V. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie, le mercredi 25 février 1998, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à
l'examen du rapport
de
M. Louis
Souvet
sur le
projet de loi n° 286
(1997-1998), adopté
par l'Assemblée nationale,
d'orientation et d'incitation
relatif
à la
réduction du temps de travail
.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que la
démarche dans laquelle s'était engagé le Gouvernement
était incertaine quant à son inspiration, à sa formulation
et à son impact, et qu'elle s'inscrivait dans la tradition historique de
la loi de 1936 et des lois de 1981 et 1982.
Il a rappelé que le programme du parti socialiste pour les
élections législatives faisait reposer la création
d'emplois sur le plan emplois-jeunes, la réduction du temps de travail
ayant été présentée dans un second temps comme une
piste à ne pas négliger.
Le rapporteur a insisté sur le risque de confusion entre la perspective
d'un développement des loisirs sans diminution des salaires et un
objectif de création d'emplois qui devait nécessairement
être associé à une baisse, sans doute limitée, du
salaire.
Il a observé que le ministre de l'emploi et de la solidarité
avait été elliptique sur la question des salaires, en particulier
en matière de salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC),
alors que le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur
les 35 heures avait mis en évidence le rôle fondamental des
salaires dans les résultats en termes de créations d'emplois.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a considéré que la
démarche du Gouvernement était incertaine dans sa formulation, le
projet de loi adoptant une démarche normative à travers
l'abaissement de la durée légale du travail par l'article premier.
Il a rappelé que cette disposition entrerait en vigueur de
manière différée au 1
er
janvier 2000 ou au
1
er
janvier 2002 selon la taille des entreprises et
qu'entre-temps, les partenaires sociaux seraient " appelés à
négocier ", une aide publique les y incitant. Mais il a
observé que l'un des termes de la négociation, dans le cadre du
" donnant-donnant ", la réduction du temps de travail,
était fixé d'avance, ce qui mettait l'un des partenaires sociaux
en position de négocier " le dos au mur ".
Le rapporteur a observé que des points aussi essentiels que le
contingent autorisé des heures supplémentaires, le taux exact de
leur majoration, ou encore la nature même du SMIC et son évolution
ne seraient fixés que dans un second texte en 1999, de sorte que les
entreprises ne connaissaient pas la teneur exacte de la " menace
législative " qui pesait sur elles en l'absence de
négociations.
Enfin, le rapporteur a considéré que le projet de loi
était incertain quant à ses conséquences.
Il a remarqué que le coût pour les finances publiques était
encore indéterminé, que de sérieux problèmes se
posaient à propos du SMIC et qu'une menace pesait sur les contrats de
travail individuels en cas d'accord collectif prévoyant une baisse de
salaire.
Il a constaté que le projet de loi s'inscrivait dans la tradition de
l'économie administrée et des embauches de 1981 dans le secteur
public, même si l'habillage était, aujourd'hui, plus
sophistiqué.
Il a rappelé que la loi " relative au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes ", entrée en vigueur en
octobre 1997, allait conduire à l'intégration dans le secteur
public ou semi-public de 350.000 jeunes tandis que le projet de loi
" 35 heures ", présenté comme " une
opportunité pour les entreprises ", était
considéré par le Gouvernement comme nécessaire pour
imposer aux entreprises " des organisations plus
efficaces ", comme
si seuls le secteur public, le passage par le secteur public ou la contrainte
publique permettaient de faire les bons choix économiques.
Le rapporteur a ensuite souligné que si, selon les déclarations
du Gouvernement, la réduction du temps de travail ne constituait pas
" la solution unique, la solution miracle ", ce nouveau
mécanisme, complexe et assorti de contraintes, venait néanmoins
se surajouter à un dispositif d'aides à l'emploi
particulièrement touffu, dont l'efficacité était au total
médiocre, et dont le réexamen était reporté sine
die. Par ailleurs, il a remarqué que le dispositif était
accompagné de plusieurs dispositions défavorables aux heures
supplémentaires et au travail à temps partiel.
Le rapporteur a ensuite exposé sa propre démarche.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a estimé que le projet de loi se
présentait comme un plan pour l'emploi alors que la création
d'emplois durables ne pouvait relever que d'une politique économique
d'ensemble fondée sur un dispositif simple, stable et pérenne
d'allégement des prélèvements sociaux et fiscaux propre
à accroître le dynamisme des agents économiques et à
favoriser la création et le développement des petites et moyennes
entreprises, où se trouvaient les véritables gisements d'emplois.
Il a considéré que la réduction du temps de travail ne
devait pas être la voie obligatoire, mais a admis que " bien
menée, de manière décentralisée, par la
négociation ", la réduction du temps de travail pouvait sans
doute créer des emplois ou en préserver dans certaines
entreprises.
Le rapporteur a déclaré que des progrès en termes de
flexibilité devaient être associés à la
réduction du temps de travail dans une négociation libre, comme
le prévoyaient la loi quinquennale de 1993, les accords de 1995 entre
les partenaires sociaux et la loi " de Robien " de 1996.
Il s'est déclaré attaché à faire en sorte que le
projet de loi, tel qu'il se proposait de l'amender, ne compromette ni le
dialogue social, ni l'équilibre des comptes publics, ni l'emploi.
Il a ensuite présenté les cinq axes du dispositif d'amendements :
suppression de l'abaissement autoritaire de la durée légale du
travail ; maintien d'un dispositif d'incitation à la négociation
sur l'aménagement et la réduction du temps de travail sous la
forme d'un " reprofilage " de la loi " de
Robien " pour en
atténuer le coût sans en amoindrir l'efficacité ;
délai supplémentaire pour les petites entreprises et les
associations ; suppression des obstacles introduits par le projet de loi au
développement du temps partiel et au recours aux heures
supplémentaires ; compensation intégrale par l'Etat à la
sécurité sociale des exonérations, dans le cadre de la loi
de 1994.
Il a ainsi proposé de supprimer l'article premier qui prévoit
l'abaissement de la durée légale du travail à
35 heures au 1
er
janvier 2000 (entreprises de plus de
vingt salariés) ou 2002 (entreprises de moins de vingt salariés).
Il a annoncé une nouvelle rédaction de l'article 2 pour
appeler les partenaires sociaux à négocier les modalités
d'une organisation du temps de travail assorties d'une réduction de la
durée hebdomadaire du temps de travail calculée en moyenne
annuelle sur tout ou partie de l'année. Dans ce cadre, la
négociation deviendrait volontaire et porterait à la fois sur la
réduction du temps de travail et sur l'organisation du travail.
Les petites et moyennes entreprises (PME) et les associations
bénéficieraient d'un délai supplémentaire de deux
ans pour profiter de l'aide financière.
Le rapporteur a précisé que le dispositif d'incitation à
l'aménagement et à la réduction du temps de travail
proposé à l'article 3 s'inscrivait dans le cadre de la loi
quinquennale de 1993 modifiée par la loi " de Robien " et
qu'il se substituait au dispositif du projet de loi, particulièrement
complexe, qui comprenait une aide dégressive en fonction de la date de
conclusion des accords et le cumul d'une aide de base, elle-même
dégressive sur cinq ans, et de trois majorations, soit constantes sur
cinq ans, soit, pour l'une d'entre elles, dégressive sur trois ans.
Le rapporteur a indiqué que le " reprofilage " de la loi
" de Robien " proposé par la commission retenait le principe
d'une aide non pas forfaitaire mais proportionnelle aux salaires afin de ne pas
pénaliser l'emploi qualifié, et qu'il tenait compte des
principales propositions d'améliorations émises à
l'occasion des premiers bilans de la loi, notamment par la commission des
finances de l'Assemblée nationale en avril 1997.
Le rapporteur a déclaré que l'exonération serait
plafonnée dans la limite d'une fois et demie le plafond de la
sécurité sociale, lissée quant à ses taux pour
faciliter la sortie du dispositif, raccourcie à cinq ans au lieu de sept
dans le dispositif offensif, limitée dans le temps, les entreprises
pouvant signer un accord jusqu'au 1
er
janvier 2000
(1
er
janvier 2002 pour les entreprises de moins de cinquante
salariés), et rendue plus accessible quant aux conditions exigées
en matière d'embauche.
Le rapporteur a proposé, dans un article additionnel après
l'article 3, de réaffirmer le principe de la compensation
intégrale pour la sécurité sociale des exonérations
de charges sociales.
Il a suggéré de compléter l'article 4 bis
relatif à la définition de la durée du travail effectif,
en reprenant la totalité de la définition européenne.
Il a proposé, en outre, de supprimer un certain nombre de dispositions
normatives introduites dans un projet de loi qui se voulait
" d'orientation et d'incitation " : suppression de
l'article 5
(abaissement du seuil de déclenchement des repos compensateurs
lié aux heures supplémentaires), suppression à
l'article 6 des dispositions défavorables au temps partiel à
travers la modification de l'abattement incitatif, suppression de certaines
dispositions de l'article 7 qui revenaient sur les dispositions de la loi
quinquennale de 1993 favorable au temps partiel (heures complémentaires).
Enfin à l'article 10, il a proposé de limiter le rapport
demandé au Gouvernement au seul bilan du temps de travail effectif dans
la fonction publique et de ne pas entériner la
" perspective "
d'une réduction de la durée du travail à 35 heures.
Par ailleurs, le rapporteur a proposé d'adopter conformes les articles
4 ter, 7 bis et 8. Il a déclaré que
l'article 4 ter transcrivait des dispositions issues d'une directive
européenne, que l'article 7 bis était relatif à
l'information des représentants des salariés en matière
d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées par
les salariés à temps partiel et que l'article 8
pérennisait une disposition de la loi quinquennale relative au maintien
à taux plein des cotisations vieillesse des salariés
passés à temps partiel.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a considéré qu'ainsi
amendé, le texte du Gouvernement se présentait comme une
réforme de parcours de la loi " de Robien ", propre à
donner un nouvel élan à l'aménagement de la durée
du travail accompagné d'une réduction du temps de travail, au
développement de l'emploi et à la négociation collective,
ceci sans imposer des contraintes inutiles aux entreprises.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
, après avoir constaté la
sobriété, et la précision du rapport, a cependant
indiqué que le groupe socialiste, engagé dans une démarche
différente, ne le voterait pas. Elle s'est étonnée du
refus systématique de la majorité sénatoriale de
légiférer sur la réduction et l'aménagement du
temps de travail, d'autant que le texte faisait largement appel à la
négociation. Elle a également souligné que toutes les
réductions du temps de travail significatives trouvaient leur origine
dans une loi. Elle a aussi rappelé que, depuis quinze ans, la
négociation collective n'avait que très peu abordé ce
thème, ce qui justifiait l'intervention législative
destinée à fixer un cadre.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que
l'initiative de M. Pierre Mauroy en 1981 avait bloqué le processus
de réduction de la durée du travail. Il a souligné que le
projet de loi intervenait aujourd'hui dans une économie ouverte qui
s'apprêtait à adopter une monnaie commune, et que le rapporteur
proposait d'inciter à la négociation collective plutôt que
d'y contraindre les entreprises.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a reconnu s'être interrogée
sur l'opportunité de la loi, mais a admis sa nécessité en
comprenant que le patronat n'irait pas spontanément vers une
réduction du temps de travail.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que l'Union
professionnelle artisanale (UPA) et les professions agricoles s'étaient
montrées très ouvertes.
M. Serge Franchis
a constaté que les moyens financiers
consacrés cette année à la réduction du temps de
travail étaient modestes et ne répondaient pas au problème
du chômage. Il a souhaité savoir si une simulation des effets des
propositions du rapporteur était disponible.
M. André Jourdain
a rappelé le poids des salaires dans
certaines professions, notamment la lunetterie. Il a ajouté que le
Gouvernement en avait pris conscience mais qu'il avait retenu un dispositif si
complexe que les PME ne pourraient le mettre en oeuvre.
M. Guy Fischer
a indiqué que, pour la commission, une motion de
procédure aurait été concevable et il a regretté la
suppression de l'article premier qui vidait le texte de toute substance. Il a
indiqué que son groupe déposerait des amendements au projet de
loi, notamment sur les heures supplémentaires et sur les
modalités d'octroi des aides.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé à l'attention de
Mme Marie-Madeleine Dieulangard que la majorité sénatoriale
n'était pas opposée à légiférer sur le temps
de travail et que tous s'accordaient sur la volonté de trouver des
solutions au problème du chômage.
Il a rappelé que dans l'économie, il y avait ceux qui apportaient
leur travail et ceux qui avaient tout engagé pour concrétiser
leurs idées, ce qui expliquait que ces derniers ne puissent accepter de
voir leurs efforts mis à mal par une augmentation des coûts du
travail. Il a ajouté que les entreprises étaient toutefois
d'accord pour aménager le temps de travail.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que personne
ne considérait la réduction du temps de travail comme la solution
unique au problème du chômage, mais que celle-ci constituait l'une
des solutions avec l'abaissement des charges, la formation, la
flexibilité, etc. Il a contesté qu'une obligation d'abaisser la
durée légale du travail à 35 heures dans dix-huit mois
puisse être assimilable à une négociation.
Mme Joëlle Dusseau
a rappelé le coût prohibitif de la
loi " de Robien " et s'est étonnée de ce que la
commission se contente de baisser les aides parallèlement à une
baisse des exigences en termes de créations d'emplois. Elle a
considéré que l'appel à la négociation figurant
à l'article 2 ne pouvait être suffisant pour obtenir le
résultat escompté. Elle a regretté que la réduction
du temps de travail soit systématiquement liée à
l'annualisation, car certains secteurs n'étaient nullement demandeurs.
Enfin, elle a souhaité des précisions sur le
" reprofilage " de la loi " de Robien ".
M. Jean Chérioux
a remercié le rapporteur d'avoir bien
voulu prendre en considération le secteur associatif. Il a
dénoncé le double langage tenu par le Gouvernement qui impose les
35 heures tout en dissimulant cette obligation sous un dispositif qui se
révèle particulièrement complexe. Il a néanmoins
reconnu que le patronat ne se montrait pas toujours coopératif en
matière sociale.
M. Alain Gournac
a déclaré avoir mieux compris les
propositions du rapporteur que les explications du ministre la veille. Il a
particulièrement apprécié la suppression de la
réduction autoritaire du temps de travail, la décentralisation
des négociations et l'association de la réduction du temps de
travail à la flexibilité.
M. Claude Huriet
a constaté que le temps de travail n'avait pas
diminué spontanément au cours des dernières années
et s'est demandé si la baisse de la durée d'activité au
cours de la vie n'en était pas la cause.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a répondu à M. Serge Franchis
qu'il n'avait pu faire de simulation du dispositif proposé, mais qu'il
avait fondé ses propositions sur l'expérience de la loi " de
Robien ".
En réponse à Mme Joëlle Dusseau, il a rappelé que
l'article 2 du projet de loi renvoyait lui aussi à la négociation
et a donné des explications sur le mécanisme d'exonération
qu'il proposait. Il a enfin souligné que la rédaction de son
amendement laissait la porte ouverte à d'autres types de modulation que
l'annualisation.
En réponse à M. Claude Huriet, il a indiqué que les
Français étaient parmi ceux qui travaillent le moins au cours de
leur vie et que la durée de vie active avait diminué de plus de
trois ans entre 1981 et 1996.
M. André Jourdain
a précisé qu'aucun expert n'avait
pu lui dire comment cette situation évoluerait à l'avenir.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que
l'article 39 de la loi quinquennale avait été voté
à l'initiative de la commission des affaires sociales, que l'accord du
31 octobre 1995 sur la réduction du temps de travail n'avait pas
donné de résultats tangibles et que la loi " de
Robien " avait sans doute octroyé des avantages trop importants.
Il a justifié la position du rapporteur par le fait qu'il était
illogique de remettre en cause totalement un dispositif qui donnait
satisfaction. Il a également évoqué la proposition
formulée par M. Michel Rocard et rappelé que le projet de loi se
voulait d'incitation et d'orientation, ce qui correspondait tout à fait
aux propositions du rapporteur, qui consistaient à inciter à la
négociation en proposant des avantages limités dans le temps. Le
dispositif étant moins coûteux que la loi " de Robien "
actuelle, les crédits inscrits au budget seraient suffisants.
Il a également précisé que le dispositif était
suffisamment souple pour permettre d'aller en deçà des
35 heures.
Il a justifié la position du rapporteur sur les autres articles du
projet de loi par le souci de ne pas casser la négociation en limitant
les possibilités de recourir au dispositif actuel.
Enfin, il a rappelé qu'un bilan serait dressé à la fin de
1999, qui permettrait de se déterminer sur la suite à donner
à cette incitation. En conclusion, il a rappelé que le dispositif
proposé était compatible avec des frontières ouvertes et
ne pénalisait pas les entreprises au moment où la crise asiatique
venait quelque peu freiner la croissance.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
Elle a adopté un amendement supprimant
l'article premier
réduisant à 35 heures la durée légale
hebdomadaire du travail effectif des salariés.
A l'article 2
(incitation des partenaires sociaux à
négocier la réduction du temps de travail avant la mise en oeuvre
de la nouvelle durée légale), elle a, par coordination avec la
suppression de l'article premier, adopté une nouvelle rédaction
pour inviter les partenaires sociaux à négocier des accords
d'aménagement - réduction du temps de travail. Cet article a
donné lieu à un large débat entre
MM. Jean-Pierre
Fourcade, président, Jean Chérioux, Jean Madelain,
Mme Joëlle Dusseau, M. Guy Fischer
et
Mme Dinah Derycke
sur l'opportunité d'inclure certains secteurs, et notamment le
secteur sanitaire et social, dans le dispositif.
Puis la commission, après intervention de
MM. Louis Souvet,
rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, président, Serge Franchis,
André Jourdain et Mme Dinah Derycke,
a adopté un
amendement réécrivant la totalité de
l'article 3
afin de réaménager la loi " de Robien " tout en
supprimant le dispositif incitatif proposé par le projet de loi.
La commission a ensuite adopté
un article additionnel après
l'article 3
pour rappeler le principe de la compensation des
exonérations de charges sociales, ainsi que
l'article 4
(organisation de la réduction du temps de travail sous forme de jours de
repos et utilisation du compte épargne-temps) sans modification.
Elle a ensuite adopté un amendement à
l'article 4 bis
(définition du temps de travail effectif) visant à mieux
transposer la directive européenne traitant de ce sujet. Cet article a
fait l'objet d'un débat entre
M. Louis Souvet, rapporteur, Mmes Dinah
Derycke et Joëlle Dusseau, et MM. André Jourdain et Jean-Pierre
Fourcade, président,
sur les incidences possibles de la modification
proposée.
Elle a adopté
l'article 4 ter
(repos compensateur) sans
modification.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 5
(seuil
de déclenchement du repos compensateur) afin de laisser aux partenaires
sociaux le soin de déterminer eux-mêmes les seuils d'application.
A l'article 6
(modification du régime de l'abattement des
cotisations sociales patronales applicables au travail à temps partiel),
elle a adopté un amendement supprimant plusieurs dispositions
jugées peu propices au développement de l'emploi. Elle a
procédé de même à
l'article 7
(limitation des
possibilités de recourir au temps partiel).
Elle a ensuite adopté sans modification les
articles 7 bis
(bilan
du travail à temps partiel dans l'entreprise) et
8
(maintien de
l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse en cas de passage à
temps partiel).
Elle a adopté, à
l'article 9
(bilan de la loi remis au
Parlement au plus tard le 30 septembre 1999), un amendement
réécrivant la totalité de l'article par coordination avec
les modifications précédentes.
Enfin, elle a adopté un amendement réécrivant
l'article
10
(rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du
temps de travail pour les agents de la fonction publique) afin de limiter le
dispositif au seul bilan sans envisager pour autant une transposition des
35 heures dans la fonction publique.
La commission a alors
approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
modifié
.
Mesdames, Messieurs,
La démarche dans laquelle s'est engagé le Gouvernement et dans
laquelle il engage, ce faisant, notre pays, est triplement incertaine : quant
à son inspiration, quant à sa formulation, quant à son
impact.
A l'évidence, l'inspiration du projet de loi est double. Il s'inscrit
d'abord dans la continuité historique de la loi de 1936 et des lois de
1981 et 1982.
De fait, le programme du parti socialiste lors des dernières
élections législatives comportait deux rubriques bien distinctes.
La première intitulée "
créer des
emplois
" était consacrée à l'objectif de
créer "
700.000 vrais emplois pour les jeunes
".
Force est de constater que seule la première moitié du programme,
la création de 350.000 emplois dans le secteur public, a
été engagée.
La seconde rubrique, "
réduire le temps de travail
",
était ainsi conçue : "
Aujourd'hui, la machine permet des
gains énormes de productivité dont l'Homme doit
bénéficier. Nous proposons de ramener progressivement la
durée légale du temps de travail de 39 heures à
35 heures sans diminution de salaire.
".
Mais parallèlement, la réduction du temps de travail est
également présentée comme une arme de lutte contre le
chômage ou du moins comme une "
piste à ne pas
négliger
" de création d'emplois.
Le risque de confusion est grand qu'entraîne l'alternance de deux
discours : celui, d'une part, des lendemains qui chantent, du
développement des loisirs sans diminution de salaire et, d'autre part,
celui de la lutte volontariste contre le chômage. Car les tenants de la
réduction du temps de travail conviennent eux-mêmes qu'elle ne
peut être créatrice d'emplois qu'au prix d'une compression des
rémunérations.
Risque de confusion et risque de désillusion également comme le
titrait excellemment le rapport de la commission d'enquête
sénatoriale sur les 35 heures
1(
*
)
.
En second lieu, la démarche du Gouvernement est incertaine dans sa
formulation. Le projet de loi, par son article premier, est un texte de loi
strictement normatif : il s'agit d'abaisser la durée légale du
travail.
Il est certes d'entrée en vigueur différé au
1
er
janvier 2000 ou au 1
er
janvier 2002 selon
la taille des entreprises. Car, entre-temps, les partenaires sociaux sont
"
appelés à négocier
" et incités
dans ce sens par une aide financière publique.
Toutefois, l'un des termes de la négociation, l'un des
éléments du " donnant-donnant " est ainsi fixé
d'avance : la réduction du temps de travail. D'ici à penser que
l'un des partenaires sociaux devra négocier " le dos au
mur ",
il n'y a qu'un pas que les entreprises ont unanimement franchi.
Davantage, le projet de loi, différé dans son entrée en
vigueur, est également incomplet dans son dispositif, sur des points
aussi essentiels que le contingent autorisé des heures
supplémentaires ou le taux exact de leur majoration ou encore la nature
même du SMIC et son évolution.
Certes, cela part d'un " bon sentiment " : une deuxième loi
intervenant fin 1999 est censée tirer les conséquences des
négociations auxquelles la première loi " appelle " les
partenaires sociaux.
Il reste que les entreprises, qui ont le sentiment d'avoir le " dos au
mur ", ignorent de surcroît la teneur exacte de la " menace
législative " qui pèse sur elles si elles s'abstiennent de
négocier. Nombreux sont les juristes qui considèrent d'ailleurs
que les entreprises ont intérêt à " attendre le second
texte de loi avant de bouger ", ceci en dépit du dispositif
financier incitatif.
Peut-on considérer dès lors qu'il s'agit d'une
"
réduction du temps de travail, bien menée, de
manière décentralisée, par la
négociation
", qui seule, selon le ministre de l'emploi et de
la solidarité, "
peut créer des emplois, beaucoup
d'emplois
" ?
2(
*
)
Enfin, précisément, le projet de loi est incertain quant à
ses conséquences.
Une récente circulaire de M. le Premier ministre
3(
*
)
est venue, fort à propos,
pérenniser la procédure de l'" étude d'impact "
dont doivent être assortis les projets de loi. Il y est écrit :
"
Le terme d'impact doit être entendu dans son sens le plus
concret. L'objet de l'étude d'impact est en effet d'évaluer a
priori les effets administratifs, juridiques, sociaux, économiques et
budgétaires des mesures envisagées et de s'assurer, de
manière probante, que la totalité de leurs conséquences a
été appréciée préalablement à la
décision publique
".
Force est de constater que l'étude d'impact qui accompagne le projet de
loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail ne satisfait qu'imparfaitement -c'est un euphémisme- les
termes de la circulaire de M. le Premier ministre.
Il est ainsi paradoxal que le Gouvernement s'abrite derrière les
" négociations ", se retranche derrière des expertises
plus ou moins extérieures à lui-même, pour ne s'engager
véritablement sur aucun chiffrage des créations d'emplois, ni
a fortiori
sur leur coût pour les finances publiques.
Face à cette démarche incertaine, quelle a été la
position de la commission des Affaires sociales ?
Elle a constaté, tout d'abord, que le projet de loi s'inscrivait en
réalité dans une tradition : celle de l'économie
administrée.
En 1981, la lutte contre le chômage passait par des embauches massives
dans la fonction publique et un vaste programme de nationalisations.
Près de vingt ans plus tard, des principes peu différents sont
mis en oeuvre avec un habillage, il est vrai, plus sophistiqué.
La loi " relative au développement d'activités pour l'emploi
des jeunes " entrée en vigueur en octobre 1997 conduira à
l'intégration dans le secteur public ou semi-public de
350.000 jeunes, représentant un coût budgétaire direct
pour l'Etat de plus de 32 milliards de francs par an " en
vitesse de
croisière " auxquels s'ajoutent les dépenses des autres
collectivités publiques.
Le projet de loi " 35 heures " est présenté comme
"
une opportunité pour les entreprises
". La
réduction du temps de travail ne sera "
fortement
créatrice d'emplois
" que "
bien conduite et
associée à de nouvelles organisations du travail dans
l'entreprise
"
4(
*
)
.
Sont
notamment cités : des choix d'organisations plus variées et
diversifiées, des modulations d'horaires adaptées aux variations
de production, une meilleure utilisation des équipements, une
amélioration de la qualité du service... En résumé,
la contrainte des 35 heures est nécessaire pour imposer aux
entreprises "
des organisations plus efficaces
".
Seuls le secteur public, le passage par le secteur public ou la contrainte
publique permettent, en résumé, de faire les bons choix
économiques. Il convient dans ces conditions de se demander si la gauche
s'est véritablement réconciliée avec l'e²ntreprise.
La commission des Affaires sociales a ensuite observé que, selon les
déclarations du Gouvernement lui-même, la réduction du
temps de travail n'était pas "
la solution unique, la solution
miracle
"
5(
*
)
. De
fait,
un nouveau mécanisme complexe et assorti de contraintes vient se
surajouter à un dispositif d'aides à l'emploi
particulièrement touffu, dont l'efficacité est au total
médiocre, la mise en place et le redéploiement étant
reportés
sine die
.
Votre commission a estimé que le cadre du présent projet de
loi ne donnait pas matière à un plan " alternatif "
pour l'emploi
. La création d'emplois durables relève, en
effet, d'une politique économique d'ensemble fondée sur un
dispositif simple, stable et pérenne d'allégement des
prélèvements sociaux et fiscaux propre à accroître
le dynamisme des agents économiques et à favoriser la
création et le développement des petites et moyennes entreprises
où se trouvent les véritables gisements d'emplois.
" Ni solution unique, ni solution miracle ", à tout le
moins faut-il que la réduction du temps de travail ne soit pas la
solution obligatoire.
"
Bien menée, de manière décentralisée, par
la négociation ", la réduction du temps du travail peut sans
doute créer des emplois ou en préserver dans certaines
entreprises, en fonction du contexte qui est propre à chacune
,
contexte économique, contexte social, contexte psychologique
également, c'est-à-dire volonté commune.
Associée à la flexibilité indispensable à la
compétitivité de l'entreprise, la réduction du temps de
travail doit donc se négocier librement. Telle était la
philosophie de la loi quinquennale de 1993, des accords de 1995 entre les
partenaires sociaux ou enfin de la loi " de Robien " de
1996.
Aussi, votre commission s'est-elle attachée à faire en sorte que
le présent projet de loi, tel qu'elle propose de l'amender, ne
compromette ni le dialogue social, ni l'équilibre des comptes publics,
ni... l'emploi.
Dans cet esprit, elle a adopté un dispositif complet d'amendements qui
" reprofile " la loi de Robien sans hésiter parfois à
conserver certaines dispositions du texte du Gouvernement.
I. LE PASSAGE AUTORITAIRE AUX 35 HEURES, SANS CONCERTATION, PLONGE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE AU COEUR D'UNE EXPÉRIMENTATION HASARDEUSE
A. LE PROJET DE LOI TRADUIT UNE VOLONTÉ POLITIQUE QUI ENTEND S'IMPOSER AUX RÉALITÉS SOCIALES ET ÉCONOMIQUES
L'essentiel du débat autour du projet de loi présenté par le Gouvernement tourne autour de l'abaissement de la durée légale du temps de travail. Le dispositif incitatif et l'appel à la négociation s'inscrivent en effet dans le droit fil des expériences menées depuis 1993 et même si l'efficacité de ces mécanismes est contesté, leur existence n'a pas donné lieu à un débat conflictuel, notamment du fait de l'absence de contrainte sur la durée légale du travail.
1. Un projet directement issu du programme du parti socialiste pour les élections législatives
Le projet de réduire la durée légale du
travail à 35 heures constituait l'un des objectifs du programme de la
gauche en 1981, mais compte tenu du contexte économique, ses promoteurs
n'ont pas jugé opportun de poursuivre l'expérimentation de
dispositions qui étaient déjà très
controversées.
Seize ans plus tard, l'idée qu'une réduction massive et brutale
de la durée du travail pouvait créer des emplois est
réapparue dans le programme de la gauche pour les élections
législatives de juin 1997.
Le premier paragraphe du programme du parti socialiste
6(
*
)
intitulé "
Créer
des emplois
" repose sur la proposition suivante :
"
en
simplifiant drastiquement (les aides à l'emploi), sans augmenter les
dépenses publiques, notre objectif est de créer
700.000 vrais emplois pour les jeunes, pour moitié dans le secteur
public, pour moitié dans le secteur privé
".
La réduction du temps de travail est l'objet du deuxième
paragraphe : "
aujourd'hui, la machine permet des gains énormes
de productivité, dont l'Homme doit bénéficier. Nous
proposons de ramener progressivement la durée légale du temps de
travail de 39 heures à 35 heures, sans diminution de salaire.
Cela se fera par la négociation entre partenaires sociaux, l'Etat ayant
pour rôle de donner le cap et de fixer le calendrier. Une loi-cadre, qui
aura également pour objet de lutter contre les horaires abusifs et les
heures supplémentaires, donnera l'impulsion à ce mouvement
historique
. "
Le thème de la réduction du temps de travail privilégiant
l'emploi apparaît dans le discours de politique générale du
Premier ministre, le 19 juin 1997. On observe que l'objectif
recherché est toujours la réduction du temps de travail sans
perte de salaire, ce qui semble pour le moins contradictoire avec la
volonté affichée de privilégier l'emploi.
Ces rappels amènent au moins deux observations :
- la mesure phare du programme socialiste pour lutter contre le
chômage devait être les 700.000 emplois pour les jeunes. La
loi du 16 octobre 1997 a posé les bases d'un dispositif
coûteux d'emplois publics subventionnés qui devrait permettre
d'ôter 350.000 jeunes des statistiques du chômage. On doit
cependant constater qu'aucune disposition n'a pour l'instant été
adoptée tendant à favoriser le développement de
350.000 emplois pour les jeunes dans le secteur privé. Par
ailleurs, aucune mise à plat des aides à l'emploi n'a
été entreprise, contrairement à ce qui avait
été annoncé ;
- le projet de réduction du temps de travail ne constituait pas
véritablement un instrument de lutte contre le chômage mais bien
plutôt une mesure tendant à améliorer la situation des
salariés à travers une amélioration des conditions de
travail. Ce " progrès social " était
délibérément inscrit dans la continuité de la loi
de 1936 et des lois de 1981 et 1982, sans considération des implications
micro-économiques d'une telle décision au niveau de l'entreprise.
En effet, les 35 heures payées 39 heures s'inscrivent dans une
logique d'alourdissement du coût du travail et donc de
détérioration de la rentabilité des entreprises qui ne
peut être que défavorable à l'emploi.
Lorsque l'on considère l'inspiration idéologique de ce projet de
loi, les caractéristiques du dispositif emploi-jeunes, la hausse de
l'impôt sur les sociétés, les freins aux privatisations...,
on en vient même à douter que la gauche se soit
véritablement réconciliée avec le monde de l'entreprise.
La réduction du temps de travail avec une compensation salariale
intégrale s'inscrit ainsi dans la perspective d'une relance de
l'économie par les salaires qu'avait déjà initiée
l'augmentation de 4 % du SMIC en juillet 1997. De telles mesures de
relance peuvent quelquefois être justifiées, mais probablement pas
aujourd'hui alors que la croissance repart et que la France est engagée
dans un processus de convergence réelle avec ses partenaires
européens dans la perspective de l'euro. Peut-on éliminer tout
risque d'inflation à la suite de ces décisions ? La
réponse ne peut qu'être prudente. Elle dépend
essentiellement de l'évolution à venir du SMIC et plus
généralement de l'impact de ce projet de loi sur les coûts
salariaux. En tout cas, une dégradation de notre
compétitivité ne peut-être exclue a priori.
Vers la fin du travail ?
Le programme économique du gouvernement de gauche a
été grandement influencé par les travaux d'un sociologue
américain, Jeremy Rifkin, auteur d'un ouvrage à succès sur
La Fin du travail
7(
*
)
. Dans
la préface de l'édition française, Michel Rocard souligne
que " l'affirmation centrale (du livre) est que le travail productif
tel
que nous le connaissons a vocation, pour l'essentiel, à
disparaître dans les temps qui viennent du fait des effets de
l'évolution technologique contemporaine sur l'emploi ". L'avenir
devrait être consacré à " une extension massive des
activités non marchandes autour d'un tiers secteur, du
bénévolat, des activités solidaires " qui a
déjà largement inspiré le plan emplois-jeunes de Mme
Martine Aubry.
La réduction du temps de travail est considérée par Jeremy
Rifkin comme le remède à " la fin du travail ", mais
elle n'est à l'évidence qu'une étape avant
" l'ère post-marchande florissante " qui devrait
succéder au règne du marché.
Au-delà de l'analyse historique et sociologique, par ailleurs
contestable, cette doctrine frappe par la faiblesse de ses sous-bassements
économiques et par un fort contenu idéologique qui se revendique
ouvertement de la théorie économique marxiste. On peut rappeler
que ces thèses n'ont eu aucune répercussion significative sur le
débat politique américain, à la différence de la
France où elles s'inscrivent à l'arrière-plan des
décisions économiques prises depuis juin 1997.
2. Le Gouvernement en se substituant aux partenaires sociaux risque de provoquer un recul du dialogue social préjudiciable à l'emploi
Les partenaires sociaux ont signé le 31 octobre
1995 deux accords nationaux interprofessionnels sur l'emploi et sur la
politique contractuelle. Ces accords esquissaient le cadre de
négociations décentralisées fondées sur le principe
du donnant-donnant. L'annualisation est considérée dans ces
accords comme une forme d'organisation susceptible d'améliorer
l'efficacité économique et de développer l'emploi.
L'accord sur l'organisation du temps de travail insiste sur l'équilibre
à trouver pour que la réorganisation bénéficie
également aux salariés : "
dans la mesure où ces
formules génèrent des contraintes supplémentaires pour les
salariés concernés tenant aux changements fréquents de
leurs horaires de travail, elles doivent s'accompagner, au profit de ces
salariés, de contreparties appropriées à ces
contraintes
. ".
L'accord estime que "
l'organisation du temps de travail sur
l'année, dans les conditions de l'article L. 212-2-1 du code du
travail, accompagnée d'une réduction de la durée du
travail des salariés concernés apparaît adaptée pour
améliorer la performance économique des entreprises et la
situation de l'emploi
. ". Il insiste par ailleurs sur la
nécessité d'encourager et de développer cette
réorganisation du travail par le développement de la
négociation collective.
On peut considérer que la " loi de Robien " s'inscrivait
dans
le prolongement de cet accord puisqu'elle fournissait une incitation
financière à la négociation volontaire et
décentralisée.
L'accord relatif à la politique contractuelle récusait
l'intervention autoritaire du législateur pour imposer une
réduction de la durée du travail. Il revendiquait "
la
volonté des parties signataires de renforcer le dialogue social et la
pratique contractuelle et de se réapproprier la conduite de la politique
sociale en faisant prévaloir la négociation collective sur le
recours au législateur
. ".
Les accords du 31 octobre 1995 avaient initié une dynamique lente,
de longue haleine, visant à ce que les partenaires sociaux se
réapproprient le champ du social. Cette dynamique était
envisagée comme la condition d'un renforcement des corps
intermédiaires, le meilleur moyen de renforcer l'attractivité et
la représentativité des organisations syndicales. Votre
commission des Affaires sociales a toujours soutenu cette démarche libre
des partenaires sociaux sans exclure a priori un dispositif d'aide publique
incitative.
La décision du Gouvernement s'inscrit dans une logique radicalement
différente : l'Etat donne le ton, le départ tel un chef
d'orchestre et les partenaires sociaux doivent suivre. Il semblerait qu'une
nouvelle fois les différents acteurs ne jouent pas la même
musique, ce qui donne lieu à un certaine cacophonie. Les syndicats sont
prudents ou sceptiques sur la démarche, inquiets quant aux
conséquences imprévisibles qu'elle pourrait avoir sur le SMIC,
l'emploi, les délocalisations. Le patronat est vigoureusement
opposé au texte. De nombreuses conventions collectives ont d'ores et
déjà été dénoncées dans la
perspective d'une révision des avantages accordés aux
salariés pour faire face au choc salarial imposé par les
35 heures payées 39 pour les plus bas salaires. Il semble surtout
qu'une occasion historique ait été gâchée de laisser
se développer le dialogue social en dehors de la puissance
tutélaire étatique.
L'Etat considère que la durée du temps de travail n'a pas
significativement évolué depuis 1982 et qu'il lui reviendrait de
" relancer le mouvement ". C'est oublier un peu vite que
l'ordonnance
autoritaire de 1982 est largement responsable du blocage des
négociations sur le temps de travail. Le risque est grand que
l'expérience se renouvelle. Que reste-t-il à négocier une
fois l'oukase publié de l'abaissement de la durée de la
durée légale du travail ?