique et les contraventions à la police
de la sécurité routière.
b) La création d'un permis à points
Depuis le 1er juillet 1992 (date d'entrée en
vigueur de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989), le permis de
conduire est affecté d'un nombre de points qui est réduit de
plein droit en cas de réalisation de certaines infractions.
En ce qui concerne les infractions aux règles relatives à la
vitesse maximale autorisée, une modulation du retrait de points est
prévue en fonction de la gravité de l'excès de vitesse
commis.
En vertu de l'article R.256 du code de la route, un dépassement de
40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée donne lieu au
retrait de quatre points sur un total de 12, un dépassement de
30 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée donne lieu au
retrait de trois points, un dépassement de 20 km/h ou plus de la
vitesse maximale autorisée donne lieu au retrait de deux points, enfin
un dépassement de moins de 20 km/h de la vitesse maximale
autorisée donne lieu au retrait d'un point.
2. Le dispositif relatif à la formation des conducteurs et des enseignants
a) La formation des conducteurs
Actuellement, la formation des automobilistes est
assurée, pour l'essentiel, à l'occasion de la préparation
à l'examen du permis de conduire.
Des dispositions ont cependant été prises pour former les enfants
et les adolescents aux questions de sécurité routière.
Pour les jeunes sous obligation scolaire, l'Éducation nationale doit
exercer une fonction de formation des usagers. Cette mission lui a
été confiée par la loi du 26 juillet 1957. Des formations
doivent être assurées au niveau des classes de 5ème et de
3ème permettant l'obtention d'attestations scolaires de
sécurité routière de premier et de second niveaux.
L'attestation scolaire de premier niveau constitue une partie du Brevet de
sécurité routière exigible pour l'accès à la
conduite des cyclomoteurs entre 14 et 16 ans.
Par ailleurs, à partir de 1987, a été mis en place
l'apprentissage anticipé de la conduite (AAC), qui permet aux jeunes,
sous certaines conditions, d'acquérir une expérience de la
conduite avant d'avoir l'âge légal pour l'obtention du permis de
conduire.
Ce mode d'accès à la conduite comporte deux étapes :
- dans un premier temps, le candidat âgé de 16 ans au moins,
reçoit une formation initiale en auto-école, de vingt heures au
minimum dont quinze de pratique en voiture ;
- dans un second temps, le candidat acquiert de l'expérience en
situation de conduite accompagnée avec un adulte de vingt-huit ans au
moins, titulaire du permis de conduire depuis trois ans au moins. L'adulte doit
accompagner le candidat pendant 3.000 km, deux rendez-vous pédagogiques
avec un enseignant étant prévus pendant cette phase d'acquisition
d'expérience. Le candidat est alors en mesure de passer l'examen du
permis de conduire dès qu'il a atteint l'âge de dix-huit ans.
Actuellement, cette forme d'accès à la conduite concerne moins de
15 % des candidats au permis de conduire.
Le code de la route prévoit également une formation
postérieure à l'obtention du permis de conduire
. Ainsi
l'article L. 11-6, introduit lors de l'adoption de la loi instituant
un permis à points, prévoit que le titulaire du permis de
conduire dont le nombre de points a diminué à la suite
d'infractions peut obtenir la restitution partielle du nombre de points initial
s'il se soumet à une formation spécifique devant comprendre
obligatoirement un programme de sensibilisation aux causes et aux
conséquences des accidents de la route. Il s'agit donc d'une formation
facultative.
b) La formation des enseignants
En ce qui concerne les conditions d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur, elles sont actuellement définies par des dispositions réglementaires, les articles R. 243 et suivants du code de la route. Ceux-ci soumettent en particulier l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile à l'obtention d'un brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière (BEPECASER) et prévoient la délivrance d'une autorisation d'enseigner par le préfet. L'exploitation d'un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière est quant à elle subordonnée à l'agrément du préfet. Ces établissements ne peuvent employer que des personnes titulaires de l'autorisation d'enseigner.
B. DES RÉSULTATS JUGÉS ENCORE INSUFFISANTS
Au cours des vingt dernières années, alors que la circulation augmentait sensiblement, les résultats de la France en matière de sécurité routière se sont significativement améliorés, comme le montrent les graphiques suivants, respectivement relatifs à l'évolution du nombre d'accidents corporels et à l'évolution du nombre de tués sur la route.
Évolution du nombre d'accidents corporels
Source : Observatoire national interministériel de la
sécurité routière
Évolution du nombre de tués et de l'indice de circulation
* Indice établi à partir du nombre de véhicules passant
par les points de comptage (base 100 en 1959).
Source : Observatoire national interministériel de la
sécurité routière
Cette évolution positive ne peut cependant masquer que la France
figure parmi les pays européens les moins biens placés en
matière de sécurité routière avec 8.080 morts sur
les routes en 1996
.
On compte près de 100 blessés graves chaque jour dans notre pays.
Le risque routier est en France environ deux fois plus élevé
qu'au Royaume Uni, en Suède ou aux Pays-Bas. Les jeunes conducteurs
(18-24 ans) sont particulièrement concernés par cette question,
puisqu'ils représentent 21 % des tués sur la route et 23 % des
blessés graves alors qu'ils ne constituent que 10 % de la population
française.
Le graphique ci-dessous démontre que la France, sans détenir un
sinistre record qui revient au Portugal et à la Grèce, compte un
nombre de personnes tuées par an sur la route par million d'habitants
supérieur à celui de la plupart des pays de l'Union
européenne.
Nombre de tués par an pour un million d'habitants
Source : Observatoire national interministériel de la
sécurité routière
Lorsqu'on prend en considération le nombre de tués par milliards
de kilomètres parcourus, la position de la France est encore plus
défavorable puisqu'elle figure en avant-dernière position avant
l'Autriche.
La vitesse demeure l'un des premiers facteurs d'accidents. On estime qu'elle
est déterminante dans 48 % des accidents mortels. Or, les vitesses
pratiquées en France se situent sur la plus grande partie du
réseau au-delà des limites réglementaires. Ainsi, quatre
conducteurs sur cinq dépassent-ils la vitesse autorisée dans les
très petites agglomérations, trois sur cinq sur les
départementales à grande circulation, un sur deux en centre ville
et sur les routes nationales, et un sur trois sur autoroutes.
Par ailleurs, l'efficacité du dispositif répressif, en
particulier en matière de vitesses excessives, est singulièrement
amoindrie par la grande facilité avec laquelle un conducteur peut
échapper aux sanctions en cas de contrôle automatisé en
plaidant, parfois de mauvaise foi, qu'il n'était pas au volant lors du
contrôle.
A l'heure actuelle, on estime que plus du tiers des
infractions ne sont pas poursuivies faute d'identification certaine du
conducteur
.
Dans ces conditions, il est difficile de considérer que les dispositifs
de formation et de répression donnent aujourd'hui pleinement
satisfaction. C'est probablement ce qui explique que la sécurité
routière soit l'un des secteurs qui donnent lieu à l'adoption du
plus grand nombre de normes, législatives ou réglementaires, sans
que cette activité normative soit toujours suivie d'effets concrets.
C. LES PROPOSITIONS RÉCENTES
Au cours des dernières années, de nombreuses propositions ont été formulées, par le Gouvernement, les parlementaires ou des groupes de travail, pour améliorer la sécurité routière dans notre pays.
1. Renforcer la formation des usagers de la route et des conducteurs
En 1996, M. Bernard Pons, alors ministre des Transports,
a mis en place une table ronde sur la formation des usagers de la route et la
formation des conducteurs, présidée par M. Jean
Verré. En juin 1997, les conclusions de cette table ronde ont
été remises à M. Jean-Claude Gayssot, ministre
des Transports. Le rapport de M. Verré contient un grand nombre
d'orientations destinées à améliorer la formation des
automobilistes.
Trois axes sont privilégiés :
-
la mise en place d'une chaîne éducative continue durant
l'âge scolaire
; il s'agit en particulier de conduire des actions de
sensibilisation des parents et grands-parents sur les systèmes de
retenue pour enfants, de compléter et d'animer les réseaux de
compétence au sein de l'éducation nationale, de renforcer la
formation des éducateurs, d'inclure des modules relatifs à la
sécurité routière dans le rendez-vous citoyen ;
-
la mise en place d'un véritable apprentissage de la
conduite
; le rapport propose notamment de mettre en place des mesures
d'incitation à l'apprentissage anticipé de la conduite,
d'instaurer un " rendez-vous d'évaluation " obligatoire
à la fin de l'année suivant l'obtention du permis de conduire, de
rendre obligatoire un stage de recyclage pour les conducteurs novices auteurs
d'infractions graves, enfin d'instaurer un seuil d'alcoolémie de
0 g/l pour les conducteurs novices pendant deux ans ;
-
la mise à jour et l'amélioration de la formation des
adultes
; en cette matière, le rapport propose en particulier
d'instaurer, à terme, une formation continue de fréquence
décennale, de mettre en place une formation des médecins à
la sécurité routière, d'informer les conducteurs sur les
problèmes de vigilance et de fatigue et d'encourager le
développement des programmes de prévention routière au
sein des entreprises.
La plupart des propositions contenues dans ce rapport ne nécessitent pas
l'adoption de mesures législatives.
2. Instaurer un dépistage des stupéfiants
Plusieurs propositions ont été récemment
formulées en vue d'instaurer des cas de dépistage de l'usage de
stupéfiants pour certains conducteurs.
En 1993, le comité interministériel de sécurité
routière a mis en place un comité chargé de rédiger
un Livre blanc sur les effets des médicaments et des drogues sur la
sécurité routière. Les auteurs du Livre blanc,
publié en 1995
1(
*
)
, ont proposé une
modification législative du code de la route, afin de mettre en oeuvre
un dépistage de substances illicites ou détournées de leur
usage capables de modifier l'aptitude à la conduite.
Par ailleurs, en 1996, dans ses conclusions relatives à quatre
propositions de loi, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a
proposé la mise en oeuvre d'un dépistage de substances ou plantes
classées comme stupéfiants pour les conducteurs impliqués
dans un accident de la circulation ayant causé un dommage
corporel
2(
*
)
.
Enfin, le 22 janvier 1998, notre collègue
Edouard Le Jeune
a
déposé une
proposition de loi
visant à
réprimer la conduite automobile sous l'empire de produits
stupéfiants, de substances psychotropes ou de somnifères
3(
*
)
. Dans sa proposition, notre collègue
suggère de soumettre à des épreuves de dépistage le
conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant
occasionné un dommage corporel et tout conducteur impliqué dans
un quelconque accident de la circulation ou auteur présumé de
l'une des infractions aux prescriptions du code de la route relatives à
la vitesse des véhicules et au port de la ceinture de
sécurité ou du casque.
La question de la conduite sous l'empire de produits stupéfiants a donc
suscité de nombreuses propositions, qui semblent avoir retenu
l'attention du Gouvernement, l'une des sections du projet de loi soumis au
Sénat étant consacrée à ce problème.
3. Réprimer plus sévèrement les grands excès de vitesse
En 1994, M. Bernard Bosson, alors ministre des
Transports, a présenté un projet de loi visant notamment à
créer un délit puni d'une amende de 15.000 F au premier
dépassement constaté de la vitesse maximale autorisée
supérieur à 50 km/h. L'Assemblée nationale avait
ramené le montant de l'amende à 7.500 F. Le projet de loi
n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat.
Dans ces conditions, les excès de vitesse demeurent punis de l'amende
prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Ils
donnent également lieu à des retraits de points du permis de
conduire.
Par ailleurs, en 1995, notre collègue Joëlle Dusseau avait
déposé une proposition de loi
4(
*
)
tendant à punir d'une amende de 15.000 francs tout conducteur
dépassant la vitesse maximale autorisée de plus de 50 km/h.
L'idée consistant à réprimer plus sévèrement
les excès de vitesse les plus importants n'est donc pas neuve,
même si elle n'a pu être mise en oeuvre jusqu'à
présent.
II. L'OBJECTIF DU PROJET DE LOI DÉPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT: RÉDUIRE DE MOITIÉ EN CINQ ANS LE NOMBRE DE MORTS SUR LA ROUTE
A. UN ÉLÉMENT D'UNE STRATÉGIE GLOBALE
Le projet de loi soumis au Sénat n'est qu'un
élément de la stratégie que souhaite mettre en oeuvre le
Gouvernement, afin de
diviser par deux en cinq ans
le nombre de
personnes tuées sur la route.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement fait valoir
que
" pour atteindre cet objectif, il a défini une politique
fondée sur trois lignes d'action :
- faire confiance aux jeunes et à leur capacité à
promouvoir de nouveaux comportements ;
- envisager une mobilisation active de tous les partenaires concernés;
- garantir à tous la liberté de circuler dans les meilleures
conditions de sécurité ".
Certaines mesures ont d'ores et déjà été prises
comme l'adoption de la loi sur les conditions d'exercice de la profession de
transporteur routier, qui rend notamment obligatoire une formation pour tous
les conducteurs, salariés et artisans.
Au cours d'une réunion du Comité interministériel de
sécurité routière, le 26 novembre 1997, le
Gouvernement a décidé de proposer sept mesures
législatives qui font l'objet du projet de loi soumis au Sénat et
de mettre en oeuvre dix-huit autres mesures qui méritent d'être
brièvement présentées.
Il s'agit en particulier de renforcer les
activités de formation
.
Le Gouvernement souhaite améliorer la formation des enseignants des
écoles et collèges en matière de sécurité
routière et envisage la mise en place d'un module d'enseignement
à distance comprenant en particulier un site Internet. Il prévoit
en outre de proposer aux jeunes conducteurs un rendez-vous d'évaluation
à la fin de l'année suivant l'obtention du permis de conduire. De
même, un rendez-vous de perfectionnement proposé aux conducteurs
expérimentés sur la base du volontariat, fera l'objet de tests
dans plusieurs départements.
Le Gouvernement souhaite par ailleurs améliorer la
sécurité des cyclomoteurs
. Il envisage de rendre
obligatoire l'immatriculation de ces véhicules, afin de lutter plus
efficacement contre le vol et le " débridage " des
cyclomoteurs.
En ce qui concerne les
infrastructures
, le comité
interministériel a décidé d'engager des actions de
modernisation en prenant en considération trois objectifs : la
promotion de l'usage de la bicyclette et l'amélioration de la
sécurité des cyclistes, l'adaptation des équipements
existants pour une meilleure protection des motocyclistes, enfin l'instauration
d'un audit de sécurité pour tous les projets routiers.
Enfin, le Gouvernement souhaite encourager les
initiatives locales
, en
particulier en améliorant l'association des partenaires concernés
(État, départements, communes, associations, entreprises et
sociétés d'assurances) et en favorisant une meilleure insertion
des actions locales dans la politique nationale.
B. UN PROJET DE LOI COHÉRENT
Le projet de loi présentement soumis à notre
examen est cohérent au regart de son objectif, malgré son
intitulé de projet de loi "
portant diverses mesures relatives
à la sécurité routière "
.
L'essentiel du texte repose sur cinq séries de dispositions.
1. La formation des conducteurs novices auteurs d'une infraction grave
La loi du 10 juillet 1989, relative au permis à points,
a institué un stage de sensibilisation aux causes et conséquences
des accidents de la route.
Le Gouvernement propose, dans l'
article premier
du projet de loi, que ce
stage
soit obligatoire pour tous les titulaires du permis de conduire
depuis
moins de deux ans
, auteurs d'une infraction entraînant le
retrait d'au moins
quatre points
(comme le dépassement du taux
légal d'alcoolémie, le non-respect d'un stop ou d'un feu rouge).
Le Gouvernement justifie cette proposition en indiquant que, statistiquement,
le risque d'être tué sur la route est trois fois plus
élevé pendant les trois premières années qui
suivent l'obtention du permis de conduire.
2. L'enseignement de la conduite et de la sécurité routière
Le Gouvernement souhaite renforcer les garanties
exigées pour l'exercice des professions d'enseignant de la conduite et
d'exploitant des établissements d'enseignement. Le secteur est en effet
caractérisé aujourd'hui par une concurrence très vive, par
la multiplication des créations d'établissements à
l'existence souvent éphémère, voire par des pratiques
répréhensibles en matière de gestion d'entreprise.
Le Gouvernement propose donc
d'inscrire dans la loi
les conditions
nécessaires pour exercer la profession d'enseignant et celle
d'exploitant d'établissements d'enseignement de la conduite et de la
sécurité routière. Ces conditions sont actuellement
fixées par le réglement (articles R.243 et suivants du code
de la route).
Le texte tend par ailleurs à imposer l'existence d'un
contrat
écrit
entre le candidat au permis de conduire et
l'établissement dans lequel il s'inscrit. Cette formalité est
également prévue pour les candidats à l'un des titres et
diplômes exigés pour l'exercice de la profession d'enseignant de
la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la
sécurité routière.
Enfin, le texte vise à permettre à l'autorité
administrative de
suspendre
, dans certaines circonstances, pour une
période maximale de six mois, l'autorisation d'enseigner ou
l'agrément permettant d'exploiter un établissement d'enseignement.
Les dispositions proposées dans cet article avaient déjà
donné lieu à un projet de loi déposé à
l'Assemblée nationale le 11 mars 1997 par M. Bernard Pons, alors
ministre des transports.
3. La responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules
Dans le but de mettre fin à l'impunité dont
jouissent certains conducteurs auteurs d'infractions graves, du fait de
l'impossibilité de les identifier de manière certaine, le projet
de loi tend à rendre pécuniairement responsables les
propriétaires des véhicules pour toutes les infractions à
la réglementation sur le stationnement, sur les vitesses maximales
autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des
véhicules.
Actuellement, cette responsabilité n'est prévue que pour les
infractions à la réglementation sur le stationnement.
4. La création d'un délit en cas de récidive en moins d'un an de dépassement de la vitesse maximale autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h
L'
article 5
du projet de loi tend à punir de six
mois d'emprisonnement et de 50.000 francs d'amende, tout conducteur commettant
un nouveau dépassement de la vitesse maximale autorisée
égal ou supérieur à 50 km/h moins d'un an après
avoir été condamné définitivement pour la
même infraction.
L'
article 6
du projet modifie en outre l'article L.11-1 du code de la
route dans le but de réduire de six points le nombre de points du permis
de conduire pour ce nouveau délit.
5. L'instauration d'un dépistage systématique de l'usage de stupéfiants, pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel
L'article 7
du projet de loi tend à imposer aux
officiers ou agents de police judiciaire de faire procéder sur tout
conducteur impliqué dans un accident mortel de la circulation à
des épreuves de dépistage et éventuellement, à des
analyses et examens médicaux, chimiques et biologiques en vue
d'établir s'il conduisait sous l'influence de substances ou plantes
classées comme stupéfiants.
Le refus de se soumettre à ces vérifications serait puni de deux
ans d'emprisonnement et de 30.000 francs d'amende.
III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
A. RENFORCER L'OBLIGATION DE FORMATION POUR LES CONDUCTEURS NOVICES AUTEURS D'INFRACTIONS
Le projet de loi soumis au Sénat tend à imposer,
dans un souci avant tout pédagogique, aux conducteurs auteurs, dans les
deux ans de l'obtention du permis de conduire, d'une infraction ayant
donné lieu à un retrait du tiers du nombre de points initial
affecté au permis de conduire de suivre une formation visant à
infléchir leur comportement.
Si l'intention est louable, le dispositif proposé pourrait cependant
avoir des conséquences contestables, dans la mesure où un jeune
conducteur novice ayant commis -simultanément ou successivement-
plusieurs infractions entraînant chacune un retrait d'un nombre de points
inférieur au tiers du nombre de points initial- ne serait pas
concerné par cette obligation de formation.
La nécessité d'une
formation complémentaire
paraît aussi grande pour un conducteur novice ayant commis en moins de
deux ans de conduite plusieurs infractions ayant conduit au retrait
cumulé de quatre points que pour un conducteur auteur d'une unique
infraction grave, ayant justifié le retrait de quatre points.
Votre commission a estimé plus cohérent d'imposer cette formation
à tout conducteur novice dès lors que son permis de conduire a
été amputé en moins de deux ans du tiers des points qui
lui étaient affectés. Elle a en outre souhaité que cette
formation soit imposée aux conducteurs novices concernés,
même lorsqu'ils l'ont déjà suivie
précédemment.
B. AMÉLIORER LE DISPOSITIF DE MORALISATION DES CONDITIONS D'EXERCICE DE L'ENSEIGNEMENT DE LA CONDUITE ET DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Les dispositions du projet de loi relatives à
l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière
doivent être approuvées, dans la mesure où elles visent
à assainir une profession caractérisée ces
dernières années par la multiplication des créations
d'établissements souvent éphémères, par une
concurrence en matière de tarifs peu à même de garantir la
qualité des formations dispensées, enfin par un certain nombre
d'escroqueries graves.
L'adoption du projet de loi devrait, à cet égard,
améliorer la situation, du fait de l'aggravation des sanctions
prévues en cas de non respect des conditions nécessaires pour
exercer la profession d'enseignant de la conduite ou pour exploiter un
établissement d'enseignement. L'obligation de formaliser les relations
entre les candidats et les établissements par l'établissement
d'un contrat devrait également avoir des effets positifs.
Toutefois, les conditions exigées pour l'exploitation d'un
établissement d'enseignement de la conduite et de la
sécurité routière paraissent tout à fait
insuffisantes. Seule l'absence de condamnation à des peines
correctionnelles ou criminelles est exigée dans le texte proposé
pour l'article L. 29-7 du code de la route.
La situation de crise que traverse ce secteur d'activités s'explique
sans doute partiellement par l'absence de toute condition d'aptitude
professionnelle pour l'exploitation d'un établissement d'enseignement
à titre onéreux de la conduite et de la sécurité
routière.
Votre commission a donc souhaité que les candidats à
l'exploitation d'un tel établissement justifient de leur aptitude
professionnelle.
Le contenu de cette condition d'aptitude devrait être défini par
le pouvoir réglementaire en concertation avec les professionnels. Il
paraîtrait par exemple utile que les personnes souhaitant exploiter un
établissement d'enseignement aient elles-mêmes enseigné la
conduite pendant une certaine période. Cela leur permettrait d'exercer
un meilleur contrôle sur l'activité de leur établissement.
C. RÉPRIMER LA CONDUITE SOUS L'INFLUENCE DE STUPÉFIANTS
La disposition du projet de loi relative au dépistage
des produits stupéfiants était particulièrement attendue.
L'adoption de ce texte doit permettre de disposer à terme de
données fiables sur les liens entre l'absorption de certaines substances
et la conduite.
Le projet de loi ne prévoyant aucune sanction spécifique pour
punir la conduite sous l'empire de plantes ou de substances classées
comme stupéfiants, votre commission a souhaité,
conformément à la proposition de loi déposée par
notre collègue Edouard Le Jeune
5(
*
)
, la
création d'un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30
000 F d'amende. Ces peines sont celles prévues pour la conduite sous
l'empire d'un état alcoolique. La commission a en effet
considéré qu'il était difficilement justifiable de ne
prévoir aucune sanction spécifique pour réprimer la
conduite sous l'influence de produits dont la consommation est interdite, alors
que la conduite sous l'influence d'alcool est, à juste titre,
sévèrement réprimée.
EXAMEN DES ARTICLES
SECTION 1
Disposition relative à la formation des
conducteurs
novices auteurs d'infractions graves
Votre commission vous soumet un amendement modifiant l'intitulé de cette section par coordination avec la position qu'elle a adoptée sur l'article premier.
Article premier
Obligation de suivre une formation
spécifique
en cas d'infraction grave
Cet article a pour objet de compléter le
deuxième alinéa de l'article L.11-6 du code de la route,
relatif à la reconstitution des points du permis de conduire.
En sa rédaction actuelle, cet alinéa permet d'obtenir la
reconstitution partielle du nombre de points initial en suivant volontairement
"
une formation spécifique devant comprendre obligatoirement un
programme de sensibilisation aux causes et aux conséquences des
accidents de la route
".
Selon les articles R.259 et R.260 du code de la route, cette formation est
organisée sous la forme d'un stage d'une durée minimale de seize
heures réparties sur deux jours. Elle doit comprendre :
- un enseignement portant sur les facteurs généraux de
l'insécurité routière ;
- un ou plusieurs enseignements spécialisés dont l'objet est
d'approfondir l'analyse de situations ou de facteurs générateurs
d'accidents de la route.
Cette formation peut inclure un entretien avec un psychologue et un
enseignement pratique de la conduite.
Le présent article premier confère un caractère
obligatoire au suivi de cette formation spécifique lorsque le conducteur
est titulaire du permis de conduire depuis moins de deux ans et a commis
une infraction ayant donné lieu à une perte de points
égale ou supérieure au tiers du nombre de points initial, sauf
s'il l'a déjà suivie précédemment.
Cette obligation concernerait donc les auteurs d'une infraction grave, car
punie d'un retrait d'au moins quatre points. L'ensemble des infractions
donnant lieu à un retrait de points sont présentées dans
le tableau ci-après.
Infractions donnant lieu à un retrait de points
|
Nombre de
|
Homicide involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur |
6 |
Blessures involontaires commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur |
|
Conduite sous l'empire d'un état alcoolique |
|
Refus de se soumettre au dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré |
|
Délit de fuite |
|
Refus d'obtempérer |
|
Blessures involontaires entraînant une incapacité n'excédant pas trois mois, commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur |
4 |
Non-respect de la priorité |
|
Non-respect d'un stop ou d'un feu rouge |
|
Dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée |
|
Circulation la nuit ou par temps de brouillard, en un lieu dépourvu d'éclairage public, d'un véhicule sans éclairage ni signalisation |
|
Marche arrière ou demi tour sur autoroute |
|
Circulation en sens interdit |
|
Circulation sur la partie gauche de la chaussée en marche normale |
3 |
Franchissement d'une ligne continue |
|
Changement de direction sans que le conducteur se soit assuré que la manoeuvre est sans danger pour les autres usagers et sans les avoir avertis de son intention |
|
Dépassement de moins de 40
km/h de la vitesse maximale
autorisée pour les conducteurs ayant moins de deux ans de permis
|
|
Dépassement de la vitesse maximale autorisée compris entre 30 et 40 km/h |
3 |
Dépassement dangereux |
|
Arrêt ou stationnement dangereux |
|
Stationnement sur la chaussée, la nuit ou par temps de brouillard, en un lieu dépourvu d'éclairage public, d'un véhicule sans éclairage ni signalisation |
|
Circulation sur les bandes d'arrêt d'urgence |
|
Dépassement de la vitesse maximale autorisée compris entre 20 et 30 km/h (sauf si le conducteur a moins de deux ans de permis) |
2 |
Accélération de l'allure par le conducteur d'un véhicule sur le point d'être dépassé |
|
Pénétration ou séjour sur la bande centrale séparatrice des chaussées |
|
Chevauchement d'une ligne continue |
1 |
Dépassement de moins de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée (sauf si le conducteur a moins de deux ans de permis) |
|
Conduite en pleins phares gênant les autres conducteurs |
|
Défaut de port par les conducteurs de motocyclettes d'un casque homologué et défaut de port de la ceinture de sécurité par les conducteurs de véhicules à moteur |
|
Seules les infractions entraînant le retrait de quatre
ou six points seraient concernées par l'obligation de formation. Le
refus de se soumettre à l'obligation prévue dans cet article
constituerait une contravention de la quatrième classe.
La mesure proposée a un objectif plus
pédagogique
que
répressif. Elle vise à limiter les cas de récidive. Le
Gouvernement justifie cette proposition en faisant valoir que le risque
d'être tué sur la route est trois fois plus élevé
pour les conducteurs pendant les trois premières années qui
suivent l'obtention du permis de conduire.
Cet article suscite un certain nombre d'interrogations. Tout d'abord,
l'obligation de formation ne s'appliquerait pas aux auteurs de plusieurs
infractions -simultanées ou successives- qui entraîneraient un
retrait total de points supérieur ou égal à quatre points
dès lors qu'aucune de ces infractions ne serait passible seule d'un tel
retrait.
Un jeune conducteur pourrait ainsi commettre en deux ans plusieurs
infractions entraînant chacune le retrait de deux ou trois points sans
être tenu de suivre la formation prévue par le projet de loi.
Parmi les infractions donnant lieu au retrait de trois points, figurent
notamment le dépassement de la vitesse autorisée jusqu'à
40 km/h, le franchissement d'une ligne continue ou la circulation sur la
partie gauche de la chaussée ainsi que le dépassement dangereux,
qui ne peuvent être qualifiées d'infractions peu graves.
Cette situation paraît peu satisfaisante au regard de l'objectif
pédagogique affiché dans l'exposé des motifs de cette
proposition. Aussi, votre commission des Lois vous soumet-elle un
amendement
tendant à imposer le suivi de la formation à tout conducteur
ayant perdu le tiers au moins des points affectés à son permis de
conduire pendant les deux années suivant l'obtention de ce permis.
Par ailleurs, cet article tend à dispenser de la formation les
conducteurs novices l'ayant déjà suivie
précédemment. On perçoit mal l'intérêt de
cette dispense, dans la mesure où les conducteurs novices
concernés sont ceux qui commettent le plus grand nombre d'infractions et
se soumettent à la formation pour récupérer des points.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
tendant à
supprimer cette exception.
Enfin, on peut s'interroger sur l'opportunité de prévoir
l'obligation de formation pour les conducteurs détenant leur permis
depuis moins de deux ans, alors même que le Gouvernement fait valoir que
le risque d'être tué sur la route est trois fois plus
élevé pendant les trois années qui suivent l'obtention du
permis. La durée de deux ans paraît cependant justifiée par
un souci de cohérence, dans la mesure où ce délai est
celui pendant lequel les jeunes conducteurs sont soumis à d'autres
obligations, en particulier le respect de limitations de vitesse
spécifiques.
Votre commission vous soumet l'article premier ainsi
modifié
.
SECTION 2
Dispositions relatives à
l'enseignement
de la conduite et de la sécurité
routière
Article 2
Enseignement et établissements
d'enseignement de
la conduite et de la sécurité
routière
Cet article a pour objet de réécrire le
titre VII du livre II du code de la route.
Actuellement intitulé "
enseignement de la conduite des
véhicules à moteur
", ce titre comprend le seul
article L.29 qui punit de 25.000 F d'amende (50.000 F en cas de
récidive) les infractions aux dispositions réglementaires
concernant cet enseignement. Il permet également de prononcer la
privation, à titre temporaire ou définitif, et la confiscation du
matériel ayant servi à la pratique illégale de
l'enseignement.
Le présent article 2 propose d'intituler cette partie du code de la
route "
enseignement de la conduite des véhicules terrestres
à moteur et de la sécurité routière
".
Elle comprendrait les articles L.29 à L.29-11, répartis en deux
chapitres consacrés respectivement à l'enseignement
à
titre onéreux
et aux établissements d'enseignement
à titre onéreux
.
On notera que le projet de loi fait référence à
l'enseignement à titre onéreux afin d'exclure de son champ
d'application certaines formations à la sécurité
routière ou à la conduite dispensées en particulier dans
le cadre d'associations ou dans le cadre scolaire.
1) Chapitre premier : Enseignement à titre onéreux
(articles L.29 à L.29-4 du nouveaux code de la route
)
a) Rappel du droit actuel
Les conditions d'enseignement de la conduite des véhicules à
moteur sont actuellement fixées par le pouvoir réglementaire.
Elles relèvent des articles R.243 et suivants du code de la route.
L'article R.243 prévoit un brevet pour l'exercice de la profession
d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité
routière (BEPECASER), délivré par le préfet (ou le
préfet de police à Paris) aux personnes ayant réussi des
épreuves théoriques et pratiques. Certains diplômes, tel le
certificat d'aptitude professionnelle à l'enseignement de la conduite
des véhicules terrestres à moteur (CAPEC), sont reconnus comme
équivalents de plein droit au BEPECASER.
L'article R.244 soumet ensuite à une autorisation
préfectorale le droit d'enseigner, à titre onéreux, la
conduite des véhicules terrestres à moteur. Cette autorisation ne
peut être délivrée qu'aux personnes âgées d'au
moins dix-neuf ans, titulaires du permis de conduire depuis un an au
moins, titulaires du BEPECASER (ou d'un diplôme reconnu
équivalent) et qui n'ont pas été condamnées pour
certaines infractions (crime, vol, escroquerie, homicide ou blessures
involontaires, port d'arme prohibée, délit prévu par le
code de la route...).
Par ailleurs, l'article R.246-1, introduit par un décret en date du
15 juin 1992, prévoit un brevet d'animateur pour la formation des
conducteurs responsables d'infractions (BAFCRI), délivré par le
ministre chargé des transports aux personnes ayant passé avec
succès un examen. Seuls peuvent se présenter à cet examen
les titulaires du BEPECASER.
b) Le contenu du projet de loi
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, "
les conditions
d'accès et d'exercice de la profession d'enseignant et d'exploitant
d'établissements d'enseignement de la conduite et de la
sécurité routière méritent, compte tenu de leur
importance, d'être inscrites dans l'ordre législatif
".
· Le texte proposé pour
l'article L.29
pose le
principe d'une autorisation administrative pour l'enseignement, à titre
onéreux, de la conduite des véhicules terrestres à moteur
et de la sécurité routière. Cette exigence ne
constituerait donc pas une nouveauté en soi puisque l'article R.244
du code de la route soumet d'ores et déjà à autorisation
préfectorale le droit d'enseigner, à titre onéreux, la
conduite des véhicules terrestres à moteur.
On observera toutefois que l'exigence d'une autorisation est étendue
à l'enseignement de la sécurité routière, ce que ne
prévoit pas l'article R.244.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-1
donne une
base législative aux dispositions réglementaires fixant les
conditions pour être autorisé à enseigner, à titre
onéreux, la conduite des véhicules terrestres à moteur. A
la différence de l'article R.244 du code de la route, il concerne
également l'enseignement de la sécurité routière.
Selon le futur article L.29-1, quatre conditions doivent être
remplies :
1°
Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation
:
- soit à une peine criminelle,
- soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction
contraire à la probité ou aux bonnes moeurs ou portant atteinte
à la sécurité des personnes ou des biens, inscrite au
bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants
étrangers, dans un document équivalent,
- soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction
au présent code et figurant sur une liste fixée par décret
en Conseil d'Etat.
Cette condition donne une base législative au 4° de
l'article R.244 qui énumère les infractions faisant obstacle
à la délivrance de l'autorisation. Parmi les infractions
concernées figurent les crimes, les délits de vol, escroquerie,
abus de confiance, homicide ou blessures involontaires, ainsi que certaines
infractions aux dispositions relatives à la détention d'armes et,
naturellement, un grand nombre d'infractions au code de la route.
2°
Être titulaire du permis de conduire
, en cours de
validité, valable pour la ou les catégories de véhicules
considérés. Cette condition est actuellement posée par le
1° de l'article R.244.
3° Être titulaire de l'un des
titres ou diplômes
dont
la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. Cette condition
correspond au 2° de l'article R.244, qui exige le BEPECASER ou un
diplôme équivalent.
4° Remplir les
conditions d'âge, d'ancienneté du
permis
de conduire et
d'aptitudes physiques
fixées par
décret en Conseil d'Etat. La référence à
l'âge et à l'ancienneté renvoie directement au 1° de
l'article R.244 qui exige que le postulant ait au moins dix-neuf ans
et soit titulaire du permis de conduire depuis un an au moins. La
référence aux conditions d'aptitudes physiques renvoie à
l'article R.244, 3°, qui prévoit un certificat médical.
Votre commission vous propose, par un
amendement,
de supprimer la
condition relative à l'absence de peine correctionnelle prononcée
pour une "
infraction contraire à la probité ou aux
bonnes moeurs ou portant atteinte à la sécurité des
personnes ou des biens
", expression qui paraît trop
imprécise, et de
renvoyer au décret
l'énumération de l'ensemble des condamnations à des peines
correctionnelles susceptibles d'empêcher l'accès à la
profession d'enseignant de la conduite et de la sécurité
routière.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-2
est relatif
au retrait et à la suspension de l'autorisation administrative.
Il prévoit tout d'abord qu'il sera mis fin à l'autorisation dans
l'hypothèse où les conditions prévues à
l'article L.29-1 cesseraient d'être remplies. C'est donc la
consécration par le législateur de l'article R.244-2 du code
de la route, selon lequel l'autorisation préfectorale "
doit
être retirée lorsqu'une des conditions prévues pour sa
délivrance cesse d'être remplie
".
Le dispositif relatif à la suspension de l'autorisation est en
revanche une innovation par rapport au droit actuel, qui ne la prévoit
pas
.
Cette suspension pourrait être prononcée, pour une durée
maximale de six mois, par l'autorité administrative, après
avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses
observations, "
en cas d'urgence justifiée par des faits
contraires à la probité, aux bonnes moeurs ou à la
sécurité des personnes ou aux dispositions législatives du
code de la route
".
Le renvoi à des "
faits contraires à la probité,
aux bonnes moeurs ou à la sécurité des
personnes
" est ici plus compréhensible que dans le texte
proposé pour l'article L. 29-1 du code de la route, dans la mesure
où le préfet doit avoir une marge d'appréciation pour
décider de la mesure temporaire de suspension de l'autorisation sans
préjuger de l'éventuelle qualification juridique des faits,
encore moins d'une hypothétique condamnation.
Afin d'assurer l'information de l'autorité administrative, le procureur
de la République lui transmettrait copie des procès-verbaux
d'infractions correspondant à des faits susceptibles de donner lieu
à suspension et commis par les bénéficiaires
d'autorisations.
La mesure de suspension provisoire cesserait de plein droit dès que
l'autorité judiciaire se serait prononcée.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-3
fixe les
sanctions pénales encourues par la personne qui enseignerait la conduite
des véhicules terrestres à moteur sans satisfaire aux conditions
énoncées par les articles précédents.
Aggravant le droit actuel (qui prévoit 25.000 F d'amende), il
fixe ces peines à un an d'emprisonnement et 100.000 F
d'amende
(ce qui, en cas de flagrant délit, permettrait le jugement
du contrevenant par comparution immédiate). Il prévoit
également les peines complémentaires suivantes :
- l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou
à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise ;
- l'interdiction d'enseigner la conduite des véhicules terrestres
à moteur pour une durée de cinq ans au plus ;
- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit.
Votre commission vous soumet, outre deux
amendements
de
précision, un
amendement
tendant à permettre de
sanctionner l'exercice de la profession d'enseignant en violation d'une mesure
provisoire de suspension de l'autorisation.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-4
renvoie
à un décret en Conseil d'Etat pour la détermination des
conditions d'application du chapitre premier.
2) Chapitre II : Etablissements d'enseignement à titre
onéreux (articles L.29-5 à L.29-11 nouveaux du code de la
route)
a) Rappel du droit actuel
Les conditions de fonctionnement des établissements d'enseignement de la
conduite des véhicules à moteur sont, elles aussi, jusqu'à
présent fixées par le pouvoir réglementaire. Elles sont
définies par l'article R.247 du code de la route.
L'article R.247 prévoit que l'enseignement de la conduite des
véhicules à moteur et de la sécurité
routière à titre onéreux ne peut être
dispensé que dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation
est subordonnée à l'agrément du préfet ou du
préfet de police à Paris, après avis de la commission
départementale de la sécurité routière.
L'article R.247 prévoit en outre que ces établissements ne
peuvent employer que des personnes titulaires de l'autorisation d'enseigner
prévue à l'article R.244 (voir ci-dessus) et que
l'enseignement dispensé doit être conforme aux objectifs retenus
par le programme national de formation de la conduite défini par
arrêté du ministre des transports.
Un arrêté ministériel définit les garanties
exigées dans chaque établissement de celui qui l'exploite et du
matériel utilisé.
Enfin, l'article R.247 contient des prescriptions spécifiques aux
établissements destinés à la formation au brevet pour
l'exercice de la profession d'enseignement de la conduite automobile et de la
sécurité routière (BEPECASER). Il prévoit que ces
établissements doivent satisfaire à des exigences
particulières fixées par arrêté ministériel,
que leur exploitation est subordonnée à l'agrément du
préfet, enfin que le directeur pédagogique doit être
titulaire du brevet d'aptitude à la formation de moniteurs (BAFM) ou
d'un diplôme équivalent.
L'article R.247 dispose que les agréments qu'il prévoit
peuvent être retirés lorsqu'une des conditions mises à leur
délivrance cesse d'être remplie.
b) Le contenu du projet de loi
· Le texte proposé pour
l'article L.29-5
pose le
principe d'un agrément délivré par l'autorité
administrative, après avis d'une commission, pour l'exploitation d'un
établissement d'enseignement à titre onéreux de la
conduite des véhicules terrestres et de la sécurité
routière ainsi que pour l'exploitation d'un établissement de
formation à titre onéreux à l'un des titres ou
diplômes exigés pour l'exercice de la profession d'enseignant de
la conduite des véhicules terrestres à moteur et de la
sécurité routière.
Ce texte reprend donc, pour l'essentiel, les dispositions de l'actuel
article R.247 du code de la route, sans toutefois nommer la commission qui
sera chargée de donner un avis avant la délivrance de
l'agrément.
Votre commission vous soumet un
amendement
de précision
rédactionnelle.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-6
tend
à imposer l'existence d'un contrat écrit entre les candidats et
les établissements d'enseignement. Cette obligation s'imposerait aux
établissements d'enseignement de la conduite comme aux
établissements de formation à la profession d'enseignant. Le
contrat écrit définirait les modalités et les conditions
de l'enseignement à titre onéreux. Il s'agit d'une disposition
entièrement nouvelle, qui vise à limiter le recours à des
pratiques contestables à l'égard des candidats par certains
établissements.
Votre commission vous soumet un
amendement
de précision
rédactionnelle.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-7
définit les conditions auxquelles doivent satisfaire les personnes
souhaitant exploiter un établissement d'enseignement de la conduite ou
un établissement de formation à la profession d'enseignement.
La seule condition exigée par le projet de loi est relative à
l'absence de condamnation :
- soit à une peine criminelle,
- soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction
contraire à la probité ou aux bonnes moeurs ou portant atteinte
à la sécurité des personnes ou des biens, inscrite au
bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants
étrangers, dans un document équivalent,
- soit à une peine correctionnelle prononcée pour une infraction
au présent code figurant sur une liste fixée par décret en
Conseil d'Etat.
Actuellement, les garanties exigées d'un exploitant
d'établissement sont définies par arrêté
ministériel.
Les conditions nécessaires pour exploiter un établissement
d'enseignement,
à titre onéreux
, de la conduite et de la
sécurité routière paraissent très insuffisantes.
Aucune condition d'aptitude professionnelle n'est en particulier requise alors
qu'une telle condition est nécessaire pour l'accès à de
multiples professions, telles que celles d'agent immobilier ou d'agent de
voyages. L'objectif du projet de loi étant d'assainir et de moraliser le
secteur de l'enseignement de la conduite, il est souhaitable que les personnes
désirant exploiter un établissement d'enseignement puissent
justifier de leur aptitude professionnelle.
Il pourrait, par exemple, être utile que ces personnes aient
elles-mêmes enseigné la conduite et la sécurité
routière pendant une période minimale. Il reviendra au
décret de moduler le cas échéant ces conditions pour tenir
compte de différentes modalités d'aquisition de l'aptitude
professionnelle : exercice antérieur de la profession,
diplôme, expérience pratique acquise à titre
bénévole ou onéreux, assistance du conjoint
décédé auquel l'exploitant succède...
Votre commission vous soumet donc un
amendement
imposant une condition
d'aptitude professionnelle pour les candidats à l'exploitation d'un
établissement d'enseignement,
à titre onéreux,
de
la conduite et de la sécurité routière. Cet amendement
harmonise par ailleurs la rédaction de la condition relative aux
condamnations avec celle proposée par votre commission pour
l'accès à la profession d'enseignant de la conduite et de la
sécurité routière.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-8
tend
à imposer aux établissements de dispenser un enseignement
conforme au programme de formation défini par l'autorité
administrative qui en contrôle l'application.
Ce texte tend à inscrire dans la loi l'une des obligations figurant
actuellement à l'article R.247 du code de la route.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-9
est relatif
au retrait et à la suspension de l'agrément.
Le texte prévoit qu'il est mis fin à l'agrément si
l'exploitant ne respecte plus les conditions qui lui sont imposées par
l'article L.29-7, si l'enseignement dispensé n'est pas en
conformité avec le programme de formation, enfin en cas de cessation
définitive d'activité de l'établissement.
Comme à l'égard des enseignants, le texte tend à
créer un dispositif nouveau permettant la suspension de
l'agrément. Celle-ci pourrait être prononcée par
l'autorité administrative pour une durée maximale de
six mois dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs
que pour l'autorisation accordée aux enseignants (voir ci-dessus
commentaire du texte proposé pour l'article L.29-2).
La suspension provisoire pourrait être prononcée également
en cas de refus de se soumettre au contrôle de conformité de
l'enseignement au programme de formation, de non-respect de ce programme de
formation ou d'absence d'établissement de contrats écrits entre
les candidats et l'établissement.
Votre commission vous soumet un
amendement
rédactionnel ainsi
qu'un
amendement
tendant à prévoir que la mesure de
suspension cesse dès que l'autorité judiciaire s'est
prononcée, quel que soit le motif de la suspension et en particulier
lorsqu'elle est prononcée en cas de non respect de l'article L.29-6 du
code de la route qui impose la signature de contrats entre
l'établissement et les candidats.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-10
fixe les
sanctions pénales encourues par les personnes qui exploiteraient un
établissement d'enseignement de la conduite sans respecter
l'article L.29-5, qui subordonne l'exploitation d'un établissement
à l'obtention d'un agrément.
Le non-respect de ces obligations serait passible d'un an d'emprisonnement et
de 100.000 Francs d'amende.
Le fait d'employer un enseignant ne satisfaisant pas aux conditions qui lui
sont propres (autorisation d'enseigner, absence de condamnation...) serait puni
des mêmes peines.
Le texte proposé pour
l'article 29-10
fixe en outre les
peines complémentaires encourues par les auteurs d'infractions : la
fermeture définitive ou pour cinq ans au plus
d'établissements de l'entreprise appartenant à la personne
condamnée, l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou
sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle
l'infraction a été commise, l'affichage ou la diffusion de la
décision prononcée, enfin la confiscation de la chose qui a servi
ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose
qui en est le produit.
Le texte dispose en outre que les personnes morales peuvent être
déclarées pénalement responsables des infractions qu'il
prévoit. Les peines encourues par ces personnes morales seraient
l'amende (dont le montant pourrait atteindre jusqu'à 500.000 F), la
fermeture définitive ou pour cinq ans au plus
d'établissements de l'entreprise appartenant à la personne
condamnée, l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou
sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle
l'infraction a été commise, l'affichage ou la diffusion de la
décision prononcée, enfin la confiscation de la chose qui a servi
ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose
qui en est le produit.
Votre commission vous soumet deux
amendements
d'ordre
rédactionnel et un
amendement
de coordination.
· Le texte proposé pour
l'article L.29-11
prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat et
énumère certaines règles qui devront
notamment
être déterminées par ce décret.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à supprimer
cette énumération non exhaustive qui vient alourdir de
manière inutile le dispositif législatif.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi
modifié.
Article 3
Définition des tiers au sens de
l'article L.211-1
du code des assurances
Cet article a pour objet de modifier le cinquième
alinéa de l'article L.211-1 du code des assurances.
L'article L.211-1 du code des assurances fait partie du titre Ier du
livre II de ce code, relatif à "
L'assurance des
véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et
semi-remorques
". L'article L.211-1 est relatif aux personnes
assujetties à l'obligation de s'assurer. Son premier alinéa
dispose :
"
Toute personne physique ou toute personne morale autre que
l'Etat,
dont la responsabilité civile peut être engagée en raison
de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou
aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre
à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques, est
impliqué, doit pour faire circuler lesdits véhicules, être
couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les
conditions fixées par décret en Conseil d'Etat
. "
Le cinquième alinéa de cet article est relatif aux tiers et
précise que "
les membres de la famille du conducteur ou de
l'assuré sont considérés comme des tiers au sens du
premier alinéa du présent article
. "
L'article 3 du projet de loi tend à inclure les
élèves d'un établissement d'enseignement de la conduite
des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours
de formation ou d'examen, parmi les tiers au sens de l'article L.211-1 du
code des assurances.
Le but de cette disposition est de mieux protéger les
élèves des auto-écoles en leur donnant la qualité
de tiers, même lorsqu'ils sont au volant pendant un cours ou pendant
l'épreuve du permis de conduire. Un élève en cours de
formation au permis de conduire ou un candidat en cours d'examen pourrait
être ainsi indemnisé des dommages subis par lui-même en cas
d'accident dont il serait responsable en conduisant le véhicule de
l'école ou d'examen.
La commission vous propose d'adopter l'article 3
sans modification
.
SECTION 3
Dispositions relatives à la
responsabilité
des propriétaires de véhicules
Article 4
Élargissement de la
responsabilité
des propriétaires de véhicules
L'article 4 a pour objet de modifier le
premier alinéa de l'article L.21-1 du code de la route. Dans
sa rédaction actuelle, celui-ci dispose : "
Par
dérogation aux dispositions de l'article précédent, le
titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est responsable
pécuniairement des infractions à la réglementation sur le
stationnement des véhicules pour lesquelles seule une peine d'amende est
encourue, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un
événement de force majeure ou qu'il ne fournisse des
renseignements permettant d'identifier l'auteur véritable de
l'infraction
. "
L'article 4 du projet de loi tend
à étendre la
responsabilité pécuniaire
du propriétaire :
celle-ci concernerait l'ensemble des infractions à la
réglementation sur le stationnement et non plus seulement celles pour
lesquelles seule une peine d'amende est encourue. Surtout, cette
responsabilité du propriétaire serait étendue aux
infractions sur les vitesses maximales autorisées et sur les
signalisations imposant l'arrêt des véhicules.
Cette disposition a pour objectif de donner au dispositif réprimant les
infractions au code de la route une efficacité qu'il n'a pas
aujourd'hui. Un nombre considérable d'amendes ne sont pas
recouvrées du fait de l'impossibilité d'identifier de
manière certaine le conducteur du véhicule, en particulier en cas
de contrôle automatisé sans interception du véhicule. De
nombreux conducteurs auteurs d'infractions graves échappent à
toute sanction, compte tenu des difficultés posées par
l'identification par photographie. Tel est en particulier le cas des motards,
dont le casque intégral empêche toute identification ; tel est le
cas également des conducteurs de poids lourds, du fait de
l'impossibilité de photographier à la fois la plaque
d'immatriculation et le visage du chauffeur ; tel est enfin le cas
d'automobilistes dont le véhicule est par exemple doté d'un
pare-brise fumé.
Les contrôles à certains endroits dangereux ou dans certaines
conditions difficiles, en particulier la nuit ou par temps de pluie, sont
dénués de toute efficacité, compte tenu de la mauvaise
qualité des clichés obtenus et de l'impossibilité
d'intercepter les véhicules, alors même que ces endroits ou ces
situations présentent les risques d'accident grave sont les plus
élevés.
Le Gouvernement propose donc de faire peser sur le titulaire du certificat
d'immatriculation une présomption de responsabilité qui pourra
être levée en démontrant l'existence d'un
événement de force majeure tel que le vol du véhicule ou
en fournissant des renseignements permettant d'identifier l'auteur
véritable de l'infraction. Dans l'appréciation des circonstances
permettant d'exonérer le propriétaire du véhicule de sa
responsabilité, le juge conservera naturellement une certaine marge
d'appréciation.
Cette disposition soulève deux questions sérieuses.
· En premier lieu, on peut se demander si elle ne constitue pas une
dérogation au principe du droit pénal inscrit à l'article
121-1 du nouveau code pénal, selon lequel "
nul n'est
responsable pénalement que de son propre fait
". La Cour de
cassation rappelle fréquemment que "
nul n'est punissable qu'en
raison de son propre fait
".
Le texte proposé, qui existe déjà pour les infractions
aux règles sur le stationnement pour lesquelles seule une peine d'amende
est encourue, fait référence à une
" responsabilité pécuniaire ", manifestement afin
d'éviter la confusion avec une responsabilité pénale.
Si l'article 4 du projet de loi est adopté, le propriétaire
d'un véhicule mis en cause au titre de cette disposition ne devrait pas
être déclaré pénalement responsable. Aucune
inscription ne devrait figurer au casier judiciaire. Dans ces conditions, il ne
semble pas que cette disposition porte atteinte au principe du droit
pénal de la responsabilité personnelle.
En revanche, il s'agit très certainement d'un aménagement au
principe de personnalité des peines selon lequel seule la personne
déclarée pénalement responsable doit subir les
conséquences de la répression. De tels aménagements
existent dans d'autres matières, en particulier en droit du travail. En
1976, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 263-2-1 du code
du travail, qui permettait de mettre à la charge de l'employeur l'amende
à laquelle était condamné un employé
"
ne portait atteinte à aucune disposition de la Constitution ni
à aucun principe de valeur constitutionnelle applicable en
matière pénale "
6(
*
)
.
Dans le secteur des transports routiers, des textes nationaux et
communautaires imposent à l'exploitant d'une entreprise de faire
respecter par ses préposés la réglementation des
conditions de travail. Le dirigeant d'une entreprise de transports routiers a
ainsi pu être condamné à raison de la
détérioration par l'un de ses chauffeurs d'un
contrôlographe, dans le but de modifier l'enregistrement des vitesses
effectué par cet appareil
7(
*
)
.
L'élargissement de la responsabilité pécuniaire du
propriétaire du véhicule renforce donc l'atteinte d'ores et
déjà portée par le code de la route au principe de
personnalité des peines. Dans bien des cas néanmoins, en
atteignant le propriétaire elle touchera l'auteur même de
l'infraction. Cet élargissement paraît le seul moyen de
remédier aux difficultés actuelles, qui limitent
considérablement l'efficacité de la politique de
sécurité routière.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à
préciser explicitement d'une part que la personne condamnée en
application de cette disposition n'est pas responsable pénalement de
l'infraction, d'autre part que la condamnation n'est pas inscrite au casier
judiciaire, qu'elle ne peut être prise en compte pour l'application des
règles relatives à la récidive et qu'elle n'entraîne
pas retrait des points affectés au permis de conduire.
· En second lieu, l'extension de la responsabilité
pécuniaire du propriétaire présente le risque de pousser
certains conducteurs auteurs d'infractions à contester les sanctions en
faisant valoir qu'ils n'étaient pas au volant, de manière
à éviter les retraits de points associés à
certaines infractions. Toutefois, dans la situation actuelle, la contestation
permet bien souvent à ces conducteurs d'échapper à toute
sanction.
La proposition du Gouvernement constitue une réponse à des
pratiques qui nuisent à l'efficacité de la politique de
sécurité routière. Cette mesure, sans doute imparfaite,
devrait permettre une responsabilisation de certains conducteurs de mauvaise
foi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4
ainsi
modifié.
SECTION 4
Dispositions relatives à la
création d'un délit en cas de récidive de
dépassement de la vitesse maximale autorisée,
égal ou
supérieur à 50 km/h
Article 5
Création d'un délit en cas de
récidive de dépassement
de la vitesse maximale
autorisée, égal ou supérieur à 50 km/h
L'article 5 du projet de loi tend à insérer
un article L.4-1 au code de la route. Le texte proposé pour cet
article L.4-1 punit de six mois d'emprisonnement et de
50.000 francs d'amende tout conducteur dépassant la vitesse
maximale autorisée de 50 km/h ou plus, alors qu'il a
été condamné définitivement pour les mêmes
faits dans l'année précédant cette infraction.
L'infraction elle-même constituerait une contravention de la
cinquième classe, passible d'une amende de 10.000 F. Cette disposition a
fait l'objet d'un décret (n° 98-214) publié au
Journal officiel du 26 mars 1998.
Actuellement, les excès de vitesse constituent des contraventions de la
quatrième classe et sont sanctionnés à ce titre d'une
peine d'amende pouvant aller jusqu'à 5.000 F (articles R232 et R232-1 du
code de la route). Cette peine s'applique uniformément, quelle que soit
la gravité de l'excès de vitesse. Aucune disposition
particulière n'est prévue en ce qui concerne la récidive.
Le code pénal ne contient aucune disposition punissant de manière
particulière la récidive des contraventions des quatre
premières classes.
En 1994, le Gouvernement a présenté un projet de loi tendant
à créer un délit puni d'une amende de 15.000 F en cas de
dépassement de la vitesse maximale autorisée supérieur
à 50 km/h. Ce projet a suscité un vif débat à
l'Assemblée nationale, dont les membres ont notamment fait observer que
la peine d'amende la plus faible prévue en cas de délit par le
nouveau code pénal était de 25.000 F et que le projet de loi
créerait une dérogation peu opportune à ce principe. En
séance publique, l'Assemblée a finalement décidé de
punir d'une amende de 7.500 F le dépassement de la vitesse maximale
autorisée de plus de 50 km/h. Ce projet de loi n'a jamais
été inscrit à l'ordre du jour du Sénat.
Le projet de loi soumis aujourd'hui au Sénat tend à ne
créer un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 50.000
francs d'amende qu'en cas de
récidive
dans le délai
d'un an
de l'infraction de dépassement de la vitesse maximale
autorisée de plus de 50 km/h. Le texte proposé appelle plusieurs
réflexions.
· En premier lieu, il convient de s'interroger sur l'opportunité
de la création de ce nouveau délit. Les excès de vitesse
sont actuellement punis de l'amende prévue pour les contraventions de la
quatrième classe (5.000 francs au maximum) et d'un retrait de points du
permis de conduire (un point pour un dépassement de la vitesse maximale
inférieur à 20 km/h, deux points pour un dépassement
compris entre 20 et 30 km/h, 3 points pour un dépassement compris entre
30 et 40 km/h, quatre points pour un dépassement de plus de
40 km/h). Ce dispositif spécifique n'exclut cependant pas la
poursuite d'un automobiliste ayant commis un excès de vitesse sur le
fondement de la mise en danger d'autrui, conformément à l'article
223-1 du code pénal.
L'article 223-1 du code pénal dispose que "
le fait d'exposer
directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures
de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité
permanente par la violation manifestement délibérée d'une
obligation particulière de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an
d'emprisonnement et de 100.000 F d'amende ".
Les travaux préparatoires du nouveau code pénal montrent que le
législateur, en instituant ce nouveau délit, avait en particulier
à l'esprit le domaine de la sécurité routière. Dans
ces conditions, on pourrait considérer que le dispositif actuel est
suffisant pour réprimer les grands excès de vitesse.
Toutefois, dans certaines affaires intervenues ces dernières
années, le juge a estimé que la mise en danger d'autrui
n'était pas constituée, de sorte que des automobilistes auteurs
de très grands excès de vitesse se sont vus condamnés
à de simples peines d'amende. Le projet de loi tend à combler
cette carence en prévoyant que le grand excès de vitesse
constitue en tant que tel un délit, dès lors qu'il est commis
moins d'un an après une condamnation définitive pour la
même infraction.
· On peut, en second lieu se demander s'il ne serait pas opportun de
prévoir une gradation des sanctions prévues, dans la mesure
où le dépassement de la vitesse maximale autorisée de plus
de 50 km/h peut avoir des conséquences plus graves dans une
agglomération que sur autoroute.
Toutefois, la mise en place de seuils différents pour la constitution du
délit, en fonction du lieu où l'infraction est commise, rendrait
cette mesure peu lisible, alors même que la réglementation en
matière de circulation routière est déjà d'une
grande complexité. Il paraît préférable de conserver
la référence à un seuil unique de 50 km/h de
dépassement de la vitesse autorisée pour la constitution du
délit.
En troisième lieu, il convient de souligner que les cas dans lesquels
une contravention se transforme en délit en cas de récidive sont
fort rares, même s'il est possible d'en trouver quelques exemples, l'un
d'entre eux figurant dans le code de la route. L'article L. 12 de ce code
prévoit ainsi que toute personne qui, en récidive, aura conduit
un véhicule sans être titulaire du permis de conduire
correspondant à la catégorie du véhicule concernée
sera punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30.000 F.
L'infraction elle-même est punie, en vertu de l'article R. 241-2 du code
de la route, de l'amende prévue pour les contraventions de la
cinquième classe.
De même, l'article L.65 du code des débits de boissons punit
de six mois d'emprisonnement et de 25.000 F d'amende la personne
trouvée en état d'ivresse manifeste dans un lieu public dans les
douze mois suivant une deuxième condamnation pour contravention
d'ivresse.
· Enfin, certaines difficultés se présenteront
vraisemblablement dans la mise en oeuvre de cette disposition, qui devront
faire l'objet d'un examen attentif. En particulier, la première
condamnation pour grand excès de vitesse risque de n'être inscrite
au casier judiciaire, compte tenu des procédures applicables, que
plusieurs mois après qu'elle sera devenue définitive. Dans ces
conditions, il sera parfois difficile de déterminer si le délit
de récidive est constitué. Des mesures administratives devront
probablement être prises afin d'éviter que cette disposition ne
reste lettre morte.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5
sans modification.
Article 6
Extension de la liste des infractions
donnant lieu
à réduction du nombre de points affecté au
permis de conduire
L'article 6 tend à modifier l'article L.11-1
du code de la route qui énumère les infractions donnant lieu
à réduction du nombre de points affecté au permis de
conduire.
L'article L.11-1 serait modifié afin d'inclure parmi les
infractions donnant lieu à réduction de la moitié du
nombre de points affecté au permis de conduire le délit de
récidive de dépassement de la vitesse maximale autorisée,
égal ou supérieur à 50 km/h, que tend à
créer l'article 5 du projet de loi.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à corriger une
erreur de décompte des alinéas et vous propose d'adopter
l'article 6
ainsi modifié.
SECTION 5
Dispositions relatives à
l'instauration
d'un dépistage systématique des
stupéfiants,
pour les conducteurs impliqués dans un accident
mortel
Article 7
Instauration d'un dépistage
systématique des stupéfiants,
pour les conducteurs
impliqués dans un accident mortel
L'article 7 du projet de loi tend à ajouter un
article L.3-1 au titre premier du livre II du code de la route.
Le texte proposé pour l'article L.3-1 prévoit que les
officiers ou agents de police judiciaire font procéder sur tout
conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident mortel de la
circulation, à des épreuves de dépistage et, lorsqu'elles
se révèlent positives ou s'avèrent impossibles, ou lorsque
le conducteur refuse de les subir, à des analyses et examens
médicaux, cliniques et biologiques, en vue d'établir s'il
conduisait sous l'influence de substances ou plantes classées comme
stupéfiants.
Le texte proposé prévoit que les résultats de ces analyses
sont transmis au procureur de la République du lieu de l'accident et que
le refus de se soumettre aux vérifications prévues est puni de
deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30.000 francs, peine
prévue par l'article L.1er du code de la route en cas de refus de
se soumettre aux vérifications destinées à établir
la preuve de l'état alcoolique.
Au cours de la dixième législature, quatre propositions de loi
relatives à la conduite sous l'influence de stupéfiants avaient
été déposées à l'Assemblée
nationale
8(
*
)
. La commission des Lois de
l'Assemblée nationale a adopté des conclusions tendant à
instituer un dépistage de substances ou plantes classées comme
stupéfiants
9(
*
)
. Ces conclusions
envisageaient le dépistage sur tout conducteur d'un véhicule
impliqué dans un accident de la circulation ayant causé un
dommage corporel
.
Dans la proposition de loi qu'il a déposée sur ce sujet
10(
*
)
le 22 janvier dernier, notre collègue
Edouard Le Jeune a proposé de soumettre à des épreuves de
dépistage "
le conducteur impliqué dans un accident de la
circulation ayant occasionné un dommage corporel et tout conducteur
impliqué dans un quelconque accident de la circulation ou auteur
présumé de l'une des infractions aux prescriptions (...)
relatives à la vitesse des véhicules et au port de la ceinture de
sécurité ou du casque
".
Notre collègue a proposé en outre de punir de deux ans
d'emprisonnement et de 30.000 F d'amende (peines prévues en cas de
conduite sous l'empire d'un état alcoolique) la conduite sous l'empire
de stupéfiants, de substances psychotropes ou de médicaments de
nature à altérer gravement son comportement.
Par ailleurs, en décembre 1993, le comité
interministériel de sécurité routière a
décidé de mettre en place un comité chargé de
rédiger un Livre Blanc sur les effets des médicaments et des
drogues sur la sécurité routière. Ce Livre Blanc a
été publié en 1995. Les auteurs du Livre blanc, dans leurs
conclusions, ont constaté "
la discordance entre la richesse des
mesures législatives et réglementaires concernant l'alcool, et la
quasi absence de dispositions spécifiques concernant les
médicaments et surtout les drogues illicites. Après un accident
de la route, il est paradoxalement plus facile de mettre en évidence et
de sanctionner la consommation excessive et inadaptée d'un produit en
vente libre, que de reconnaître l'influence d'une drogue dont la
consommation est interdite
"
11(
*
)
.
Pour remédier à cette situation, les auteurs ont en particulier
proposé "
Une modification législative du code de la
route organisant la recherche d'une conduite sous l'influence de substances,
illicites ou détournées de leur usage, capables de modifier
l'aptitude à la conduite
(...) ".
La mesure proposée par le Gouvernement était donc très
attendue. Elle doit permettre, selon l'exposé des motifs du projet de
loi, "
d'améliorer les connaissances et de fonder sur celles-ci,
le moment venu, des mesures adaptées d'interdiction et de
répression spécifiques touchant la conduite sous l'emprise de
stupéfiants
".
Compte tenu du faible état d'avancement des connaissances sur ce sujet,
le Gouvernement ne propose pas la mise en oeuvre d'un dispositif
répressif spécifique pour punir la conduite sous l'influence de
substances ou plantes classées comme stupéfiants.
Certains éléments techniques militent contre l'instauration d'un
dispositif répressif spécifique. Pour certaines substances, il
conviendrait sans doute, comme en matière d'alcool, de définir
des seuils à partir desquels la conduite sous l'empire de ces substances
serait considérée comme répréhensible. En outre,
certains produits peuvent être détectés dans le sang ou les
urines longtemps après leur absorption, alors même qu'ils n'ont
plus d'influence sur la conduite d'un véhicule.
Par ailleurs, les conducteurs sous l'influence de substances
stupéfiantes pourront être poursuivis sur le fondement de
l'article L. 628 du code de la santé publique qui punit d'un
an d'emprisonnement et de 25.000 F d'amende l'usage illicite de l'une des
substances ou plantes classées comme stupéfiants. De plus, le
juge pourra tenir compte des résultats des recherches de
stupéfiants dans la définition de la sanction éventuelle
qu'il sera conduit à prononcer, en particulier pour homicide.
Malgré ces différents arguments, votre commission a estimé
impossible de ne pas prévoir une sanction spécifique à
l'encontre des personnes mettant en danger la vie d'autrui en conduisant un
véhicule alors qu'elles ont consommé des produits
stupéfiants. Elle a constaté que dans certains cas en effet, le
rôle des stupéfiants dans certains accidents de la circulation
était patent. Elle vous soumet donc un
amendement
tendant
à punir de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 F d'amende
(peines prévues pour la conduite sous l'empire d'un état
alcoolique) la personne ayant conduit après avoir fait usage, de
manière illicite, de substances ou plantes classées comme
stupéfiants.
L'une des questions essentielles que suscite la mesure proposée par le
Gouvernement est celle de son champ d'application. Le projet de loi impose un
dépistage systématique des stupéfiants pour les
conducteurs impliqués dans un accident
mortel
. Selon
l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, près de 12 000
conducteurs sont impliqués chaque année dans des accidents
mortels. On peut se demander si une mesure aussi ciblée permettra
d'obtenir rapidement des données épidémiologiques fiables
et de modifier les comportements de certains conducteurs.
Les auteurs du Livre blanc remis au Premier ministre en 1995 ont proposé
que les recherches soient pratiquées "
en cas d'accident
corporel, et lors d'une infraction aux règles de circulation mettant en
jeu la sécurité, dans les circonstances et avec la
procédure suivantes :
- en cas de comportement anormal disproportionné avec les
résultats de l'éthylotest et éventuellement de
l'éthylomètre, mise en oeuvre d'une méthode de
dépistage par prélèvement sanguin ou urinaire, suivie
éventuellement d'une méthode de confirmation et de
quantification ;
- si les tests sur le lieu de l'accident sont impossibles (sujet inconscient),
mise en oeuvre d'une recherche de substances illicites ou
détournées de leur usage par prise de sang comme c'est
actuellement le cas pour l'alcool, ou par l'examen des urines
".
Toutefois, les auteurs du Livre blanc ont indiqué à propos du
champ d'application du dépistage :
"
Nous devons tenir compte de la faisabilité des mesures qui
peuvent être adoptées. Il ne serait pas réaliste d'imposer
la recherche de nombreuses substances sur l'ensemble des impliqués dans
des accidents corporels de la circulation. Dans l'attente de la validation des
méthodes de dépistage utilisant la salive, il est
nécessaire de disposer d'urines ou de sang pour pouvoir faire une
recherche fiable (...). Nous devons également tenir compte du coût
des recherches systématiques. Dépister une alcoolisation illicite
et la quantifier avec précision par un dosage sanguin ou la mesurer dans
l'air expiré par un éthylomètre est une pratique dont le
coût est acceptable, compte tenu de l'importance de l'alcoolisation dans
notre pays. Rechercher et doser de multiples substances chez tous les
impliqués dans un accident corporel de la circulation peut avoir un
coût disproportionné avec la réalité de service
rendu. Il convient donc d'utiliser des approches
sélectives... ".
De fait, le dépistage des substances ou plantes classées comme
stupéfiants pose encore de multiples problèmes. Même si un
dispositif de recherche de stupéfiants reposant sur l'examen de la
salive devrait être mis au point dans un délai assez court, de
nombreuses incertitudes subsistent. Dans ces conditions, il convient de veiller
à n'adopter que des mesures effectivement applicables. Votre commission
n'a donc pas souhaité élargir le champ d'application du
dispositif proposé par le projet de loi.
Par ailleurs, cet article 7 tend à punir de deux ans d'emprisonnement et
30.000 F d'amende le refus de se soumettre aux vérifications
prévues. En matière d'alcoolémie, une telle sanction n'est
prévue que lorsque le conducteur a refusé de se soumettre aux
examens médicaux qui lui sont imposés lorsqu'il s'oppose à
l'épreuve de dépistage. Il paraît préférable
de prévoir, en matière de stupéfiants comme en
matière d'alcool, un dispositif en deux étapes, la sanction
n'intervenant qu'en cas de refus de se soumettre aux analyses et examens
médicaux, cliniques et biologiques. Un tel dispositif est d'autant plus
justifié que les épreuves de dépistage des
stupéfiants sont, pour l'heure, plus contraignantes que celles
prévues pour la recherche d'alcool.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
en ce sens et vous
propose d'adopter l'article 7 ainsi
modifié
.
SECTION 6
Dispositions diverses
Article 8
Modification de l'énumération
des infractions
donnant lieu à suspension du permis de conduire
L'article 8 du projet de loi tend à modifier
l'article L.14 du code de la route relatif à la suspension du
permis de conduire. Les deux premiers alinéas de cet article disposent
dans leur rédaction actuelle : "
La suspension du permis de
conduire pendant trois ans au plus peut être ordonnée par le
jugement, en cas de condamnation prononcée, à l'occasion de la
conduite d'un véhicule, pour l'une des infractions suivantes :
1° Infractions prévues par les articles L.1er à L.4,
L.7, L.9 et L.19 "
Parmi les infractions concernées, on trouve actuellement la conduite en
état d'ébriété, le fait de ne pas s'arrêter
après avoir causé ou occasionné un accident, le refus de
se soumettre à des épreuves de dépistage de
l'imprégnation alcoolique...
Dans le premier alinéa de l'article L. 14, la mention
"
à l'occasion de la conduite d'un véhicule
"
serait supprimée.
Parmi les infractions énumérées au 1° de
l'article L.14 et donnant lieu à suspension du permis de conduire
seraient ajoutées le nouveau délit de récidive d'un
dépassement de la vitesse maximale égal ou supérieure
à 50 km/h, le refus de se soumettre aux vérifications
tendant à la recherche de substances ou plantes classées comme
stupéfiants, enfin le fait, pour le responsable de l'exploitation d'un
véhicule de transport routier soumis à une obligation de
limitation de vitesse par construction, de modifier ou de faire ou de laisser
modifier le dispositif de limitation de vitesse afin de permettre au
véhicule de dépasser sa vitesse maximale autorisée
(article L.9-1 du code de la route).
L'insertion de cette dernière infraction parmi les faits susceptibles
d'entraîner la suspension du permis de conduire de conduire justifie la
suppression de la mention "
à l'occasion de la conduite d'un
véhicule
", dans la mesure où une telle infraction peut
ne pas être commise à l'occasion de la conduite d'un
véhicule.
Votre commission vous soumet un
amendement
tendant à corriger une
erreur de décompte des alinéas et vous propose d'adopter
l'article 8
ainsi modifié
.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
1
Sécurité routière,
drogues licites ou illicites et médicaments, Rapport au Premier
ministre, La documentation française.
2
Rapport n° 2659 de M. Richard dell'Agnola, 21 mars 1996.
3
Proposition de loi n° 237 (1997-1998).
4
Proposition de loi n° 212 (1994-1995)
5
Proposition de loi n° 237 (1997-1998).
6
Décision n° 70 DC du 2 décembre 1976
7
Cass. crim. 4 juin 1991
8
Proposition de loi n° 1106 de M.
Claude Dhinnin tendant à compléter l'article L.1er du code
de la route afin d'étendre, sous certaines conditions, les mesures
relatives à la lutte contre l'alcoolisme au volant, à la conduite
automobile sous l'influence de drogues illicites ; proposition de
loi n° 1183 de M. Pierre Micaux et plusieurs de ses
collègues, tendant à réglementer la conduite automobile
des personnes âgées et des consommateurs de drogue ;
proposition de loi n° 2200 de
M. François-Michel Gonnot et plusieurs de ses
collègues, visant à améliorer la sécurité
routière ; ppl n° 2250 de M. Jean-Pierre
Foucher, visant à réprimer la conduite automobile sous l'empire
de produits stupéfiants.
9
Rapport n° 2659 de M. Richard dell'Agnola,
21 mars 1996.
10
Proposition de loi n° 237 (1997-1998).
11
Livre Blanc Sécurité routière, drogues
licites ou illicites et médicaments, La documentation française,
mars 1996, p. 185.