RAPPORT N° 306 - PROJET DE LOI, ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE, D'ORIENTATION ET D'INCITATION RELATIF A LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
M. Louis SOUVET, Sénateur
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES - RAPPORT N° 306 - 1997/1998
Table des matières
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TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. AUDITIONS
- II. AUDITION DE M. DOMINIQUE STRAUSS-KAHN, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
- III. AUDITION DE M. JEAN ARTHUIS, RAPPORTEUR DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES CONSÉQUENCES DE LA DÉCISION DE RÉDUIRE À 35 HEURES LA DURÉE HEBDOMADAIRE DU TRAVAIL
- IV. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
- V. EXAMEN DU RAPPORT
- I. LE PASSAGE AUTORITAIRE AUX 35 HEURES, SANS CONCERTATION, PLONGE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE AU COEUR D'UNE EXPÉRIMENTATION HASARDEUSE
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II. UN PROJET DE LOI INQUIÉTANT POUR L'AVENIR DE L'EMPLOI QUI ROMPT AVEC LES
EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES FONDÉES SUR LA NÉGOCIATION SANS CONTRAINTES
- A. LE PROJET DE LOI TEL QU'IL RESSORT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POURRAIT CONSTITUER UN OBSTACLE AU DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI
- B. LE PROJET DE LOI SE DISTINGUE NETTEMENT DES EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES, ET NOTAMMENT DE LA LOI " DE ROBIEN "
- III. UN PROJET RICHE EN INCERTITUDES BUDGÉTAIRES, ÉCONOMIQUES ET JURIDIQUES
- IV. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL NE CONSTITUE PAS LA SOLUTION MIRACLE AU PROBLÈME DU CHÔMAGE
- V. PRÉJUDICIABLE AUX ENTREPRISES ET DIFFICILEMENT COMPATIBLE AVEC L'EURO ET LE MARCHÉ UNIQUE
- VI. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SOUTIENT UNE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL VOLONTAIRE ET NÉGOCIÉE ET APPELLE À DES PROGRÈS EN TERMES DE FLEXIBILITÉ
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EXAMEN DES ARTICLES
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Article premier
Réduction à trente-cinq heures de la durée légale hebdomadaire du travail effectif des salariés
(Art. L. 212-1 bis nouveau du code du travail) -
Art. 2
Incitation des partenaires sociaux à négocier la réduction du temps de travail avant la mise en oeuvre de la nouvelle durée légale -
Art. 3
Aide financière à la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures au plus et abrogation de la loi de Robien -
Paragraphe I
Champ d'application de l'aide et conditions d'attribution -
Paragraphe II
Nature et contenu de l'accord collectif prévoyant la réduction du temps de travail -
Paragraphe III
Mandatement d'un salarié pour négocier un accord de réduction de la durée du travail dans les entreprises dépourvues de délégué syndical -
Paragraphe IV
Aide à la réduction du temps de travail dans le cadre du développement de l'emploi (volet offensif) -
Paragraphe V
Aide à la réduction du temps de travail dans le cadre d'une procédure de licenciements économiques (volet défensif) -
Paragraphe VI
Modalités de l'aide -
Paragraphe VI bis
Dispositif d'appui et d'accompagnement -
Paragraphe VII
Abrogation de la loi de Robien -
Paragraphe VIII
Coordination -
Article additionnel après l'article 3
Compensation par l'Etat des exonérations de charges sociales -
Art. 4
Organisation de la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos et utilisation du compte épargne-temps -
Art. 4 bis (nouveau)
Définition du temps de travail effectif
(Art. L. 212-4 du code du travail) -
Art. 4 ter (nouveau)
Repos quotidien
(Art. L. 220-1 et L. 220-2 nouveaux du code du travail) -
Art. 5
Seuil de déclenchement du repos compensateur
(Art. L. 212-5-1 du code du travail et art. 993 du code rural) -
Art. 6
Modification du régime de l'abattement de cotisations sociales patronales applicable au travail à temps partiel
(Art. L. 322-12 du code du travail) -
Art. 7
Limitation des possibilités pour l'entrepreneur
de recourir au temps partiel
(Art. L. 212-4-3 du code du travail) -
Art. 7 bis (nouveau)
Bilan du travail à temps partiel dans l'entreprise
(Art. L. 212-4-5 du code du travail) -
Art. 8
Maintien de l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse
en cas de passage à temps partiel
(Art. 43-VIII de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle,
art. L. 241-3-1 nouveau du code de la sécurité sociale) -
Art. 9
Bilan remis au Parlement au plus tard le 30 septembre 1999 -
Art. 10 (nouveau)
Rapport sur le bilan et les perspectives
de la réduction du temps de travail
pour les agents de la fonction publique
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Article premier
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ANNEXE
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DIRECTIVE 93/104/CE DU CONSEIL DU 23 NOVEMBRE 1993 CONCERNANT CERTAINS ASPECTS DE L'AMÉNAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL
N° 306
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 février 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail ,
Par M. Louis SOUVET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale (11
ème législ.)
:
512, 652
et T.A.
81.
Sénat : 286
(1997-1998).
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Travail. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITIONS
A. MERCREDI 4 FÉVRIER 1998
Sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade,
président, la commission a procédé à des
auditions
sur le
projet de loi n° 512
AN
(11ème législature)
d'orientation et d'incitation
relatif à la
réduction du temps de travail.
Elle a tout d'abord entendu
M. Ernest-Antoine Seillière,
président
du
Conseil national du patronat français
(CNPF), accompagné de
MM. Georges Jolles, président de la
commission sociale, Bernard Boisson, directeur des affaires sociales et M.
Gautier Sauvagnac, vice-président délégué
général de l'Union des industries métallurgiques et
minières (UIMM)
.
M. Ernest-Antoine Seillière
a déclaré que son
organisation restait opposée au principe de réduction de la
durée légale du temps de travail à 35 heures
hebdomadaires tel qu'il avait été défini à l'issue
de la Conférence nationale du 10 octobre 1997.
Il a précisé que cette position était partagée par
la quasi-totalité des 2,3 millions d'entrepreneurs français
et qu'elle avait fait l'objet d'une déclaration commune des organismes
employeurs rassemblés au sein du Comité de liaison des
décideurs économiques (CLIDE).
M. Ernest-Antoine Seillière
a fait observer que l'opinion
commençait à douter du bien-fondé du projet du
Gouvernement et que le scepticisme gagnait la majorité elle-même.
Il a toutefois fait part de sa conviction que ce travail d'explication n'aurait
pas d'effet immédiat compte tenu du rôle de ciment politique
attribué au projet de loi et du calendrier électoral.
M. Ernest-Antoine Seillière
a mis en avant les trois arguments
principaux de son organisation contre le projet de loi. Il a tout d'abord
estimé que la disposition entraînerait un surcoût salarial
de 11,4 % pour toutes les entreprises. Il a ensuite
considéré que la réduction du temps de travail (RTT)
uniforme pour toutes les catégories de salariés serait
très complexe à organiser. Il a également
déclaré que ce dispositif allait appauvrir le dialogue social. En
conséquence,
M. Ernest-Antoine Seillière
a pu estimer
que le projet de loi tel qu'il avait été déposé
était parfaitement dommageable pour l'économie française,
en particulier dans la perspective de l'euro. Il a, par ailleurs,
insisté sur la conviction de son organisation que ce dispositif ne
créerait pas d'emplois, sinon quelques emplois subventionnés qui
devraient être comparés aux emplois perdus du fait des transferts
à l'étranger d'activités ou de projets, notamment par les
grandes entreprises, et par la démotivation des entrepreneurs à
investir et à embaucher dans un contexte aussi défavorable.
M. Ernest-Antoine Seillière
a opposé l'expérience
des patrons aux résultats des simulations macro-économiques
auxquelles il n'a reconnu aucune pertinence. Il a considéré que
les salariés souhaitaient préserver leur pouvoir d'achat, ce qui
ôtait toute validité aux calculs réalisés. Il a, par
ailleurs, considéré que le rôle des entreprises
n'était pas d'être subventionnées pour créer des
emplois.
M. Ernest-Antoine Seillière
a terminé son
exposé liminaire en déclarant que son organisation proposerait
prochainement des mesures tendant à développer l'emploi, avant de
réaffirmer que le projet actuel risquait d'affaiblir l'esprit
d'entreprise en France et de favoriser l'expatriation des entrepreneurs.
En réponse à
M. Louis Souvet
,
rapporteur
,
M. Ernest-Antoine Seillière
a considéré que la
journée du 10 octobre 1997 avait été marquée
par le discours contradictoire du Premier ministre qui a évoqué,
dans le même temps, la libre négociation et le principe d'une
inscription dans la loi de la réduction de la durée légale
du temps de travail. Il a estimé que ce discours posait un
problème de crédibilité et plaçait le débat
démocratique sous le sceau d'une ambiguïté dommageable. Il a
estimé que le CNPF serait prêt à appuyer auprès des
branches et des entreprises, seules compétentes, la
généralisation de la négociation sur le temps de travail,
dans un cadre libre, si le Gouvernement renonçait au principe d'une loi
autoritaire. Il a considéré qu'il n'était pas du ressort
du CNPF de mener des négociations au niveau national compte tenu de
l'hétérogénéité des entreprises qui
composent le tissu économique.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet,
rapporteur
, sur les contreparties indispensables que les entrepreneurs
pourraient souhaiter obtenir dans l'hypothèse où les
35 heures seraient adoptées,
M. Ernest-Antoine
Seillière
a estimé qu'il incombait au législateur de
prendre ses responsabilités, mais que son organisation était
particulièrement attentive aux problèmes de l'annualisation du
temps de travail, du travail à temps partiel, du régime des
heures supplémentaires et de l'horaire des cadres.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet,
rapporteur,
sur le fait que le présent projet de loi constituait une
réforme coercitive du travail à temps partiel susceptible de
diminuer le contenu en emploi de la croissance,
M. Bernard Boisson,
directeur général des affaires sociales du CNPF,
a
considéré que le projet de loi limitait le travail à temps
partiel sur trois points : le relèvement du seuil donnant droit
à incitation financière, l'exigence d'un accord de branche pour
les heures complémentaires, la limitation des interruptions du travail
dans la journée et qu'en raison de la diversité des situations,
ce dernier point devait être traité par accord d'entreprise ou de
branche. Il a estimé que ces dispositions pouvaient limiter le contenu
en emplois de la croissance.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet,
rapporteur
, sur l'incertitude que représentait le contenu de la
seconde loi,
M. Ernest-Antoine Seillière
a
considéré que les interrogations des entrepreneurs demeureraient
les mêmes concernant ce second texte, notamment eu égard au
régime des heures supplémentaires. Il a estimé que cette
incertitude pèserait sur les plans pluriannuels des entreprises,
notamment en matière d'investissement et de localisation des
activités. Il a souhaité que le Gouvernement apporte les
clarifications nécessaires.
En réponse à
M. Charles Descours
,
M. Georges Jolles
a déclaré que les conseils d'administration des caisses de
sécurité sociale avaient adopté un avis défavorable
sur le texte, après avoir estimé qu'il n'était pas de
nature à créer des emplois et que les allégements de
charges envisagés augmenteraient les déficits des caisses de
sécurité sociale.
Il a, par ailleurs, déclaré qu'une modération salariale
aurait des conséquences négatives sur le montant des cotisations
sociales perçues et donc sur l'équilibre des caisses.
En réponse à une question de
Mme Marie-Madeleine
Dieulangard
,
M. Ernest-Antoine Seillière
a estimé que
les résultats des études macro-économiques étaient
déterminés par les hypothèses introduites dans les
modèles et que l'intuition des entrepreneurs était
également à prendre en considération. Il a rappelé
que les entrepreneurs étaient unanimes à considérer que ce
dispositif ne créerait pas d'emplois. Il a estimé que les emplois
n'avaient pas à être financés sur fonds publics, que leur
création dépendait de leur rémunération au prix du
marché et qu'il était concevable que la collectivité
puisse aider les salariés qui pourraient recevoir un salaire trop bas.
M. Georges Jolles
a ajouté que les modèles prenaient en
compte deux hypothèses qui n'allaient pas de soi : les gains de
productivité seraient destinés à financer le surcoût
salarial alors que les entreprises les affectent au développement des
parts de marché et l'hypothèse d'une modération salariale
qui signifie une baisse du pouvoir d'achat dans le temps pour les
salariés.
M. Ernest-Antoine Seillière
a déclaré que la France
était le seul pays au monde où la loi définissait de
manière uniforme la norme en matière de durée du travail.
Il a, par ailleurs, estimé que les salariés étaient plus
soucieux d'augmenter leur pouvoir d'achat que de réduire leur
durée du travail.
M. Bernard Boisson
a souligné, concernant le temps partiel, que
plusieurs branches avaient signé des accords sur la durée
minimale et sur les interruptions quotidiennes, notamment la propreté,
les transports scolaires et certains secteurs du commerce. Il a insisté
sur le rôle de l'apprentissage et de l'alternance pour développer
l'emploi des jeunes. Il a précisé à cet égard
qu'à la fin de 1997, 370.000 jeunes étaient en apprentissage,
soit une nette progression par rapport à 1996.
En réponse à
Mme Gisèle Printz
,
M.
Ernest-Antoine Seillière
a estimé que certaines entreprises
étaient prêtes à réduire la durée du temps de
travail par la négociation.
En réponse à
Mme Joëlle Dusseau
,
M. Ernest-Antoine
Seillière
a déclaré que les entreprises ne pensaient
pas, jusqu'à maintenant, qu'il était de leur ressort de
définir un programme de lutte contre le chômage, mais que devant
les demandes pressantes dont elles étaient saisies, le CNPF allait
s'attacher à présenter un ensemble de mesures. Il a estimé
que ces propositions pourraient s'inspirer des expériences
étrangères, notamment en matière d'emplois de service ; il
a également évoqué le modèle néerlandais de
libre négociation.
En réponse à
M. Guy Fischer
,
M. Ernest-Antoine
Seillière
a déclaré que la mission des entreprises
était de gagner de l'argent, sans quoi elles ne pourraient assurer leur
avenir, et que les entreprises françaises en gagnaient moins que leurs
concurrentes.
En réponse à
MM. Claude Huriet, Alain Vasselle et Jean
Madelain, M. Gautier Sauvagnac
s'est référé
à l'application des 35 heures dans la métallurgie allemande
entre 1988 et 1995. Après avoir souligné que la
métallurgie, en France comme en Allemagne, affichait initialement la
même durée effective du travail, il a constaté que ce
secteur avait perdu 15,8 % d'emplois en Allemagne avec l'application des
35 heures, et seulement 11,7 % en France sans leur application ; il a
observé que l'écart de 4,1 point entre ces deux pourcentages
pouvait constituer une bonne estimation du coût des 35 heures en
termes d'emplois.
A propos du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC),
M. Gautier Sauvagnac
a considéré qu'un maintien de la
rémunération mensuelle avec une réduction de quatre heures
de la durée hebdomadaire du travail équivalait à une
hausse du salaire horaire de 11,4 %. Il a considéré que la
majoration pour heures supplémentaires consécutive à
l'abaissement de la durée légale du travail constituerait une
hausse des rémunérations mensuelles minimales de 6 à
7 % selon les branches pour les salariés à 39 heures.
Il a, par ailleurs, estimé qu'il y aurait, si on se reportait aux
déclarations du Gouvernement, autant de SMIC horaires que de
durées du travail effectuées entre 35 heures et
39 heures et que la rémunération horaire serait
décroissante avec le nombre d'heures de travail effectuées.
En conclusion,
M. Ernest-Antoine Seillière
a
déclaré que jamais les entrepreneurs français n'avaient
dû faire face à une échéance aussi grave depuis le
début de la V
ème
République.
Puis, la commission a entendu
M. Claude Companie,
délégué
national du
département emploi
de la
Confédération française de l'encadrement -
Confédération générale des cadres
(CFE-CGC),
accompagné de
Mme Laurence Matthys, conseiller technique
.
M. Claude Companie
a déclaré que la CFE-CGC avait
été signataire des deux accords nationaux interprofessionnels du
31 octobre 1995 relatifs au temps de travail et à la négociation
collective mais qu'elle n'avait pas réclamé la loi de Robien
qu'elle jugeait coûteuse. Il a souhaité que le nouveau texte sur
la diminution de la durée du travail serve l'emploi et que la situation
du personnel d'encadrement soit prise en compte pour qu'il puisse effectivement
bénéficier de la réduction du temps de travail. A propos
de l'article premier du projet de loi,
M. Claude Companie
a
regretté le choix d'un seuil pour l'application de la réduction
de la durée du travail ; en tout état de cause il a
déclaré que celui de dix salariés aurait été
préférable. A propos des niveaux de négociation, il a
déclaré que l'entreprise ne devait pas être
privilégiée par rapport à la branche.
M. Claude
Companie
a par ailleurs désapprouvé le recours à la
technique du mandatement tel qu'il avait été défini par la
jurisprudence de la Cour de cassation, dont il a considéré
qu'elle ne garantissait pas la protection du salarié mandaté.
M. Claude Companie
s'est déclaré favorable au maintien des
effectifs pendant deux ans à la suite de la signature d'un accord. Il a
déclaré par ailleurs que la CFE-CGC était très
hostile à un remboursement seulement partiel par l'Etat des
exonérations de charges sociales. Il a estimé que le
caractère forfaitaire de l'aide prévue à l'article 3
pénaliserait l'intégration du personnel d'encadrement dans les
mesures de réduction du temps de travail. Il a considéré
que la transformation possible des repos compensateurs en jours de
congés répondait particulièrement aux souhaits des cadres.
M. Claude Companie
s'est déclaré favorable au
déclenchement du droit au repos compensateur dès la 41ème
heure, ainsi qu'aux mesures restreignant le travail à temps partiel.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
M. Claude Companie
a considéré qu'il existait deux
catégories de cadres, une jeune génération mobile et
ouverte à l'international et une génération plus ancienne,
plus sensible aux revendications de l'ensemble du monde du travail, notamment
en termes de réduction du temps de travail.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
sur l'évolution récente de la jurisprudence de la Cour de
cassation à propos de la durée du travail des cadres,
Mme Laurence Matthys
a déclaré que la CFE-CGC avait
appuyé les requérants pour que soit appliqué le principe
du contrôle de la durée effective du travail des cadres. Elle a
considéré que le forfait d'heures supplémentaires ne
constituait pas une solution satisfaisante pour les cadres. Elle a
déclaré que la CFE-CGC partageait la position de la Cour de
cassation selon laquelle les cadres étaient des salariés comme
les autres qui devaient pouvoir obtenir le paiement de leurs heures
supplémentaires.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
Mme Laurence Matthys
a déclaré que la CFE-CGC
était défavorable au principe d'une aide aux bas salaires qui a
pour conséquence d'augmenter le coût du travail qualifié.
Elle s'est déclarée favorable à un redéploiement
des aides à l'emploi vers le travail qualifié. Elle a
estimé que le renvoi au second texte prévu en 1999 pour traiter
des questions spécifiques aux cadres était satisfaisant compte
tenu du rôle attribué à la négociation
d'ici-là.
En réponse à une question de
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
et de
M. Jean Chérioux,
Mme Laurence Matthys
a
déclaré que la CFE-CGC souhaitait que le mandatement soit
subordonné à l'existence de la branche, afin que la
négociation d'entreprise en l'absence de délégué
syndical puisse tout de même être encadrée.
En réponse à une question de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
et de
M. Jean Chérioux, M. Claude
Companie
a déclaré qu'il n'était pas favorable
à l'intégration de la compensation salariale dans la
négociation. Il a souhaité par contre que les cotisations
à l'assurance vieillesse soient maintenues à taux plein pour les
salariés qui choisiraient de passer au travail à temps partiel.
Enfin, la commission a entendu
M. Claude Cochonneau,
administrateur
à la
Fédération nationale des syndicats
d'exploitants agricoles
(FNSEA).
Après avoir insisté sur les particularités du secteur
agricole,
M. Claude Cochonneau
a déclaré que la FNSEA
s'était associée aux autres organismes patronaux pour s'opposer
au projet de loi sur la réduction du temps de travail. Il a
souligné que la création d'emplois liée à la
réduction du temps de travail dans les petites exploitations
était quasiment impossible. Il s'est inquiété en
particulier d'une possible augmentation du salaire minimum interprofessionnel
de croissance (SMIC) qui aurait des répercussions sur l'ensemble de la
masse salariale. Il a insisté sur les conséquences
particulièrement dommageables du projet de loi pour les secteurs aux
prises avec une très vive concurrence étrangère, comme les
secteurs fruitier et maraîcher.
M. Claude Cochonneau
a déclaré que la FNSEA n'était
pas hostile par principe à la réduction du temps de travail comme
l'illustraient les accords signés tendant à réduire la
durée du travail à 37 heures et demie payées 39 heures
contre 250 heures de flexibilité. Il a toutefois insisté sur le
risque d'un fort développement du travail dissimulé à
travers, notamment, la forte augmentation du maraîchage avec vente
directe.
En réponse aux questions de
M. Louis Souvet, rapporteur,
M. Claude Cochonneau
a déclaré que le secteur agricole
présentait des spécificités, notamment dans le cas de
l'élevage qui demande une présence constante. Il a
considéré que cette activité ne se prêtait pas
aisément à l'aménagement du temps de travail.
M. Claude Cochonneau
a estimé qu'il n'était pas possible
d'évaluer l'impact du projet de loi sur l'emploi dans le secteur
agricole. Il a rappelé que ce secteur employait un million de personnes
et représentait l'équivalent de 350.000 emplois à temps
plein. Il a déclaré que l'emploi se développait dans les
domaines de la polyculture et de l'élevage.
M. Claude Cochonneau
a souhaité que le vote de cette loi, s'il
devait avoir lieu, s'accompagne d'une plus grande souplesse en termes
d'annualisation et d'heures supplémentaires.
En réponse au
rapporteur, M. Claude Cochonneau
a estimé
que les réformes libérales à l'oeuvre en Europe
étaient incompatibles avec une hausse généralisée
des salaires. Il a insisté sur les conséquences néfastes
en termes d'emploi que pourrait avoir le projet de loi à travers
l'augmentation du travail clandestin, le recours accentué à la
mécanisation et l'expatriation de certains agriculteurs, notamment dans
le domaine fruitier, en Espagne et au Maroc.
M. Claude Cochonneau
a
rappelé que la flexibilité était inhérente au
secteur de l'agriculture.
En réponse à
MM. Jacques Machet et Alain Vasselle,
M. Claude Cochonneau
a estimé que les dispositions
spécifiques organisant le travail dans le code rural tendaient à
se rapprocher du droit commun du code du travail. Il a toutefois rappelé
que les exploitants agricoles bénéficiaient d'un contingent de
410 heures supplémentaires et pouvaient faire travailler leurs
salariés jusqu'à 60 heures certaines semaines.
B. MARDI 10 FÉVRIER 1998
Sous la présidence de M. Bernard Seillier,
vice-président, la commission a procédé à des
auditions
sur le
projet de loi n° 512
AN
(11ème législature)
d'orientation et d'incitation
relatif à la
réduction du temps de travail.
Elle a tout d'abord entendu
M. Michel Coquillion
,
secrétaire
général adjoint
de la
Confédération
française des travailleurs chrétiens
(CFTC), et
Mme Laurence Merlin
,
conseillère technique
, sur le
projet de loi d'orientation et d'incitation
relatif à la
réduction du temps de travail
.
Evoquant le contexte dans lequel le projet de loi avait été
préparé,
M. Michel Coquillion
a rappelé que la
pré-conférence du 3 octobre 1997 avait mis en évidence
qu'une croissance plus soutenue ne créerait pas suffisamment d'emplois
pour obtenir une baisse significative du chômage.
Il a souligné également l'échec des négociations de
branches entreprises dans le cadre du volet relatif à l'emploi de
l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 et il a
déclaré que la CFTC avait préconisé une extension
de la loi " de Robien ", éventuellement assortie d'un
système d'incitation plus fort.
S'interrogeant sur les conséquences de la vive réaction du
Conseil national du patronat français (CNPF) et des
fédérations patronales à l'encontre de l'actuel projet de
loi, il s'est demandé si le dispositif proposé pourrait
fonctionner sans une volonté mutuelle de création d'emplois
supplémentaires.
Il a déclaré que le projet de loi ne répondait pas
entièrement aux priorités de la CFTC qui étaient de faire
prévaloir l'objectif de création d'emplois pour lutter contre la
précarité, de privilégier la négociation comme
méthode et d'utiliser la réduction du temps de travail pour
assurer une meilleure harmonisation des rythmes de vie et réduire le
recours aux heures supplémentaires.
S'agissant de l'objectif de création d'emplois, la CFTC s'est
interrogée sur le décalage prévu dans le dispositif d'aide
financière entre le niveau de la réduction du temps de travail,
fixé à 10 %, et celui des embauches supplémentaires,
estimé à 6 %.
M. Michel Coquillion
a souligné que le taux d'embauche de
6 % de l'effectif apparaissait faible pour des entreprises en pleine
croissance susceptibles de recruter au-delà de ce seuil, tout en
admettant qu'il serait difficile de traiter différemment les entreprises
selon leurs perspectives de croissance.
Par ailleurs, constatant que les salariés subissaient déjà
des surcharges de travail, il s'est inquiété du risque d'un
recours accru aux heures supplémentaires, payées ou non, en
raison du surcroît de productivité demandé aux entreprises.
Concernant la nature des emplois subventionnés, il a regretté que
le projet de loi soit trop vague et qu'il ne garantisse pas contre le risque de
développement de contrats précaires.
S'agissant de la méthode retenue, il a constaté que le passage de
l'horaire légal de travail à 35 heures par semaine était
fondé, non plus sur une incitation, comme le souhaitait la CFTC, mais
sur une forme " d'obligation de négocier ". Il a estimé
que le succès d'un tel dispositif reposait sur la volonté de tous
les partenaires sociaux, en s'inquiétant à cet égard des
réserves émises par le CNPF.
M. Michel Coquillion
a remarqué que si le projet de loi laissait
une place importante à la négociation, il convenait pour autant
de ne pas négliger le rôle normatif et d'harmonisation sociale des
négociations de branches.
Il a considéré que si la négociation de branches ne devait
jouer qu'un rôle marginal au profit de la négociation
d'entreprise, le risque était élevé, dans le contexte
actuel, que la réduction du temps de travail ne débouche sur des
contraintes accrues pour les salariés.
S'agissant de la réduction du temps de travail, il a estimé que
celle-ci supposait une réorganisation des horaires en vue d'une
meilleure harmonisation avec les rythmes de vie des salariés. A cet
égard, il a souligné que le dispositif ne devait pas être
un prétexte pour accroître la flexibilité dans les
entreprises, au détriment de la vie personnelle des salariés et
de leur famille.
Il a néanmoins déclaré comprendre le besoin de souplesse
de ces mêmes entreprises dans un environnement économique
concurrentiel, tout en soulignant que cette souplesse accrue devait être
négociée en tenant compte des besoins des salariés.
Concernant les heures supplémentaires,
M. Michel Coquillion
a
regretté que le projet de loi ne prévoie pas suffisamment de
dispositions pour limiter le recours aux heures supplémentaires.
A cet égard, il a rappelé que la CFTC souhaitait une baisse du
contingent des heures supplémentaires et, qu'en l'absence d'accords sur
la réduction du temps de travail, les heures supplémentaires
fassent l'objet, au-delà de 35 heures de travail, d'une surcotisation
patronale au profit du fonds paritaire pour l'emploi de l'Union nationale pour
l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).
Par ailleurs, il a regretté le " mutisme " de la loi sur la
question essentielle du niveau des salaires, en rappelant qu'il devrait
être expressément prévu, dans le texte, que les
salariés ne subiraient aucune perte de salaire.
S'agissant du niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance
(SMIC), il s'est déclaré favorable à la création du
revenu minimum mensuel (RMM) annoncée par le Gouvernement afin
d'éviter de pénaliser les salariés des entreprises dont la
durée du travail hebdomadaire serait maintenue à 39 heures.
Toutefois, il s'est inquiété, pour l'avenir, des risques de
divergence entre le niveau de progression du revenu minimum mensuel et celui du
SMIC horaire, en soulignant qu'il fallait éviter l'écueil d'un
salariat " à deux vitesses ".
Il a indiqué que, pour les entreprises bénéficiant d'une
aide, une limitation du recours aux heures supplémentaires devrait
être prévue afin d'éviter le maintien, en pratique, d'une
durée réelle de travail de 39 heures hebdomadaires.
Il a estimé que les minima conventionnels de salaire pourraient
être revus dans le cadre des négociations de branches, en
soulignant qu'actuellement 60 % des branches avaient des grilles de
rémunération non conformes à la loi.
S'agissant du champ d'application du texte,
M. Michel Coquillion
s'est
félicité que celui-ci porte sur les sociétés
d'économie mixte et sur certains établissements publics.
Il s'est demandé si des aides financières particulières ne
devaient pas être prévues pour les entreprises publiques
engagées dans des secteurs d'activité concurrentiels ou pour les
établissements soumis à des obligations budgétaires
particulières, notamment dans le domaine hospitalier.
Concernant le seuil des entreprises de plus de vingt salariés
mentionné dans le projet de loi, il a rappelé que la CFTC aurait
préféré une référence au seuil de dix
salariés qui existe déjà dans de nombreux autres domaines.
S'agissant du niveau des aides, la CFTC a constaté qu'il était
plus faible que celui prévu dans le cadre du dispositif de la loi
" de Robien " et qu'il n'était pas proportionnel au salaire,
ce qui pénaliserait les entreprises à main-d'oeuvre
qualifiée.
Il a estimé que la majoration effective de l'aide pour les entreprises
à bas salaires induirait une tendance à la concentration des
salaires au niveau du SMIC.
Enfin, il a regretté que le projet de loi n'indique pas clairement si
les aides avaient vocation ou non à être pérennisées.
Il a déclaré que la CFTC approuvait les possibilités de
mandatement ouvertes par le projet de loi et qui avaient déjà
été prévues par l'accord du 31 octobre 1995.
S'agissant du suivi des accords, il a estimé que le principe d'un
contrôle, a posteriori, par le comité départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi (CODEF)
n'était pas une bonne solution, en raison du trop grand nombre d'accords
qui seraient signés et des difficultés d'appréciation.
Enfin, regrettant que les sanctions prévues par le dispositif de la loi
" de Robien " aient été trop rarement
appliquées, il a estimé impératif de prévoir un
remboursement des aides en cas de non-respect de ses engagements par
l'entreprise, tout en souhaitant que l'on tienne compte de la situation
particulière des entreprises en difficulté.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a interrogé M. Michel Coquillion sur
sa perception du débat à l'Assemblée nationale, le risque
de blocage du dialogue social, les incertitudes pesant sur le second texte
prévu en 1999, le recours accru au SMIC et les modalités du
contrôle du respect des engagements pris par les entreprises.
En réponse,
M. Michel Coquillion
a constaté que le choix
du Gouvernement de légiférer sur l'horaire hebdomadaire de
travail " fermait la porte " à la négociation et
suscitait logiquement des oppositions.
S'agissant du blocage des négociations, il a constaté que
celui-ci était réel au niveau interprofessionnel et entre les
branches et qu'il était préjudiciable aux entreprises comme aux
salariés. Il a rappelé que la CFTC préférait en
tout état de cause le choix de la négociation, tout en
s'inquiétant d'un nouveau recours du Gouvernement à la loi en cas
d'impossibilité de négocier.
Rappelant que la CFTC avait négocié les accords de la loi
" de Robien ", il a précisé qu'elle négocierait
également dans le cadre de l'actuel projet de loi, sinon sur la
création d'emplois supplémentaires, du moins sur la
réorganisation du temps de travail et l'annualisation.
Il a expliqué que la CFTC n'était pas défavorable au
principe de l'annualisation si celle-ci n'entraînait pas de contraintes
excessives au détriment des salariés. Il a constaté,
à cet égard, l'éventualité de l'apparition de
difficultés dans les secteurs aux niveaux d'activité très
variables en cours d'année.
S'agissant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), il s'est
inquiété du risque d'une évolution divergente du revenu
minimum mensuel (RMM) et du SMIC.
M. André Jourdain
s'est interrogé sur les critères
retenus pour l'attribution de l'aide prévue par le projet de loi, la
question de la formation des travailleurs non qualifiés et le recours au
multisalariat.
M. Claude Huriet
s'est interrogé sur la compatibilité de
la réduction du temps de travail avec la politique de gestion en flux
tendus, sur les risques de développement du travail au noir et sur
l'alternative en cas d'échec de la réduction du temps de travail
à 35 heures dans la lutte contre le chômage.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur le contenu des
accords de branches en matière de réorganisation du temps de
travail.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur l'impact du projet de loi en
matière de création d'emplois et sur les risques de contraction
de la masse salariale.
M. Serge Franchis
s'est interrogé sur la complexité du
dispositif administratif tout en se demandant si celle-ci ne tendait pas
à faire passer la création d'emplois au deuxième plan.
En réponse,
M. Michel Coquillion
a souligné tout d'abord
que le projet de loi ne permettait pas de prendre en compte la
possibilité d'affecter tout ou partie de la réduction du temps de
travail à des actions de formation des salariés dans le cadre de
l'entreprise.
S'agissant du multisalariat, il a indiqué que cette solution s'adressait
en fait à des travailleurs relevant de plusieurs contrats de travail
à temps partiel et qui n'étaient donc pas concernés pas la
semaine de 35 heures. Il a toutefois insisté sur la difficulté de
cumuler deux emplois à temps partiel.
Il a considéré que la diversité des politiques suivies par
les entreprises, en matière de gestion de stocks, démontrait
l'utilité de la négociation d'entreprise dans le domaine de
l'organisation du temps de travail, à la condition que celle-ci
s'opère dans le cadre des limites fixées par la
négociation de branche.
Il a reconnu que la réduction du temps de travail faisait courir le
risque d'un accroissement du travail au noir de la part de salariés qui
disposeraient de plus de temps libre.
Il s'est déclaré intimement convaincu que le dispositif
proposé pourrait entraîner des créations d'emplois, tout en
reconnaissant que, si le CNPF n'entrait pas dans le jeu des
négociations, tous les effets pervers seraient possibles.
S'agissant de la flexibilité, il a estimé que l'annualisation du
temps de travail appliquée sans nuances pouvait entraîner à
court terme des suppressions d'emplois et que le délai dans lequel une
économie plus flexible serait susceptible de créer des nouveaux
emplois était sans doute trop long compte tenu du niveau actuel du
chômage.
Puis, la commission a entendu
Mme Michèle Biaggi
,
secrétaire confédérale
, chargée de la
négociation collective, accompagnée par
Mme Isabelle
Mutel
,
assistante confédérale
de la
Confédération générale du travail-Force
ouvrière
(CGT-FO).
Mme Michèle Biaggi
a présenté la position du
syndicat Force ouvrière sur le projet de loi relatif à la
réduction du temps de travail. Elle a indiqué que la lutte contre
le chômage appelait une amélioration du pouvoir d'achat des
salaires, des retraites et des minima sociaux (pour soutenir la consommation),
l'extension du dispositif de cessation anticipée d'activité aux
salariés ayant commencé très tôt leur vie active en
contrepartie d'embauches et la réduction de la durée du travail
sans perte de salaire.
Affirmant que Force ouvrière n'abandonnait aucune de ses revendications,
elle a estimé que la réduction ou l'aménagement du temps
de travail, qui correspond à la mise en oeuvre d'une logique
malthusienne de partage du travail, mais répond aussi à une
revendication ancienne du mouvement syndical, ne pouvait à elle seule
résoudre le problème du chômage.
Mme Michèle Biaggi
a ensuite évoqué le contenu du
projet de loi actuellement en discussion devant le Parlement. Elle a
désapprouvé l'instauration d'un seuil pour déterminer la
date d'application de la nouvelle durée légale du travail, cette
mesure risquant d'instituer le principe d'une différenciation des
règles sociales applicables aux entreprises en fonction de leur taille.
Elle a jugé frileux l'amendement qui prévoit la
présentation au Parlement d'un rapport consacré à
l'application de la réforme aux salariés de la fonction publique.
Elle a craint que l'annualisation du temps de travail, mentionnée
à plusieurs reprises dans l'exposé des motifs du projet de loi,
ne conduise rapidement à l'annualisation des
rémunérations. A cet égard, elle a rappelé que
l'impact, sur l'emploi, des accords d'annualisation et de réduction du
temps de travail, qui ont déjà été signés,
était quasi nul.
Elle a estimé que la réduction du temps de travail ne devait pas
porter atteinte au pouvoir d'achat et elle a indiqué que Force
ouvrière avait déjà transmis, au ministère de
l'emploi et de la solidarité, ses observations sur le projet de
création d'une rémunération mensuelle minimale.
Evoquant les heures supplémentaires,
Mme Michèle Biaggi
a
indiqué que Force ouvrière demandait leur surtaxation, ainsi que
l'abaissement du contingent annuel autorisé. Si la
Confédération Force ouvrière approuve le principe du
renvoi de la fixation des modalités du passage aux 35 heures à la
négociation collective, elle n'approuve pas le souhait du Gouvernement
de faire primer la négociation d'entreprise sur la négociation de
branche et elle condamne la référence à la technique du
mandatement de salariés dans l'entreprise pour négocier et signer
les accords.
Abordant la question des aides à la réduction du temps de
travail,
Mme Michèle Biaggi
a rappelé que Force
ouvrière était hostile aux exonérations de charges
sociales lorsqu'elles n'étaient pas compensées en totalité
par l'Etat.
Enfin, elle a indiqué que Force ouvrière constatait avec
satisfaction que le projet de loi offrait la possibilité de
réduire le temps de travail sous forme de repos supplémentaire ou
d'abondement du compte épargne-temps et qu'il comportait certaines
avancées en matière de temps partiel.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a demandé à Mme
Michèle Biaggi quelle était la position de Force ouvrière
sur la coexistence de deux salaires minimums. Il l'a également
interrogée sur l'ampleur des créations d'emplois qui
résulteraient de la réduction à 35 heures de la
durée du travail et sur le contenu des négociations ouvertes pour
la mettre en oeuvre.
Mme Michèle Biaggi
a affirmé que la coexistence de deux
salaires minimums suscitait beaucoup d'interrogations, notamment en ce qui
concerne les modes d'indexation, la situation des nouveaux embauchés
travaillant 35 heures, l'intégration des primes dans la
rémunération mensuelle minimale, les taux de majoration
applicables aux heures supplémentaires, le mode de calcul de
l'exonération de cotisations sociales et l'avenir des minima
conventionnels.
Elle a considéré que le champ des négociations qui
devaient être entreprises était très large et qu'il
comprenait notamment le régime des nouvelles embauches, la situation des
jeunes et la cessation d'activité pour les personnes ayant
commencé très tôt leur vie professionnelle. Elle a
rappelé que son syndicat était tout à fait disposé
à négocier et a fait part de sa conviction que certains
employeurs partageaient ce souhait.
M. André Jourdain
a interrogé Mme Michèle Biaggi
sur le régime des heures supplémentaires. Il a indiqué
que, selon des économistes, le travail à temps partiel avait
permis d'améliorer les conditions économiques et sociales de
nombreux salariés aux Pays-Bas.
M. Serge Franchis
a indiqué qu'il croyait comprendre que Force
ouvrière ne croyait pas beaucoup aux effets sur l'emploi de la
réduction du temps de travail. Il a demandé si, compte tenu de la
situation de l'emploi, Force ouvrière pouvait préférer
souscrire à l'objectif de réduire le chômage plutôt
que de formuler d'autres revendications traditionnelles.
Mme Joëlle Dusseau
, constatant que Force ouvrière
désapprouvait l'instauration de seuils pour le passage aux
35 heures, a demandé à Mme Michèle Biaggi si cette
position la conduisait à préférer une date butoir
identique pour toutes les entreprises, 2000 ou 2002, ou encore la suppression
de toute date butoir. Elle lui a également demandé de
préciser la nature des études qui ont montré l'absence
d'impact sur l'emploi des accords d'annualisation et de réduction du
temps de travail déjà signés.
M. Guy Fischer
a exprimé la crainte que des accords " au
rabais " ne soient conclus en échange de la réduction du
temps de travail.
Répondant aux orateurs,
Mme Michèle Biaggi
a
indiqué que la situation des salariés à temps partiel aux
Pays-Bas et en France était différente. Elle a rappelé que
le recours aux heures supplémentaires devait être
découragé afin de générer des embauches. Elle a
indiqué que la situation du marché du travail ne constituait pas
un obstacle au maintien de toutes les revendications de Force ouvrière,
même si l'objectif de réduction du chômage était
central.
Elle a affirmé qu'un salarié ne devait pas être soumis
à une législation sociale différente selon qu'il
appartenait à une entreprise employant plus ou moins de vingt personnes
et elle a indiqué qu'elle s'appuyait sur les études de
l'Observatoire de la négociation collective pour constater le peu
d'impact sur l'emploi des accords d'annualisation du temps de travail. Elle a
déclaré partager les craintes de M. Guy Fischer sur la conclusion
d'accords " au rabais ".
M. Marcel Lesbros
a évoqué la situation des personnels
saisonniers. Il a demandé à Mme Michèle Biaggi si son
syndicat avait réfléchi à cette importante question.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a souhaité que Mme Michèle
Biaggi réagisse aux propos de nombreux économistes qui
considèrent que la réduction du temps de travail aurait pour
intérêt de faciliter l'acceptation de la flexibilité par
les salariés à travers un " donnant-donnant ".
Mme Michèle Biaggi
a indiqué que Force ouvrière
avait commencé à étudier la question de la situation des
travailleurs saisonniers, notamment en ce qui concerne leur accès
à la protection sociale et la négociation collective. Elle a
confirmé à M. Louis Souvet qu'elle estimait que la
flexibilité n'était pas créatrice d'emplois.
Enfin, la commission a entendu
M. Pierre Gilson
,
vice-président
de la
Confédération
générale des petites et moyennes entreprises
(CGPME),
chargé des affaires sociales, et
M. Georges Tissié
,
directeur des affaires sociales
.
M. Pierre Gilson
a souhaité tout d'abord rappeler que les petites
et moyennes entreprises (PME) étaient, parmi les entreprises, celles qui
créaient véritablement de l'emploi dans le secteur marchand :
1.419.000 emplois nets avaient été créés par
les établissements de moins de 200 salariés, dont
1.248.000 par ceux de moins de 50 salariés, entre le
1
er
janvier 1981 et le 31 décembre 1996, selon
l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).
M. Pierre Gilson
a
considéré que le rôle
prépondérant des PME dans la création d'emplois et surtout
le potentiel qu'elles représentaient en la matière impliquait
qu'elles puissent disposer de l'environnement le plus favorable, notamment dans
ce domaine fondamental qu'était la durée du travail. Il a
souligné que les éléments d'information parvenant des
organisations adhérentes de la CGPME confirmaient de manière
unanime qu'une réduction forcée, massive et uniforme de la
durée légale du travail hebdomadaire à 35 heures,
avec ou sans maintien des salaires, serait dangereuse pour l'ensemble des
entreprises et qu'elle représenterait une menace particulièrement
grave pour les PME.
M. Pierre Gilson
a en effet expliqué que les problèmes de
temps de travail, y compris la question de la productivité, ne se
posaient pas de la même façon dans les grandes entreprises que
dans les entreprises petites et moyennes, qui diffèrent
elles-mêmes entre elles selon leur domaine d'activité. Il a
souligné que tout ce qui contribuait à handicaper les PME
était susceptible d'avoir des répercussions immédiates sur
l'emploi.
Après avoir indiqué que certaines petites et moyennes entreprises
pouvaient certes accroître leur productivité en augmentant la
durée d'utilisation des équipements par le travail posté,
M. Pierre Gilson
a souligné que toutes les PME devaient en
revanche surmonter certaines difficultés communes : celle liée
à la recherche de personnels qualifiés supplémentaires,
qui faisaient cruellement défaut sur le marché du travail, et
celle soulevée, en cas de diminution de la durée du travail, par
le nécessaire rééquilibrage des postes entre eux, car il
n'était naturellement pas possible de créer des fractions
d'emploi. Pour illustrer cette dernière notion,
M. Pierre Gilson
a rappelé qu'une petite entreprise était composée
d'emplois spécialisés et non interchangeables (un
ingénieur, un contremaître, un commercial, une secrétaire,
un manutentionnaire...) et qu'il paraissait difficile d'embaucher un
ingénieur pour quatre heures, un commercial pour quatre heures ou une
secrétaire pour quatre heures.
M. Pierre Gilson
a estimé que certaines grandes entreprises qui
avaient déjà prévu d'embaucher de nouveaux salariés
seraient susceptibles de bénéficier de l'effet d'aubaine
suscité par la loi. Il a ajouté que les prestataires de services
et les commerçants, de par la nature même de leur activité,
avaient, en revanche, peu de possibilités de compenser, par des gains de
productivité, le surcoût lié à la diminution du
temps de travail. Il a en outre craint un report par les grandes entreprises
donneuses d'ordre des difficultés soulevées par la
réduction du temps de travail sur leurs PME sous-traitantes.
M. Pierre Gilson
a estimé qu'on pouvait sérieusement
douter de la corrélation entre forte baisse du temps de travail,
même hebdomadaire, et création nette d'emplois. Il a
souhaité rappeler un exemple historique qu'il a jugé significatif
: celui de la réduction de la durée légale hebdomadaire du
travail de 48 heures à 40 heures en 1936. Au début de
l'année 1936, il y avait 400.000 demandeurs d'emploi pour 20.800.000
actifs et à la fin de la même année, après cette
réduction importante du temps de travail, 864.000 demandeurs
d'emploi et 19.400.000 actifs. Il a ajouté que l'Allemagne avait
introduit, il y a quelques années, les 35 heures dans la branche
sidérurgique et qu'elle comptait aujourd'hui 5.000.000 de
chômeurs.
M. Pierre Gilson
a par ailleurs noté qu'aux termes des documents
distribués lors de la séance préparatoire à la
conférence sur l'emploi, les salaires et la réduction du temps de
travail du 10 octobre, quatre des six plus grands pays
industrialisés avaient une durée annuelle du travail
supérieure à celle de la France et un taux de chômage
inférieur. On constatait en outre que les deux pays de l'Union
européenne ayant la plus forte durée hebdomadaire du travail, le
Portugal et la Grande-Bretagne, avaient des taux de chômage parmi les
plus faibles et qu'à l'inverse la Belgique, où la durée
hebdomadaire du travail était la plus faible, avait un taux de
chômage parmi les plus élevés.
M. Pierre Gilson
a estimé que la réduction du temps de
travail proposée par le Gouvernement risquait d'avoir des
conséquences dramatiques pour bon nombre de PME et il a regretté
que l'on brise ainsi une dynamique de croissance qui semblait émerger en
1998. Il a jugé que le projet de loi gouvernemental allait se traduire
par une position d'attentisme, dans la mesure où personne ne savait
exactement ce qui allait se passer, attentisme particulièrement
dangereux dans un contexte de compétition mondiale.
M. Pierre Gilson
a souligné que l'Etat devrait aider les
entreprises plutôt que de concevoir des systèmes freinant
l'activité et le développement de celles-ci. Il a jugé que
le risque était grand que s'accentuent encore les
phénomènes de délocalisation, jusque-là propres aux
grandes entreprises mais qui s'étendaient maintenant aux petites et
moyennes entreprises.
M. Pierre Gilson
a déclaré que la CGPME portait une
appréciation tout à fait négative sur le projet de loi
soumis à l'examen du Parlement. Il a considéré que le
texte proposé était en effet normatif et ne permettait donc pas
de véritables négociations, les résultats de ces
négociations étant fixés par avance.
Après avoir évoqué les différentes dispositions
contenues dans le projet de loi,
M. Pierre Gilson
a souligné
que la négociation, dans les entreprises n'ayant pas de
représentation syndicale, serait également rendue plus difficile
par le fait que les interlocuteurs du chef d'entreprise ne pourraient
être que des salariés expressément mandatés par une
ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le
plan national et non directement des élus du personnel : il a
jugé que ceci était contraire aux dispositions de l'accord du 31
octobre 1995 sur la négociation collective signée par les
partenaires sociaux.
M. Pierre Gilson
a ajouté que le projet de loi risquait de
réduire les rentrées de cotisations des régimes de
sécurité sociale, notamment du régime
général, et de conduire, en conséquence, à une
nouvelle augmentation des prélèvements sociaux obligatoires :
l'exposé des motifs précisait en effet que l'aide
financière destinée à faciliter la réduction du
temps de travail, accordée sous forme de déduction de cotisations
patronales de sécurité sociale, donnerait lieu, à compter
du 1
er
janvier 1999, à un remboursement partiel de la part de
l'Etat aux régimes concernés.
M. Pierre Gilson
a conclu
qu'aucune compensation pour les régimes de sécurité
sociale n'était donc prévue pour l'année 1998 et que la
loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ne
prévoirait qu'un remboursement partiel. Il a considéré que
cette disposition était irréaliste et contraire à
l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale qui
prévoyait que les exonérations de cotisation seraient
compensées dans les recettes du régime général de
la sécurité sociale par un remboursement de l'Etat.
M. Pierre Gilson
a conclu son intervention en déclarant que ce
projet de loi n'intervenait pas à un moment opportun pour les
entreprises, dans un contexte où ces dernières se voyaient, de
surcroît, infliger des contraventions pour dépassement du temps de
travail des cadres.
Craignant un blocage du dialogue social,
M. Louis Souvet, rapporteur,
a
demandé à M. Pierre Gilson si les incertitudes pesant sur le
second texte prévu en 1999 n'inciteraient pas les partenaires sociaux
à différer tout accord jusqu'à cette date.
Il s'est interrogé sur la possibilité laissée aux
entreprises de continuer à réduire leurs coûts dans le
nouveau contexte créé par ce projet de loi et a souhaité
connaître quelles compensations seraient nécessaires aux
entreprises pour que l'application de cette loi n'ait pas de
conséquences trop négatives.
Après avoir souligné le risque que la diminution du temps de
travail dans les PME ne se traduise par une augmentation des cadences
supportées par le personnel, il s'est interrogé sur le sens que
pouvait prendre l'obligation d'interruption de l'activité quotidienne
prévue par l'article 7 du projet de loi adopté par
l'Assemblée nationale. Il a jugé que cette disposition
était par exemple totalement inapplicable dans le cas des transports
scolaires.
Soulignant la spécificité du statut et des contraintes des
cadres, il s'est ému des nombreuses amendes infligées aux
entreprises, ces derniers mois, pour dépassement du temps de travail des
cadres.
En réponse aux questions du rapporteur,
M. Pierre Gilson
a
déclaré que les PME appliqueraient naturellement la loi, laquelle
ne laissait en réalité aucune place à la
négociation. Il a considéré que le passage aux
35 heures allait devoir être compensé par une diminution des
coûts très difficile à atteindre.
Il a ajouté que si le projet de loi avait prévu une
possibilité réelle d'annualisation du temps de travail, les
entreprises auraient sans doute pu absorber une partie du surcoût
découlant des 35 heures.
Evoquant la situation des transports scolaires, il a considéré
que l'article 7 du projet de loi, relatif à l'obligation d'interruption
de l'activité quotidienne, apparaissait irréalisable et porteuse
d'un surcoût considérable.
M. Alain Gournac
a souhaité savoir si la réduction du
temps de travail était, avant l'annonce du projet de loi, une
priorité pour le personnel des PME.
Il s'est enquis des conditions dans lesquelles la CGPME avait abordé la
table ronde du 10 octobre 1997 et a interrogé M. Pierre Gilson sur
l'existence d'une réelle concertation préalable à cette
table ronde.
Après s'être déclaré inquiet de la multiplication
des contrôles de l'inspection du travail portant sur le temps de travail
des cadres, il s'est demandé si la réduction du temps de travail
ne risquait pas de se traduire par un développement du travail au noir.
Enfin, il a souhaité connaître sur quelles bases et quelles
études la CGPME s'appuyait pour déclarer que le projet de loi ne
créerait pas d'emplois.
Après avoir estimé que la hausse régulière du
chômage entraînait une situation sociale très
préoccupante,
M. Serge Franchis
a demandé à
M. Pierre Gilson si davantage de croissance et de flexibilité
pouvaient suffire à elles seules à créer des emplois et il
a souhaité connaître les contre-propositions formulées par
la CGPME pour combattre le chômage.
Après avoir déclaré que les PME seraient les plus
pénalisées par ce projet de loi alors même qu'elles
étaient susceptibles de créer des emplois,
M. André Jourdain
a souhaité savoir si le coût
de la main-d'oeuvre était plus important dans les PME que dans les
grandes entreprises. Il s'est interrogé sur les conséquences
qu'aurait le passage aux 35 heures sur la politique de formation des
personnels. Il a craint que celle-ci ne soit négligée.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a souligné que la
problématique de la réduction du temps de travail était
très différente dans les PME et dans les grandes entreprises.
Elle a rappelé toutefois que la loi dite " de Robien "
s'était traduite par de nombreux accords dans les PME et par la
création d'emplois dans ces entreprises. Elle a considéré
que le contexte économique, marqué par une reprise de la
croissance, semblait se prêter à une réduction du temps de
travail et que le Gouvernement avait souhaité prendre en compte de
manière particulière les difficultés que pouvait soulever
ce projet de loi pour les PME. Elle a conclu qu'il convenait donc d'être
moins pessimiste sur les conséquences de la réduction du temps de
travail.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a estimé que ce projet de loi
devait permettre une négociation dans les entreprises sur les conditions
de travail, permettant éventuellement des réorganisations et des
gains de productivité.
Elle a demandé à M. Pierre Gilson si la décision de
distinguer entre deux échéances (2001 et 2003) pour
l'entrée en vigueur de la loi était bonne ou néfaste. Elle
a enfin considéré qu'il était indispensable de
prévoir dans les entreprises à la fois une formation aux
nouvelles technologies pour l'ensemble des personnels et une formation à
la gestion destinée aux chefs d'entreprise.
M. Jacques Machet
a souligné que 60 % des chômeurs
n'avaient aujourd'hui aucune formation, ce qui constituait un problème
particulièrement préoccupant.
En réponse à M. Alain Gournac,
M. Pierre Gilson
a
indiqué que la réduction du temps de travail ne constituait
manifestement pas une priorité pour les salariés, dans la mesure
où elle n'avait jamais figuré parmi leurs revendications. Il a
confirmé que la conférence du 10 octobre 1997 n'avait
donné lieu à aucune concertation préalable. Il a enfin
précisé que l'appréciation négative qu'il portait
sur le projet de loi en termes de créations d'emplois provenait des
informations qui remontaient du terrain.
En réponse à M. Serge Franchis,
M. Pierre Gilson
a
indiqué que la CGPME soulignait régulièrement que
1,2 million d'entreprises françaises n'avaient aucun salarié
et qu'il serait, dans ces entreprises, certainement possible de créer
500.000 emplois.
M. Georges Tissié
a ajouté qu'aucune politique de l'emploi
n'avait été assez durable depuis vingt ans pour que l'on puisse
en observer effectivement les résultats. Il a considéré
qu'une politique forte et continue d'allégement des charges et des
prélèvements était susceptible de favoriser la
création d'emplois.
M. Pierre Gilson
a confirmé que les chefs d'entreprise avaient
effectivement besoin de règles fixes et permanentes.
En réponse à M. André Jourdain,
M. Pierre Gilson
a
estimé qu'il était impossible de répondre à la
question portant sur la part du coût de la main-d'oeuvre dans les charges
des PME et des grandes entreprises : il n'existait pas deux PME identiques et
la part prise par la main-d'oeuvre dans les coûts de production
dépendait des choix effectués par chaque entreprise ; il a
jugé que le passage aux 35 heures rendrait probablement plus
difficiles les politiques de formation du personnel.
M. Georges Tissié
a souhaité souligner que la
création d'emplois n'était pas liée à une
réduction du temps de travail ou à une organisation du travail
compliquée et sophistiquée.
En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard,
M. Pierre
Gilson
a déclaré qu'il convenait de relativiser les
résultats de la loi " de Robien " : 15.000 emplois avaient
été maintenus et seuls, 15.000 emplois avaient été
réellement créés.
M. Pierre Gilson
a conclu en indiquant que la CGPME n'était pas
opposée à la réduction du temps de travail, mais qu'il
fallait que cette réduction se fasse de manière
négociée dans le cadre de l'entreprise : l'instauration d'une
obligation de réduction du temps de travail assortie de dates butoirs
était une erreur pour l'avenir du pays.
M. Georges Tissié
a ajouté qu'il eût
été préférable d'utiliser les dispositifs existant
déjà en matière de modulation du temps de travail.
C. MERCREDI 11 FÉVRIER 1998
Sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade,
président puis de M. Bernard Seillier, vice-président, puis
de M. Jean-Pierre Fourcade, président, au cours d'une première
séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord
procédé à
l'audition de M. Guy Robert
,
secrétaire général
de
l'Union nationale des
professions libérales
(UNAPL) sur le
projet de loi d'orientation
et d'incitation
relatif à la
réduction du temps de
travail
.
M. Guy Robert
a tout d'abord rappelé que les professionnels
libéraux représentaient environ 600.000 entrepreneurs travaillant
dans les secteurs juridique, médical, technique ou informatique.
Il a précisé que ce secteur comprenait 1,2 million d'emplois
de salariés qui étaient soit des emplois d'exercice
libéral, soit des emplois fortement spécialisés.
Il a évoqué les barrières psychologiques des entrepreneurs
qui constituaient un " frein à l'embauche " dans le secteur
libéral où, d'après certaines études, 40.000
emplois pourraient être créés.
Il a indiqué que les professionnels libéraux recouraient en
moyenne au service de deux ou trois salariés, même s'il existait
des entreprises, notamment des cabinets d'avocats, qui pouvaient compter
jusqu'à 1.000 salariés.
Il a souligné le caractère " non conflictuel " des
relations entre les professionnels libéraux et leurs salariés en
faisant observer que ces derniers conservent souvent le même employeur
tout au long de leur carrière professionnelle.
Il a noté enfin l'absence de licenciement massif et de plans sociaux
dans un secteur où la mondialisation n'a pas d'effet direct.
S'agissant du projet de loi d'orientation et d'incitation à la
réduction du temps de travail, il a regretté qu'il s'agisse d'une
" loi-couperet ", alors que l'UNAPL aurait
préféré l'ouverture d'une négociation sur le temps
du travail secteur par secteur.
Il a souligné que pour les professionnels libéraux, qui emploient
généralement un ou deux salariés, il serait impossible de
procéder à des recrutements supplémentaires pour effectuer
un travail sur une journée ou deux dans un mois.
Il a regretté que la législation ne facilite pas la
création de groupement au service des entreprises libérales qui
pourraient éventuellement permettre de procéder aux embauches
supplémentaires rendues nécessaires par la réduction du
temps de travail.
Evoquant l'insuffisance de la formation des jeunes sortant du système
scolaire, il a souligné que celle-ci expliquait assez largement les
réticences à l'embauche des professionnels libéraux.
S'agissant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), il a
estimé que le projet de loi risquait d'entraîner une
révision systématique des grilles de salaires actuellement
prévues dans les conventions collectives et qu'il en résulterait
un " recentrage " des nouvelles embauches à un niveau de
salaire égal à celui du SMIC.
Il a considéré que pour compenser les effets de la
réduction du temps de travail, le recours aux heures
supplémentaires serait inéluctable dans les petites entreprises,
tout en soulignant que les marges de manoeuvres financières
étaient étroites dans le secteur.
Il a souligné les difficultés qui seraient occasionnées
par le projet de loi pour certaines entreprises dont l'activité peut
être fortement variable selon les périodes de l'année,
notamment pour les architectes.
En conclusion, il a souhaité qu'une véritable négociation
sur le temps de travail puisse s'amorcer de manière pragmatique et
sereine entre les différentes parties prenantes sans blocage, ni langue
de bois.
Il a insisté sur le caractère essentiel du renforcement des aides
à l'installation et au regroupement des professionnels libéraux.
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur le nombre
d'emplois nouveaux qui pourraient être suscités par le texte, les
amendements qui devraient lui être apportés et la nature des gains
de productivité possibles dans le secteur des professions
libérales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est interrogé sur le
régime fiscal des professionnels libéraux.
En réponse,
M. Guy Robert
a indiqué que les 600.000
professionnels libéraux, chefs d'entreprise, étaient
imposés pour leur grande majorité sous le régime des
bénéfices non commerciaux et que les autres étaient
astreints au paiement de l'impôt sur les sociétés. Il a
précisé que le secteur représentait 200 professions
libérales différentes et que 57 syndicats adhéraient
à l'UNAPL.
Il a confirmé que compte tenu des 1,2 million d'employés, le
secteur des professionnels libéraux représentait au total environ
1,8 million d'emplois.
S'agissant des pistes de réforme alternative, il a souligné qu'en
matière de négociation sur le temps de travail, il serait
nécessaire de privilégier la flexibilité, l'annualisation
ainsi que le traitement des variations saisonnières d'activité.
Tout en se déclarant, d'une manière générale, peu
favorable aux aides publiques aux entreprises, il a souligné que le
dispositif des aides financières prévues par le projet de loi
était totalement inapplicable à la très grande
majorité des professions libérales compte tenu du faible nombre
de leurs salariés.
S'agissant des conséquences du projet de loi, il a estimé que les
entreprises du secteur libéral péricliteraient, n'embaucheraient
pas, embaucheraient éventuellement des salariés au niveau du SMIC
ou encore devraient recourir aux heures supplémentaires.
Au sujet des gains de productivité, il a souligné que, pour la
plupart des professionnels libéraux, il serait impossible d'augmenter
les cadences dans des conditions comparables à celles de l'industrie.
M. André Jourdain
s'est inquiété des
conséquences de la loi en matière d'aménagement du
territoire. Il s'est demandé si la réduction du temps de travail
n'aurait pas pour conséquence d'entraîner des licenciements dans
les entreprises qui ne comptent qu'un seul salarié ; il s'est
interrogé sur le recours au temps partiel par les salariés dans
le secteur des professions libérales.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur le potentiel de
créations d'emplois dans le secteur des professions libérales,
sur les difficultés de recrutement liées aux insuffisances de
formation et sur les risques de contraction de la masse salariale
consécutifs à la réduction du temps de travail.
M. Dominique Leclerc
s'est demandé si le secteur des
professionnels libéraux ne serait pas davantage
" asphyxié " par le surcroît de charges provoqué
par la réduction du temps de travail.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur la frontière
entre professionnels libéraux et patrons de petite et moyenne
entreprise.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, s'est demandé si la
compensation sous forme de jours de repos introduite par amendement à
l'Assemblée nationale constituait un élément de souplesse
ou un facteur de coût supplémentaire.
En réponse,
M. Guy Robert
a tout d'abord indiqué qu'il
souhaitait aborder les travaux devant le Parlement dans un esprit constructif
afin de déboucher sur des solutions moins " artificielles "
que celles qui sont aujourd'hui proposées.
Il a estimé que la compensation, sous forme de jours de repos,
représentait un élément de souplesse utile.
S'agissant du temps partiel, il a estimé que cette solution était
adaptée dans l'hypothèse de certaines formes spécifiques
d'exercice libéral, notamment si le professionnel lui-même a
choisi de recourir à cette solution.
Il a confirmé que si la loi devait générer des embauches
supplémentaires, celles-ci seraient effectuées à un niveau
de rémunération égal ou proche de celui fixé par le
SMIC.
Interrogé par
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, sur le
chèque " premier emploi ",
M. Guy Robert
a
estimé que l'idée était intéressante tout en
constatant qu'en réalité, il était difficile de parvenir
à une simplification totale en matière de formalités
d'embauche compte tenu de la diversité des organismes et administrations
impliqués.
Puis, la commission a procédé à
l'audition de M. Jean
Delmas, président
de
l'Union professionnelle artisanale
(UPA)
accompagné de
M. Pierre Burban, secrétaire
général
et de
Mme Brigitte Laurent, chargée des
relations avec le Parlement
sur le
projet de loi d'orientation et
d'incitation
relatif à la
réduction du temps de
travail
..
M. Jean Delmas
a tout d'abord rappelé que, selon les
déclarations du Gouvernement, le projet de réduction du temps de
travail s'inscrivait dans une démarche de création d'emplois et
de diminution du nombre des demandeurs d'emploi et que l'UPA partageait cette
volonté.
Il a constaté que la capacité de création d'emplois
n'était pas identique dans tous les secteurs économiques et pour
toutes les entreprises : de 1980 à 1995, les entreprises de plus de 200
salariés ont perdu 1.150.000 emplois, alors que celles de moins de 20
salariés ont créé 1.050.000 emplois.
Il a évoqué en outre les dernières statistiques de l'Union
nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) confirmant que
55 % des salariés travaillaient dans des entreprises de moins de 50
salariés et 37 % d'entre eux dans des entreprises de moins de 20
salariés.
Constatant que la capacité des petites entreprises à créer
des emplois était toutefois freinée par le coût du travail,
il a considéré que le projet de loi allait encore alourdir
celui-ci.
Il a estimé qu'il aurait été plus urgent d'engager une
réforme de l'assiette des cotisations patronales conduisant à un
allégement des charges pesant sur la main-d'oeuvre employée par
les petites entreprises et de diminuer le taux de TVA applicable aux
activités de main-d'oeuvre, comme cela avait été au
demeurant envisagé lors du dernier sommet sur l'emploi à
Luxembourg.
Il a noté que les incidences de la réduction du temps de travail
ne seraient pas identiques dans tous les secteurs. Dans les secteurs en
sureffectifs, la réduction du temps de travail serait moins
pénalisante, financièrement avantageuse, et sans doute peu
créatrice d'emplois ; dans les petites entreprises, la diminution du
temps de travail risquait de pénaliser la bonne marche des entreprises
qui ne pourraient dégager des gains de productivité suffisants.
Il a estimé que ce projet de loi avait été
élaboré en tenant compte de la situation de grandes entreprises
et en ignorant la spécificité des petites entreprises artisanales.
Il a noté que les différentes interventions effectuées par
l'UPA avant le débat à l'Assemblée nationale avaient
favorisé une prise de conscience puisque le dispositif d'accompagnement
financier avait été modifié afin de favoriser l'emploi
dans les petites entreprises et les entreprises de main-d'oeuvre.
Il a souligné néanmoins que le dispositif voté en
première lecture à l'Assemblée nationale ne
présentait pas d'avancées suffisantes et qu'il était
devenu d'une telle complexité qu'il serait difficilement applicable dans
les entreprises artisanales.
Il a regretté que l'article premier, contrairement aux demandes de
l'UPA, fixe de manière autoritaire la réduction de la
durée légale du travail.
Il a considéré que l'Etat aurait dû laisser les partenaires
sociaux négocier avant de modifier le code du travail et a
demandé la suppression de l'article premier.
Par ailleurs, il a souligné que le report à 2002, pour les
entreprises de 20 salariés et plus, de la réduction de la
durée légale du travail n'était qu'un " leurre ".
Il a rappelé que l'exposé des motifs du projet de loi
précisait que ce délai supplémentaire visait à
permettre aux petites entreprises de mieux s'adapter aux problèmes
d'organisation du travail.
Il a considéré que le projet de loi créait, de fait, une
discrimination de traitement entre grandes et petites entreprises, et ce
même si deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale
avaient tenté d'atténuer ce problème.
En effet, il a considéré que les entreprises de moins de 20
salariés étaient exclues en fait du dispositif d'accompagnement
financier dégressif prévu par l'Etat, ce qui entraînait des
distorsions de concurrence.
En revanche, il a approuvé l'article 2 du projet de loi, en soulignant
que seule la négociation, notamment au niveau de la branche pour les
petites entreprises, permettrait d'adapter l'aménagement du temps de
travail aux spécificités de chaque secteur économique. Il
a souligné toutefois, que le vote de l'article premier, par
l'Assemblée nationale, vidait totalement de son sens cette disposition.
Il a rappelé que l'UPA désapprouvait toutes les aides publiques
aux entreprises génératrices de distorsion de concurrence ; il a
confirmé que l'UPA contestait le dispositif d'aides prévu
à l'article 3 du projet de loi et a souligné que les
critères retenus pour l'attribution des aides n'avaient en
réalité d'effet qu'à partir de 50 salariés.
Il a constaté que plus l'entreprise était importante, plus l'aide
compensait le coût de l'embauche de salariés
supplémentaires : à partir d'un effectif de 50 salariés,
l'aide de l'Etat par emploi créé serait de 159.000 francs alors
que, pour une entreprise d'un salarié, cette aide serait de
18.000 ou 20.000 francs.
Il a noté toutefois qu'un amendement adopté à
l'Assemblée nationale précisait que le montant de l'aide pouvait
être majoré pour les petites entreprises et qu'un autre amendement
avait prévu des majorations spécifiques pour les entreprises de
main-d'oeuvre.
Il a regretté toutefois que cette dernière mesure soit
réservée aux salariés dont les niveaux de
rémunération sont proches du SMIC et que les catégories
des entreprises pouvant en bénéficier ne soient pas
précisées dans la loi.
Par ailleurs, il a noté que les dispositions concernant le dispositif
défensif excluaient de fait les petites entreprises puisqu'elles
étaient réservées aux entreprises susceptibles d'engager
une procédure de licenciement collectif et de conclure un accord
d'entreprise.
Il a approuvé la possibilité d'organiser la réduction du
temps de travail par un accord de branche étendu pour les entreprises de
moins de 50 salariés.
En revanche, il a déclaré que l'UPA était
" hostile " au principe du mandatement de salariés par des
organisations syndicales pour la conclusion de ces accords.
Il a rappelé que l'accord du 31 octobre 1995 relatif à
l'aménagement du temps de travail n'avait pu être mis en oeuvre
dans de nombreuses branches de l'artisanat car certaines organisations
syndicales avaient conditionné l'application de l'accord de branche
à l'existence d'un accord d'entreprise.
Or, il a souligné qu'il était inconcevable, dans le secteur
artisanal, d'exiger une négociation dans des entreprises qui comptaient
en moyenne trois salariés et que, pour des raisons de réalisme,
seule la négociation de branche était adaptée à
l'artisanat et aux petites entreprises.
Par ailleurs, il a noté avec satisfaction qu'un amendement voté
à l'Assemblée nationale avait créé un dispositif
d'appui et d'accompagnement en faveur des branches professionnelles s'engageant
dans une démarche de réduction du temps de travail et qui devrait
permettre aux organisations professionnelles de conseiller au mieux les
artisans pour s'adapter aux nouvelles contraintes.
S'agissant de la compensation en jours de repos ou dans le cadre d'un compte
épargne-temps, il a estimé que cette disposition permettrait de
clarifier les conditions dans lesquelles la réduction du temps de
travail pourrait s'effectuer. Toutefois, il a regretté le refus du
Gouvernement d'inscrire dans le texte lui-même que la réduction du
temps de travail pourrait s'effectuer dans le cadre d'une annualisation.
Il a estimé en effet que l'annualisation serait, pour la plupart des
secteurs de l'artisanat, le seul moyen pour réduire le temps de travail
sans porter atteinte à la viabilité de l'entreprise.
S'agissant du SMIC, il a indiqué que l'existence de deux SMIC à
partir du 1er janvier 2000, apparaissait inévitable pour ne pas
porter atteinte au fonctionnement des plus petites entreprises.
Il a considéré indispensable que les entreprises de moins de
20 salariés qui maintiendraient un horaire hebdomadaire de travail
de 39 heures ne se voient pas imposer une augmentation de 11,4 % du
coût du travail.
En conclusion, il a rappelé que l'UPA était prête à
engager des négociations sur l'aménagement du temps de travail
dès lors que l'Etat s'engagerait sur les cinq points suivants :
laisser les branches professionnelles aménager librement le temps de
travail des entreprises qu'elles représentent, notamment dans le cadre
de l'annualisation ; compenser, notamment par une réduction des charges,
l'augmentation du coût du travail qui résulterait d'une
réduction du temps de travail ; laisser aux petites entreprises, la
possibilité de recourir aux heures supplémentaires pour s'adapter
aux surcroîts imprévus d'activité ; lutter
énergiquement contre le travail clandestin que la réduction du
temps de travail ne pourra qu'amplifier, notamment dans le secteur du
bâtiment ; analyser les effets induits de la réduction du temps de
travail, notamment sur l'apprentissage et les contrats en alternance.
Il a souligné, en conclusion, que le projet de loi était loin de
répondre à ces cinq orientations.
M. Louis Souvet, rapporteur
, s'est interrogé sur les apports du
débat à l'Assemblée nationale, les risques de blocage du
dialogue social, les conséquences des incertitudes pesant sur le second
projet de loi prévu en 1999 et les risques de distorsions de concurrence.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, s'est interrogé sur le
nombre d'entreprises et de salariés dans le secteur des professions
artisanales.
En réponse,
M. Jean Delmas
a précisé que les
professionnels artisanaux représentaient 830.000 entreprises et 1,8
million de salariés.
Il a précisé que 50 % de ces entreprises comptaient 3
salariés ou moins et, qu'au niveau européen, 92 % des
entreprises comptaient moins de 9 salariés.
Concernant les éventuelles créations d'emplois, il a
déclaré qu'il souhaitait de nouvelles embauches, mais qu'il
doutait de leur réalité compte tenu des incertitudes qui pesaient
sur les entreprises artisanales " dans l'attente de
l'inconnu ".
Il a souligné que le dispositif ne pourrait pas fonctionner d'une
manière propice à la création d'emplois tant que le
Gouvernement n'aurait pas clairement indiqué les conditions dans
lesquelles pourrait être opérée l'annualisation du temps de
travail.
Il s'est déclaré favorable à des accords de branches en
matière d'organisation du temps de travail afin d'éviter les
distorsions de concurrence entre entreprises, tout en remarquant que la notion
de représentation syndicale restait à " inventer " pour
les entreprises de moins de 3 salariés.
Il a estimé nécessaire que se développe une
représentation syndicale issue du monde de l'artisanat et proche des
préoccupations des salariés de ce secteur.
Il a reconnu que le renvoi à une seconde loi, en 1999, pouvait
entraîner des effets d'attente de la part de certaines entreprises.
En réponse au
président Jean-Pierre Fourcade
, il a
précisé que l'on pouvait distinguer 40 branches d'importances
inégales au sein du secteur des professions artisanales.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est félicitée de la
tonalité sans a priori et argumentée de la position de l'UPA.
Elle s'est interrogée sur les conditions de validation des accords
d'entreprises par les branches et sur les gains de productivité
éventuels dans le secteur des professions artisanales.
Mme Joëlle Dusseau
a constaté que l'analyse de l'UPA
était complète, nuancée et permettait de saisir certaines
difficultés de mise en oeuvre de la réduction du temps de
travail. Elle s'est interrogée sur l'annualisation, le recours aux
heures supplémentaires ainsi que sur les possibilités de
regroupement des petites entreprises.
M. Serge Franchis
a évoqué les origines structurelles de
la non-représentativité des syndicats dans les petites
entreprises.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur la mise en oeuvre du principe
de subsidiarité entre accords d'entreprise et accords de branche dans le
domaine de la réduction du temps de travail.
M. Jacques Machet
a souligné les contraintes d'ordre
administratif qui pesaient sur les artisans.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, s'est interrogé sur
l'impact du recours aux jours de repos prévus par l'article 4 du projet
de loi.
En réponse,
M. Jean Delmas
a souligné les
difficultés actuelles d'une négociation au niveau des branches
dans la mesure où les organisations syndicales prenaient insuffisamment
en compte les caractéristiques du secteur artisanal.
Il a rappelé que l'UPA souhaitait conserver sa spécificité
dans le cadre du dialogue social, auquel elle ne participe que depuis un an,
aux côtés du Conseil national du patronat français (CNPF)
et de la Confédération générale des petites et
moyennes entreprises (CGPME).
Il a constaté qu'en raison des tensions actuelles, la situation
n'était pas propice à une négociation sur le temps de
travail et qu'en pratique la marge de manoeuvre ouverte par le projet de loi
aux partenaires sociaux était des plus réduites.
Concernant le regroupement de petites entreprises, il a observé que,
s'il existait des exemples dans le domaine agricole, cette solution ne semblait
pas véritablement créatrice d'emplois supplémentaires.
Concernant les solutions envisageables en matière de négociation
sur le temps de travail, il a évoqué l'ouverture de
négociation sur l'annualisation dans le cadre de limites qui seraient
éventuellement fixées au niveau législatif.
Il a souligné enfin l'importance des accords de branches dans le secteur
artisanal afin d'éviter des distorsions de concurrence trop
accentuées entre les entreprises au sein d'une même branche.
Puis, la commission a procédé aux auditions
de M.
Jean-René Masson, secrétaire national
de la
Confédération française démocratique du travail
(CFDT),
M. Gilbert Fournier,
secrétaire
confédéral
, et
Mme Christine Reffet,
secrétaire confédéral
sur le
projet de loi
d'orientation et d'incitation
relatif à la
réduction du
temps de travail
.
M. Jean-René Masson
a tout d'abord estimé que
l'Assemblée nationale avait, en première lecture, maintenu
l'équilibre général du projet de loi. Il a
déclaré qu'au-delà des crispations sur l'article premier
relatif à la durée légale, la réussite du
dispositif dépendrait de l'ampleur de la dynamique de négociation
susceptible d'être enclenchée après le vote final de la loi.
M. Jean-René Masson
a affirmé que la CFDT
considérait la réduction du temps de travail comme une
réponse possible au chômage et à l'exclusion. Il a
observé que cette action devait être complétée par
un encouragement au développement d'activités nouvelles,
d'emplois de proximité ou de services, le développement des
mesures actives de l'UNEDIC et par l'élargissement du champ
d'application de l'allocation de reclassement pour l'emploi (ARPE).
M. Jean-René Masson
a déclaré que l'on ne pouvait
se contenter d'espérer que la croissance, seule, fasse reculer le
chômage, sans explorer toutes les voies possibles.
M. Jean-René Masson
a considéré que la
réduction du temps de travail devait rechercher trois objectifs :
l'emploi plutôt qu'une hausse des salaires, la
compétitivité des entreprises, le cas échéant en
avançant vers la flexibilité, et la croissance en soutenant la
consommation.
M. Jean-René Masson
a rappelé que ces trois objectifs
étaient au coeur de l'accord du 31 octobre 1995, son préambule
précisant que l'organisation du travail devait permettre une meilleure
prise en compte des fluctuations et que la réduction du temps de travail
devait permettre de préserver ou d'augmenter le nombre d'emplois. Il a
souligné que les 1.500 accords signés dans le cadre de la
loi " de Robien " avaient permis d'innover en matière
d'organisation du travail, tout en privilégiant l'emploi.
M. Jean-René Masson
a ensuite déclaré que la CFDT
approuvait le projet de loi du Gouvernement dans ses grandes lignes, en
insistant sur l'importance des négociations. Il a fait part de la
conviction de la CFDT qu'il était possible de conduire de manière
maîtrisée, à travers une bonne articulation de la loi et
des négociations, de grandes réformes favorables à
l'emploi.
En réponse à plusieurs questions de
M. Louis Souvet,
rapporteur
,
M. Jean-René Masson
a indiqué que la
France souffrait d'une mauvaise répartition du travail entre une
majorité de salariés qui bénéficiait d'un emploi
relativement protégé et une minorité qui en payait le prix
sous la forme du chômage.
Il a estimé que les jeunes et les travailleurs âgés
étaient particulièrement victimes de cette répartition. Il
a déclaré que la CFDT n'attendait pas tout de ce texte,
considérant que seule la négociation pouvait modifier la
durée réelle du travail.
Il a estimé que le patronat avait reconnu, en 1995, que la
réduction du temps de travail était une des pistes permettant de
créer ou de préserver des emplois. Il a considéré
que les entreprises se répartiraient en trois catégories quant
à l'application du texte : celles qui pourront l'appliquer, celles qui
bénéficieront d'un effet d'aubaine et celles qui rencontreront de
réelles difficultés.
M. Jean-René Masson
a estimé que rien ne sera possible
sans la participation active du patronat, en rappelant que la CFDT avait
souhaité éviter toute radicalisation. Il a observé que de
nombreuses entreprises avaient déjà entamé des discussions.
M. Jean-René Masson
a déclaré que l'annualisation
n'était pas un sujet tabou pour la CFDT ; il a estimé, par
ailleurs, qu'une entreprise qui pouvait adapter son organisation à sa
production avait ainsi les moyens de réduire la précarité.
M. Jean-René Masson
a rappelé que la CFDT n'était
pas favorable à la multiplication des SMIC. Il a estimé que trop
de salariés recevaient ce niveau de rémunération et qu'il
convenait de favoriser les déroulements de carrière à
travers, notamment, le développement de la polyvalence des
salariés.
M. Jean-René Masson
a regretté que les syndicats soient
peu implantés dans les PME, en estimant que les négociations pour
l'application de ce texte de loi pourraient être l'occasion d'amorcer un
dialogue nouveau dans ce type d'entreprise.
En réponse à
M. Jean Chérioux, M. Jean-René
Masson
a déclaré qu'il ne percevait pas de réticences,
de la part du patronat, à négocier sur la réduction du
temps de travail.
En réponse à
M. Serge Franchis, M. Jean-René Masson
a fait part de sa confiance dans la possibilité de modifier le
fonctionnement de la société ; il a cité à cet
égard le succès que représentait la réforme de
l'assurance maladie.
En réponse à
Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M.
Jean-René Masson
a déclaré que la CFDT était
favorable à l'activation des dépenses passives de l'UNEDIC.
Il a considéré, par ailleurs, que le mandatement était un
bon système pourvu que l'on prévoie une validation des accords
par les branches. Il a estimé que le critère à
privilégier devait être l'acceptation de l'accord par les
salariés.
A propos des précisions à apporter à l'annualisation,
M. Jean-René Masson
a réaffirmé que la CFDT ne
craignait pas un débat sur la flexibilité.
Puis la commission a procédé à
l'audition de M.
Jean-François Perraud,
secrétaire
confédéral
de la
Confédération
générale du travail
(CGT),
Mme Monique Beaussier
,
animatrice du secteur santé-famille
, et
Mme Marie-France
Boutroue
,
collaboratrice du secteur garanties collectives
sur le
projet de loi d'orientation et d'incitation
relatif à la
réduction du temps de travail
.
M. Jean-François Perraud
a tout d'abord estimé que le
texte tel qu'il avait été voté en première lecture
à l'Assemblée nationale n'avait été modifié
qu'à la marge. Il a considéré que des progrès
avaient été réalisés sur les questions de
l'obligation du remboursement de l'aide en cas de non-respect de l'accord, sur
le contrat à temps partiel et sur les possibilités de
transformation d'heures supplémentaires en congé.
M. Jean-François Perraud
a considéré que le
mandatement ne devait être utilisé qu'en dernier recours. Il a
rappelé que son organisation avait pour objectif d'améliorer
cette loi et de favoriser le développement d'une dynamique propre
à créer des emplois.
M. Jean-François Perraud
a par ailleurs insisté sur la
nécessité de privilégier le niveau de la branche sur celui
de l'entreprise pour la négociation des accords. Il a également
mis en avant les risques liés à une multiplication des salaires
minimum interprofessionnels de croissance (SMIC), notamment pour les nouveaux
embauchés qui pourraient se voir appliquer la référence la
moins favorable.
M. Jean-François Perraud
a regretté que le texte n'ait pas
été plus contraignant en matière d'heures
complémentaires et il a souhaité que les possibilités de
modulation des horaires de travail soient limitées.
M. Jean-François Perraud
a considéré que le
dispositif défensif visant à préserver les emplois devrait
être encadré et contrôlé pour éviter les abus.
En réponse à plusieurs questions de
M. Louis Souvet,
rapporteur, M. Jean-François Perraud
a déclaré
que son organisation n'était pas, par principe, opposée à
une aide publique, mais il a observé que sa capacité à
créer des emplois n'avait pas été démontrée.
Il a fait part de son désaccord à ce que cette aide mette
à contribution les caisses de la sécurité sociale.
M. Jean-François Perraud
a considéré que la
réduction du temps de travail constituait un véritable projet de
société qui devait permettre d'apprendre à travailler
autrement.
Mme Marie-France Boutroue
a précisé que la CGT
n'envisageait pas que la réduction du temps de travail puisse
s'accompagner d'une diminution du salaire. Elle a souhaité
l'inscription, dans la loi, de ce principe.
Après avoir entendu M. Jean-François Perraud
, M. Guy
Fischer
a considéré que le projet de loi n'était pas
assez précis, qu'il autorisait une forme de
déréglementation et qu'il pouvait entraîner un tassement de
la masse salariale.
En réponse à une question de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président, M. Jean-François Perraud
a
considéré que les avantages financiers prévus par les
dispositifs " de Robien " et Aubry étaient comparables.
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à
l'audition de M. Jean-Emmanuel Ray
,
professeur des universités, sur le
projet de loi d'orientation et
d'incitation
relatif à la
réduction du temps de
travail
.
M. Jean-Emmanuel Ray
a indiqué que le projet de loi d'orientation
et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail
soulevait des problèmes juridiques à la fois sur le plan
individuel et sur le plan collectif.
S'agissant du contrat de travail individuel, il a souligné que la
première question était de savoir si la réduction du temps
de travail décidée unilatéralement par l'employeur
était assimilable à une modification du contrat de travail.
Il a précisé qu'un arrêt de la chambre sociale de la Cour
de Cassation du 19 novembre 1997 disposait que la réduction de
l'horaire de travail sans compensation salariale constituait une modification
du contrat de travail que le salarié n'était pas tenu d'accepter.
Il a évoqué, par ailleurs, un arrêt de la Cour de Cassation
du 28 janvier 1998 relatif à l'application de la loi " de
Robien " disposant que la modification du mode de
rémunération d'un salarié pouvait être
considérée comme une modification du contrat de travail et
pouvait conduire à la rupture de celui-ci.
M. Jean-Emmanuel Ray
a donc estimé qu'il serait possible,
à des salariés refusant une réduction du temps de travail
sans compensation salariale, de faire pression sur leur employeur, pour obtenir
la remise en question d'une mesure unilatérale de réduction du
temps de travail.
Par ailleurs, il a évoqué l'hypothèse d'une entreprise
qui, après avoir proposé une réduction du temps de
travail, assortie d'une diminution de salaire, choisirait de ne pas licencier
les salariés qui refuseraient la réduction de leur
rémunération. Il a indiqué que, dans ce cas, la
coexistence de deux catégories de salariés au sein de la
même entreprise pourrait soulever un problème
d'équité alors qu'un arrêt de la Cour de Cassation
d'octobre 1996 édicte que deux salariés en situation identique
ont droit à la même rémunération.
De plus,
M. Jean-Emmanuel Ray
a souligné que si dix
salariés ou plus d'une même entreprise refusaient une
réduction du temps de travail sans compensation salariale et demandaient
leur licenciement, l'entreprise serait alors tenue de procéder à
des licenciements économiques dans le cadre d'un plan social,
susceptible d'être mal compris par les banques ou les partenaires
commerciaux de l'entreprise.
Il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une hypothèse
d'école, s'agissant de personnels d'encadrement pour lesquels le
dispositif d'aide financière prévu par le projet de loi
était relativement désavantageux pour l'entreprise, compte tenu
du niveau de leur rémunération.
Rappelant que les licenciements économiques devaient être
fondés sur une " cause réelle et sérieuse ", il
s'est demandé si une réorganisation du temps de travail
effectuée sur la base du projet de loi serait considérée
par les juges comme une mesure de " maintien de la
compétitivité de l'entreprise " susceptible de justifier en
droit une procédure de licenciement économique.
Il a souligné que si les juges devaient estimer que la réduction
du temps de travail n'était pas un motif sérieux de licenciement
économique, le coût du licenciement serait alors majoré de
six mois de salaire par personne pour l'entreprise.
Enfin, en dernier lieu, il s'est demandé si les conventions collectives
conclues dans le cadre du projet de loi auraient un caractère
impératif et automatique vis-à-vis des contrats de travail.
Il a estimé que la jurisprudence n'était pas claire aujourd'hui
sur ce point, sauf à considérer que l'intérêt
général poursuivi en matière de baisse du chômage
par un accord collectif relatif à la réduction du temps de
travail était plus favorable pour le salarié que la sauvegarde
des intérêts particuliers relevant du contrat de travail.
Evoquant, dans un second volet, les problèmes collectifs posés
par le projet de loi,
M. Jean-Emmanuel Ray
s'est tout d'abord
demandé si la possibilité, prévue par le projet de loi, de
conclure un accord collectif spécifique, pouvait dispenser de la
consultation du comité d'entreprise sur un projet de
réorganisation du temps de travail et des modes de
rémunération.
Il a rappelé à cet égard que l'absence de consultation du
comité d'entreprise pourrait être considérée par le
juge comme un délit d'entrave au sens de l'article L. 483-1 du code du
travail.
En second lieu,
M. Jean-Emmanuel Ray
a évoqué la question
de l'annualisation du temps de travail.
Il a rappelé tout d'abord que les entreprises disposaient, dans le cadre
de la loi du 20 décembre 1993, des instruments juridiques et financiers
nécessaires pour procéder à cette annualisation.
Toutefois, il a indiqué qu'il existait un débat sur le point de
savoir si les accords d'annualisation devaient être
considérés comme des accords dérogatoires au sens de
l'article L. 212-9 du code du travail, susceptibles d'être
repoussés par les organisations syndicales n'ayant pas signé ces
accords et ayant recueilli plus de la moitié des voix au cours des
dernières élections.
Il a considéré que si la procédure d'opposition
était bien applicable, la mise en oeuvre d'une annualisation serait
délicate à négocier dans la plupart des grandes
entreprises.
En troisième lieu, il s'est interrogé sur la disposition
introduite par l'Assemblée nationale à l'article 4 bis du projet
de loi disposant que " la durée du travail effectif est le temps
pendant lequel le salarié est à la disposition de
l'employeur ".
Il a souligné que, prise à la lettre, cette disposition, issue du
droit européen, conduirait à intégrer dans le temps de
travail l'ensemble des trajets à caractère professionnel d'un
cadre commercial international, voire les périodes de repos prises
à l'hôpital par une infirmière. Il a également
évoqué le cas des salariés qui peuvent être
appelés directement au téléphone à leur domicile
par leur entreprise.
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur la
complexité du texte, son impact sur l'emploi, l'appréciation des
amendements adoptés par l'Assemblée nationale,
l'amélioration éventuelle de la loi " de Robien ", les
avancées possibles en matière de flexibilité et
d'annualisation et les alternatives à la faiblesse du dialogue social
dans les petites et moyennes entreprises.
En réponse,
M. Jean-Emmanuel Ray
, s'agissant de la
complexité reprochée au projet de loi, a souligné que la
question du temps de travail avait inévitablement des
répercussions importantes s'agissant du niveau des salaires, des
horaires de travail et des rythmes de vie, qui sont intimement liés
à la vie privée des salariés. Rappelant que la loi du
20 décembre 1993 était déjà un texte
relativement compliqué, il a considéré qu'il serait
difficile d'adopter une loi simple dans le domaine du temps de travail.
A propos des conséquences pratiques du texte, il a estimé que de
nombreux cadres seraient vraisemblablement conduits à reporter leurs
jours de repos sur le compte épargne-temps et qu'ils ne demanderaient
à bénéficier de celui-ci qu'à l'occasion d'un
éventuel licenciement.
De ce point de vue, il a souligné que, pour les cadres, le non-respect
en pratique de l'obligation hebdomadaire de travail prévue par le projet
de loi se traduirait par une compensation sous forme monétaire.
S'agissant de l'annualisation du temps de travail, il a estimé que les
deux dispositifs de modulation qui existent aujourd'hui dans le code du travail
étaient parfaitement compatibles avec la mise en oeuvre des 35 heures
hebdomadaires.
Concernant les petites et moyennes entreprises (PME), il a constaté que
le rapport des forces dans une économie à haut niveau de
chômage était défavorable aux salariés et il a
estimé que l'ouverture de négociations dans ce contexte ne
pourrait qu'aboutir à une flexibilité accrue.
Au sujet du mandatement, il s'est demandé si un salarié,
mandaté pour signer un accord collectif dans le cadre du projet de loi,
était réellement " habilité " à remettre
en cause un accord d'entreprise préalablement signé en
matière de rémunérations et portant, par exemple, sur les
conditions d'attribution d'une prime de fin d'année.
Il a estimé que si la réduction du temps de travail devait
être assimilée à une modification du contrat de travail,
cela favoriserait en fait les meilleurs éléments de l'entreprise,
qui seraient en mesure de la quitter dans les meilleures conditions, avant de
trouver un nouvel emploi.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est interrogé sur la
primauté à accorder aux négociations au niveau de la
branche en matière d'organisation du temps de travail.
M. Jean-Emmanuel Ray
a souligné que la branche était
un niveau intéressant pour la négociation, dans la mesure
où elle correspondait à un élément cohérent
de régulation au sens économique, tout en regrettant les
insuffisances du dialogue social dans la plupart des branches actuelles.
Il a observé, de plus, que la négociation de branche permettrait
de résoudre les problèmes posés par le mandatement.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur la modulation du
dispositif en fonction du nombre de salariés de l'entreprise au regard
du principe de l'égalité devant la loi.
M. Jean-Emmanuel Ray
a précisé que dans ce domaine la
jurisprudence montrait que l'attitude du Conseil constitutionnel était
relativement tolérante, dès lors que les dispositions
proposées avaient un caractère expérimental.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur les
inconvénients du mandatement.
M. Jean-Emmanuel Ray
a estimé que la question qui était
posée était celle de la légitimité d'une personne
mandatée, pour une durée temporaire et par une organisation
syndicale qui n'est pas nécessairement représentée dans
l'entreprise, à conclure des accords collectifs en matière de
réduction du temps de travail, lesquels peuvent, au demeurant,
être en contradiction avec des accords ou conventions signés
auparavant.
A cet égard, il a rappelé que les règles d'agrément
des accords collectifs, par les organisations syndicales, avaient
été adoptées au début des années 50, dans un
contexte politique et syndical très différent de celui
d'aujourd'hui.
Il s'est interrogé sur l'utilité d'une réforme qui
permettrait l'entrée en vigueur d'accords collectifs en matière
d'annualisation ou de réduction du temps de travail, sous réserve
d'une signature de l'accord par les syndicats représentant au moins
50 % des salariés de la branche ou de l'entreprise.
Il a estimé en revanche que la mise en oeuvre de tels accords par
référendum serait certainement difficile à obtenir.
Revenant sur les inconvénients juridiques du projet de loi, il a
rappelé que depuis 1982 un certain nombre de contrats de travail
mentionnait expressément une durée hebdomadaire de travail de 39
heures, ce qui constituait éventuellement un motif supplémentaire
de rupture du contrat en cas d'application de la réduction du temps de
travail.
Il a précisé que l'élargissement du dispositif d'aide de
la loi " de Robien " à l'ensemble des entreprises, dans des
conditions analogues à celles prévues par le projet de loi,
représenterait une dépense de 180 milliards de francs.
Il a souligné que la loi " de Robien " présentait de
tels avantages sur le plan financier que les problèmes juridiques
liés à une éventuelle réduction de salaire avaient
en réalité été atténués, sinon
" gommés ".
Il a constaté que la situation était différente dans le
cadre de l'actuel projet de loi qui aurait globalement pour conséquence
de reporter le coût de la réduction du temps de travail pour un
tiers sur l'Etat, un tiers sur les gains de productivité et un tiers sur
les salariés.
D'un point de vue strictement économique, il a exprimé des doutes
sur la capacité de ceux qui sont à l'intérieur de
l'entreprise (" insiders ") à accepter des sacrifices au
profit des chômeurs qui sont à l'extérieur de celle-ci
(" outsiders ").
M. Claude Huriet
s'est demandé si les juristes avaient
été auditionnés dans le cadre de la préparation de
la loi et il s'est interrogé sur les conditions de mise en oeuvre de la
loi " de Robien ".
M. Louis Souvet, rapporteur,
s'est interrogé sur la mise en
oeuvre du double SMIC prévu par le projet de loi et sur l'application
des aides à la réduction du temps de travail aux entreprises en
situation de difficulté économique.
En réponse,
M. Jean-Emmanuel Ray
a estimé que le recours
à un SMIC " à deux vitesses " n'était
peut-être pas la meilleure des solutions, tout en reconnaissant toutefois
qu'un problème d'équité serait toujours posé
vis-à-vis des personnes qui entreront nouvellement sur le marché
du travail.
Par ailleurs, il a indiqué que le projet de loi devrait pouvoir
être utilisé dans un but " défensif " au
même titre que la loi " de Robien ", même s'il
subsistait, effectivement, quelques difficultés d'interprétation
sur ce point.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est interrogé sur
les conséquences d'un durcissement des conditions du recours au temps
partiel par les entreprises.
M. Jean-Emmanuel Ray
a estimé que, dans le contexte
économique actuel, le temps partiel était plus souvent subi que
choisi par le salarié et qu'il entraînait ainsi une nouvelle forme
de précarité sociale. Il a estimé à cet
égard que les dispositions protectrices du projet de loi en
matière des périodes minimales d'interruption d'activité
répondaient à un besoin social en matière de protection
des salariés.
Il a rappelé que de nombreux pays d'Europe du nord recouraient largement
au temps partiel, dans un contexte où la famille était
considérée comme une valeur essentielle, et où le partage
du travail et des revenus était une notion largement admise dans toutes
les couches de la société, tout en soulignant que la situation
était différente en France, où le travail avait acquis une
place centrale dans la définition du rôle social des individus.
M. Jean Chérioux
s'est interrogé sur le
développement du temps partiel pour les femmes et
M. Dominique
Leclerc
sur la répercussion qu'aurait, sur le chômage,
l'instauration d'un salaire maternel.
En réponse,
M. Jean-Emmanuel Ray
a évoqué le
coût budgétaire important d'un salaire maternel et il a
souligné la nécessité de tenir compte des
évolutions sociologiques sur la place des femmes dans notre
société.
Puis la commission a procédé à
l'audition de M. Jean
Pélissier, professeur des universités
sur le
projet de
loi
d'orientation et d'incitation
relatif à la
réduction du temps de travail
.
M. Jean Pélissier
a rappelé que, depuis environ dix ans,
les différentes réformes concernant le temps de travail avaient
eu pour objet de faciliter son aménagement. Si ces réformes ont
présenté d'indiscutables intérêts, elles n'ont pas
favorisé l'emploi. En effet, contribuant à réduire les
coûts salariaux et à améliorer l'organisation de
l'entreprise, elles ont même pu constituer des incitations au
licenciement.
Il a estimé que le texte proposé par le Gouvernement suscitait
trois interrogations majeures, qui concernent la diminution de la durée
légale du travail, la réduction négociée de ce
temps de travail et le travail à temps partiel.
Evoquant le premier point, il a estimé que le projet de loi n'imposait
pas une nouvelle durée du travail mais avait pour seul effet de
déclencher des majorations de salaire à partir d'un certain
horaire hebdomadaire.
Il a indiqué que les questions importantes à résoudre
étaient la durée maximale de la journée ou de la semaine
de travail et le régime des heures supplémentaires.
M. Jean Pélissier
a ensuite abordé ce qui constitue
l'objet central du projet de loi, la réduction négociée de
la durée du travail. Il a estimé que le texte
présenté par le Gouvernement ne répondait pas à
toutes les questions juridiques qui se posaient. A cet égard, il a
examiné les questions du niveau de la négociation, de la
qualité des interlocuteurs et du contenu des accords.
Pour le niveau de la négociation, il a observé que le choix du
projet de loi était de favoriser la négociation d'entreprise ; il
a cependant indiqué qu'il conviendrait de préciser la marge de
manoeuvre des négociateurs dans la conclusion des accords d'entreprise
complémentaires aux accords de branche.
Pour les interlocuteurs, il a constaté que le projet de loi offrait aux
syndicats la possibilité de désigner des mandataires dans les
entreprises où il n'existe pas de représentation syndicale.
Il s'est interrogé sur la possibilité pour les syndicats
majoritaires d'exercer un droit d'opposition à l'encontre des accords
d'entreprise ainsi conclus.
Il a estimé que si ces accords ne comportaient pas de modulation du
temps de travail sur l'année, le syndicat majoritaire n'exercerait pas
de droit d'opposition.
En revanche, la situation des accords comportant une telle modulation est plus
délicate. En effet, l'article L. 212-2-1 du code du travail
prévoit que les accords de réduction du temps de travail
s'accompagnent d'un aménagement du temps de travail sur l'année ;
or, la Cour de cassation n'a pas encore eu l'occasion de préciser s'ils
constituaient des accords dérogatoires. Il a rappelé que certains
juristes avaient avancé le fait que, dans la mesure où l'article
L. 212-2-1 était inséré dans une partie du code du travail
intitulée " Dispositions générales ", il ne
pouvait pas concerner des accords dérogatoires.
M. Jean Pélissier
a évoqué la question du contenu
et de la portée des accords d'entreprise. Il s'est interrogé sur
l'opposabilité de ces accords à l'ensemble des salariés.
Soulignant le caractère elliptique du projet de loi en cette
matière, il a estimé qu'un amendement serait nécessaire si
le législateur voulait que les conventions collectives s'imposent
à l'ensemble des salariés, quelle que soit la rédaction de
leur contrat de travail. Il a suggéré que l'accord ne puisse
être opposable à l'ensemble des salariés que s'il avait
fait l'objet d'un référendum préalable.
M. Jean Pélissier
a enfin évoqué la question du
temps partiel. Il a estimé que la définition actuelle du temps
partiel devrait être modifiée pour être conforme au droit
européen en vigueur, selon lequel est qualifié de temps partiel
tout temps inférieur à celui qui est pratiqué dans
l'entreprise. Il a suggéré qu'un " droit de retour ",
selon des modalités à définir, soit institué au
profit des salariés qui optaient pour le temps partiel et a
souligné l'absence de protection dont étaient victimes les
salariés à temps partiel ayant des horaires très
réduits.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a estimé au préalable que la
diminution des coûts salariaux était favorable à l'emploi.
Il a demandé à M. Jean Pélissier si le texte
adopté par l'Assemblée nationale était applicable en
l'état et si une modification de la loi " de Robien "
n'aurait
pas été préférable à un tel projet de loi.
En réponse,
M. Jean Pélissier
a réaffirmé sa
conviction selon laquelle la diminution des coûts salariaux n'avait pas
nécessairement d'effet positif sur l'emploi. Il a estimé que le
texte de l'Assemblée nationale était applicable en l'état.
En réponse à une question du rapporteur,
M. Jean
Pélissier
a estimé que le dispositif d'incitation
financière serait plus aisé à appliquer dans les moyennes
et grosses entreprises. Il a insisté notamment sur l'obstacle
constitué par le manque d'interlocuteurs dans les PME.
En réponse à une question de
M. Louis Souvet, rapporteur,
sur la nouvelle définition du travail effectif introduite par un
amendement à l'Assemblée nationale,
M. Jean
Pélissier
a confirmé qu'elle s'inspirait du droit
communautaire et de la jurisprudence de la Cour de cassation.
En réponse à une question de
Mme Marie-Madeleine
Dieulangard,
M. Jean Pélissier
a déclaré
que le Gouvernement semblait s'en remettre à la seconde loi pour
encadrer la modulation. Il a par ailleurs estimé que l'on pouvait
difficilement diminuer le salaire minimum interprofessionnel de croissance
(SMIC).
MM. Marcel Lesbros et Jean Chérioux
ont alors fait remarquer que
l'application aux hôpitaux privés et au secteur non marchand de la
loi se traduirait par une hausse des coûts salariaux qui se
répercuterait sur les comptes publics et sociaux.
II. AUDITION DE M. DOMINIQUE STRAUSS-KAHN, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Réunie le jeudi 12 février 1998, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à
l'audition de M. Dominique Strauss-Kahn
,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
, sur le
projet de loi n° 286
(1997-1998)
,
adopté par
l'Assemblée nationale,
d'orientation et d'incitation
relatif
à la
réduction du temps de travail
.
Dans son propos liminaire,
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie,
a observé que,
depuis le début de la révolution industrielle, le mouvement de la
réduction du temps de travail avait accompagné celui du
progrès technique. Il a estimé que la tendance à la baisse
du temps de travail était incontestable si l'on se plaçait dans
une perspective de longue période, ceci quel que soit le pays
considéré. Il a estimé que cette tendance avait, en
France, revêtu une forme particulière, la diminution du temps de
travail s'étant traduite par une surcharge de travail pour certains
salariés, accompagnée d'une forte augmentation du nombre des
chômeurs.
M. Dominique Strauss-Kahn
a constaté que l'objectif de la
réduction du temps de travail était partagé par l'ensemble
du monde politique comme en témoignait le vote de la loi " de
Robien ". Il a considéré qu'il n'y avait que des divergences
sur les moyens à employer.
Regrettant que les évolutions ne soient pas plus continues et
progressives,
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,
a observé que la
société française était coutumière des
" soubresauts ". Il a souligné que la réduction du
temps de travail ne constituait qu'un moyen, parmi d'autres, pour lutter contre
le chômage et que la croissance restait la voie la plus sûre pour
créer des emplois.
Il a déclaré que le Gouvernement avait choisi de réduire
le temps de travail à travers la baisse de sa durée
légale. Il a observé qu'il ne s'agissait pas d'une diminution
obligatoire, car il n'aurait pas été nécessaire, dans
cette hypothèse, de prévoir des incitations financières.
Il a rappelé que la seule conséquence de la baisse de la
durée légale consistait à abaisser le seuil de
déclenchement des heures supplémentaires. Il a observé que
les entreprises pourraient, si elles le souhaitaient, continuer à
pratiquer les 39 heures.
Le ministre a, par ailleurs, considéré que la réduction du
temps de travail devrait pouvoir créer des centaines de milliers
d'emplois et renforcer l'incitation à la négociation collective.
En réponse à plusieurs questions et observations de
M.
Jean-Pierre Fourcade, président
, sur les dangers du projet de loi,
M. Dominique Strauss-Kahn
,
ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie,
a estimé que le risque de
délocalisations était limité. Il a observé que les
investissements étrangers en France restaient importants et que
l'attractivité de notre pays était forte en raison, notamment, de
la qualité de sa main-d'oeuvre et de ses infrastructures.
S'agissant des coûts salariaux, il a considéré que
l'abaissement de la durée légale se traduirait par une majoration
de 25 % des quatre heures de travail entre 35 et 39 heures, soit une
hausse du coût du travail de 2,25 %. Rappelant les
déclarations du Premier ministre et l'exposé du projet de loi
selon lequel cette majoration serait au maximum de 25 %, comme
actuellement, il a observé que si elle était ramenée
à 12,5 %, le coût serait encore plus supportable et ne
pénaliserait pas l'économie française.
M. Dominique Strauss-Kahn
a toutefois admis qu'une difficulté
existait vis-à-vis du SMIC, dans la mesure où il ne saurait
être question d'abaisser la rémunération des
salariés payés à ce niveau, qui verraient leur temps de
travail ramené à 35 heures. Il a déclaré que
l'économie française ne pouvait supporter, en revanche, une
hausse de 11,4 % du SMIC au 1er janvier 2000, venant après la
majoration de 4 % décidée par le Gouvernement au
1er juillet 1997.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie,
a considéré que ce problème du SMIC
pourrait être résolu par la proposition de sa collègue, Mme
Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, tendant
à faire coexister un SMIC horaire et une rémunération
mensuelle minimale pour les salariés qui passeraient aux 35 heures.
Cette proposition, comme l'aide structurelle annoncée, et comme les
gains de productivité qui seraient réalisés, permettraient
de compenser le surcoût, pour les entreprises, de la réduction du
temps de travail.
M. Dominique Strauss-Kahn
a conclu en réaffirmant que le projet
de loi ne constituait pas un risque en termes de coût du travail.
S'agissant de l'impact du dispositif sur les comptes publics,
M. Dominique Strauss-Kahn
a rappelé que, selon les
simulations réalisées par la direction de la prévision,
selon trois scénarios, l'effet sur les finances publiques devrait dans
tous les cas être faible. Il a déclaré que les
rentrées fiscales et sociales liées aux créations
d'emplois compenseraient le coût des aides sous forme
d'exonérations.
Toutefois,
M. Dominique Strauss-Kahn
a reconnu qu'il pourrait y avoir un
décalage dans le temps pour la réalisation de cet
équilibre. A cet égard, il a rappelé que le Gouvernement
avait inscrit 3 milliards de francs en loi de finances pour 1998.
En réponse à
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
M. Dominique Strauss-Kahn
,
ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie,
a indiqué que les nouvelles majorations
introduites, lors de la première lecture à l'Assemblée
nationale, ne modifiaient pas le coût du dispositif, sinon de
" l'épaisseur d'un trait " compte tenu du fonctionnement des
modèles de la direction de la prévision. Il a également
précisé que si l'effet du dispositif devrait être plus
massif dans les grandes entreprises, celui-ci ne concernerait pas moins les
petites et moyennes entreprises (PME), qui devraient pouvoir
bénéficier des aides pour financer des emplois à temps
partiel.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a toutefois fait observer que
le projet de loi ne favorisait pas le recours au temps partiel.
En réponse à une question de
M. Jean Chérioux
,
M. Dominique Strauss-Kahn
a estimé que les difficultés
entraînées par la réduction du temps de travail pour le
milieu associatif et le coût induit, notamment pour les finances des
collectivités locales, pourraient être absorbés par les
effets favorables sur l'économie, et donc sur les finances publiques, de
la baisse du chômage entraînée par la croissance, la
création des emplois-jeunes et la réduction du temps de travail.
En réponse à
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
, il a
estimé que l'examen du projet de loi, au Sénat, pourrait fournir
l'occasion de mieux préciser certaines dispositions, notamment celles
relatives à l'annualisation. Il a également déclaré
que l'équilibre financier du dispositif incitatif s'appréciait
globalement pour l'ensemble des comptes publics et supposait une organisation
des flux financiers, notamment entre l'Etat et la sécurité
sociale.
S'agissant de difficultés administratives rencontrées par les
PME, il a déclaré que le prochain projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) comprendrait des
mesures de simplification. Il a fait part de son projet visant, à terme,
à n'inscrire, sur le bulletin de paye, que trois lignes : salaire brut,
charges et salaire net. Le calcul se ferait au moyen d'un coefficient moyen de
charges sociales avec ajustement en fin d'année.
En réponse à
M. Henri de Raincourt
,
M. Dominique
Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie,
a déclaré que la question de la réduction
du temps de travail dans les différentes fonctions publiques relevait
d'une approche différente de celle du projet de loi, qui, lui, mettait
l'accent sur les créations d'emplois. Il a estimé que la question
de la fonction publique hospitalière était la plus aiguë,
compte tenu de ses conditions de travail, et il a rappelé qu'un
état des lieux sur le temps de travail dans la fonction publique
était, en tout état de cause, un préalable.
En réponse à
M. Guy Fischer
, le ministre a
déclaré que la branche pourrait tout à fait être le
niveau de signature pour la négociation des accords de réduction
du temps de travail.
En réponse à
M. Serge Franchis
,
M. Dominique
Strauss-Kahn
a considéré que le dispositif financier
d'accompagnement n'empêcherait pas les PME de créer des emplois.
En réponse à
Mme Nicole Borvo
, le ministre a
souhaité s'associer à son souci de préserver le dynamisme
de la consommation, mais il a également estimé que l'objectif de
l'augmentation de la masse salariale totale à travers les embauches
devait être privilégié.
Il a acquiescé à l'idée d'une commission de suivi des
aides à l'emploi, en estimant que nombre de dispositifs d'aide à
l'emploi n'avaient pas démontré leur efficacité.
En réponse à une question de
M. Bernard Seillier
,
M.
Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie,
a déclaré que le décret fixant la liste
des entreprises qui ne pourront bénéficier de l'aide
financière à la réduction du temps de travail,
prévu par le projet de loi, n'était pas encore prêt compte
tenu de certaines difficultés liées, notamment, aux
établissements culturels. Il a estimé que la situation de ces
entreprises serait examinée dans le cadre de leurs relations
financières particulières avec l'Etat.
III. AUDITION DE M. JEAN ARTHUIS, RAPPORTEUR DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES CONSÉQUENCES DE LA DÉCISION DE RÉDUIRE À 35 HEURES LA DURÉE HEBDOMADAIRE DU TRAVAIL
Réunie le mardi 24 février 1998, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, puis de M.
Jacques Bimbenet, vice-président, la commission a procédé
l'
audition
de
M. Jean Arthuis
, en sa qualité de
rapporteur
de la
commission d'enquête sur les conséquences
de la décision de réduire à 35 heures la durée
hebdomadaire du travail.
M. Jean Arthuis
a tout d'abord rappelé que la commission
d'enquête avait décidé de travailler très rapidement
afin de coordonner ses travaux avec ceux de la commission des affaires
sociales. Il a précisé que la commission d'enquête
s'était interdit d'examiner le contenu du projet de loi lui-même
pour s'intéresser aux conditions dans lesquelles le Gouvernement avait
préparé son texte, et qu'elle s'était aussi demandé
si la démarche gouvernementale répondait à l'objectif de
réduire le chômage.
Après avoir rappelé les conditions de travail de la commission
d'enquête,
M. Jean Arthuis
a souligné que celle-ci
s'était heurtée à l'incompréhension du Gouvernement
qui avait refusé de lui communiquer des documents demandés
à la direction de la prévision et aux services du budget,
notamment pour connaître le coût d'une éventuelle extension
du dispositif à la fonction publique.
Il a déploré que le ministre de l'économie et des finances
ait évoqué à l'Assemblée nationale une
" intrusion " des sénateurs, alors qu'il s'agissait d'un
simple usage des prérogatives du Parlement.
M. Jean Arthuis
a alors indiqué que la commission
d'enquête, au terme de ses travaux, avait acquis la conviction que la
démarche gouvernementale reposait sur un pari, une construction
théorique, qui n'était pas un choix rationnel, mais un choix
idéologique fondé sur une logique étatiste.
Le rapporteur a justifié l'emploi de l'expression " construction
théorique " en indiquant que rien ne permettait d'affirmer que
l'abaissement de la durée du travail allait créer des emplois.
Il a souligné en effet qu'il n'y avait pas, au vu des comparaisons
internationales, de corrélation entre temps de travail et chômage
et qu'une diminution autoritaire du temps de travail n'avait pas les
mêmes effets qu'une réduction négociée. Il a aussi
souligné la fébrilité des pouvoirs publics qui ne
laissaient pas aux partenaires sociaux le temps de négocier. Il a
rappelé qu'après avoir annoncé, en 1993, que la
réduction du temps de travail créerait deux millions
d'emplois, les économistes avaient progressivement revu leurs
prévisions à la baisse, ajoutant que les conclusions des
études dépendaient des hypothèses entrées en
machine.
Pour
M. Jean Arthuis
dès lors que la démarche du
Gouvernement relevait d'un pari, il convenait de s'interroger sur les chances
de le gagner et sur le point de savoir si les avantages l'emportaient sur les
risques.
Pour lui, cette démarche se révèle irrationnelle car si
elle échoue, elle engage la société française dans
son ensemble.
Or, la commission d'enquête a relevé le scepticisme des praticiens
quant au succès de cette démarche. Elle a constaté que le
dispositif proposé ne distinguait pas entre les petites et les grandes
entreprises, qu'il instituait des effets de seuils générant des
distorsions de concurrence, qu'il ne tenait pas compte du manque de personnels
qualifiés dans certains secteurs, notamment celui de l'informatique ;
enfin, qu'il ne prenait pas en considération la diversité des
secteurs économiques et de leurs contraintes. Le rapporteur a notamment
cité le secteur des transports, le secteur bancaire, celui des
équipementiers ou encore le secteur sanitaire et social.
Il a également relevé les contradictions de la démarche
gouvernementale, consistant à demander aux entreprises de
négocier alors que certains termes de la négociation
n'étaient pas connus, tels que le régime du repos compensateur ou
des heures supplémentaires, et le sort du salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC), ce qui ne pouvait qu'inciter les
employeurs à l'attentisme.
M. Jean Arthuis
a alors mis en garde contre les risques de susciter le
désespoir des Français.
Il a ensuite réaffirmé que la démarche du Gouvernement
était idéologique, inspirée par une logique de
système fortement étatiste. Il a tout d'abord rappelé que
le Gouvernement avait pris quelques libertés avec la
vérité en ne jouant pas le jeu de la concertation lors de la
Conférence nationale du 10 octobre 1997 comme l'avait
révélé, devant la commission d'enquête, M. Jean
Gandois, alors président du Conseil national du patronat français
(CNPF), en faisant référence à des études
chiffrées présentées comme relevant d'organismes
indépendants alors que, pour l'étude de la Banque de France, les
hypothèses avaient été fournies par le Gouvernement, en
cachant aux Français que, pour que la réduction du temps de
travail crée des emplois, le coût du travail ne devait pas
augmenter, ce qui supposait une baisse ou un gel des
rémunérations des salariés, enfin, en arguant du bilan de
la loi " de Robien ", alors que celle-ci était coûteuse
et que les créations d'emplois annoncées n'avaient pas encore
été vérifiées. Il a aussi regretté que la
notoriété de la Banque de France ait été atteinte
par la manipulation dont elle avait été victime, et il a
déploré que la direction de la prévision n'ait fourni que
peu de documents alors même qu'une de ses études, datée de
mars 1997, précisait que la réduction du temps de travail ne
pouvait être un instrument pour réduire le chômage.
Au total, selon le rapporteur, le projet du Gouvernement débouchera sur
" plus d'Etat " et " plus d'aides
publiques ". Les
contrôles devraient s'accroître en même temps que la
complexité du dispositif à mettre en oeuvre, au risque
d'encourager les délocalisations et le travail au noir.
Au titre des raisons d'espérer le succès de l'entreprise,
M.
Jean-Arthuis
a cité une éventuelle mobilisation citoyenne et
la mention explicite de l'annualisation dans la loi.
Au titre des raisons de douter, il a cité le désir des
Français de voir leurs rémunérations augmenter,
l'idée selon laquelle la quantité de travail offerte serait
limitée, les handicaps, notamment en termes de formation, susceptibles
de freiner les créations d'emplois, l'inadéquation de la notion
de durée du travail pour un nombre grandissant de professions, enfin la
probable transposition de la réduction du temps de travail aux fonctions
publiques dont le coût, bien que non chiffré par le Gouvernement,
serait prohibitif.
Pour
M. Jean Arthuis
cette logique étatiste est surannée
et pathétique, image même d'un esprit de système, contraire
à la liberté de contracter et de négocier, incapable de
faire confiance aux hommes.
En conclusion, il a rappelé que la commission d'enquête n'avait
pas formulé de propositions particulières sur le texte, laissant
ce soin à la commission des affaires sociales.
M. Jean Chérioux
s'est inquiété des
difficultés que créerait le projet de loi pour le secteur
sanitaire et social, regroupé au sein de l' Union nationale
interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires
et sociaux (UNIOPSS), de l'application du dispositif aux organismes
bénéficiant de subventions des collectivités
territoriales, ou financés par la sécurité sociale, enfin
du risque de contagion des fonctions publiques.
Mme Dinah Derycke
a rappelé son hostilité de principe
à la création d'une commission d'enquête dont elle a
dénoncé la partialité des conclusions, en opposition avec
les propos entendus lors des auditions.
M. Claude Huriet
s'est interrogé sur une reprise des projets
d'investissements et sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement avait
refusé de communiquer à la commission d'enquête les
documents demandés.
M. Guy Fischer
a rappelé le caractère idéologique
du débat tout en soulignant que certains partenaires sociaux
commençaient à négocier. Il s'est interrogé sur
l'attitude des entreprises qui réalisaient des profits tout en laissant
l'exclusion se développer.
M. Alain Gournac
a rappelé que les salariés
n'étaient pas véritablement demandeurs d'une réduction de
leur temps de travail et que les décideurs, ainsi que certains
salariés sensibles aux contraintes de l'entreprise, se montraient
réticents au projet de loi. Il a douté des chances de
réussite et a souhaité voir privilégier la liberté
de négocier.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que
l'histoire montrait que la durée effective du travail ne rejoignait que
très lentement la durée légale. Il a souligné que
le risque majeur du dispositif était d'entraîner une augmentation
dangereuse du coût du travail, bien supérieure à
l'augmentation attendue de l'emploi, même si, comme l'escomptait le
ministre de l'économie et des finances, cette dernière pouvait
favoriser la consommation.
Il a également souligné que la réduction du temps de
travail conduirait aussi à une augmentation des
prélèvements obligatoires lors de son extension, jugée
inéluctable, aux fonctions publiques. Il s'est enfin interrogé
sur la prise en compte, par les modèles macro-économiques, des
destructions d'emplois.
M. Jean Arthuis
a déclaré partager l'opinion de
M. Jean-Pierre Fourcade, président, sur le risque d'augmentation du
coût du travail, en raison notamment de la multiplication des heures
supplémentaires, et sur les incidences dommageables d'une extension de
la réduction du temps de travail à la fonction publique.
Il a confirmé que les études macro-économiques ne
prenaient pas en considération les aspects micro-économiques et
notamment les décisions des chefs d'entreprises.
En réponse à M. Jean Chérioux, il a rappelé le
poids du secteur sanitaire et social et l'incidence négative des
conventions collectives de ce secteur sur les finances des collectivités
territoriales et de la sécurité sociale. Il a
précisé que l'UNIOPSS n'avait pas été
consultée au moment de l'élaboration du projet de loi.
En réponse à Mme Dinah Derycke, il a évoqué la
participation constructive des sénateurs socialistes à la
commission d'enquête. Il a également souligné
l'intérêt des auditions auxquelles celle-ci avait
procédé.
En réponse à M. Claude Huriet, il a rappelé la
nécessaire prudence qui devait entourer les résultats des
enquêtes en matière d'investissement, quelquefois très
largement démentis dans les faits. Il a ajouté que les cinquante
plus grosses entreprises françaises envisageaient certes des
investissements, mais à l'étranger. Il a jugé inadmissible
l'attitude du Gouvernement refusant de communiquer les documents qui lui
avaient été demandés. Il a souligné que le
contrôle parlementaire répondait à une exigence de la
démocratie et que, si celui-ci avait été exercé
pleinement, de nombreux sinistres auraient pu être évités.
Il a souligné que le Parlement manquait d'autonomie d'expertise, ce qui
justifiait qu'il se tourne vers le Gouvernement, et qu'à défaut
de recevoir les informations souhaitées, il devrait se doter d'une
capacité d'expertise propre. Il a conclu en souhaitant qu'une
réflexion soit menée sur les pouvoirs de contrôle du
Parlement.
IV. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
Réunie le mardi 24 février 1998, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, la commission a
procédé à l'
audition
de
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité
, sur le
projet de loi
n° 286
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale,
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail
.
Mme Martine Aubry, ministre,
a tout d'abord rappelé le contexte
dans lequel s'inscrivait le projet de loi. Il s'agit, pour le Gouvernement, de
faire de l'emploi sa priorité en favorisant la croissance par le soutien
à la consommation des ménages, en recherchant et en
préparant aux métiers de demain, ainsi qu'en développant
les nouvelles technologies grâce à des dispositions, notamment
fiscales, favorables à la création d'entreprises et aux petites
et moyennes entreprises (PME).
Après avoir observé qu'une croissance de 3 % par an
n'entraînerait qu'une décrue limitée du chômage, de
quelques dizaines de milliers de chômeurs, le ministre a insisté
sur la nécessité d'explorer d'autres pistes, parmi lesquelles
l'abaissement de la durée du travail à 35 heures.
Elle a rappelé que pour beaucoup, y compris au sein de l'opposition, la
réduction du temps de travail pouvait être un outil puissant de
lutte contre le chômage, soulignant à ce propos combien le
" rapport Arthuis " était en décalage avec cette
analyse. A l'appui de la thèse selon laquelle la réduction du
temps de travail était, sous certaines conditions, créatrice
d'emplois, le ministre a indiqué que le passage en Allemagne de 40
à 38 heures 50 avait créé 800.000 emplois. Elle a repris
les propos de M. Bernd Hof, économiste allemand, auditionné par
la commission d'enquête, pour rappeler les incidences positives et
négatives d'une réduction du temps de travail. Elle a
indiqué que son projet permettrait de bénéficier des
éléments positifs sans subir les aspects négatifs,
notamment les surcoûts induits pour les entreprises. Elle a enfin
observé que, depuis quinze ans, la durée du travail avait
davantage baissé à l'étranger qu'en France.
Mme Martine Aubry, ministre,
a reconnu que seule la négociation
sociale décentralisée permettait de créer des emplois,
mais elle a aussitôt observé que la réduction du temps de
travail n'avait jamais été un thème de négociation
en France. Elle a rappelé que seulement trente accords de branches en
matière d'aménagement-réduction du temps de travail
avaient été conclus en application de l'accord interprofessionnel
du 31 octobre 1995 et qu'au rythme de mise en oeuvre de la loi " de
Robien ", il faudrait 70 ans pour généraliser l'abaissement
de la durée du travail à 35 heures. Ces considérations
justifient, à ses yeux, le recours à la loi.
L'article premier marque ainsi clairement la volonté du Gouvernement,
qui propose un calendrier en deux étapes. Il constitue également
un signal pour les entreprises qui pratiquent un nombre d'heures
supplémentaires élevé. Le projet de loi vise en outre
à mettre un terme à des pratiques contestables en matière
de travail à temps partiel.
Le ministre a alors souligné qu'il s'agissait d'une démarche
résolue, mais également souple, puisqu'elle laissait un
délai de deux ou quatre ans pour négocier et qu'elle ouvrait la
voie à des accords de modulation. Elle a observé que
l'annualisation du temps de travail était aujourd'hui relativement bien
admise par tous, dès lors qu'annualisation ne signifiait pas
dérégulation.
Elle a rappelé que le code du travail contenait déjà de
nombreuses dispositions en faveur de la modulation du temps de travail et que
43 % des accords " de Robien " faisaient référence
à l'annualisation. Elle a indiqué que les dispositifs de
modulation déjà prévus par le code du travail seraient
complétés par l'article 4 du projet de loi, qui permettait de
transformer la réduction du temps de travail en jours de repos,
éventuellement capitalisés dans un compte épargne-temps.
Enfin, elle a considéré que quatre formes de modulation
constituaient un dispositif complexe, qu'il serait opportun de simplifier dans
la deuxième loi.
Mme Martine Aubry, ministre,
a ensuite abordé le deuxième
élément de souplesse du projet de loi : l'aide destinée
à financer le coût du maintien des salaires les plus bas. Elle a
rappelé qu'il ne fallait pas diminuer les salaires, même si une
certaine modération salariale restait nécessaire.
Le troisième élément de souplesse est le
développement du mandatement destiné à pallier l'absence
de délégués syndicaux.
Le quatrième élément de souplesse est le recours à
une deuxième loi à la fin de 1999 pour organiser
définitivement le passage à 35 heures en tenant compte des
accords conclus et de la situation économique.
Le ministre a rappelé que, pour prévenir certaines
inquiétudes, les heures supplémentaires ne seraient pas
majorées de plus de 25 % ; qu'au-delà du système
dégressif forfaitaire, il y aurait un abattement structurel de 5.000
francs par an ; que les rémunérations des salariés
payés au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), dont
les horaires baisseraient de 39 à 35 heures, ne diminueraient pas, mais
qu'il n'y aurait pas de hausses mécaniques de 11,4 % des
coûts salariaux pour les autres rémunérations, raison pour
laquelle serait institué un revenu mensuel garanti limité dans le
temps.
Le ministre a reconnu que de nombreuses questions restaient en suspens qui
devraient être clarifiées avec les partenaires sociaux. Elle a
souligné que l'aide était tournée vers les bas salaires et
l'emploi, ajoutant qu'une aide à l'ingénierie était
également prévue.
En conclusion,
Mme Martine Aubry
a indiqué que l'Assemblée
nationale n'avait pas modifié l'équilibre général
du texte mais l'avait enrichi. Elle a souligné que le nombre de
créations d'emplois dépendrait des négociations et du
rythme de conclusion des accords, ce que confirmaient les modèles
macro-économiques : 450.000 emplois potentiels si l'on ne prenait en
considération que les entreprises de plus de vingt salariés et
700.000 si l'on prenait en considération l'ensemble des entreprises
concernées par le code du travail.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a observé que selon tous les
décideurs qu'il avait entendus, la réduction du temps de travail
ne pourrait être créatrice d'emplois qu'à condition que les
35 heures ne soient pas payées 39. Il a interrogé le
ministre sur l'exception française consistant à abaisser la
durée légale du travail pour réduire le chômage
plutôt qu'à entreprendre des réformes structurelles du
marché du travail, sur la possibilité de modifier la loi
" de Robien " au lieu de la supprimer, sur la situation des
petites
et moyennes entreprises, sur les restrictions apportées au temps
partiel, sur l'impact du dispositif sur les comptes publics et sur un
éventuel réexamen de l'ensemble des aides à l'emploi.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
reconnu que les " 35 heures payées 39 " n'auraient que
peu d'effets sur l'emploi, car cela augmenterait la masse salariale de
11,4 %. Elle a cependant souhaité que les salaires ne soient pas
réduits mais que les salariés acceptent de discuter de la
question des rémunérations, observant que leur pouvoir d'achat
avait diminué de 1,2 % en 1996, alors qu'il avait augmenté
de 1 % en 1997.
Pour le ministre, si la croissance était de 3 % pendant deux ans,
les augmentations salariales pourraient être de 3 %. Cela
permettrait aux salariés de sacrifier une partie de leur hausse de
salaire pendant deux ans pour créer des emplois, ce qui constituerait un
bon investissement.
Elle a rappelé, à propos des réformes structurelles, que
le " G8 " avait pris en compte la question de la durée du
travail : le chômage n'est en effet plus considéré comme un
simple problème social, mais comme un véritable problème
économique, dont le coût, qu'il y ait des aides pour lutter contre
l'exclusion ou non, est majeur, ce qui justifie que l'on s'attaque à ce
problème de toutes les manières possibles.
Elle a indiqué que le dispositif du projet de loi serait moins
coûteux que la loi " de Robien " et que son caractère
obligatoire permettait de diminuer les exigences en termes de créations
d'emplois à 6 % des effectifs concernés. Elle a
estimé le coût de la loi " de Robien " à neuf
points de cotisations sociales, soit 40 à 50.000 francs par emploi
créé, favorisant en outre des effets d'aubaine.
Elle a indiqué que l'aide couvrirait le coût des embauches et
même au-delà dans les petites entreprises, mais que celles-ci se
heurteraient à des problèmes d'organisation, ce qui expliquait le
délai de quatre ans qui leur était accordé.
Elle a reconnu qu'il leur serait souvent nécessaire de recourir au temps
partiel et a indiqué qu'une réflexion était engagée
pour favoriser les emplois à temps plein répartis sur plusieurs
entreprises en recourant à un cadre plus souple que le groupement
d'employeurs. Elle s'est déclarée favorable au temps partiel mais
a justifié les restrictions du projet de loi par des pratiques
négatives constatées en France et qui n'existaient pas aux
Pays-Bas.
Elle a indiqué que les créations d'emplois attendues du projet de
loi généreraient des recettes sociales nouvelles qui
correspondaient au montant de l'aide structurelle. Elle a indiqué qu'en
conséquence les finances publiques n'auraient à supporter que la
partie supérieure aux 5.000 francs de l'aide structurelle, soit au total
100.000 francs par emploi créé sur cinq ans.
Le ministre a indiqué que la croissance permettrait la création
spontanée de 200.000 emplois par an, correspondant à une
diminution du chômage de 50.000 personnes, ce qui était nettement
insuffisant. C'est pourquoi le Gouvernement avait créé les
emplois-jeunes et s'était engagé dans la voie de la
réduction du temps de travail. Mais cela ne concernait ni les
chômeurs de longue durée ni les jeunes exclus, pour lesquels il
convenait de disposer de mesures spécifiques, qui seraient
réexaminées dans la loi sur l'exclusion.
Le ministre a alors indiqué sa préférence pour une
globalisation des aides à l'emploi au niveau départemental,
ajoutant qu'un bilan des expériences en cours serait dressé en
juin 1998.
En réponse à
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
qui l'interrogeait sur le SMIC,
Mme Martine Aubry
a indiqué
que le revenu mensuel garanti serait calculé à partir du SMIC
horaire multiplié par 169 heures et qu'il évoluerait sans doute
moins vite que le SMIC horaire mais suffisamment pour garantir le pouvoir
d'achat. Elle a précisé que les nouvelles embauches dans une
entreprise seraient faites au niveau de salaire des autres salariés,
mais que, dans les nouvelles entreprises, les 35 heures seraient
payées 35 fois le SMIC horaire. Le ministre a reconnu la
complexité de ce système, tout en rappelant celle des minima
conventionnels.
M. Jean Chérioux
a souhaité que le Parlement soit
correctement informé et qu'il reçoive du ministre de
l'économie et des finances le résultat des nouvelles simulations
réalisées sur les hypothèses du projet de loi,
après son passage à l'Assemblée nationale. Il s'est
interrogé sur l'opportunité d'étendre les 35 heures
aux secteurs associatif, sanitaire et social en raison des coûts que cela
entraînerait pour les collectivités locales et la
sécurité sociale et de l'effet de contagion que cela pourrait
avoir sur la fonction publique.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est déclarée favorable
au projet de loi qui intervient dans un contexte propice à la
négociation d'une réduction du temps de travail. Elle s'est
interrogée sur les conditions de la négociation, souhaitant
qu'elle ne défavorise pas les salariés, sur le contrôle des
heures supplémentaires, sur le suivi des accords et sur
l'adéquation des financements à la montée en puissance du
dispositif.
M. Charles Descours
, en sa qualité de président de
l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS),
s'est inquiété du projet, en contradiction avec la loi du 29
juillet 1994, de ne compenser que partiellement les abattements de charges
sociales. Il s'est également interrogé sur l'application des
35 heures dans la fonction publique et notamment dans les hôpitaux.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur les conditions de l'octroi de
l'aide pérenne, sur les conditions dans lesquelles serait
revalorisé le SMIC, sur l'articulation de la réduction du temps
de travail, des heures supplémentaires et des créations
d'emplois, enfin sur le risque de voir se multiplier les accords
dérogatoires au niveau de l'entreprise.
M. Bernard Seillier
a souhaité savoir si la modification du
contrat de travail lié à une baisse de rémunération
pouvait être refusée par le salarié et justifier un
licenciement économique.
M. Alain Gournac,
après s'être félicité que
Mme Martine Aubry ait lu le rapport de la commission d'enquête, a
considéré que l'avis de l'expert allemand cité par le
ministre était négatif. Il s'est déclaré
opposé à toute réduction du temps de travail sous
contrainte, a observé qu'aucun secteur d'activité n'était
favorable à la réduction du temps de travail et que celle-ci ne
constituait pas une priorité pour les syndicats. Il a enfin
observé que les emplois créés par les petites entreprises
seraient beaucoup moins aidés que les emplois créés par
les grandes entreprises.
M. Serge Franchis
a souhaité connaître les
prévisions de créations d'emplois et les conditions de leur
financement, notamment dans les petites entreprises, et s'est interrogé
sur la complexité du nouveau SMIC.
M. Jacques Machet
a souligné la nécessité de
prévoir une formation pour faciliter l'embauche des demandeurs d'emplois.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est inquiété
des incidences du projet de loi sur le secteur public et sur le secteur
associatif, observant que le secteur social serait conduit à solliciter
davantage le budget des collectivités territoriales, déjà
mis à contribution par les emplois-jeunes. Il a observé en outre
que la contagion du secteur public serait inéluctable. Il s'est ensuite
inquiété des conditions de prise en compte, par les
modèles macro-économiques, des destructions d'emplois que
généreraient les 35 heures en raison des délocalisations
qu'elles susciteraient, des diminutions d'effectifs justifiées par la
réorganisation du travail, et de l'attitude des cadres qui verraient
leur salaire diminuer.
En réponse,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité,
a reconnu que la réduction du temps de travail
n'était pas un mécanisme simple, mais que bien menée, elle
devrait permettre de créer des emplois ou d'en sauver.
Elle a indiqué que plutôt que de dégrader l'emploi, le
dispositif retenu permettrait aux entreprises du secteur concurrentiel de
gagner en compétitivité, puisque les aides de l'Etat allaient
au-delà du coût de la mesure.
Elle a observé que de nombreux accords avaient été
signés dans le secteur de l'agriculture, mais que des problèmes
se poseraient pour les petites entreprises des secteurs commercial et
artisanal. Elle a souligné que les lois sociales n'avaient jamais
été acceptées en France et a manifesté sa confiance
dans l'absence d'effets négatifs.
En réponse à M. Alain Gournac, le ministre s'est
déclaré choqué des méthodes employées par le
rapporteur de la commission d'enquête.
M. Alain Gournac
a rappelé que celui-ci n'avait fait qu'user des
pouvoirs d'enquête sur pièces et sur place des commissions
d'enquête et
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a
précisé que les créations de commission d'enquête
relevaient de la seule décision du Parlement.
Mme Martine Aubry
a réitéré sa volonté
d'examiner la question du temps de travail au sein des fonctions publiques, ce
qui n'entraînerait pas nécessairement de créations
d'emplois, sauf sans doute dans les hôpitaux.
Elle a souhaité que ce bilan soit l'occasion de réfléchir
à une meilleure efficacité du service public et elle a admis que
l'inclusion du secteur des cliniques privées et du secteur
médico-social dans le champ de la loi n'était pas sans poser
problème.
Elle a cependant observé que de nombreuses associations ne seraient pas
concernées, car leurs salariés travaillaient à temps
partiel, et que les fédérations hospitalières
privées envisageaient de profiter de la loi pour revoir leur
organisation. Elle a ajouté que les secteurs déjà
aidés étaient exclus du champ d'application de la loi, à
l'exception du secteur des transports urbains, qui rencontrait de nombreux
problèmes.
A Mme Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre a précisé que les
négociations dans le cadre de la loi " de Robien " avaient
mis
en évidence la bonne volonté de toutes les parties et que le
contrôle des heures supplémentaires était
réalisé par l'inspection du travail, mais également par
les instances de suivi des accords. Elle a ajouté qu'en cas de
non-respect des engagements, la convention passée par l'Etat pourrait
être dénoncée et les aides remboursées.
A M. Serge Franchis,
Mme Martine Aubry
a précisé que les
3 milliards de francs inscrits au budget correspondaient à l'aide
apportée sur six mois pour 1,4 milliard de salariés.
En réponse à M. Charles Descours, elle a reconnu que la
compensation organisée par la loi de 1994 était fondée.
Elle a cependant expliqué que les emplois créés par le
dispositif, qui pouvaient être comptabilisés
précisément, apporteraient de nouvelles ressources aux organismes
de sécurité sociale, qui compenseraient partiellement les
exonérations, le complément restant à la charge de l'Etat.
En réponse à M. Guy Fischer, elle a considéré que
les accords d'entreprises et les accords de branches étaient
complémentaires, ces derniers étant d'autant plus
justifiés que le secteur était homogène.
En réponse à M. Bernard Seillier, elle a confirmé que la
Cour de cassation avait admis qu'une diminution de salaire, même
résultant d'un accord collectif, constituait une modification du contrat
de travail susceptible d'être refusée par le salarié, mais
que cela pouvait être un motif légitime de licenciement. Elle a
cependant observé que le plus souvent il n'y aurait pas baisse, mais gel
du salaire, et qu'aucun cas de contestation n'avait été
signalé dans le cadre des accords " de Robien ".
Enfin, à M. Jacques Machet, le ministre a précisé que le
projet de loi ne contenait pas de disposition sur la formation.
V. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie, le mercredi 25 février 1998, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a
procédé à
l'examen du rapport
de
M. Louis
Souvet
sur le
projet de loi n° 286
(1997-1998), adopté
par l'Assemblée nationale,
d'orientation et d'incitation
relatif
à la
réduction du temps de travail
.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a déclaré que la
démarche dans laquelle s'était engagé le Gouvernement
était incertaine quant à son inspiration, à sa formulation
et à son impact, et qu'elle s'inscrivait dans la tradition historique de
la loi de 1936 et des lois de 1981 et 1982.
Il a rappelé que le programme du parti socialiste pour les
élections législatives faisait reposer la création
d'emplois sur le plan emplois-jeunes, la réduction du temps de travail
ayant été présentée dans un second temps comme une
piste à ne pas négliger.
Le rapporteur a insisté sur le risque de confusion entre la perspective
d'un développement des loisirs sans diminution des salaires et un
objectif de création d'emplois qui devait nécessairement
être associé à une baisse, sans doute limitée, du
salaire.
Il a observé que le ministre de l'emploi et de la solidarité
avait été elliptique sur la question des salaires, en particulier
en matière de salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC),
alors que le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur
les 35 heures avait mis en évidence le rôle fondamental des
salaires dans les résultats en termes de créations d'emplois.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a considéré que la
démarche du Gouvernement était incertaine dans sa formulation, le
projet de loi adoptant une démarche normative à travers
l'abaissement de la durée légale du travail par l'article premier.
Il a rappelé que cette disposition entrerait en vigueur de
manière différée au 1
er
janvier 2000 ou au
1
er
janvier 2002 selon la taille des entreprises et
qu'entre-temps, les partenaires sociaux seraient " appelés à
négocier ", une aide publique les y incitant. Mais il a
observé que l'un des termes de la négociation, dans le cadre du
" donnant-donnant ", la réduction du temps de travail,
était fixé d'avance, ce qui mettait l'un des partenaires sociaux
en position de négocier " le dos au mur ".
Le rapporteur a observé que des points aussi essentiels que le
contingent autorisé des heures supplémentaires, le taux exact de
leur majoration, ou encore la nature même du SMIC et son évolution
ne seraient fixés que dans un second texte en 1999, de sorte que les
entreprises ne connaissaient pas la teneur exacte de la " menace
législative " qui pesait sur elles en l'absence de
négociations.
Enfin, le rapporteur a considéré que le projet de loi
était incertain quant à ses conséquences.
Il a remarqué que le coût pour les finances publiques était
encore indéterminé, que de sérieux problèmes se
posaient à propos du SMIC et qu'une menace pesait sur les contrats de
travail individuels en cas d'accord collectif prévoyant une baisse de
salaire.
Il a constaté que le projet de loi s'inscrivait dans la tradition de
l'économie administrée et des embauches de 1981 dans le secteur
public, même si l'habillage était, aujourd'hui, plus
sophistiqué.
Il a rappelé que la loi " relative au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes ", entrée en vigueur en
octobre 1997, allait conduire à l'intégration dans le secteur
public ou semi-public de 350.000 jeunes tandis que le projet de loi
" 35 heures ", présenté comme " une
opportunité pour les entreprises ", était
considéré par le Gouvernement comme nécessaire pour
imposer aux entreprises " des organisations plus
efficaces ", comme
si seuls le secteur public, le passage par le secteur public ou la contrainte
publique permettaient de faire les bons choix économiques.
Le rapporteur a ensuite souligné que si, selon les déclarations
du Gouvernement, la réduction du temps de travail ne constituait pas
" la solution unique, la solution miracle ", ce nouveau
mécanisme, complexe et assorti de contraintes, venait néanmoins
se surajouter à un dispositif d'aides à l'emploi
particulièrement touffu, dont l'efficacité était au total
médiocre, et dont le réexamen était reporté sine
die. Par ailleurs, il a remarqué que le dispositif était
accompagné de plusieurs dispositions défavorables aux heures
supplémentaires et au travail à temps partiel.
Le rapporteur a ensuite exposé sa propre démarche.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a estimé que le projet de loi se
présentait comme un plan pour l'emploi alors que la création
d'emplois durables ne pouvait relever que d'une politique économique
d'ensemble fondée sur un dispositif simple, stable et pérenne
d'allégement des prélèvements sociaux et fiscaux propre
à accroître le dynamisme des agents économiques et à
favoriser la création et le développement des petites et moyennes
entreprises, où se trouvaient les véritables gisements d'emplois.
Il a considéré que la réduction du temps de travail ne
devait pas être la voie obligatoire, mais a admis que " bien
menée, de manière décentralisée, par la
négociation ", la réduction du temps de travail pouvait sans
doute créer des emplois ou en préserver dans certaines
entreprises.
Le rapporteur a déclaré que des progrès en termes de
flexibilité devaient être associés à la
réduction du temps de travail dans une négociation libre, comme
le prévoyaient la loi quinquennale de 1993, les accords de 1995 entre
les partenaires sociaux et la loi " de Robien " de 1996.
Il s'est déclaré attaché à faire en sorte que le
projet de loi, tel qu'il se proposait de l'amender, ne compromette ni le
dialogue social, ni l'équilibre des comptes publics, ni l'emploi.
Il a ensuite présenté les cinq axes du dispositif d'amendements :
suppression de l'abaissement autoritaire de la durée légale du
travail ; maintien d'un dispositif d'incitation à la négociation
sur l'aménagement et la réduction du temps de travail sous la
forme d'un " reprofilage " de la loi " de
Robien " pour en
atténuer le coût sans en amoindrir l'efficacité ;
délai supplémentaire pour les petites entreprises et les
associations ; suppression des obstacles introduits par le projet de loi au
développement du temps partiel et au recours aux heures
supplémentaires ; compensation intégrale par l'Etat à la
sécurité sociale des exonérations, dans le cadre de la loi
de 1994.
Il a ainsi proposé de supprimer l'article premier qui prévoit
l'abaissement de la durée légale du travail à
35 heures au 1
er
janvier 2000 (entreprises de plus de
vingt salariés) ou 2002 (entreprises de moins de vingt salariés).
Il a annoncé une nouvelle rédaction de l'article 2 pour
appeler les partenaires sociaux à négocier les modalités
d'une organisation du temps de travail assorties d'une réduction de la
durée hebdomadaire du temps de travail calculée en moyenne
annuelle sur tout ou partie de l'année. Dans ce cadre, la
négociation deviendrait volontaire et porterait à la fois sur la
réduction du temps de travail et sur l'organisation du travail.
Les petites et moyennes entreprises (PME) et les associations
bénéficieraient d'un délai supplémentaire de deux
ans pour profiter de l'aide financière.
Le rapporteur a précisé que le dispositif d'incitation à
l'aménagement et à la réduction du temps de travail
proposé à l'article 3 s'inscrivait dans le cadre de la loi
quinquennale de 1993 modifiée par la loi " de Robien " et
qu'il se substituait au dispositif du projet de loi, particulièrement
complexe, qui comprenait une aide dégressive en fonction de la date de
conclusion des accords et le cumul d'une aide de base, elle-même
dégressive sur cinq ans, et de trois majorations, soit constantes sur
cinq ans, soit, pour l'une d'entre elles, dégressive sur trois ans.
Le rapporteur a indiqué que le " reprofilage " de la loi
" de Robien " proposé par la commission retenait le principe
d'une aide non pas forfaitaire mais proportionnelle aux salaires afin de ne pas
pénaliser l'emploi qualifié, et qu'il tenait compte des
principales propositions d'améliorations émises à
l'occasion des premiers bilans de la loi, notamment par la commission des
finances de l'Assemblée nationale en avril 1997.
Le rapporteur a déclaré que l'exonération serait
plafonnée dans la limite d'une fois et demie le plafond de la
sécurité sociale, lissée quant à ses taux pour
faciliter la sortie du dispositif, raccourcie à cinq ans au lieu de sept
dans le dispositif offensif, limitée dans le temps, les entreprises
pouvant signer un accord jusqu'au 1
er
janvier 2000
(1
er
janvier 2002 pour les entreprises de moins de cinquante
salariés), et rendue plus accessible quant aux conditions exigées
en matière d'embauche.
Le rapporteur a proposé, dans un article additionnel après
l'article 3, de réaffirmer le principe de la compensation
intégrale pour la sécurité sociale des exonérations
de charges sociales.
Il a suggéré de compléter l'article 4 bis
relatif à la définition de la durée du travail effectif,
en reprenant la totalité de la définition européenne.
Il a proposé, en outre, de supprimer un certain nombre de dispositions
normatives introduites dans un projet de loi qui se voulait
" d'orientation et d'incitation " : suppression de
l'article 5
(abaissement du seuil de déclenchement des repos compensateurs
lié aux heures supplémentaires), suppression à
l'article 6 des dispositions défavorables au temps partiel à
travers la modification de l'abattement incitatif, suppression de certaines
dispositions de l'article 7 qui revenaient sur les dispositions de la loi
quinquennale de 1993 favorable au temps partiel (heures complémentaires).
Enfin à l'article 10, il a proposé de limiter le rapport
demandé au Gouvernement au seul bilan du temps de travail effectif dans
la fonction publique et de ne pas entériner la
" perspective "
d'une réduction de la durée du travail à 35 heures.
Par ailleurs, le rapporteur a proposé d'adopter conformes les articles
4 ter, 7 bis et 8. Il a déclaré que
l'article 4 ter transcrivait des dispositions issues d'une directive
européenne, que l'article 7 bis était relatif à
l'information des représentants des salariés en matière
d'heures complémentaires et supplémentaires effectuées par
les salariés à temps partiel et que l'article 8
pérennisait une disposition de la loi quinquennale relative au maintien
à taux plein des cotisations vieillesse des salariés
passés à temps partiel.
M. Louis Souvet, rapporteur
, a considéré qu'ainsi
amendé, le texte du Gouvernement se présentait comme une
réforme de parcours de la loi " de Robien ", propre à
donner un nouvel élan à l'aménagement de la durée
du travail accompagné d'une réduction du temps de travail, au
développement de l'emploi et à la négociation collective,
ceci sans imposer des contraintes inutiles aux entreprises.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
, après avoir constaté la
sobriété, et la précision du rapport, a cependant
indiqué que le groupe socialiste, engagé dans une démarche
différente, ne le voterait pas. Elle s'est étonnée du
refus systématique de la majorité sénatoriale de
légiférer sur la réduction et l'aménagement du
temps de travail, d'autant que le texte faisait largement appel à la
négociation. Elle a également souligné que toutes les
réductions du temps de travail significatives trouvaient leur origine
dans une loi. Elle a aussi rappelé que, depuis quinze ans, la
négociation collective n'avait que très peu abordé ce
thème, ce qui justifiait l'intervention législative
destinée à fixer un cadre.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que
l'initiative de M. Pierre Mauroy en 1981 avait bloqué le processus
de réduction de la durée du travail. Il a souligné que le
projet de loi intervenait aujourd'hui dans une économie ouverte qui
s'apprêtait à adopter une monnaie commune, et que le rapporteur
proposait d'inciter à la négociation collective plutôt que
d'y contraindre les entreprises.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a reconnu s'être interrogée
sur l'opportunité de la loi, mais a admis sa nécessité en
comprenant que le patronat n'irait pas spontanément vers une
réduction du temps de travail.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que l'Union
professionnelle artisanale (UPA) et les professions agricoles s'étaient
montrées très ouvertes.
M. Serge Franchis
a constaté que les moyens financiers
consacrés cette année à la réduction du temps de
travail étaient modestes et ne répondaient pas au problème
du chômage. Il a souhaité savoir si une simulation des effets des
propositions du rapporteur était disponible.
M. André Jourdain
a rappelé le poids des salaires dans
certaines professions, notamment la lunetterie. Il a ajouté que le
Gouvernement en avait pris conscience mais qu'il avait retenu un dispositif si
complexe que les PME ne pourraient le mettre en oeuvre.
M. Guy Fischer
a indiqué que, pour la commission, une motion de
procédure aurait été concevable et il a regretté la
suppression de l'article premier qui vidait le texte de toute substance. Il a
indiqué que son groupe déposerait des amendements au projet de
loi, notamment sur les heures supplémentaires et sur les
modalités d'octroi des aides.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a rappelé à l'attention de
Mme Marie-Madeleine Dieulangard que la majorité sénatoriale
n'était pas opposée à légiférer sur le temps
de travail et que tous s'accordaient sur la volonté de trouver des
solutions au problème du chômage.
Il a rappelé que dans l'économie, il y avait ceux qui apportaient
leur travail et ceux qui avaient tout engagé pour concrétiser
leurs idées, ce qui expliquait que ces derniers ne puissent accepter de
voir leurs efforts mis à mal par une augmentation des coûts du
travail. Il a ajouté que les entreprises étaient toutefois
d'accord pour aménager le temps de travail.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que personne
ne considérait la réduction du temps de travail comme la solution
unique au problème du chômage, mais que celle-ci constituait l'une
des solutions avec l'abaissement des charges, la formation, la
flexibilité, etc. Il a contesté qu'une obligation d'abaisser la
durée légale du travail à 35 heures dans dix-huit mois
puisse être assimilable à une négociation.
Mme Joëlle Dusseau
a rappelé le coût prohibitif de la
loi " de Robien " et s'est étonnée de ce que la
commission se contente de baisser les aides parallèlement à une
baisse des exigences en termes de créations d'emplois. Elle a
considéré que l'appel à la négociation figurant
à l'article 2 ne pouvait être suffisant pour obtenir le
résultat escompté. Elle a regretté que la réduction
du temps de travail soit systématiquement liée à
l'annualisation, car certains secteurs n'étaient nullement demandeurs.
Enfin, elle a souhaité des précisions sur le
" reprofilage " de la loi " de Robien ".
M. Jean Chérioux
a remercié le rapporteur d'avoir bien
voulu prendre en considération le secteur associatif. Il a
dénoncé le double langage tenu par le Gouvernement qui impose les
35 heures tout en dissimulant cette obligation sous un dispositif qui se
révèle particulièrement complexe. Il a néanmoins
reconnu que le patronat ne se montrait pas toujours coopératif en
matière sociale.
M. Alain Gournac
a déclaré avoir mieux compris les
propositions du rapporteur que les explications du ministre la veille. Il a
particulièrement apprécié la suppression de la
réduction autoritaire du temps de travail, la décentralisation
des négociations et l'association de la réduction du temps de
travail à la flexibilité.
M. Claude Huriet
a constaté que le temps de travail n'avait pas
diminué spontanément au cours des dernières années
et s'est demandé si la baisse de la durée d'activité au
cours de la vie n'en était pas la cause.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a répondu à M. Serge Franchis
qu'il n'avait pu faire de simulation du dispositif proposé, mais qu'il
avait fondé ses propositions sur l'expérience de la loi " de
Robien ".
En réponse à Mme Joëlle Dusseau, il a rappelé que
l'article 2 du projet de loi renvoyait lui aussi à la négociation
et a donné des explications sur le mécanisme d'exonération
qu'il proposait. Il a enfin souligné que la rédaction de son
amendement laissait la porte ouverte à d'autres types de modulation que
l'annualisation.
En réponse à M. Claude Huriet, il a indiqué que les
Français étaient parmi ceux qui travaillent le moins au cours de
leur vie et que la durée de vie active avait diminué de plus de
trois ans entre 1981 et 1996.
M. André Jourdain
a précisé qu'aucun expert n'avait
pu lui dire comment cette situation évoluerait à l'avenir.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a rappelé que
l'article 39 de la loi quinquennale avait été voté
à l'initiative de la commission des affaires sociales, que l'accord du
31 octobre 1995 sur la réduction du temps de travail n'avait pas
donné de résultats tangibles et que la loi " de
Robien " avait sans doute octroyé des avantages trop importants.
Il a justifié la position du rapporteur par le fait qu'il était
illogique de remettre en cause totalement un dispositif qui donnait
satisfaction. Il a également évoqué la proposition
formulée par M. Michel Rocard et rappelé que le projet de loi se
voulait d'incitation et d'orientation, ce qui correspondait tout à fait
aux propositions du rapporteur, qui consistaient à inciter à la
négociation en proposant des avantages limités dans le temps. Le
dispositif étant moins coûteux que la loi " de Robien "
actuelle, les crédits inscrits au budget seraient suffisants.
Il a également précisé que le dispositif était
suffisamment souple pour permettre d'aller en deçà des
35 heures.
Il a justifié la position du rapporteur sur les autres articles du
projet de loi par le souci de ne pas casser la négociation en limitant
les possibilités de recourir au dispositif actuel.
Enfin, il a rappelé qu'un bilan serait dressé à la fin de
1999, qui permettrait de se déterminer sur la suite à donner
à cette incitation. En conclusion, il a rappelé que le dispositif
proposé était compatible avec des frontières ouvertes et
ne pénalisait pas les entreprises au moment où la crise asiatique
venait quelque peu freiner la croissance.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
Elle a adopté un amendement supprimant
l'article premier
réduisant à 35 heures la durée légale
hebdomadaire du travail effectif des salariés.
A l'article 2
(incitation des partenaires sociaux à
négocier la réduction du temps de travail avant la mise en oeuvre
de la nouvelle durée légale), elle a, par coordination avec la
suppression de l'article premier, adopté une nouvelle rédaction
pour inviter les partenaires sociaux à négocier des accords
d'aménagement - réduction du temps de travail. Cet article a
donné lieu à un large débat entre
MM. Jean-Pierre
Fourcade, président, Jean Chérioux, Jean Madelain,
Mme Joëlle Dusseau, M. Guy Fischer
et
Mme Dinah Derycke
sur l'opportunité d'inclure certains secteurs, et notamment le
secteur sanitaire et social, dans le dispositif.
Puis la commission, après intervention de
MM. Louis Souvet,
rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, président, Serge Franchis,
André Jourdain et Mme Dinah Derycke,
a adopté un
amendement réécrivant la totalité de
l'article 3
afin de réaménager la loi " de Robien " tout en
supprimant le dispositif incitatif proposé par le projet de loi.
La commission a ensuite adopté
un article additionnel après
l'article 3
pour rappeler le principe de la compensation des
exonérations de charges sociales, ainsi que
l'article 4
(organisation de la réduction du temps de travail sous forme de jours de
repos et utilisation du compte épargne-temps) sans modification.
Elle a ensuite adopté un amendement à
l'article 4 bis
(définition du temps de travail effectif) visant à mieux
transposer la directive européenne traitant de ce sujet. Cet article a
fait l'objet d'un débat entre
M. Louis Souvet, rapporteur, Mmes Dinah
Derycke et Joëlle Dusseau, et MM. André Jourdain et Jean-Pierre
Fourcade, président,
sur les incidences possibles de la modification
proposée.
Elle a adopté
l'article 4 ter
(repos compensateur) sans
modification.
Elle a adopté un amendement de suppression de
l'article 5
(seuil
de déclenchement du repos compensateur) afin de laisser aux partenaires
sociaux le soin de déterminer eux-mêmes les seuils d'application.
A l'article 6
(modification du régime de l'abattement des
cotisations sociales patronales applicables au travail à temps partiel),
elle a adopté un amendement supprimant plusieurs dispositions
jugées peu propices au développement de l'emploi. Elle a
procédé de même à
l'article 7
(limitation des
possibilités de recourir au temps partiel).
Elle a ensuite adopté sans modification les
articles 7 bis
(bilan
du travail à temps partiel dans l'entreprise) et
8
(maintien de
l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse en cas de passage à
temps partiel).
Elle a adopté, à
l'article 9
(bilan de la loi remis au
Parlement au plus tard le 30 septembre 1999), un amendement
réécrivant la totalité de l'article par coordination avec
les modifications précédentes.
Enfin, elle a adopté un amendement réécrivant
l'article
10
(rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du
temps de travail pour les agents de la fonction publique) afin de limiter le
dispositif au seul bilan sans envisager pour autant une transposition des
35 heures dans la fonction publique.
La commission a alors
approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
modifié
.
Mesdames, Messieurs,
La démarche dans laquelle s'est engagé le Gouvernement et dans
laquelle il engage, ce faisant, notre pays, est triplement incertaine : quant
à son inspiration, quant à sa formulation, quant à son
impact.
A l'évidence, l'inspiration du projet de loi est double. Il s'inscrit
d'abord dans la continuité historique de la loi de 1936 et des lois de
1981 et 1982.
De fait, le programme du parti socialiste lors des dernières
élections législatives comportait deux rubriques bien distinctes.
La première intitulée "
créer des
emplois
" était consacrée à l'objectif de
créer "
700.000 vrais emplois pour les jeunes
".
Force est de constater que seule la première moitié du programme,
la création de 350.000 emplois dans le secteur public, a
été engagée.
La seconde rubrique, "
réduire le temps de travail
",
était ainsi conçue : "
Aujourd'hui, la machine permet des
gains énormes de productivité dont l'Homme doit
bénéficier. Nous proposons de ramener progressivement la
durée légale du temps de travail de 39 heures à
35 heures sans diminution de salaire.
".
Mais parallèlement, la réduction du temps de travail est
également présentée comme une arme de lutte contre le
chômage ou du moins comme une "
piste à ne pas
négliger
" de création d'emplois.
Le risque de confusion est grand qu'entraîne l'alternance de deux
discours : celui, d'une part, des lendemains qui chantent, du
développement des loisirs sans diminution de salaire et, d'autre part,
celui de la lutte volontariste contre le chômage. Car les tenants de la
réduction du temps de travail conviennent eux-mêmes qu'elle ne
peut être créatrice d'emplois qu'au prix d'une compression des
rémunérations.
Risque de confusion et risque de désillusion également comme le
titrait excellemment le rapport de la commission d'enquête
sénatoriale sur les 35 heures
1(
*
)
.
En second lieu, la démarche du Gouvernement est incertaine dans sa
formulation. Le projet de loi, par son article premier, est un texte de loi
strictement normatif : il s'agit d'abaisser la durée légale du
travail.
Il est certes d'entrée en vigueur différé au
1
er
janvier 2000 ou au 1
er
janvier 2002 selon
la taille des entreprises. Car, entre-temps, les partenaires sociaux sont
"
appelés à négocier
" et incités
dans ce sens par une aide financière publique.
Toutefois, l'un des termes de la négociation, l'un des
éléments du " donnant-donnant " est ainsi fixé
d'avance : la réduction du temps de travail. D'ici à penser que
l'un des partenaires sociaux devra négocier " le dos au
mur ",
il n'y a qu'un pas que les entreprises ont unanimement franchi.
Davantage, le projet de loi, différé dans son entrée en
vigueur, est également incomplet dans son dispositif, sur des points
aussi essentiels que le contingent autorisé des heures
supplémentaires ou le taux exact de leur majoration ou encore la nature
même du SMIC et son évolution.
Certes, cela part d'un " bon sentiment " : une deuxième loi
intervenant fin 1999 est censée tirer les conséquences des
négociations auxquelles la première loi " appelle " les
partenaires sociaux.
Il reste que les entreprises, qui ont le sentiment d'avoir le " dos au
mur ", ignorent de surcroît la teneur exacte de la " menace
législative " qui pèse sur elles si elles s'abstiennent de
négocier. Nombreux sont les juristes qui considèrent d'ailleurs
que les entreprises ont intérêt à " attendre le second
texte de loi avant de bouger ", ceci en dépit du dispositif
financier incitatif.
Peut-on considérer dès lors qu'il s'agit d'une
"
réduction du temps de travail, bien menée, de
manière décentralisée, par la
négociation
", qui seule, selon le ministre de l'emploi et de
la solidarité, "
peut créer des emplois, beaucoup
d'emplois
" ?
2(
*
)
Enfin, précisément, le projet de loi est incertain quant à
ses conséquences.
Une récente circulaire de M. le Premier ministre
3(
*
)
est venue, fort à propos, pérenniser la
procédure de l'" étude d'impact " dont doivent
être assortis les projets de loi. Il y est écrit : "
Le
terme d'impact doit être entendu dans son sens le plus concret. L'objet
de l'étude d'impact est en effet d'évaluer a priori les effets
administratifs, juridiques, sociaux, économiques et budgétaires
des mesures envisagées et de s'assurer, de manière probante, que
la totalité de leurs conséquences a été
appréciée préalablement à la décision
publique
".
Force est de constater que l'étude d'impact qui accompagne le projet de
loi d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps
de travail ne satisfait qu'imparfaitement -c'est un euphémisme- les
termes de la circulaire de M. le Premier ministre.
Il est ainsi paradoxal que le Gouvernement s'abrite derrière les
" négociations ", se retranche derrière des expertises
plus ou moins extérieures à lui-même, pour ne s'engager
véritablement sur aucun chiffrage des créations d'emplois, ni
a fortiori
sur leur coût pour les finances publiques.
Face à cette démarche incertaine, quelle a été la
position de la commission des Affaires sociales ?
Elle a constaté, tout d'abord, que le projet de loi s'inscrivait en
réalité dans une tradition : celle de l'économie
administrée.
En 1981, la lutte contre le chômage passait par des embauches massives
dans la fonction publique et un vaste programme de nationalisations.
Près de vingt ans plus tard, des principes peu différents sont
mis en oeuvre avec un habillage, il est vrai, plus sophistiqué.
La loi " relative au développement d'activités pour l'emploi
des jeunes " entrée en vigueur en octobre 1997 conduira à
l'intégration dans le secteur public ou semi-public de
350.000 jeunes, représentant un coût budgétaire direct
pour l'Etat de plus de 32 milliards de francs par an " en
vitesse de
croisière " auxquels s'ajoutent les dépenses des autres
collectivités publiques.
Le projet de loi " 35 heures " est présenté comme
"
une opportunité pour les entreprises
". La
réduction du temps de travail ne sera "
fortement
créatrice d'emplois
" que "
bien conduite et
associée à de nouvelles organisations du travail dans
l'entreprise
"
4(
*
)
. Sont notamment
cités : des choix d'organisations plus variées et
diversifiées, des modulations d'horaires adaptées aux variations
de production, une meilleure utilisation des équipements, une
amélioration de la qualité du service... En résumé,
la contrainte des 35 heures est nécessaire pour imposer aux
entreprises "
des organisations plus efficaces
".
Seuls le secteur public, le passage par le secteur public ou la contrainte
publique permettent, en résumé, de faire les bons choix
économiques. Il convient dans ces conditions de se demander si la gauche
s'est véritablement réconciliée avec l'e²ntreprise.
La commission des Affaires sociales a ensuite observé que, selon les
déclarations du Gouvernement lui-même, la réduction du
temps de travail n'était pas "
la solution unique, la solution
miracle
"
5(
*
)
. De fait, un nouveau
mécanisme complexe et assorti de contraintes vient se surajouter
à un dispositif d'aides à l'emploi particulièrement
touffu, dont l'efficacité est au total médiocre, la mise en place
et le redéploiement étant reportés
sine die
.
Votre commission a estimé que le cadre du présent projet de
loi ne donnait pas matière à un plan " alternatif "
pour l'emploi
. La création d'emplois durables relève, en
effet, d'une politique économique d'ensemble fondée sur un
dispositif simple, stable et pérenne d'allégement des
prélèvements sociaux et fiscaux propre à accroître
le dynamisme des agents économiques et à favoriser la
création et le développement des petites et moyennes entreprises
où se trouvent les véritables gisements d'emplois.
" Ni solution unique, ni solution miracle ", à tout le
moins faut-il que la réduction du temps de travail ne soit pas la
solution obligatoire.
"
Bien menée, de manière décentralisée, par
la négociation ", la réduction du temps du travail peut sans
doute créer des emplois ou en préserver dans certaines
entreprises, en fonction du contexte qui est propre à chacune
,
contexte économique, contexte social, contexte psychologique
également, c'est-à-dire volonté commune.
Associée à la flexibilité indispensable à la
compétitivité de l'entreprise, la réduction du temps de
travail doit donc se négocier librement. Telle était la
philosophie de la loi quinquennale de 1993, des accords de 1995 entre les
partenaires sociaux ou enfin de la loi " de Robien " de
1996.
Aussi, votre commission s'est-elle attachée à faire en sorte que
le présent projet de loi, tel qu'elle propose de l'amender, ne
compromette ni le dialogue social, ni l'équilibre des comptes publics,
ni... l'emploi.
Dans cet esprit, elle a adopté un dispositif complet d'amendements qui
" reprofile " la loi de Robien sans hésiter parfois à
conserver certaines dispositions du texte du Gouvernement.
I. LE PASSAGE AUTORITAIRE AUX 35 HEURES, SANS CONCERTATION, PLONGE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE AU COEUR D'UNE EXPÉRIMENTATION HASARDEUSE
A. LE PROJET DE LOI TRADUIT UNE VOLONTÉ POLITIQUE QUI ENTEND S'IMPOSER AUX RÉALITÉS SOCIALES ET ÉCONOMIQUES
L'essentiel du débat autour du projet de loi présenté par le Gouvernement tourne autour de l'abaissement de la durée légale du temps de travail. Le dispositif incitatif et l'appel à la négociation s'inscrivent en effet dans le droit fil des expériences menées depuis 1993 et même si l'efficacité de ces mécanismes est contesté, leur existence n'a pas donné lieu à un débat conflictuel, notamment du fait de l'absence de contrainte sur la durée légale du travail.
1. Un projet directement issu du programme du parti socialiste pour les élections législatives
Le projet de réduire la durée légale du
travail à 35 heures constituait l'un des objectifs du programme de la
gauche en 1981, mais compte tenu du contexte économique, ses promoteurs
n'ont pas jugé opportun de poursuivre l'expérimentation de
dispositions qui étaient déjà très
controversées.
Seize ans plus tard, l'idée qu'une réduction massive et brutale
de la durée du travail pouvait créer des emplois est
réapparue dans le programme de la gauche pour les élections
législatives de juin 1997.
Le premier paragraphe du programme du parti socialiste
6(
*
)
intitulé "
Créer des
emplois
" repose sur la proposition suivante : "
en
simplifiant drastiquement (les aides à l'emploi), sans augmenter les
dépenses publiques, notre objectif est de créer
700.000 vrais emplois pour les jeunes, pour moitié dans le secteur
public, pour moitié dans le secteur privé
".
La réduction du temps de travail est l'objet du deuxième
paragraphe : "
aujourd'hui, la machine permet des gains énormes
de productivité, dont l'Homme doit bénéficier. Nous
proposons de ramener progressivement la durée légale du temps de
travail de 39 heures à 35 heures, sans diminution de salaire.
Cela se fera par la négociation entre partenaires sociaux, l'Etat ayant
pour rôle de donner le cap et de fixer le calendrier. Une loi-cadre, qui
aura également pour objet de lutter contre les horaires abusifs et les
heures supplémentaires, donnera l'impulsion à ce mouvement
historique
. "
Le thème de la réduction du temps de travail privilégiant
l'emploi apparaît dans le discours de politique générale du
Premier ministre, le 19 juin 1997. On observe que l'objectif
recherché est toujours la réduction du temps de travail sans
perte de salaire, ce qui semble pour le moins contradictoire avec la
volonté affichée de privilégier l'emploi.
Ces rappels amènent au moins deux observations :
- la mesure phare du programme socialiste pour lutter contre le
chômage devait être les 700.000 emplois pour les jeunes. La
loi du 16 octobre 1997 a posé les bases d'un dispositif
coûteux d'emplois publics subventionnés qui devrait permettre
d'ôter 350.000 jeunes des statistiques du chômage. On doit
cependant constater qu'aucune disposition n'a pour l'instant été
adoptée tendant à favoriser le développement de
350.000 emplois pour les jeunes dans le secteur privé. Par
ailleurs, aucune mise à plat des aides à l'emploi n'a
été entreprise, contrairement à ce qui avait
été annoncé ;
- le projet de réduction du temps de travail ne constituait pas
véritablement un instrument de lutte contre le chômage mais bien
plutôt une mesure tendant à améliorer la situation des
salariés à travers une amélioration des conditions de
travail. Ce " progrès social " était
délibérément inscrit dans la continuité de la loi
de 1936 et des lois de 1981 et 1982, sans considération des implications
micro-économiques d'une telle décision au niveau de l'entreprise.
En effet, les 35 heures payées 39 heures s'inscrivent dans une
logique d'alourdissement du coût du travail et donc de
détérioration de la rentabilité des entreprises qui ne
peut être que défavorable à l'emploi.
Lorsque l'on considère l'inspiration idéologique de ce projet de
loi, les caractéristiques du dispositif emploi-jeunes, la hausse de
l'impôt sur les sociétés, les freins aux privatisations...,
on en vient même à douter que la gauche se soit
véritablement réconciliée avec le monde de l'entreprise.
La réduction du temps de travail avec une compensation salariale
intégrale s'inscrit ainsi dans la perspective d'une relance de
l'économie par les salaires qu'avait déjà initiée
l'augmentation de 4 % du SMIC en juillet 1997. De telles mesures de
relance peuvent quelquefois être justifiées, mais probablement pas
aujourd'hui alors que la croissance repart et que la France est engagée
dans un processus de convergence réelle avec ses partenaires
européens dans la perspective de l'euro. Peut-on éliminer tout
risque d'inflation à la suite de ces décisions ? La
réponse ne peut qu'être prudente. Elle dépend
essentiellement de l'évolution à venir du SMIC et plus
généralement de l'impact de ce projet de loi sur les coûts
salariaux. En tout cas, une dégradation de notre
compétitivité ne peut-être exclue a priori.
Vers la fin du travail ?
Le programme économique du gouvernement de gauche a
été grandement influencé par les travaux d'un sociologue
américain, Jeremy Rifkin, auteur d'un ouvrage à succès sur
La Fin du travail
7(
*
)
. Dans la
préface de l'édition française, Michel Rocard souligne que
" l'affirmation centrale (du livre) est que le travail productif tel
que
nous le connaissons a vocation, pour l'essentiel, à disparaître
dans les temps qui viennent du fait des effets de l'évolution
technologique contemporaine sur l'emploi ". L'avenir devrait être
consacré à " une extension massive des activités non
marchandes autour d'un tiers secteur, du bénévolat, des
activités solidaires " qui a déjà largement
inspiré le plan emplois-jeunes de Mme Martine Aubry.
La réduction du temps de travail est considérée par Jeremy
Rifkin comme le remède à " la fin du travail ", mais
elle n'est à l'évidence qu'une étape avant
" l'ère post-marchande florissante " qui devrait
succéder au règne du marché.
Au-delà de l'analyse historique et sociologique, par ailleurs
contestable, cette doctrine frappe par la faiblesse de ses sous-bassements
économiques et par un fort contenu idéologique qui se revendique
ouvertement de la théorie économique marxiste. On peut rappeler
que ces thèses n'ont eu aucune répercussion significative sur le
débat politique américain, à la différence de la
France où elles s'inscrivent à l'arrière-plan des
décisions économiques prises depuis juin 1997.
2. Le Gouvernement en se substituant aux partenaires sociaux risque de provoquer un recul du dialogue social préjudiciable à l'emploi
Les partenaires sociaux ont signé le 31 octobre
1995 deux accords nationaux interprofessionnels sur l'emploi et sur la
politique contractuelle. Ces accords esquissaient le cadre de
négociations décentralisées fondées sur le principe
du donnant-donnant. L'annualisation est considérée dans ces
accords comme une forme d'organisation susceptible d'améliorer
l'efficacité économique et de développer l'emploi.
L'accord sur l'organisation du temps de travail insiste sur l'équilibre
à trouver pour que la réorganisation bénéficie
également aux salariés : "
dans la mesure où ces
formules génèrent des contraintes supplémentaires pour les
salariés concernés tenant aux changements fréquents de
leurs horaires de travail, elles doivent s'accompagner, au profit de ces
salariés, de contreparties appropriées à ces
contraintes
. ".
L'accord estime que "
l'organisation du temps de travail sur
l'année, dans les conditions de l'article L. 212-2-1 du code du
travail, accompagnée d'une réduction de la durée du
travail des salariés concernés apparaît adaptée pour
améliorer la performance économique des entreprises et la
situation de l'emploi
. ". Il insiste par ailleurs sur la
nécessité d'encourager et de développer cette
réorganisation du travail par le développement de la
négociation collective.
On peut considérer que la " loi de Robien " s'inscrivait
dans
le prolongement de cet accord puisqu'elle fournissait une incitation
financière à la négociation volontaire et
décentralisée.
L'accord relatif à la politique contractuelle récusait
l'intervention autoritaire du législateur pour imposer une
réduction de la durée du travail. Il revendiquait "
la
volonté des parties signataires de renforcer le dialogue social et la
pratique contractuelle et de se réapproprier la conduite de la politique
sociale en faisant prévaloir la négociation collective sur le
recours au législateur
. ".
Les accords du 31 octobre 1995 avaient initié une dynamique lente,
de longue haleine, visant à ce que les partenaires sociaux se
réapproprient le champ du social. Cette dynamique était
envisagée comme la condition d'un renforcement des corps
intermédiaires, le meilleur moyen de renforcer l'attractivité et
la représentativité des organisations syndicales. Votre
commission des Affaires sociales a toujours soutenu cette démarche libre
des partenaires sociaux sans exclure a priori un dispositif d'aide publique
incitative.
La décision du Gouvernement s'inscrit dans une logique radicalement
différente : l'Etat donne le ton, le départ tel un chef
d'orchestre et les partenaires sociaux doivent suivre. Il semblerait qu'une
nouvelle fois les différents acteurs ne jouent pas la même
musique, ce qui donne lieu à un certaine cacophonie. Les syndicats sont
prudents ou sceptiques sur la démarche, inquiets quant aux
conséquences imprévisibles qu'elle pourrait avoir sur le SMIC,
l'emploi, les délocalisations. Le patronat est vigoureusement
opposé au texte. De nombreuses conventions collectives ont d'ores et
déjà été dénoncées dans la
perspective d'une révision des avantages accordés aux
salariés pour faire face au choc salarial imposé par les
35 heures payées 39 pour les plus bas salaires. Il semble surtout
qu'une occasion historique ait été gâchée de laisser
se développer le dialogue social en dehors de la puissance
tutélaire étatique.
L'Etat considère que la durée du temps de travail n'a pas
significativement évolué depuis 1982 et qu'il lui reviendrait de
" relancer le mouvement ". C'est oublier un peu vite que
l'ordonnance
autoritaire de 1982 est largement responsable du blocage des
négociations sur le temps de travail. Le risque est grand que
l'expérience se renouvelle. Que reste-t-il à négocier une
fois l'oukase publié de l'abaissement de la durée de la
durée légale du travail ?
B. UN PROJET IMPOSÉ AUX ACTEURS ÉCONOMIQUES SANS VÉRITABLE CONCERTATION
1. Le bilan économique et social préparatoire à la conférence nationale était univoque, peu susceptible d'ouvrir un débat sur les causes du chômage et les moyens d'y remédier
Dans le cadre de la préparation de la Conférence
nationale tripartite du 10 octobre 1997 sur l'emploi, les salaires et le temps
de travail, les partenaires sociaux se sont vu remettre les
éléments d'un bilan économique et social de la France
réalisé par des organismes gouvernementaux : l'INSEE, la
Direction de la prévision et la DARES. Cette étude qui devait
servir de "
base commune et crédible d'informations
"
recèle une foule d'informations précieuses mais force est de
constater qu'elles n'ont pas préparé un débat mais
plutôt l'annonce d'une décision tellement elles tendaient toutes
à plaider pour la relance de la réduction du temps de travail
sous l'impulsion du Gouvernement.
Plus précisément, on peut regretter qu'il n'ait pas
été demandé à ces organismes d'établir un
diagnostic précis des causes du chômage et d'établir les
différents scénarios envisageables pour y remédier
. De
ce fait, on peut s'interroger sur l'utilité d'un tel document qui
semblait plus destiné à annoncer la décision qu'à
la préparer.
On remarque par exemple que très peu d'attention a été
consacrée à l'analyse des causes du chômage, le document se
contentant de rappeler la continuelle progression du phénomène.
Il peut paraître curieux que la conférence se soit donner pour
mission d'apporter des solutions à un problème -le chômage-
sans avoir au préalable étudier convenablement ses origines.
Le second reproche porte sur le caractère hexagonal de l'exercice. Le
diagnostic réussit la performance d'ignorer l'expérience de nos
partenaires alors que c'est précisément leur réussite qui
met en évidence nos insuffisances. On retiendra toutefois que
l'état des lieux observe que "
avec un taux de chômage de
12,5 %, la situation de la France, comparée à celle des
autres pays, s'est fortement détériorée depuis quelques
années. En mai 1997, l'écart avec la moyenne des pays
industrialisés atteignait le record absolu de 5,2 points (taux de
chômage de 7,3 % en moyenne dans l'OCDE), contre à peine plus
de deux points à la fin des années 80. Au sein de l'Union
européenne, le taux de chômage français arrive au
troisième rang (après l'Espagne et la Finlande), et
l'écart à la moyenne de l'Union européenne approche deux
points ".
Taux de chômage selon la catégorie socioprofessionnelle (en %)
|
Cadres |
Professions intermédiaires |
Employés |
Ouvriers |
Ensemble |
1970 |
0,8 |
0,8 |
1,6 |
1,9 |
1,6 |
1990 |
2,6 |
4,1 |
11,9 |
12,2 |
9,3 |
1997 |
5,1 |
7,0 |
14,4 |
15,8 |
12,4 |
Source : INSEE, Enquêtes Emploi
Le document rappelle que depuis 1990, le taux de croissance français est
très inférieur à celui de nos partenaires
européens. Attribuant essentiellement ce déficit de croissance
à un défaut de la demande, ces études minorent ainsi
l'aspect structurel de la langueur française et ses conséquences
sur la demande globale à travers l'augmentation de l'épargne de
précaution par exemple. Considérer que les structures du
marché du travail français sont secondaires par rapport aux
débouchés des entreprises dans l'explication du niveau
élevé du taux de chômage français est douteux et
préoccupant eu égard à la validité des politiques
qui pourraient être mises en oeuvre à partir d'un tel constat.
Ceci est d'autant plus inquiétant que l'état des lieux
précise que le "
mode de formation spontané des salaires
semble constituer une faiblesse structurelle de l'économie
française.
".
L'état des lieux insiste sur
l'augmentation de la richesse en emplois
de la croissance française depuis cinq ans
. Il considère que
ces créations d'emplois sont essentiellement imputables au
développement accéléré du travail à temps
partiel. Le dossier distribué insiste également sur
l'évolution de la norme d'emploi, il fait observer que "
la
norme de l'emploi salarié à temps plein et à durée
indéterminée a perdu du terrain, avec le développement du
travail à temps partiel et des emplois temporaires (contrats à
durée déterminée et intérim)
". On peut
lire que "
les emplois temporaires sont aujourd'hui couramment
utilisés par les entreprises pour ajuster leur volume d'emploi aux
variations de l'activité
" et que "
en 1994, environ
¾ des embauches réalisées par les établissements de
plus de 50 salariés se sont faites sur des contrats courts, ces contrats
à durée déterminée pouvant, dans certains cas, se
transformer en contrats à durée indéterminée
après une période d'évaluation des nouveaux
embauchés
".
On peut s'étonner dans ces conditions
que le projet de loi prévoie nombre de contraintes
supplémentaires au développement du travail à temps
partiel. Ne risque-t-il pas de limiter la richesse en emplois de la croissance
en agissant ainsi ?
Considérant la durée du temps de travail, l'état des lieux
estime que la baisse de la durée annuelle des salariés à
temps plein, qui était soutenu depuis 1965, s'est interrompue en France
après 1982, les horaires hebdomadaires se concentrant autour de la
nouvelle norme légale de 39 heures.
Par ailleurs, l'état des lieux rappelle que "
l'uniformisation
apparente de la durée offerte cache une réalité en voie de
diversification. A partir de l'ordonnance de janvier 1982, différents
modes d'aménagement du temps de travail ont pu être
négociés dans les branches et les entreprises, en particulier la
modulation, mais aussi le cycle qui ont pour effet de ne plus se limiter au
cadre temporel de la semaine pour appréhender la durée collective
du travail. La modification du système de décompte des heures
supplémentaires et la possibilité de substituer un repos
compensateur de remplacement à leur majoration remet également en
cause un référentiel hebdomadaire unique. Enfin, la limitation
à 35 heures hebdomadaires du travail posté en continu et la mise
en place d'équipes de suppléance de fin de semaine ont
contribué à la diversification des horaires collectifs
".
Dans ces conditions, on peut s'étonner que le Gouvernement cherche
à restaurer la notion de durée légale au coeur des
préoccupations des entreprises.
Cette notion, héritée
de 1936, était certes adaptée aux grandes industries, mais elle
ne répond plus à aucune nécessité. La plupart de
nos partenaires européens se contentent d'ailleurs de définir des
maxima hebdomadaires renvoyant aux partenaires sociaux le soin de
définir les durées du travail.
Par ailleurs, l'état des lieux précise qu'"
à
cette diversification croissante des durées offertes, s'est
superposée la diversification croissante, voire l'éclatement des
durées individuelles, traduisant une large panoplie d'horaires,
résultant du recours à des modes d'organisation du temps de
travail de plus en plus complexes ". Il est à noter qu'en 1997,
" la durée de travail habituelle moyenne des salariés
était de 36 h 72 et de 39 h 76 pour les seuls
salariés à temps complet, le personnel d'encadrement ayant des
journées de travail plus longues que le personnel d'exécution. En
1995, les cadres travaillaient en moyenne 4 heures de plus par semaine que les
autres salariés à temps complet. "
.
Les fiches de diagnostic qui constituent l'état des lieux soulignent que
"
l'individualisation des horaires a accompagné
l'irrégularité de la journée de travail : ainsi, en 1997,
9 % des salariés déclarent ne pas avoir d'horaires
habituels. Les enquêtes sur les conditions de travail de 1978, 1984 et
1991 montrent que les horaires fixes sont en recul : ils concernaient 52 %
des salariés en 1991 contre 65 % en 1978. En 1991, 15 % des
salariés ne travaillent pas le même nombre de jours chaque semaine
contre 11 % en 1984. La semaine de travail flexible va souvent de pair
avec des horaires journaliers également flexibles. En même temps
que la durée hebdomadaire devient plus souple, elle se répartit
sur un plus grand nombre
de jours dans la semaine. Enfin, le travail du
samedi et du dimanche se développe ". Dans ces conditions, on peut
s'étonner que le Gouvernement cherche à imposer une durée
du travail uniforme puisque la diversification et l'individualisation sont
précisément les deux tendances à l'oeuvre depuis une
dizaine d'années.
Plus généralement, l'état des lieux ne posait pas de
choix, d'alternatives et les données qu'il recelait aurait plutôt
dû amener le Gouvernement à prendre une décision inverse
à celle annoncée.
2. Le débat était paradoxalement le grand absent de la conférence nationale du 10 octobre
L'état des lieux économique et social de la
France distribué aux partenaires sociaux n'était manifestement
pas susceptible d'ouvrir un grand débat national sur les causes du
chômage français. Il semble qu'il ait eu pour fonction de poser
sur le papier le diagnostic gouvernemental pour mieux préparer l'annonce
de ses décisions unilatérales.
Dans ces conditions, votre rapporteur en est venu à s'interroger sur
l'intérêt de la Conférence nationale du 10 octobre.
La
possibilité d'un véritable débat national sur les causes
du chômage ayant été largement amoindrie par l'absence
d'analyse contradictoire, la réunion des partenaires sociaux autour du
Gouvernement apparaissait finalement comme devant être essentiellement
une opération de communication, ayant pour vocation d'habiller une
décision politique unilatérale du sceau de la concertation
.
Les acteurs sociaux semblent avoir été ainsi mis en scène
par le Gouvernement. On en veut pour preuve les déclarations du Premier
ministre qui a pu déclarer paradoxalement dans son intervention
d'ouverture de la Conférence qu'une loi lancera le mouvement des 35
heures et que le Gouvernement avait toute confiance dans l'action des
partenaires sociaux. Cette dialectique curieuse qui associe constamment des
propositions contradictoires amoindrit considérablement la
crédibilité du discours gouvernemental
8(
*
)
.
Le résultat de cette stratégie ne s'est pas fait attendre
puisqu'au soir de la Conférence, le patronat a fait part de son
opposition résolue alors que plusieurs syndicats de salariés
dénonçaient mezza voce la méthode employée pour
atteindre un objectif qui par ailleurs les satisfaisait, mais qu'ils auraient
souhaité pouvoir conduire et initier eux-mêmes.
Si l'on examine le résultat de la Conférence nationale du 10
octobre 1997 -l'annonce d'un abaissement de la durée légale du
travail à 35 heures- à l'aune des accords interprofessionnels du
31 octobre 1995, on constate une rupture de l'équilibre entre les
partenaires : les employeurs n'ont plus grand chose à négocier.
Par ailleurs, l'Etat se substitue à nouveau à des partenaires
sociaux qu'il juge défaillants, ceci au nom d'une tradition historique
d'intervention dans le champ social.
Paradoxalement, la décision du Gouvernement se présente donc
comme une rupture (du dialogue social) dans la continuité (de
l'intervention de l'Etat).
II. UN PROJET DE LOI INQUIÉTANT POUR L'AVENIR DE L'EMPLOI QUI ROMPT AVEC LES EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES FONDÉES SUR LA NÉGOCIATION SANS CONTRAINTES
A. LE PROJET DE LOI TEL QU'IL RESSORT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POURRAIT CONSTITUER UN OBSTACLE AU DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI
1. Un dispositif fondé sur un mécanisme pervers et fragile
Les articles 1 et 3 constituent les deux bras de la
tenaille qui doit se refermer sur les entreprises pour les amener à
" créer des emplois
"
.
L'article premier
a pour objectif de dissuader les entrepreneurs d'avoir
recours au facteur travail au-delà de trente-cinq heures par semaine par
salarié ou, ce qui revient au même, il le met dans la position
d'avoir à choisir un des comportements suivants :
-
ne rien faire et supporter un surcoût
lié au
paiement d'une majoration pour les quatre heures qui sépareront la
nouvelle durée légale du travail de la durée actuelle. Ce
comportement pourrait réduire les profits ou mettre en faillite nombre
d'entreprises. En tout état de cause, une hausse des coûts
salariaux pèserait sur la compétitivité, sur les
investissements et à terme sur le développement de la firme.
-
réduire la durée du travail et embaucher
, ce qui
peut présenter un coût en terme de réorganisation de la
production mais également des gains de productivité liés
à une meilleure utilisation des facteurs de production ; c'est
l'objectif recherché par le gouvernement. Certaines entreprises peuvent
effectivement bénéficier d'une telle réorganisation mais
elles constituent une minorité.
-
substituer du capital au travail
, c'est-à-dire
réduire le temps de travail, voire le nombre de travailleurs, au
bénéfice d'investissements matériels (informatique,
machines...), cette solution est favorisée par le bas niveau actuel des
taux d'intérêt et les capacités d'autofinancement des
entreprises ; ceci pénaliserait l'emploi et augmenterait le
chômage. De grandes entreprises industrielles comme Renault ont
prévenu que le passage aux 35 heures renforcerait la tendance
à robotiser les chaînes de montage.
-
augmenter la productivité du travail
par une
réorganisation des tâches, une redéfinition des rythmes de
travail et une augmentation du rendement de chaque salarié ; la
productivité marginale du travail étant décroissante, une
durée du travail moindre augmente mécaniquement la
productivité moyenne. Dans ce cas, l'entreprise n'a pas besoin
d'embaucher puisqu'elle produit plus avec moins de salariés ; il se peut
que cette réorganisation se traduise par une intensification du travail.
-
délocaliser le site de production
vers un pays plus
favorable à l'esprit d'entreprise. De nombreuses entreprises
multinationales, y compris françaises, auraient déjà
gelé leurs investissements en France pour les redéployer dans
d'autres filiales. Ce comportement serait bien entendu préjudiciable
à l'emploi.
L'article premier
ne permet pas de déterminer lequel de ces
comportements prédominerait face à l'abaissement de la
durée légale du travail qui ne s'accompagnerait d'aucune
subvention. Un mélange de ces différents comportements est
probable dont l'impact final sur l'emploi risquerait d'être
négatif, ceci alors même que n'entre pas en compte à ce
stade la délicate question de la compensation salariale.
L'article 3
, qui prévoit un apport de fonds publics, a pour
objet d'influencer les décisions des entrepreneurs, l'entreprise qui
signerait un accord de réduction du temps de travail
bénéficierait d'un abaissement du coût du facteur travail
par rapport à celle qui ne le ferait pas. Plus
précisément, la subvention vise à ce que l'entrepreneur
privilégie une réaction particulière -des embauches- par
rapport à l'ensemble des solutions auxquelles il peut recourir (accepter
le surcoût, substituer des machines aux salariés, augmenter la
productivité du travail, délocaliser le site de production).
Les entreprises pourraient être séduites par ces incitations
financières dans la mesure où de toute façon elles peuvent
considérer qu'elles seront confrontées à terme à la
baisse de la durée légale.
Dans ces conditions, entrer dans le dispositif pourrait éventuellement
être considéré comme un moindre mal.
Ce dispositif est
donc éminemment pervers puisqu'il pourrait amener une entreprise
à adopter un comportement qu'elle réprouve pour parer à
une menace encore plus grande, entre deux mots il faut choisir le moindre.
Toutefois, ce dispositif est fragile
car il est fondé sur une
dynamique. Pour peu que les entreprises temporisent jusqu'au second texte,
l'application de l'abaissement de la durée légale deviendrait
probablement impossible ; les entreprises ne pourront en aucun cas passer
du jour au lendemain de 39 à 35 heures et le Gouvernement devrait,
selon toute vraisemblance, renoncer.
2. Des simulations économiques qui obscurcissent le débat
Plusieurs études économiques ont
été réalisées pour évaluer l'impact sur
l'emploi du dispositif de réduction du temps de travail tel qu'il est
envisagé par le Gouvernement.
La commission d'enquête
9(
*
)
sénatoriale sur les 35 heures a remarquablement mis en
évidence les limites de ces études du fait de la fragilité
de leurs hypothèses. Ces études, et notamment celles
réalisées par la Banque de France (selon des hypothèses
déterminées par le ministère de l'Emploi), par l'OFCE et
par la Direction de la prévision, s'inscrivent dans le cadre de
modèles keynésiens. Ceci signifie qu'elles considèrent
plus ou moins l'économie nationale comme une économie
fermée dans laquelle un secteur extérieur figé
réagit selon des élasticités historiques aux
évolutions des données fondamentales de l'économie
(croissance, inflation, taux de change, solde extérieur,
compétitivité...).
Ces modèles n'intègrent pas les effets de la concurrence
monétaire, fiscale et sociale qui s'est instaurée depuis 1990,
s'est accélérée en 1996-1997 et devrait devenir totale en
1999 avec l'instauration de la monnaie unique.
Dans ces conditions, les centaines de milliers d'emplois constituent des
virtualités auxquelles il serait hasardeux de se fier. Le risque n'est
pas nul d'ailleurs que dans le cadre d'une économie ouverte sur
l'international, les éventuelles créations d'emplois profitent
à nos voisins qui pourraient tirer profit d'une dégradation de la
compétitivité des entreprises françaises et d'une
augmentation de la consommation comme en 1981-1982.
Pour l'économiste Christian Saint-Etienne, dans ce contexte,
"
au total, on peut anticiper que les 35 heures vont
effectivement
créer en net environ 200.000 emplois. Mais rien ne permet d'exclure
que ce chiffre net serait la résultante de 300.000 emplois
créés à l'étranger et 100.000 détruits
en France !
".
10(
*
)
Les simulations économiques réalisées
à la demande du Gouvernement
sont-elles crédibles ?
Pour Jean-Paul Fitoussi, directeur de l'Observatoire
français des conjonctures économiques (OFCE), une projection
n'est pas une prédiction et encore moins une prévision, mais
seulement un exercice qui permet de réfléchir aux conditions du
présent.
Il considère comme incontestable le fait que les conclusions des
études menées sur la réduction du temps de travail peuvent
servir à manipuler l'opinion. Il précise qu'il se trouvera
toujours un parti ou un groupe de pression pour utiliser les conclusions des
travaux des chercheurs dans le sens qui lui est le plus favorable.
Evoquant des simulations réalisées sur un scénario noir
caractérisé par une forte dégradation du climat social,
des entreprises refusant toute réorganisation et des salariés
exigeant une compensation salariale intégrale, Jean-Paul Fitoussi a
précisé que le projet du Gouvernement pourrait se traduire par
une destruction nette de 100.000 emplois accompagnée d'une
dégradation des équilibres économiques (davantage
d'inflation, perte de près de quatre points de croissance, etc.). Il a
estimé également qu'entre le scénario rose et le
scénario noir, il existait toute la palette des scénarios gris.
Evoquant la projection tablant sur une création nette de
470.000 emplois, il a insisté sur la rigueur des conditions
à respecter pour arriver à ce résultat : nette
augmentation de la productivité, modération salariale, maintien
de la durée d'utilisation des équipements et
réorganisation des entreprises. Evaluant le résultat au regard
des efforts nécessaires, il a estimé que le résultat
était décevant puisqu'il ne représentait qu'une baisse
d'un peu plus d'un point du taux de chômage.
Le directeur de l'OFCE déclare être, quant à lui,
réservé sur le partage du travail comme solution au
problème de l'emploi, car elle lui semble être une solution de
résignation. Elle est fondée sur l'hypothèse que
l'économie ne peut plus atteindre le plein emploi. Il est convaincu
qu'"
une politique de croissance pourrait dans les conditions
présentes combattre beaucoup plus efficacement le chômage, et que
l'amélioration des niveaux de vie qui s'ensuivrait conduirait beaucoup
plus sûrement, mais cette fois spontanément, à la
réduction du temps de travail
. ".
Votre commission vous invite donc à considérer ces simulations
avec la plus grande prudence. Ceci d'autant plus que le détail des
études réalisées par la Direction de la prévision
ne lui ont pas été communiquées. Il aurait pourtant
été intéressant de connaître toutes les
hypothèses qui ont déterminé les résultats obtenus.
Quoi qu'il en soit et compte tenu du caractère proprement
expérimental de la décision qu'il a prise, on peut
s'étonner que le Gouvernement ait pu annoncer des centaines de milliers
de créations d'emplois sans prendre en compte l'immense déception
que pourraient engendrer des résultats beaucoup plus modestes.
B. LE PROJET DE LOI SE DISTINGUE NETTEMENT DES EXPÉRIENCES PRÉCÉDENTES, ET NOTAMMENT DE LA LOI " DE ROBIEN "
Si le dispositif incitatif du Gouvernement s'inspire de la logique de la loi " de Robien ", celui-ci ne comportait aucune disposition autoritaire comparable à l'article premier du présent projet de loi. Cet article change radicalement l'esprit dans lequel s'étaient développés avec des résultats prometteurs les dispositifs d'incitation à la réduction du temps de travail.
1. La loi de Robien était caractérisée par sa grande souplesse d'utilisation
a) La loi du 11 juin 1996 dite " loi de Robien "
La loi du 11 juin 1996 tendant à favoriser
l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du
temps de travail, plus couramment appelée " loi de Robien ",
du nom de son initiateur, a souhaité mettre à la disposition des
partenaires sociaux un instrument pour préserver ou accroître
l'emploi et pour parvenir à une organisation du travail à la fois
mieux adaptée aux attentes des salariés et plus productive.
Elle comprenait deux volets : l'un offensif destiné à
créer des emplois, l'autre défensif qui visait à
éviter des licenciements économiques.
Dans l'un et l'autre cas, pour une réduction collective de la
durée du travail d'au moins 10 %, un allégement de
cotisations sociales patronales de 40 % la première année et
de 30 % les six années suivantes était accordé
à l'entreprise. Si cette réduction de la durée du travail
atteignait ou dépassait 15 %, l'allégement de cotisations
sociales pouvait se monter à 50 % la première année
et à 40 % les six années suivantes.
Dans le volet offensif, l'allégement des charges sociales était
subordonné à un engagement de l'entreprise d'augmenter ses
effectifs de 10 % en cas de réduction de la durée du travail
de 10 % et de 15 % dans le cas d'une réduction
supérieure de la durée du travail de 15 %, le nouveau niveau
d'emploi devant être maintenu pendant au moins deux ans.
Dans le volet défensif, l'allégement découlait d'une
convention passée entre l'Etat et l'entreprise qui devait
préciser, outre la réduction de l'horaire collectif de travail,
le nombre de licenciements évités et le niveau d'emploi maintenu
pour une durée déterminée.
Les articles 39 et 39-1 de la loi n° 93-1313 du
20 décembre 1993 quinquennale
relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle
Art. 39
- I - Il est institué
une incitation à la réduction collective du temps de travail dont
bénéficient les entreprises ou établissements dans
lesquels, sous réserve des dispositions du II, un nouvel horaire
collectif ayant pour effet de réduire la durée initiale de
travail d'au moins 10 % est fixé soit par application d'une
convention ou d'un accord de branche étendu, soit par un accord
d'entreprise ou d'établissement, ayant pour objet un aménagement
du temps de travail.
II - Cette incitation prend la forme d'un allégement des
cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales,
des accidents du travail et des allocations familiales assises sur les gains et
rémunérations des salariés concernés par l'accord
ou la convention mentionné au I. Son montant est égal à
40 % des cotisations la première année et à 30 %
les années suivantes. L'employeur le déduit du montant total des
cotisations à sa charge dont il est redevable, pour la même
période, à l'organisme de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et d'allocations familiales. L'allégement
est plafonné à ce montant. L'allégement est accordé
pour une durée de sept ans par convention avec l'Etat lorsque la
réduction de l'horaire collectif s'accompagne d'embauches intervenant
dans un délai fixé par la convention sans pouvoir excéder
un an et correspondant au moins à 10 % de l'effectif moyen annuel
de l'entreprise ou de l'établissement concerné. Le montant de
l'allégement est porté à 50 % des cotisations la
première année et à 40 % les années suivantes
lorsque la réduction de l'horaire collectif prévue au I est de
15 % et qu'elle s'accompagne d'embauches correspondant au moins à
15 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de
l'établissement concerné. Pendant une durée de deux
années, le niveau de l'effectif de l'entreprise ou de
l'établissement doit rester au moins égal à celui atteint
à l'issue de la période d'embauche.
Le bénéfice de l'allégement prévu au présent
paragraphe ne peut être cumulé avec celui d'une autre
exonération totale ou partielle de cotisations patronales, à
l'exception des exonérations prévues par les articles
L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale
et par l'article 7 de la présente loi, de l'abattement prévu
par les deux premiers alinéas de l'article L. 322-12 du code du
travail et de la réduction de cotisations prévue par l'article
L. 241-13 du code de la sécurité sociale et par
l'article 99 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier.
III - Un décret détermine les conditions d'application
des paragraphes I et II, notamment les modalités de contrôle du
nombre d'emplois créés, ainsi que les conditions dans lesquelles
les dispositions desdits paragraphes sont rendues applicables aux unités
de travail dont l'horaire collectif est réduit dans le cadre d'une
convention ou d'un accord conclu en application de l'article L. 212-2-1 du
code du travail.
Art. 39-1
. - Il est institué une incitation à la
réduction collective du temps de travail dont peuvent
bénéficier les entreprises ou établissements dans lesquels
est conclu un accord destiné à éviter les licenciements
prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement
pour motif économique par une réduction de l'horaire collectif.
" Cette incitation, qui prend la forme d'un allégement des
cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales,
des accidents du travail et des allocations familiales assises sur les gains et
rémunérations des salariés concernés par l'accord
mentionné ci-dessus, peut être attribuée par convention
avec l'Etat lorsque la réduction de l'horaire collectif de travail est
au moins égale à 10 % de l'horaire collectif
antérieur. Le montant de l'allégement est égal à
40 % des cotisations la première année et à 30 %
les années suivantes. Il est porté à 50 % la
première année et à 40 % les années suivantes
lorsque la réduction de l'horaire de travail est au moins égale
à 15 % de l'horaire collectif antérieur. Le montant total
des allégements est déduit du montant total des cotisations
à la charge de l'employeur versées pour la même
période par l'entreprise ou l'établissement au titre des
assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales :
il est plafonné à ce montant.
" L'accord d'entreprise ou d'établissement fixant le nouvel horaire
collectif détermine notamment le nombre des licenciements
évités, la durée pendant laquelle l'employeur s'engage
à maintenir les emplois des salariés compris dans le champ de
l'accord, les conditions dans lesquelles les pertes de
rémunération induites par la réduction du temps de travail
peuvent faire l'objet d'une compensation salariale.
" Le bénéfice de l'allégement prévu par le
présent article ne peut être cumulé avec celui d'une autre
exonération totale ou partielle de cotisations patronales, à
l'exception des exonérations prévues par les articles
L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale
et par l'article 7 de la présente loi et de la réduction de
cotisations prévue par l'article L. 241-13 du code de la
sécurité sociale et par l'article 99 de la loi
n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier.
" Un décret détermine les conditions d'application du
présent article, notamment la durée de l'allégement. "
Le texte complet de la loi de Robien est présenté dans un
encadré page 168 (Examen des articles - Art. 3 - paragraphe VII).
Après dix-huit mois d'existence, plusieurs enquêtes ont mis en
avant les mérites de cette loi et notamment sa grande souplesse
d'utilisation qui permet à des entreprises se situant dans des logiques
très différentes de se l'approprier.
Une première évaluation de la loi de Robien
réalisée à la demande de la commission des Finances de
l'Assemblée nationale
11(
*
)
a pu estimer
qu'"
il était rare que des dispositifs d'aide à l'emploi
rencontrent un accueil aussi favorable d'entreprises qui vont de la très
petite entreprise à de grands groupes, et de l'industrie
manufacturière à des sociétés de services
très pointues
", les dispositions de la loi pouvant par
ailleurs concerner aussi bien les personnels " productifs "
que les
administratifs, les ouvriers, que les cadres.
Ce rapport constatait que la mise en place d'accords de Robien avait
généralement favorisé le dialogue social au sein de
l'entreprise et que beaucoup d'entre elles semblaient les avoir utilisés
pour réorganiser les modes de production. Il observait, en particulier,
que dans les utilisations offensives de la loi, les embauches avaient permis de
reconfigurer l'emploi et les compétences de l'entreprise, en
rajeunissant, en enrichissant de compétences nouvelles ou en diminuant
le poids relatif des " administratifs " par rapport aux
" productifs ".
b) La loi de Robien affiche un bilan prometteur qui met en valeur le caractère volontaire du dispositif
Un bilan statistique
12(
*
)
des
accords collectifs signés en application de la loi de Robien a
été dressé dernièrement par la Direction de
l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du
ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Ce bilan a
estimé le nombre de conventions signées à
1.442 fin
novembre 1997, dont 412 défensives et 1.030 offensives
. Ces
conventions prévoyaient une réduction de la durée du
travail pour
154.473 salariés
.
Un millier de ces conventions ont pu faire l'objet d'une étude
détaillée. Parmi ces dernières,
les deux tiers,
désignées comme " offensives ", sont signées
dans le cadre du développement de l'emploi et prévoient donc des
créations d'emplois proportionnelles à la baisse effective du
temps de travail. Un tiers sont " défensives " et visent
à réduire la durée du travail pour préserver des
emplois menacés par une procédure de licenciements
économiques.
Plus de la moitié des conventions sont signées dans des
unités (entreprises, établissements, voire groupes d'entreprises)
de moins de 50 salariés
. Mais cette proportion varie beaucoup
selon le secteur d'activité. Elle atteint les trois quarts dans les
services, tandis qu'à l'inverse, dans l'industrie, près de sept
conventions sur dix concernent des unités de plus de
50 salariés, et près de trois sur dix des unités de
200 salariés et plus.
La moitié des conventions sont conclues dans des unités du
tertiaire, pour l'essentiel dans les services aux entreprises et le commerce.
Un peu moins (43 %) dans l'industrie, principalement dans les secteurs des
biens intermédiaires ou de consommation.
Par rapport à leur poids dans l'ensemble de l'économie, les
entreprises industrielles sont au total sensiblement
sur-représentées parmi les signataires, celles du tertiaire
étant plutôt sous-représentées, à l'exception
des activités financières ou de services aux entreprises.
Conventions offensives et défensives se distinguent nettement
.
Les premières sont en majorité signées dans les services
(61 %) par des unités de taille assez réduite (66 %
d'entre elles réunissent moins de 50 salariés). Elles
représentent dans ce secteur plus de cinq conventions sur six. Les
conventions défensives sont au contraire souvent signées par de
plus grandes unités (31 % ont au moins 200 salariés)
appartenant à l'industrie (63 % des cas).
45 % des salariés concernés sont des ouvriers, 19 % des
employés, 22 % des techniciens et agents de maîtrise et
14 % des cadres.
Sur les 1.030 conventions étudiées, 37 % retiennent
pour unique modalité la réduction de la durée hebdomadaire
du travail, 22% la seule annualisation du temps de travail telle qu'elle est
prévue par le législateur
13(
*
)
.
Dans 14 % des cas, réductions hebdomadaire et annuelle coexistent
au sein de la même unité signataire, mais le recours exclusif
à la modulation annuelle des horaires est plus fréquent dans le
volet défensif (27 % des cas contre 19 %). En outre, 27 %
des conventions prévoient des jours de congés additionnels, ce
qui constitue également une forme indirecte d'annualisation.
Les modalités de réduction de la durée
du travail
à travers l'application de la loi de Robien
(en % de conventions)
Réduction |
Ensemble des conventions |
Volet offensif |
Volet défensif |
Hebdomadaire seule |
37,3 |
39,5 |
32,6 |
Annuelle seule |
21,6 |
18,8 |
27,4 |
Annuelle et hebdomadaire |
9,0 |
9,0 |
9,1 |
Congés seuls |
7,5 |
7,5 |
7,3 |
Annuelle et congés |
7,5 |
6,6 |
9,5 |
Hebdomadaire et congés |
6,6 |
7,7 |
4,3 |
Annuelle, hebdo. et congés |
5,1 |
6,7 |
1,8 |
Autres modalité |
5,4 |
4,2 |
8,0 |
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
(Source : MES-DARES)
Plus des trois quarts des unités signataires, regroupant 87 %
des salariés concernés, déclarent changer l'organisation
du travail en même temps qu'elles réduisent le temps de travail.
Présente dans 55 % de conventions, la mise en place des dispositifs
permettant de moduler le temps de travail en fonction des fluctuations de
l'activité est le mode de réorganisation de loin
privilégié.
Réorganisation du travail et réduction du temps de travail
(en % de conventions)
Réduction |
Ensemble des conventions |
Volet offensif |
Volet défensif |
Pas de réorganisation du travail |
23,1 |
25,1 |
18,9 |
Réorganisation du travail |
76,9 |
74,9 |
81,1 |
- dont dispositifs permettant de moduler l'activité selon les fluctuations |
|
|
|
- dont augmentation de l'amplitude d'ouverture |
17,8 |
20,8 |
11,3 |
- dont augment. de la durée d'utilisation des équipements |
15,6 |
17,4 |
11,9 |
- dont autres modalités de réorganisation du travail |
15,8 |
16,7 |
14,0 |
- dont modalité non renseignée |
0,2 |
0,3 |
0,0 |
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
NB : Plusieurs modes de réorganisation du travail
peuvent être mis en place simultanément, ce qui explique que le
total des différentes modalités soit supérieur aux
conventions déclarant une réorganisation.
(Source : MES-DARES)
La semaine de 35 heures est la cible la plus courante ; elle correspond
à une diminution de 4 heures pour une durée initiale de
39 heures, soit presque exactement de 10 %.
Sur le plan des rémunérations, 58 % des conventions
dépouillées contenaient l'engagement de maintenir
intégralement les salaires dans l'immédiat. 30 % de ces
conventions prévoyaient une compensation seulement partielle tandis que
5 % ne proposaient aucune compensation. 40 % des salariés
sont, par contre, concernés par un gel des salaires pour compenser
l'augmentation du salaire horaire.
Par ailleurs, dans les unités qui ont signé une convention
offensive, le taux de création d'emplois prévu est en moyenne de
11 %. L'enquête estime également, en faisant part des
précautions d'usage, que dans le cas des conventions défensives,
les licenciements évités représentaient 11,6 % des
emplois dont la durée du travail est réduite, et 44 % des
sureffectifs déclarés par les entreprises.
Il semble donc que la " loi de Robien " ait ouvert de
véritables perspectives pour le développement des
négociations sur l'aménagement et la réduction du temps de
travail dans le prolongement des accords du 31 octobre 1995
. Nul doute
que le caractère volontaire de ce dispositif et l'équilibre des
accords signés entre employeurs et salariés aient
été pour beaucoup dans cette réussite. On peut
s'étonner dans ces conditions que le Gouvernement n'ait pas choisi de
prolonger l'expérience initiée par la loi " de Robien "
à travers son " reprofilage ". Il aurait semblé plus
logique de corriger un dispositif qui a montré ses mérites pour
augmenter son efficacité et en réduire son coût, il semble
incompréhensible que l'on puisse plonger l'ensemble de l'économie
au coeur d'une expérimentation hasardeuse.
2. Le Gouvernement a choisi de privilégier un dispositif autoritaire de réduction du temps de travail à la démarche volontaire inspirée par la loi de Robien
a) La loi " de Robien " aurait pu être " reprofilée "
La " loi de Robien " a permis
d'enclencher les
négociations sur l'aménagement du temps de travail dans les
entreprises dans le prolongement de l'accord national interprofessionnel du
31 octobre 1995.
L'analyse de son premier bilan ne plaide pas pour son abrogation, elle ne
plaide pas non plus pour son remplacement par un dispositif autoritaire
d'abaissement de la durée légale du travail accompagné
d'un dispositif financier incitatif
.
L'étude
14(
*
)
commandée par la
commission des Finances de l'Assemblée nationale au printemps dernier
avait conclu à un coût net pour les comptes publics et sociaux de
l'ordre de quelques dizaines de milliers de francs par emploi
créé. Elle reconnaissait que ce montant n'était pas
négligeable mais elle considérait que ce coût devait
être comparé aux autres mesures pour l'emploi (mesures
d'âge, contrats initiative-emploi...) qui sont plus coûteuses et
moins efficaces.
Plusieurs pistes de reprofilage de la loi de Robien étaient
déjà évoquées :
1/ Une baisse de la durée d'exonération
Cette durée de 7 ans est jugée importante au regard de la
durée des engagements en matière d'emplois (2 ans).
2/ Une modification des taux d'exonération
La sortie du dispositif a pu être considérée comme posant
un problème du fait de la cessation brutale du dispositif d'aides. Le
surcoût en termes de cotisations a pu être estimé à
près de 6% du coût salarial. Un dispositif de sortie progressive a
été évoqué comme un mécanisme possible.
3/ Un plafonnement de l'exonération
La loi de Robien a pu être considérée comme coûteuse,
force est de constater que le nouveau dispositif qui est proposé par le
projet de loi ne semble pas plus économe compte tenu des
différentes majorations (jeunes, handicapés, chômeurs de
longue durée, bas salaires...) et d'une aide structurelle à
caractère permanent. Dans un souci d'économie et
d'efficacité, on pourrait s'interroger sur l'intérêt de
plafonner le dispositif de Robien afin de limiter le coût total du
dispositif et de réduire un éventuel effet d'aubaine pour le
financement de postes d'encadrement. L'initiateur de la loi, M. Gilles de
Robien, n'a pas exclu cette éventualité lors des
débats
15(
*
)
à l'Assemblée
nationale.
Peut-on encore signer des conventions en vertu de la " loi de Robien " ?
La loi " de Robien " reste en vigueur
jusqu'à
son éventuelle abrogation (prévue par l'article 3 du projet
de loi). On peut donc penser que des conventions peuvent être
signées avec l'Etat selon le dispositif " de Robien ",
jusqu'à la promulgation d'un nouveau texte qui l'abrogerait. L'attention
de votre rapporteur a été attirée sur le cas particulier
des organismes qui n'appartiennent pas au champ concurrentiel.
La circulaire CDE n° 96-30 du 9 octobre 1996 du ministère
du travail et des affaires sociales relative à l'incitation à
l'aménagement et à la réduction conventionnels du temps de
travail avait exclu du champ d'application du dispositif d'aide " de
Robien " les organismes n'appartenant pas au champ concurrentiel.
Etaient
visés les organismes répondant aux caractéristiques
suivantes : gestion d'un service public en situation de monopole, personnels
à statut réglementaire, régimes spéciaux de
protection sociale, ressources provenant principalement de subventions
publiques. Ces dispositions ont été annulées par le
Conseil d'Etat (CE,
CFDT
, 14 janvier 1998) comme restreignant
illégalement le champ d'application des dispositions de
l'article 39 de la loi du 20 décembre 1993, telles que
modifiées par la loi du 11 juin 1996.
Juridiquement, des entreprises comme les sociétés
d'économie mixte sont donc fondées à demander de pouvoir
bénéficier d'une convention " de Robien " avec l'Etat.
Toutefois, votre rapporteur a appris que les services du ministère de
l'Emploi semblaient retarder la signature de ces conventions jusqu'à la
promulgation de la nouvelle loi abrogeant la loi " de
Robien ". Si
ces faits devaient se confirmer, ils s'avéreraient être
injustifiés sous réserve que les établissements aient
signé des accords répondant aux critères de la loi du
11 juin 1996.
b) Le dispositif incitatif prôné par le Gouvernement n'est pas radicalement différent du dispositif " de Robien "
Lorsque l'on met de côté l'article premier qui
abaisse la durée légale du travail pour examiner le dispositif
incitatif de l'article 3, force est de constater que les ressemblances sont
frappantes avec le dispositif " de Robien ".
Dans chacun des dispositifs, l'aide ne peut être obtenue qu'après
la signature d'un accord d'entreprise entre l'employeur et les organisations
syndicales, cet accord est un préalable à la signature d'une
convention entre l'entreprise et les services de l'Etat qui établit les
conditions d'octroi de l'aide à l'entreprise. Dans les deux cas l'aide
prend la forme d'un abattement sur les charges patronales, elle est
décroissante et limitée dans le temps. Le dispositif comprend en
outre dans chaque cas un volet offensif pour les entreprises qui créent
des emplois et un volet défensif pour celles qui préserveraient
des emplois qu'elles prévoyaient de supprimer.
Loi de Robien/projet de loi : le comparatif
|
Loi de Robien |
Projet de loi |
Nature du dispositif |
Purement incitatif |
Accompagnement d'une mesure contraignante, la réduction à 35 heures de la durée légale du travail |
Nature des accords |
Accord d'entreprise avec les organisations syndicales |
Accord d'entreprise avec les organisations syndicales |
Montant de l'aide |
Proportionnelle aux salaires |
Forfaitaire |
Montant de l'aide la première année |
Pour les 35 heures, 40 % de réduction des charges sociales patronales, soit 10,4 % de réduction du coût salarial |
9.000 francs par salarié en 1998, soit une réduction moyenne de 4,5 % du coût du travail. Montant ramené à 8.000 francs au premier semestre 1999 et à 7.000 francs au second semestre (1) |
Montant de l'aide par la suite |
30 % de réduction des charges sociales patronales, soit une réduction de 7,8 % du coût salarial |
8.000 francs la deuxième année, puis 7.000 francs la troisième, 6.000 francs la quatrième et 5.000 francs la cinquième, soit en moyenne 2,5 % de réduction du coût du travail (1) |
Contreparties en emplois |
10 % d'emplois supplémentaires au minimum |
6 % d'emplois supplémentaires au minimum |
Coût pour les finances publiques par emploi créé |
200.000 francs la première année, en moyenne, 160.000 francs par la suite |
160.000 francs la première année, 90.000 francs quand l'exonération a été ramenée à 5.000 francs par salarié (1) |
Durée du dispositif |
7 ans et aucune modalité particulière de sortie prévue à la fin du dispositif |
5 ans, puis relais pris par des dispositions permanentes qui feront partie de la loi votée en 1999. Il est question de 5.000 francs par salarié |
Réduction au-delà de 35 heures |
10 % de réduction supplémentaire des charges sociales patronales pour 15 % de réduction du temps de travail au moins |
Jusqu'à 4.000 francs par salarié en plus pour les entreprises qui iront au-delà de 35 heures |
Entreprises en difficulté |
Peuvent bénéficier du dispositif sous condition du maintien de l'emploi et après accord de l'Etat |
Peuvent bénéficier du dispositif sous condition du maintien de l'emploi et après accord de l'Etat |
(1) hors majorations Source : Les Echos
Les différences ne sont pas considérables. L'aide est forfaitaire
dans le projet du Gouvernement alors qu'elle était forfaitaire dans le
projet de Robien. La durée de l'aide est ramenée à cinq
ans contre sept dans le volet offensif. La principale différence
consiste dans le montant des aides qui est nettement moins favorable dans le
nouveau dispositif, mais ceci n'affecte pas la logique du mécanisme, un
plafonnement et/ou une diminution des exonérations auraient permis
d'atteindre les mêmes résultats.
Il existe bien une différence notable entre les deux dispositifs qui a
trait aux conséquences sur les emplois qu'ils sont amenés
à créer ou préserver, cette différence a
été accentuée par les majorations adoptées en
première lecture à l'Assemblée nationale. Si on laisse de
côté les effets d'aubaine et la possibilité -pourtant
réelle- que les créations/préservations d'emplois dans une
entreprise se réalisent au détriment d'autres entreprises du
même secteur, il reste que le dispositif du Gouvernement, forfaitaire et
majoré, est ciblé principalement sur les emplois peu
qualifiés alors que le dispositif " de Robien "
bénéficiait à l'ensemble des catégories de
salariés, et notamment à l'emploi qualifié. Chacun a bien
conscience de l'intérêt d'un soutien au travail peu
qualifié qui permet de réduire le coût salarial de cette
catégorie de salariés pour l'entreprise. Toutefois, on peut
s'interroger sur l'opportunité de faire jouer ce rôle au
dispositif incitatif à la réduction du temps de travail
N'aurait-il pas mieux valu prévoir, parallèlement au dispositif
incitatif à la réduction du temps de travail, et dans un autre
projet de loi, un mécanisme spécifique tendant à
alléger les charges sur les bas salaires comme l'ont proposé MM.
François Bayrou et Jean-Louis Debré
16(
*
)
?
N'aurait-il pas été possible de trouver un juste milieu ? Quitte
à réformer la loi de Robien, comme s'y est en fait employé
le Gouvernement, pourquoi ne pas avoir conservé un dispositif
proportionnel aux salaires mais en le plafonnant et/ou en réduisant le
montant des exonérations. Cela aurait permis de favoriser les emplois
d'avenir tout en maîtrisant le coût budgétaire du dispositif.
Les dispositifs de modulation des horaires de travail
La modulation permet aux entreprises d'adapter le temps de
travail aux fluctuations d'activité sans rémunérer les
heures supplémentaires, à condition que la durée du
travail n'excède pas en moyenne trente-neuf heures sur la
période de modulation. Il existe trois types de modulation : la
modulation de type I (1982), la modulation de type II (1987) et la modulation
de type III (1993).
-
Les modulations de type I et II
consistent à faire varier
la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de l'année,
à condition que cette durée ne dépasse pas, en moyenne
trente-neuf heures par semaine travaillée. Il existe néanmoins
des seuils maximum de durée de travail en cours de modulation :
quarante-quatre heures ou quarante-huit heures au maximum de travail sur une
semaine ; quarante-six heures de travail hebdomadaire pendant 12 semaines
consécutives au plus.
-
La modulation de type III, dite annualisation
a été
mise en place dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre
1993. Elle consiste à faire varier la durée hebdomadaire du
travail sur tout ou partie de l'année à condition que cette
durée ne dépasse pas en moyenne, par semaine travaillée,
la durée prévue par la convention ou l'accord. Elle a comme
contrepartie obligatoire une réduction de la durée du travail,
dont le volume est laissé à l'appréciation des
négociateurs. Les seules limites sont les durées maximales
quotidienne (10 heures par jour) et hebdomadaire (48 heures par
semaine).
III. UN PROJET RICHE EN INCERTITUDES BUDGÉTAIRES, ÉCONOMIQUES ET JURIDIQUES
A. DES INCERTITUDES BUDGÉTAIRES SUR LE COÛT DU DISPOSITIF FINANCIER INCITATIF
1. Un dispostif complexe
Le dispositif incitatif prévu par le projet de loi, tel
que transmis au Sénat, est particulièrement complexe, puisqu'il
comporte, outre une aide de base dégressive sur cinq ans, trois
majorations, soit constantes, soit pour l'une d'entre elle elle-même
dégressive, mais sur trois ans seulement.
En outre, l'aide est fonction de la date d'entrée dans le dispositif et
varie donc selon que l'entreprise signe un accord de réduction du temps
de travail en 1998, au premier semestre de 1999 ou au second semestre de 1999.
Enfin, le détail de cette aide qui relève du pouvoir
réglementaire est encore à l'étude pour les entreprises de
moins de 20 salariés, alors même qu'elles peuvent entrer dans
le dispositif dès 1998.
a) Les différents étages du dispositif17( * )
-
n
Aide dégressive de base
Conditions : Réduction du temps de travail d'au moins 10 % avec 6 % au moins d'augmentation des effectifs.
Montant : il est dégressif sur cinq ans en fonction de la date d'entrée dans le dispositif.
n Majoration constante pour passage aux 32 heures
Conditions : Réduction du temps de travail de 15 % avec 9 % au moins d'augmentation des effectifs.
Montant majoré : + 4.000 F (aide maintenue sur cinq ans) par rapport à l'aide de base dégressive.
NB : La majoration s'applique également aux entreprises qui auraient réduit le temps de travail en deux fois.
n Majoration constante pour engagements spécifiques
Conditions : embauche supérieure au minimum obligatoire ou totalité des embauches en contrats à durée indéterminée ou embauche de jeunes, d'handicapés, de chômeurs de longue durée.
Montant : + 1.000 F (aide maintenue sur cinq ans) par rapport à l'aide de base dégressive.
n Majoration dégressive pour entreprises de main-d'oeuvre
Montant : + 4.000 F (aide elle-même dégressive mais sur trois ans) par rapport à l'aide de base dégressive.
b) Les différents régimes applicables selon la date d'entrée dans le dispositif
S'agissant de la dégressivité, le Gouvernement n'a fait part que du dispositif concernant les entreprises de plus de vingt salariés auxquelles s'appliquera la nouvelle durée légale du travail au 1 er janvier 2000. En revanche, " est encore à l'étude " 18( * ) la dégressivité applicable aux entreprises de moins de vingt salariés auxquelles s'appliquera la nouvelle durée légale au 1 er janvier 2002, mais qui peuvent " entrer " dans le dispositif d'aides dès 1998. Le récapitulatif de l'aide aux entreprises nécessite des tableaux différents selon la date d'entrée dans le dispositif.
I. Aides attribuables aux entreprises de plus de
20 salariés
entrant dans le dispositif en 1998
|
1 ère année |
2 ème année |
3 ème année |
4 ème année |
5 ème année |
TOTAL |
Aide dégressive de base |
9.000 |
8.000 |
7.000 |
6.000 |
5.000 |
35.000 |
Passage 32 heures |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
20.000 |
Engagements spécifiques |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
5.000 |
Entreprise main-d'oeuvre |
+ 4.000 |
+ 2.000 |
+ 1.000 |
- |
- |
7.000 |
TOTAL |
18.000 |
15.000 |
13.000 |
11.000 |
10.000 |
67.000 |
II. Aides attribuables aux entreprises de plus de 20
salariés
entrant dans le disposition au 1
er
semestre
1999
|
1 ère année |
2 ème année |
3 ème année |
4 ème année |
5 ème année |
TOTAL |
Aide dégressive de base |
8.000 |
7.000 |
6.000 |
5.000 |
5.000 |
31.000 |
Passage 32 heures |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 20.000 |
Engagements spécifiques |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 5.000 |
Entreprise main-d'oeuvre |
+ 3.000 |
+ 2.000 |
+ 1.000 |
- |
- |
+ 6.000 |
TOTAL |
16.000 |
14.000 |
12.000 |
10.000 |
10.000 |
62.000 |
III. Aides attribuables aux entreprises de plus de
20 salariés
entrant dans le dispositif au 2
ème
semestre 1999
|
1 ère année |
2 ème année |
3 ème année |
4 ème année |
5 ème année |
TOTAL |
Aide dégressive de base |
7.000 |
6.000 |
5.000 |
5.000 |
5.000 |
28.000 |
Passage 32 heures |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 4.000 |
+ 20.000 |
Engagements spécifiques |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 1.000 |
+ 5.000 |
Entreprise main-d'oeuvre |
+ 2.000 |
+ 1.000 |
- |
- |
- |
+ 3.000 |
TOTAL |
14.000 |
12.000 |
10.000 |
10.000 |
10.000 |
56.000 |
Ainsi, l'aide par salarié de l'entreprise, en moyenne
par an, peut varier du simple à plus du double : 5.600 F pour une
entreprise entrant dans le dispositif au deuxième semestre 1999 et ne
bénéficiant d'aucune majoration ; 13.400 F pour une entreprise
entrant dans le dispositif dès 1998 et cumulant les trois majorations.
Elle se stabiliserait, pour les entreprises qui " appliqueraient la
loi " à compter du 1
er
janvier 2000, sous la forme
d'une aide structurelle de 5.000 F.
2. Un dispositif complexe à évaluer
a) Deux exemples concrets
Sont présentés ci-dessous deux exemples
d'entreprises de 100 salariés entrant l'une et l'autre dans le
dispositif dès 1998, l'une cumule les majorations, l'autre ne
bénéficie que de l'aide de base.
Ces exemples sont assortis d'une évaluation du " retour " de
l'aide, sous la forme de cotisations, d'impôts et d'économies,
résultant des embauches réalisées.
-
n
L'aide maximale
Soit une entreprise de 100 salariés qui conclut dès 1998 un acord de réduction du temps de travail à 32 heures, embauche en conséquence 9 salariés, appartient au secteur des entreprises de main-d'oeuvre, prend des engagements spécifiques (embauche de jeunes, chômeurs de longue durée).
Le montant de l'aide la première année s'établira à 18.000 F par salarié dans l'entreprise (cf. tableau I page ci-dessus).
- soit, pour 109 salariés : 18.000 F x 109 : 1.962.000 F
- soit 218.000 F pour chacun des 9 emplois créés , ce qui représente une aide équivalant à près de trois fois le SMIC brut.
Le " retour " pour une embauche réalisée au SMIC peut être évalué annuellement à :
- 16.600 F de cotisations salariales 19( * ) ,
- 16.490 F de cotisations patronales (après ristourne dégressive),
- 2.100 F d'IRPP 20( * )
Soit au total : 35.190 F.
En faisant l'hypothèse que ce jeune ou chômeur de longue durée ait perçu le Rmi, son embauche entraîne une économie de 12 x 2.500 F, soit 30.000 F, soit un " retour " porté à 65.190 F et un coût net du dispositif la première année de 152.810 F par emploi créé (218.000 F - 65.190 F).
Sur cinq ans et compte tenu du caractère dégressif de l'aide de base, l'aide maximale s'élève à 67.000 F par salarié dans l'entreprise ( voir tableau page ci-dessus ).
Dans l'exemple, l'aide totale s'élève à 109 x 67.000 F = 7.303.000 F
soit par emploi créé : 811.450 F.
Le retour sur cinq ans, selon la même convention, s'établit (y compris économies sur le RMI) à 325.950 F 21( * ) , soit un coût net par emploi créé de 485.500 F (811.450 F - 325.950 F).
n Aide minimale
- 9.000 F par salarié dans l'entreprise ;
- soit pour 106 salariés : 9.000 F x 106 = 954.000 F ;
- soit 159.000 F pour chacun des 6 emplois créés .
En faisant la même hypothèse de " retour " (65.190 F), le coût net la première année s'élève à 93.810 F par emploi créé (159.000 F - 65.190 F).
Sur cinq ans , l'aide s'élève à 35.000 F ( cf. 1 ère ligne du tableau page ci-dessus ) par salarié, soit pour 106 salariés (embauche de 6 %) : 3.710.000 F, soit 618.300 F par emploi créé .
Le retour sur cinq ans est identique : 325.950F, soit un coût net par emploi créé de 292.350 F (618.300 F - 325.950 F).
b) Une estimation du coût global
1. Considérations générales
L'évaluation du coût global dépend, compte tenu de la
complexité du dispositif, de multiples hypothèses :
- nombre de salariés entrant dans le dispositif (potentiellement
13 millions),
- rythme d'entrée dans le dispositif,
- nature des entreprises entrant dans le système (potentiellement
1,2 million de salariés relevant des entreprises de main-d'oeuvre
bénéficiant d'une majoration de l'aide),
- nature des embauches pratiquées (population dite difficile ou
non).
Les informations fournies par le Gouvernement sur le coût du dispositif
relèvent de la simulation macro-économique.
Selon l'étude d'impact jointe au projet de loi :
"
Les analyses menées sur la base d'hypothèses de gains
de productivité induits de l'ordre du tiers de la réduction du
temps de travail, font apparaître un point d'équilibre ex post
pour les finances publiques prises dans leur ensemble voisin du montant d'aide
correspondant à la dernière année du dispositif. Cela
signifie qu'une aide de ce montant d'aide n'a pas d'impact ex post sur les
soldes des comptes publics pris dans leur ensemble (l'Etat et les
collectivités locales, les régimes sociaux et l'assurance
chômage). (...)
" L'aide a été fixée à un montant sensiblement
supérieur les premières années pour être fortement
incitative et faciliter le processus de négociation, notamment dans les
entreprises de main-d'oeuvre : le montant d'aide de 9.000 F la
première année correspond, pour un salaire de 7.000 F,
à 10,7 points de cotisations, et l'aide moyenne de 7.000 F sur
5 ans à 8,3 points de cotisations.
22(
*
)
".
Ou encore, selon les réponses apportées à votre
rapporteur
23(
*
)
:
"
Sous les hypothèses habituellement retenues dans les
simulations et qui portent sur les gains de productivité (de l'ordre du
tiers de la réduction de la durée du travail) et sur la valeur
d'un ensemble de paramètres comme l'indemnisation moyenne ou l'ampleur
des flexions de taux d'activité, on calcule que le " point
d'équilibre ", correspondant à l'équilibre des
finances publiques et des comptes des entreprises, est de l'ordre de
1 point de cotisation par heure de réduction de la durée du
travail. Ce résultat est largement partagé par les
économistes ayant réalisé des calculs de ce type. Pour une
réduction de la durée du travail de 4 heures, la
réduction possible des cotisations sociales est de l'ordre de
4 points, ce qui, ramené en francs par salarié
concerné, correspond environ à 5.000 F. Dans ce cas, l'aide
correspond à une réduction du coût du travail plus forte
pour les rémunérations les moins élevées. "
De sorte que le ministre de l'emploi et de la solidarité a pu indiquer,
lors du débat à l'Assemblée nationale
24(
*
)
:
"
Tout d'abord, l'ensemble des simulations macro-économiques,
celles de Rexecode comme celles de l'OFCE, montrent la même chose : le
montant de l'aide est de l'ordre d'un point de cotisations sociales par heure
supprimée, c'est-à-dire quatre points de cotisations sociales
pour quatre heures. Ce sont les 5.000 F par salarié et par an dont
je parlais tout à l'heure et qui constitueront le montant de l'aide
structurelle in fine. Au bout de cinq ans, la réduction de la
durée du travail ne coûtera rien à l'Etat.
".
Trois observations peuvent être avancées s'agissant de ce cet
équilibre " ex post ":
- Il implique un " investissement " initial tant que
l'aide
n'est pas ramenée à 5.000 F. Or, on sait qu'elle peut
être portée jusqu'à 18.000 F. Comment cet
investissement sera-t-il financé pendant les 5 prochaines
années, cruciales pour les finances publiques ?
- Il suppose des effets vertueux en chaîne pour obtenir le
" retour " adéquat : non seulement les cotisations et
impôts versés par les nouveaux embauchés (et eux seuls,
alors que l'aide est versée pour tous les salariés en place), les
économies réalisées sur les allocations chômage ou
minima sociaux, mais encore, une série d'hypothèses propres aux
modèles macro-économiques..
- Il se heurte manifestement au calcul micro-économique fait
à partir d'exemples concrets. Ainsi, le coût de création
d'un emploi payé au SMIC, dans les exemples ci-dessus, peut être
estimé sur cinq ans entre 485.500 F (aide maximale) et
292.350 F (aide de base), net des retours attendus en impôts,
cotisations et économies sur les prestations.
2. Tentatives d'évaluation
Plusieurs approximations doivent être faites pour tenter une
évaluation du coût du dispositif.
Il convient tout d'abord de considérer
l'évaluation des
créations d'emplois
avancée par le ministre de l'emploi et de
la solidarité, soit 450.000 à 700.000 emplois.
Deux hypothèses extrêmes peuvent être ensuite
avancées : les emplois sont créés par le passage aux
35 heures ou le passage à 32 heures qui entraîne une
aide majorée. La
population des salariés entrant dans le
dispositif et bénéficiant de l'aide
varie alors.
Passage à |
Nb de salariés |
Emplois créés (1) |
Nb de salariés aidés (2) |
35 h |
7.500.000 |
450.000 |
7.950.000 |
35 h |
11.660.000 |
700.000 |
12.360.000 |
32 h |
5.000.000 |
450.000 |
5.450.000 |
32h |
7.770.000 |
700.000 |
8.470.000 |
(1)
Créations d'emplois correspondant,
selon les conditions requises pour bénéficier de l'aide, à
6 % (35 heures) ou 9 % (32 heures) du nombre de
salariés.
(2)
L'aide s'applique à tous les salariés,
présents initialement et embauchés.
En arrondissant ces chiffres, on peut avancer ainsi que :
Le passage à 35 heures avec 450.000 emplois
créés entraîne une aide bénéficiant à
8 millions de salariés.
Le passage à 35 heures avec 700.000 emplois
créés entraîne une aide bénéficiant à
12,4 millions de salariés.
Le passage à 32 heures avec 450.000 emplois
créés entraîne une aide bénéficiant à
5,5 millions de salariés.
Le passage à 32 heures avec 700.000 emplois
créés entraîne une aide bénéficiant à
8,5 millions de salariés.
Pour calculer le montant de l'aide, dont le " premier
étage "
est dégressif, il faut avancer une
hypothèse de rythme
d'entrées des entreprises dans le dispositif
. En reprenant un
scénario " rose " retenu implicitement par le Gouvernement,
et
correspondant au souci des entreprises de bénéficier de l'aide la
plus importante possible, mais compte tenu du temps nécessaire à
négocier, il a été retenu une hypothèse de
montée en puissance relativement rapide. Ainsi, pour une population
concernée de 8 millions de salariés : 1,5 million la
première année (c'est-à-dire avant la fin de
l'année 1998 mais l'aide versée au tarif de la première
année est poursuivie pendant 12 mois) ce qui correspond au chiffre
avancé par le Gouvernement
25(
*
)
puis
3 millions de salariés supplémentaires en 1999,
2 millions en 2000 et 1,5 million en 2001. A compter du
1
er
janvier 2000, seules les entreprises de moins de
20 salariés, c'est-à-dire celles pour lesquelles la nouvelle
durée légale du travail n'entre en vigueur que le
1
er
janvier 2002, ont intérêt à anticiper
la réduction du temps de travail.
Il n'a pas été tenu compte par ailleurs de la majoration
elle-même dégressive dont bénéficient les
entreprises de main-d'oeuvre ; selon le ministre de l'emploi et de la
solidarité, cette majoration vise 1,2 million de salariés,
soit environ 10% de la population potentiellement concernée par le
champ d'application de la loi (13 millions de salariés).
Il n'a pas été davantage tenu compte de la majoration de
1.000 F pour embauches spécifiques ou efforts d'embauche au-dessus
du minimum obligatoire.
Enfin, la dégressivité du dispositif d'aide a
été simplifiée par rapport au dispositif envisagé
par le Gouvernement pour les entreprises de plus de vingt salariés (pour
lesquelles la nouvelle durée légale du travail s'applique au
1
er
janvier 2000) et étendue aux entreprises de moins de
vingt salariés (pour lesquelles la nouvelle durée légale
du travail s'applique au 1
er
janvier 2002). En effet, pour ces
entreprises, "
le barème de dégressivité de l'aide
dans le temps est encore à l'étude
"
26(
*
)
.
ESTIMATION DU COÛT BRUT DU DISPOSITIF
GOUVERNEMENTAL
(HORS MAJORATIONS)
Sous les réserves et selon les hypothèses précédemment évoquées, le coût brut du dispositif prévu par le projet de loi ( hors majorations ) 27( * ) peut être estimé de la façon suivante.
-
·
Passage aux 35 heures
* Création de 450.000 emploisMontant de l'aide de base dégressive
Nb d'entrées (en millions)
Entrées cumulées
(en millions)Montant de l'aide
(en francs)Coût
( en milliards de francs)1 ère année
1,5
1,5
9.000
13,5
2 ème année
3,0
4,5
8.000
36,0
3 ème année
2,0
6,5
7.000
45,5
4 ème année
1,5
8,0
6.000
48,0
5 ème année
-
8,0
5.000
40,0
soit un coût total sur cinq ans de 183 milliards de francs.
* Création de 700.000 emploisMontant de l'aide de base dégressive
Nb d'entrées (en millions)
Entrées cumulées
(en millions)Montant de l'aide
(en francs)Coût
( en milliards de francs)1 ère année
1,5
1,5
9.000
13,5
2 ème année
3,5
5,0
8.000
40,0
3 ème année
4,0
9,0
7.000
63,0
4 ème année
3,4
12,4
6.000
74,4
5 ème année
-
12,4
5.000
62,0
soit un coût total sur cinq ans de 253 milliards de francs.
· Passage aux 32 heures
Montant de l'aide de base dégressive
|
Nb d'entrées (en millions) |
Entrées
cumulées
|
Montant de l'aide
|
Coût
|
1 ère année |
1,5 |
1,5 |
13.000 |
19,5 |
2 ème année |
2,0 |
3,5 |
12.000 |
42,0 |
3 ème année |
1,0 |
4,5 |
11.000 |
49,5 |
4 ème année |
1,0 |
5,5 |
10.000 |
55,0 |
5 ème année |
- |
5,5 |
9.000 |
49,5 |
soit un coût total sur cinq ans de
215,5 milliards de francs.
* Création de 700.000 emplois
Montant de l'aide de base dégressive
|
Nb d'entrées (en millions) |
Entrées
cumulées
|
Montant de l'aide
|
Coût
|
1 ère année |
1,5 |
1,5 |
13.000 |
19,5 |
2 ème année |
3,0 |
4,5 |
12.000 |
54,0 |
3 ème année |
2,5 |
7,0 |
11.000 |
77,0 |
4 ème année |
1,5 |
8,5 |
10.000 |
85,0 |
5 ème année |
|
8,5 |
9.000 |
76,5 |
soit un coût total sur cinq ans de 312 milliards de francs.
*
Selon les hypothèses retenues, le coût du
dispositif d'incitation prévu par le projet de loi peut être ainsi
estimé pour les cinq premières années du dispositif entre
183 et 312 milliards de francs hors majorations
.
Passage à 35 heures avec 450.000 emplois créés : |
183 milliards de francs |
Passage à 35 heures avec 700.000 emplois créés : |
253 milliards de francs |
Passage à 32 heures avec 450.000 emplois créés : |
215 milliards de francs |
Passage à 32 heures avec 700.000 emplois créés : |
312 milliards de francs |
Les hypothèses " en cascade " sont
naturellement fragiles. En l'absence de chiffrage fourni par le Gouvernement,
à l'exception de l'affirmation macro-économique d'un
équilibre " ex post " rassurant,
ces éléments
permettent toutefois d'évaluer l'ampleur de
l'" investissement " initial.
Cet " investissement " ne saura, il est vrai, effectif que
si les
partenaires sociaux répondent à l'incitation qui leur est faite.
En quelque sorte, " si ça coûte, ça veut dire que
ça marche ".
Il sera certes possible de tenir une comptabilité très
administrative des emplois créés grâce au dispositif
d'incitation. Mais cette comptabilité des " entrées "
ne pourra tenir compte de trois facteurs :
- le nombre d'emplois qui auraient été créés
de toute façon : c'est le traditionnel effet d'aubaine ;
- le nombre d'emplois le cas échéant détruits par
l'économie générale du projet de loi ;
- enfin, la durée de l'engagement souscrit par les
bénéficiaires du dispositif incitatif : ils doivent maintenir
leur effectif, augmenté des nouvelles embauches pendant deux ans.
3. Une compensation menacée
L'article L. 131-7 du code de la sécurité
sociale
28(
*
)
affirme solennellement :
"
toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de
cotisations de sécurité sociale, instituée à
compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25
juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu
à compensation intégrale aux régimes concernés par
le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application
".
Pourtant, le Gouvernement a tenu à annoncer dès l'exposé
des motifs du projet de loi que cette règle ne serait pas
respectée s'agissant des exonérations de cotisation
destinées à inciter à la réduction du temps de
travail :
"
Afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide
à la réduction du temps de travail induira pour les
régimes de sécurité sociale, cette aide donnera lieu,
à compter du 1er janvier 1999, à un remboursement partiel de la
part de l'Etat aux régimes concernés. Cette disposition figurera
dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
1999, après concertation avec les partenaires sociaux sur le taux de
cette compensation
"
29(
*
)
.
De même, l'étude d'impact jointe au projet de loi
précise-t-elle :
"
A l'horizon 1999, et pour le futur système d'abattement
structurel des cotisations, les retours financiers qu'enregistrent les
régimes de sécurité sociale, et l'UNEDIC justifient
d'examiner avec les partenaires sociaux l'affectation de ces
" retours ". Le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 prévoira à cet
égard un remboursement partiel de l'aide par l'Etat aux régimes
concernés, selon des modalités et un taux qui seront
établis de façon concertée
"
30(
*
)
.
Aussi, le ministre de l'emploi et de la solidarité a-t-elle pu
théoriser ainsi la remise en cause du principe établi en 1994 de
la " compensation intégrale " :
"
Je me suis réjouie que Mme Veil fasse voter une loi qui pose
le principe général du remboursement par l'Etat à la
sécurité sociale des réductions de charges sociales, et je
continue de m'en réjouir.
" Dans le cas qui nous occupe, où nous pourrons, pour chaque
entreprise, savoir exactement quels salariés auront été
embauchés, quels seront les salaires et quelles seront les
rentrées dans les caisses de la sécurité sociale, je me
dis qu'on ne peut pas réclamer une solidarité à tout le
monde pour l'emploi sans demander au budget de l'Etat -il paiera le
complément- et à la sécurité sociale de tirer
toutes les conséquences du dispositif (...).
" Nous allons en discuter avec les organisations patronales et
syndicales.
" Quant à moi, je n'accepterai pas qu'un montant soit fixé,
qui porterait atteinte au financement de la sécurité
sociale.
"
31(
*
)
.
La remise en cause du principe serait donc légitime en raison de la
capacité de l'administration à "
quantifier à
l'unité près, combien d'emplois la future loi aura permis de
préserver et de créer
"
32(
*
)
.
Le contraste est saisissant entre l'incertitude de l'impact prévisionnel
du projet de loi et la comptabilité méticuleuse qui permettra
ultérieurement "
pour chaque entreprise, de savoir quels
salariés auront été embauchés, quels seront les
salaires et quelles seront les rentrées de la sécurité
sociale
".
Cette démarche n'a toutefois pas convaincu les caisses de
sécurité sociale qui ont en conséquence émis un
avis négatif sur le projet de loi.
Avis de la CNAMTS (3 décembre 1997)
Par 15 voix contre (CFTC, Employeurs), 6 voix pour (CFDT,
FNMF), 6 abstentions (CGT, FO), le groupe CFE-CGC (2 voix) prenant acte et les
Personnes qualifiées (4 voix) ne prenant pas part au vote, le Conseil
émet un avis défavorable sur le projet de loi qui lui est soumis.
Il relève notamment que l'une des dispositions contenues dans
l'exposé des motifs, qui prévoit la possibilité de
proposer, au travers de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, que le remboursement à l'assurance maladie par l'Etat
des allégements de cotisations ne soit que partiel à compter du
1er janvier 1999 remet en cause les dispositions de l'article L. 131-7 du
code de la sécurité sociale introduit par la loi du 25 juillet
1994.
Avis de la CNAF (2 décembre 1997)
Le Conseil d'administration de la CNAF a donné le 2
décembre 1997 un avis négatif au projet de loi d'orientation et
d'incitation à la réduction du temps de travail, en centrant
notamment ses critiques sur la non compensation intégrale par le budget
de l'Etat au-delà de 1999 des pertes de cotisations du régime.
Les diverses délégations ont exprimé le vote suivant :
pour : 3 CFDT ; contre : 13 non salariés, 2 CFTC, 5 UNAF, 2
Personnes qualifiées, Prise d'acte : 2 CFE/CGC, abstentions :
3 CGT, 3 CGT-FO.
Car cette démarche n'est pas convaincante et ce, pour plusieurs raisons.
Elle remet en cause tout d'abord un principe nécessaire à une
gestion saine et responsable de la sécurité sociale dans la
perspective nécessaire d'un retour à l'équilibre de ses
comptes. Dès lors que toute exonération de cotisations
décidée par l'Etat -du moins faut-il l'espérer- a un
objectif d'intérêt général, le principe de
" solidarité " évoqué par le Gouvernement pourra
toujours justifier la non application du principe de la compensation
intégrale.
En second lieu, la comptabilité " administrative " des
emplois
créés ne prendra en compte (
cf. ci-dessus
) ni les effets
d'aubaine, ni les emplois détruits. Elle ne prendra pas davantage en
compte l'effet sur les ressources de la sécurité sociale d'une
moindre progression de la masse salariale imputable à la
" modération " des rémunérations qui, selon les
experts, est l'une des conditions des créations d'emplois. Seules seront
prises en compte ces créations d'emplois et non l'effort demandé
aux salariés en place qui se traduira pourtant par un tassement des
cotisations.
La clarification des relations financières entre l'Etat et la
sécurité sociale, que votre commission des Affaires sociales
appelait de ses voeux lors de l'examen de la loi de financement pour 1998, n'en
sortira pas à l'évidence renforcée.
Comment, dans ces conditions, exiger des gestionnaires des caisses, de leurs
personnels, des assurés et des professionnels, l'effort de rigueur
indispensable au redressement financier de la sécurité sociale ?
B. DES INCERTITUDES ÉCONOMIQUES RELATIVES AU SMIC
Dès lors que l'article premier du projet de loi réduit la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures, se pose de façon cruciale la question du SMI(39,43 F depuis le 1 er juillet 1997, date à laquelle il a été revalorisé de 4 %) C.
1. L'esquisse d'un mécanisme inédit
Actuellement, le SMIC qui est une garantie de salaire horaire
correspond sur la base de l'horaire légale de 39 heures par semaine
(169 heures par mois
33(
*
)
) à un SMIC
mensuel brut de 6.663,67 F.
Dès lors que la durée légale hebdomadaire du travail est
ramenée à 35 heures (soit 151,6 heures par
mois
34(
*
)
), la question se pose de la
rémunération correspondante.
Soit le SMIC horaire reste inchangé et le SMIC mensuel est ramené
de 6.663,67 F à 5.977,58 F.
Soit il n'apparaît pas souhaitable que le passage à 35 heures
se traduise par une baisse de la rémunération mensuelle des
salariés payés au SMIC. Dans ce cas, le SMIC horaire doit
être revalorisé à 43,95 F (+ 11,46 %).
Le Gouvernement à l'évidence a choisi... de ne pas choisir entre
ces deux solutions, tout en esquissant un mécanisme profondément
novateur et passablement complexe et en renvoyant à la
"
négociation
" et
"
aux
organisations
patronales et syndicales
" qui doivent dire au Gouvernement
"
comment elles entendent faire
. ".
Ainsi, lors des débats à l'Assemblée nationale
35(
*
)
, Mme Martine Aubry déclarait :
"
Quant au SMIC, il n'est pas question de définir strictement
dans le détail les décisions qui se seront prises, car celles-ci
font l'objet d'une concertation approfondie avec les organisations patronales
et syndicales.
" Mais, afin d'éclairer pleinement le débat et les
négociateurs, je me dois d'exprimer les principes, qui seront les
nôtres. Le salarié payé au SMIC, dont l'horaire
hebdomadaire passe de 39 à 35 heures, doit bien sûr garder
intact son salaire aujourd'hui et pour demain.
" En même temps, il n'apparaît pas non plus opportun que la
rémunération d'un salarié restant à 39 heures
et payé au SMIC s'accroisse automatiquement de 11,4 %, auxquels il
faudrait naturellement ajouter la rémunération des heures
supplémentaires.
" Cela nous oriente vers la définition, parallèlement au
SMIC horaire qui resterait en l'état, d'une rémunération
mensuelle minimale dont le niveau serait fixé de telle sorte que le
premier principe que j'ai rappelé, pour les smicards, soit
respecté.
" Il nous faudra, bien sûr, débattre, des modalités
d'indexation de ce nouvel indice de même que des effets de celui-ci sur
les salaires de ceux qui travaillent à temps partiel. C'est l'objet d'un
travail approfondi qui se poursuivra dans les jours qui viennent dans le cadre
naturel de la commission nationale de la négociation collective.
" Il me semble que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, c'est
aux
organisations patronales et syndicales de nous donner leur avis et de nous dire
comment elles entendent faire dans les conventions collectives.
".
Il résulte de ces orientations qu'un salarié payé au SMIC
dont l'horaire hebdomadaire aura été réduit de 39 à
35 heures sera toujours payé 6.663,67 F (soit une majoration
de son salaire horaire de 11,46 %), c'est-à-dire la nouvelle
" rémunération mensuelle minimale ".
Il en résulte également qu'un salarié restant à
39 heures, dès lors que le SMIC horaire resterait en l'état,
serait payé 6.663,67 F (39 heures x 39,43 F), somme qu'il
convient de compléter par la majoration des quatre heures
supplémentaires qu'il effectue entre 35 et 39 heures dont le taux,
selon l'exposé des motifs du projet de loi, sera au maximum de
25 %. Ce salarié travaillant 39 heures sera donc payé
40 heures
36(
*
)
et son salaire mensuel
progressera de 2,56 %
1
pour atteindre 6.834,26 F.
2. Une coexistence pour le moins problématique
Il résulte des orientations ainsi esquissées une
série de questions :
- La rémunération mensuelle minimale s'appliquera-t-elle non
seulement aux salariés dont l'horaire de travail sera ramené de
39 à 35 heures (maintien de la rémunération) mais
également aux salariés nouvellement embauchés ? Une
réponse négative consisterait à faire cohabiter dans une
même entreprise des salariés effectuant 35 heures
payées 39 heures et des salariés effectuant 35 heures
payées 35 heures. Est-ce concevable ?
- Mais est-ce davantage concevable de faire coexister, le cas
échéant dans une même entreprise, des salariés
effectuant 35 heures payées 39 heures et des salariés
effectuant 39 heures payées 40 heures ?
- Est-ce concevable de ramener ainsi le tarif des heures
supplémentaires au quart environ de celui des heures normales ? Car le
salarié travaillant 39 heures, soit 17,5 heures de plus sur le
mois, aura une rémunération supérieure de 170,59 F
à celle de son collègue travaillant 35 heures,
c'est-à-dire que les heures supplémentaires lui seront
payées, non pas 39,43F majorées de 25 %, mais 10 F.
Naturellement, la même interrogation vaut pour tout horaire entre
35 heures et 39 heures, chaque durée de travail correspondant
à une rémunération horaire différente.
Et cette interrogation se trouve singulièrement compliquée quand
on sait que, pendant deux ans, du 1
er
janvier 2000 au
1
er
janvier 2002, la durée légale hebdomadaire du
travail sera différente selon que le salarié se trouve dans une
entreprise de plus ou de moins vingt salariés.
A ces questions s'ajoute celle naturellement de l'indexation de la nouvelle
" rémunération mensuelle minimale ".
Sera-t-elle indexée comme le SMIC horaire ? Dans ce cas, les questions
précédentes demeureront entières et ce, durablement.
Ou sera-t-elle " décrochée " du SMIC horaire pour
n'avoir été qu'un moment " historique " du passage aux
35 heures ? Dans ce cas, la réduction du temps de travail se
traduira pour les salariés dont l'horaire aura été
ramené à 35 heures par un véritable blocage des
rémunérations.
Enfin, la question de la rémunération des salariés
à temps partiel qui viendront " buter " sur les
35 heures
reste entière.
Ainsi, sur un point aussi fondamental que celui du SMIC, l'incidence du
projet de loi n'a pas été mesurée. Or, il s'agit d'une
incidence qui est pourtant au coeur même du projet de loi dès lors
que celui-ci fixe une nouvelle durée légale du travail.
Il s'agit en outre d'une question déterminante pour l'évolution
générale des salaires et donc pour l'impact de la
réduction du temps de travail sur l'emploi.
C. DES INCERTITUDES JURIDIQUES LIÉES AUX CONSÉQUENCES DES ACCORDS COLLECTIFS SUR LES CONTRATS DE TRAVAIL INDIVIDUELS
1. La réduction du temps de travail telle qu'elle est envisagée devrait être accompagnée d'une compensation salariale partielle
La réduction du temps de travail pose
inéluctablement la question de la compensation salariale. Réduire
l'horaire hebdomadaire de 39 heures à 35 heures en
réduisant à due concurrence le salaire ne pose pas de
problèmes insurmontables à l'entreprise ; cette logique s'inscrit
d'ailleurs dans l'esprit du travail à temps partiel.
Les salariés, quant à eux, n'envisagent pas, dans la
majorité des cas, que la réduction du temps de travail puisse
s'accompagner d'une réduction proportionnelle de leur salaire. Ceci est
d'ailleurs parfaitement compréhensible, notamment en ce qui concerne les
salariés les moins bien rémunérés. De nombreux
sondages ont même mis en évidence que les salariés
préféraient une augmentation de leur pouvoir d'achat à une
réduction du temps de travail. Dans ces conditions, les
négociations sur la réduction du temps de travail risquent
d'achopper sur la compensation salariale. Le risque est d'autant plus
élevé que le dispositif d'aide envisagé par le
Gouvernement est moins favorable que le dispositif de Robien, en particulier
pour les cadres.
Dans ces conditions, il existe un risque sérieux que les salariés
soient fondés à demander à être licenciés par
leur entreprise avec des indemnités. On se trouverait dans ce cas dans
une situation paradoxale où l'entreprise se verrait dans l'obligation de
licencier avant de pouvoir embaucher dans le cadre d'un accord de
réduction du temps de travail tel que défini par le
présent projet de loi.
2. Une remise en question du salaire constitue une modification du contrat de travail qui peut déclencher une procédure de licenciement
Depuis un arrêt du 10 juillet 1996, la Chambre sociale de la Cour de cassation a substitué à l'ancienne distinction entre modification substantielle et modification non substantielle du contrat de travail celle de modification du contrat et de changement des conditions de travail ; l'inflexion terminologique, cependant, ne semble pas avoir pour conséquence de modifier sensiblement les règles de fond.
-
· Ainsi, en ce qui concerne la rémunération, la
jurisprudence considère traditionnellement qu'elle constitue un
élément essentiel, substantiel du contrat de travail.
S'agissant plus précisément d'une réduction de salaire induite par une réduction de la durée du travail, la Cour de cassation, dans deux arrêts récents, a jugé qu'il s'agissait d'une " modification d'un élément essentiel du contrat de travail des intéressés " (Cass. Soc. 14 février 1996 SAGEM c/Binard et a.) puis, le 19 novembre 1997, que " la réduction de la durée du travail sans compensation salariale constituait une modification de leur contrat que les salariés n'étaient pas tenus d'accepter " (Cass. Soc. 19 novembre 1997 Manoir industries c/Akarkoub et a.).
· L'arrêt rendu le 28 janvier 1998 (cf. Cass. Soc. 28 janvier 1998 Sa Systia Informatique c/Bernard) décide, en outre, que " le mode de rémunération d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu importe que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux ". Cet arrêt confirme les solutions précédemment citées puisque, si le mode de rémunération constitue un élément du contrat, il en va de même a fortiori en ce qui concerne le niveau, le montant de la rémunération.
· La réduction de salaire entraîne donc une modification du contrat de travail qui requiert l'accord individuel des salariés concernés.
Ce principe, qui semble bien établi, souffre deux exceptions, qu'il convient de signaler pour être complet : la réduction des heures supplémentaires ne constitue pas une modification du contrat, de même que la mise en chômage partiel indemnisé (Cass. Soc. 18 juin 1996 : cette dernière jurisprudence s'explique par le fait que le chômage partiel a un caractère temporaire et qu'il fait l'objet d'une indemnisation subordonnée à une autorisation administrative).
· On doit ajouter que le fait que la réduction de salaire ait été entérinée par un accord collectif ne devrait pas dispenser l'employeur de recueillir l'acceptation individuelle des salariés.
La jurisprudence sur cette question est rare (voir, cependant, Cass. Soc. 25 février 1970 et Cass. Soc. 25 juin 1997), mais cette solution est admise généralement par la doctrine sur le fondement de l'article L. 135-2 du code du travail qui prévoit que " lorsqu'un employeur est lié par les clauses d'un accord collectif de travail, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf dispositions plus favorables ".
· La jurisprudence de la Cour de cassation, depuis les arrêts du 3 décembre 1996 (" Framatome " et " Majorette ") a décidé que, en cas de modification des contrats de travail pour motif économique dans une entreprise d'au moins 50 salariés, dès lors qu'au moins 10 salariés sont susceptibles d'être concernés dans une même période de 30 jours, l'employeur avait l'obligation de mettre en oeuvre, en amont, un plan social. Lorsque ces seuils ne sont pas atteints, c'est la procédure prévue par le code du travail en cas de licenciements pour motif économique inférieurs à 10 salariés qui est applicable.
Il apparaît, en effet, que le licenciement subséquent au refus de la modification du contrat, induite par une réduction de salaire, par le ou les salariés, aurait un caractère économique, compte tenu de la définition donnée à l'article L. 321-1 du code du travail, et devrait obéir aux procédures précitées.
· Quant à la légitimité du licenciement prononcé en cette hypothèse, il est cependant vraisemblable que le juge considérera qu'elle est fondée sur une cause réelle et sérieuse.
Il en est ainsi si la réduction de la durée du travail a pour motif des difficultés économiques (volet dit " défensif " d'application du dispositif d'incitation) ; il en sera sans doute de même si la réduction de la durée du travail a pour objet d'anticiper la réduction de la durée légale et de développer l'emploi (volet dit " offensif ").
On peut toutefois souligner que d'éminents juristes auditionnés par votre commission ont émis des réserves sur le caractère de cause réelle et sérieuse d'un licenciement qui suivrait un accord collectif prévoyant une réduction des salaires. Si le licenciement devait être considéré comme abusif, l'entreprise devrait alors payer de lourdes indemnités sous forme de dommages et intérêts. Dans un cas extrême, si le licenciement est considéré comme irrégulier, l'employeur pourrait éventuellement être poursuivi pour délit d'entrave (en cas de défaut de consultation des représentants du personnel, de défaut de notification à l'administration et/ou de non-respect des délais) et risquer dans ce cas d'être condamné à une peine d'emprisonnement.
· Le Gouvernement admet cette possibilité que des salariés puissent demander à être licenciés avec indemnités. Mais à propos de la qualification du licenciement, il estime qu'il y a peu de doute que la cause réelle et sérieuse doive être reconnue par le juge.
On peut ajouter que vu l'expérience des accords de Robien qui ont pour certains, très exceptionnellement, prévu des baisses de salaire, le Gouvernement considère que le risque existe mais qu'il est très limité. On observera toutefois que l'aide financière est moins intéressante que dans le dispositif " de Robien ", notamment pour les cadres, et que les accords sont amenés à concerner un grand nombre d'entreprises si l'abaissement de la durée légale est maintenu.
Dans ces conditions, il n'est pas impossible qu'une entreprise soit amenée à licencier des salariés, notamment des cadres, avant de pouvoir embaucher des salariés, surtout peu qualifiés dans le cadre du nouveau dispositif. Ceci serait pour le moins paradoxal.
Votre commission souhaiterait que le Gouvernement présente une analyse détaillée sur les conséquences de cette incertitude juridique majeure, tant il semble évident que le risque ne semble pas, comme pour le SMIC, avoir été suffisamment apprécié lors de la conception du projet de loi.
IV. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL NE CONSTITUE PAS LA SOLUTION MIRACLE AU PROBLÈME DU CHÔMAGE
A. LA DURÉE DU TEMPS DE TRAVAIL NE CONSTITUE PAS UNE CAUSE DU NIVEAU ÉLEVÉ DU TAUX DE CHÔMAGE FRANÇAIS
1. La durée du travail en France est comparable à celle de ses partenaires
La durée du temps de travail ne constitue pas une cause
du niveau élevé du taux de chômage français. Tout au
plus peut-on estimer que le recours aux heures supplémentaires pourrait
constituer le symptôme des déficiences et des
déséquilibres de notre marché du travail, les
entrepreneurs ayant peur d'embaucher, ils préféreraient avoir
recours aux heures supplémentaires.
On peut rappeler que les heures supplémentaires sont les heures
effectuées au-delà de la durée légale du travail,
fixée à 39 heures. L'accomplissement de ces heures ouvre aux
salariés le droit à une rémunération majorée
ainsi qu'à un repos compensateur obligatoire. Dans certains cas (accords
de branches et d'entreprises), leur paiement peut être remplacé
par un repos compensateur de remplacement équivalent.
Très peu de pays européens possèdent une durée
légale telle qu'on la conçoit en France, la plupart se contente
de définir des maxima hebdomadaires. A cet égard, on peut
rappeler que l'article 6 de la directive européenne du 23 novembre 1993
(voir annexe) fixe comme seule contrainte que " la durée moyenne de
travail pour chaque période de sept jours n'excède pas
quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ".
En choisissant de concerner et même de baisser la durée
légale du travail, la France ne peut que se retrouver isolée dans
le concert européen, la norme européenne étant de s'en
remettre aux partenaires sociaux pour définir la durée
hebdomadaire du travail.
DURÉE DU TRAVAIL HEBDOMADAIRE COMPARÉE DANS LES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS
Pays |
Durée légale |
Durée effective/salariés à temps complet |
Durée effective/salariés à temps complet et à temps partiel |
Allemagne |
48 heures |
39,7 heures |
36,4 heures |
Belgique |
40 heures |
38,4 heures |
35,7 heures |
Danemark |
Pas de législation |
38,9 heures |
34,5 heures |
Espagne |
40 heures |
40,7 heures |
39 heures |
France |
39 heures |
39,9 heures |
37 heures |
Grande-Bretagne |
Pas de législation |
43,9 heures |
37,5 heures |
Italie |
48 heures |
38,4 heures |
37,6 heures |
Pays-Bas |
48 heures |
39,5 heures |
31,7 heures |
Portugal |
44 heures |
41,2 heures |
40,4 heures |
Source : Commission européenne, Eurostat
Lorsque l'on examine les statistiques normalisées au niveau
européen, on observe la position médiane de la France. A
39,9 heures par semaine, la durée effective du travail des
salariés français à temps complet est très proche
de celle de leurs collègues néerlandais (39,5 heures). On
peut mieux affirmer que nul pays européen n'a encore
décidé d'appliquer une politique visant à faire baisser la
durée effective de travailleurs à temps complet à
35 heures.
Par contre, plusieurs de nos partenaires ont mené une politique active
de développement du travail à temps partiel. L'Allemagne, la
Belgique, le Danemark et surtout les Pays-Bas, affichent des durées
effectives du travail des salariés à temps complet et à
temps partiel inférieures à celles de la France.
A cet égard, les ministres du travail et des affaires sociales de
l'Union européenne ont adopté, le 15 décembre 1997, une
Directive européenne relative au temps partiel
37(
*
)
. On peut retenir que cette Directive préconise
l'élimination des obstacles au développement du travail à
temps partiel et donne un rôle majeur aux partenaires sociaux dans la
maîtrise et le contrôle de cette forme de travail. Dans ces
conditions, on peut s'interroger sur les dispositions du projet de loi qui
contraignent le développement du travail à temps partiel,
notamment quant à leur compatibilité avec l'esprit de la
Directive.
Estimation théorique du nombre moyen d'heures de
travail
effectives sur le cycle de vie (salariés, 15-70 ans)
|
Hommes |
Rang (CE) |
Femmes |
Rang (CE) |
Total |
Rang (OCDE) |
Belgique |
57.306 |
9 |
30.369 |
6 |
43.737 |
8 |
Danemark |
66.508 |
3 |
49.418 |
1 |
57.467 |
4 |
Allemagne |
64.578 |
4 |
38.429 |
5 |
51.642 |
6 |
Espagne |
62.257 |
5 |
26.347 |
9 |
43.974 |
10 |
France |
60.635 |
8 |
38.922 |
4 |
49.507 |
7 |
Italie |
61.825 |
6 |
28.095 |
8 |
44.501 |
9 |
Pays-Bas |
61.622 |
7 |
30.195 |
7 |
45.218 |
11 |
Portugal |
77.999 |
1 |
49.244 |
2 |
62.800 |
2 |
Royaume-Uni |
73.904 |
2 |
41.052 |
3 |
56.918 |
5 |
Etats-Unis |
|
|
|
|
61.343 |
3 |
Japon |
|
|
|
|
71.123 |
1 |
Europe des 12 |
65.098 |
|
36.418 |
|
50.559 |
|
Méthodologie : sur la base des données 1992,
avec l'hypothèse d'une stabilité à long terme des
comportements d'activité observés actuellement chez les plus de
15 ans.
Source : Ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, estimation Direction de la Prévision.
Lorsque l'on cherche à estimer le nombre moyen d'heures de travail
effectives sur le cycle de vie, on constate que la France est loin d'être
le pays où l'on travaille le plus. La Direction de la Prévision
évalue à 49.507 heures la quantité de travail moyenne
d'un travailleur français, ce qui classerait le pays au septième
rang de l'OCDE. On peut remarquer que les six pays dans lesquels on travaille
plus (Japon, Portugal, Etats-Unis, Danemark, Royaume-Uni et Allemagne) ont tous
un taux de chômage inférieur au taux français. Ces
éléments chiffrés renforcent la perplexité quant au
nombre d'emplois que pourrait créer le projet de loi.
On peut s'étonner, dans ces conditions, que le Gouvernement cherche
à promouvoir une réduction du temps de travail avec une faible
-voire une absence- de baisse de salaire alors que cette absence de
compensation salariale est précisément au coeur du succès
du temps partiel qui a permis de faire baisser le chômage dans les pays
qui l'ont appliqué. L'esprit de système est toujours
préjudiciable et il est à craindre que le " tout RTT "
choisi par le Gouvernement, compte tenu de son impact psychologique notamment,
constitue un pari risqué.
On comprend mal dans ces conditions comment la réduction du temps
de travail pourrait s'avérer être une solution au problème
du chômage. Ne risque-t-elle pas au contraire de retarder les
nécessaires réformes en repoussant artificiellement, au prix de
subventions coûteuses, l'heure des choix ? Ce projet ne reviendrait-il
pas à casser le thermomètre afin de faire disparaître la
fièvre et repousser le moment du diagnostic ?
2. La France est beaucoup plus touchée par le chômage que ses partenaires
Avec 12,4 % des actifs privés d'emploi, la France
s'inscrit à l'évidence dans le groupe de pays qui n'ont pas
réussi à régler leur problème de chômage.
Elle se distingue en cela de la majorité des pays
développés qui obtiennent des performances tout à fait
honorables en ce domaine et parmi lesquels il convient de citer : le Japon, les
Etats-Unis, la Suisse, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède,
l'Autriche, le Danemark, l'Australie et le Canada.
On remarque que cet ensemble comprend des pays aux traditions culturelles
différentes puisque sont représentés l'Asie, les pays
anglo-saxons, les pays scandinaves et germaniques. Il semble donc vain
d'essayer d'opposer des modèles en les fondant sur une tradition
culturelle puisque démonstration est faite que des pays de tradition
culturelle diverse ont su apporter des solutions au problème du
chômage, solutions qui au demeurant s'inspirent toutes du diagnostic
fondé sur les théories économiques, en particulier
micro-économiques.
Taux de chômage des pays industrialisés
The Economist - 17.01.98
Un niveau du chômage élevé n'est donc
ni " normal ", ni " inévitable ", il
est la
conséquence d'une situation qu'il convient de bien appréhender si
l'on souhaite y apporter des réponses.
Si la France a un taux de chômage supérieur à celui de
nombre de ses partenaires, elle le doit à la structure et à
l'état de son économie, autrement dit, elle en est probablement
largement responsable.
B. LE PROJET DE LOI N'ATTAQUE PAS LE CHÔMAGE EN SON COEUR
1. Le chômage français est essentiellement de nature structurelle
Le chômage est loin d'être un concept homogène. Il s'agit d'une notion qui superpose plusieurs situations de déséquilibres, sur le marché du travail et sur le marché des biens et services en particulier. Ainsi, on peut considérer qu'un taux de chômage de 12,4 % est constitué d'une succession de strates représentant des formes de chômage plus ou moins difficiles à réduire. Les six formes suivantes sont communément admises par les économistes même si ces derniers divergent sur l'importance respective de chacune des catégories, notamment dans la composition du taux de chômage français. La connaissance fine du chômage est indispensable car pour être efficace, la politique de lutte contre le chômage doit s'attaquer de manière différenciée et adaptée à chacune de ses composantes.
-
· Le chômage peut être
frictionnel
; il s'agit,
dans ce cas, d'un chômage transitoire lié au changement d'emploi
d'un secteur à l'autre ou d'une région à l'autre. Ce
chômage est le fruit des perpétuelles mutations de
l'économie.
· Lorsque les salaires ne s'ajustent pas aux nouvelles conditions de l'emploi ou lorsque les niveaux de qualification ne correspondent pas aux besoins des entreprises, on observe un déséquilibre persistant entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre . Ce chômage est durable et plus difficile à réduire, des efforts dans le domaine de la formation peuvent y aider.
· Le chômage peut également être la conséquence d'un niveau de salaire relatif trop élevé. Dans ce cas, ce qui correspond à un problème de chômage peut constituer dans d'autres pays un problème de bas revenus où les salaires sont alignés sur la productivité des salariés. Ce chômage frappe plus particulièrement les personnes faiblement qualifiées.
· Le chômage peut être la conséquence d'une rigidité des salaires réels , ceci signifie qu'ils ne s'ajustent que très lentement aux variations de la productivité. Le chômage est le plus faible dans les pays où les négociations salariales sont organisées au niveau de l'entreprise et où les syndicats privilégient un faible niveau de chômage de préférence à une hausse du pouvoir d'achat des salariés.
· Le chômage peut être favorisé par un système d'indemnisation qui encourage le prolongement de la recherche d'emploi.
- · Le chômage peut être également la conséquence d'une insuffisance de la demande globale de biens et services adressée aux entreprises. Dans ce cas, la politique économique menée peut avoir son rôle à jouer.
Composantes structurelle et conjoncturelle du taux de
chômage
38(
*
)
En pourcentage de
la population active totale
Source Secrétariat de l'OCDE 39( * )
L'OCDE estime que le chômage français est essentiellement de nature structurelle bien que l'augmentation depuis 1990 soit due principalement à des facteurs conjoncturels. Ceci signifie qu'une reprise de la croissance pourrait réduire ce surcroît de chômage mais qu'il n'agirait que très peu sur le " gros du stock ". L'augmentation des salaires que pourrait entraîner la politique d'abaissement de la durée légale du travail pourrait à court terme augmenter le pouvoir d'achat et réduire le chômage conjoncturel mais il y a fort à parier qu'à moyen terme cette politique ne renforce le socle du chômage structurel (salaires relatifs trop élevés, rigidité des salaires réels).
2. Le projet de loi ne semble pas devoir durablement réduire le chômage
Les origines du chômage français ne sont pas
fondamentalement à rechercher dans la durée du travail.
Plus précisément, une étude récente
40(
*
)
a
montré que le niveau relatif des salaires
pouvait être une cause significative du surcroît de chômage
français. Lorsque les salaires sont flexibles à la baisse comme
aux Etats-Unis, il existe plus d'emplois pour les personnes les moins
qualifiées. Les auteurs de l'étude considèrent que le
salaire minimum porte une responsabilité importante à cet
état de fait, alors qu'il a baissé en termes réels dans
les années 1980 aux Etats-Unis, il a augmenté plus vite que
l'inflation en France sur la même période. Ils estiment qu'une
hausse de 1 % du salaire minimum en termes réels réduit de 2
à 2,5 % la probabilité de trouver un emploi pour les jeunes
habituellement employés à ce niveau de
rémunération. Dans ces conditions, on pourrait estimer que la
hausse du SMIC de 4 % au printemps dernier devrait réduire la
probabilité des jeunes de trouver un emploi de près de 6 %.
On peut rappeler que 15 % des travailleurs américains sont
payés en-dessous du niveau du SMIC, la plupart étant des jeunes
et des femmes âgées, deux catégories qui sont durement
frappées par le chômage en France.
On peut s'interroger sur les conséquences qu'aurait une augmentation du
SMIC de plus de 11 % dans les entreprises qui réduiraient leur
durée du travail quant à l'emploi des jeunes. A moins de
considérer que le plan emploi-jeunes a été initié
pour régler ce problème, on peut nourrir quelques
inquiétudes pour l'avenir de ces futurs salariés, en particulier
pour les jeunes.
Une autre étude
41(
*
)
complète
cette analyse en considérant que le droit du licenciement est
particulièrement défavorable à l'emploi en France. Il
dissuaderait les entrepreneurs d'embaucher. Les auteurs mettent en
évidence qu'un salarié français a moins de risques
d'être licencié qu'un salarié américain, mais qu'une
fois qu'il est au chômage, il y reste beaucoup plus longtemps que son
vis-à-vis d'outre-Atlantique. Ils estiment que le nombre d'embauches
rapporté au nombre de salariés est six fois supérieur aux
Etats-Unis qu'en France. Cette analyse renvoie aux rigidités du
marché du travail maintes fois évoquées pour
caractériser les origines du chômage français. Dans cette
optique, il conviendrait de réduire le coût des licenciements pour
augmenter par là même le nombre des embauches.
Ces études sont très utiles pour expliquer la paralysie de la
société française. Les entreprises sont dissuadées
d'embaucher par des contraintes et des réglementations coûteuses,
des salaires trop peu flexibles ou trop élevés. En
conséquence, les salariés sont inquiets à l'idée de
perdre leur emploi. Une enquête réalisée par l'IFOP et
publiée par Libération le 19 janvier 1997 révèle
que 62 % des actifs occupés pensent que, s'ils perdaient leur emploi,
ils n'en trouveraient un autre que difficilement, voire très
difficilement. Ce sentiment pèse sur la consommation et donc sur la
croissance, ce qui renforce un peu plus la tendance. Une enquête
récente de la SOFRES estime que 43 % des personnes qui craignent pour
leur emploi s'attendent à une détérioration de
l'économie française toute entière, contre 30 % parmi
ceux qui n'éprouvent pas de crainte particulière.
Le projet de loi du Gouvernement sur la réduction du temps de travail ne
s'attaque pas vraiment au chômage structurel. On a même du mal
à envisager quelle catégorie de chômage il devrait
permettre de réduire. Peut-être le chômage conjoncturel
devrait baisser, mais on a déjà expliqué qu'à
terme, cette baisse du chômage conjoncturel pourrait se traduire par une
hausse du chômage structurel, lequel est beaucoup plus dur à
réduire car persistant.
En tout état de cause, on peut raisonnablement douter que le
chômage français puisse baisser en dessous des 10 % d'ici
2002, date d'application de la baisse de la durée légale compte
tenu de la politique qui nous est proposée. Or, tel est pourtant
l'enjeu. La réduction du temps de travail apparaît comme un moyen
insuffisant pour réduire les causes du chômage ; il est même
probable qu'elle ne réponde pas vraiment au problème du
chômage tel qu'il se présente à nous.
V. PRÉJUDICIABLE AUX ENTREPRISES ET DIFFICILEMENT COMPATIBLE AVEC L'EURO ET LE MARCHÉ UNIQUE
A. UN PROJET PRÉJUDICIABLE AUX ENTREPRISES
1. Les entrepreneurs sont vigoureusement opposés au texte
La France est le seul pays industriel important à
vouloir abaisser la durée du travail à 35 heures par semaine par
la voie législative.
L'annonce de cette décision à l'issue de la conférence du
10 octobre 1997 sur les salaires, l'emploi et le temps de travail n'a pas
été sans provoquer la stupeur de l'ensemble de nos partenaires,
notamment européens, qui ne partagent ni cet objectif, ni le goût
des méthodes autoritaires dans le domaine du social.
Pour donner une idée de l'étonnement suscité, on peut
rappeler qu'un membre influent du gouvernement allemand a
considéré qu'il s'agissait là d'une excellente nouvelle
pour les entreprises de son pays. En des termes plus explicites, M.
François Michelin a résumé l'opinion des entrepreneurs
français en considérant que l'instauration des 35 heures
était " suicidaire ", il a estimé que les causes du
chômage en France étaient parfaitement connues mais qu'on ne
voulait pas les aborder parce qu'elles remettaient en cause un certain nombre
de " pensées uniques ". Plus généralement, on
peut rappeler que les représentants des chefs d'entreprises se sont
prononcés contre le projet de loi dans leur quasi-totalité et que
les syndicats ont fait preuve de prudence tout en soulignant leur accord de
principe.
Comité de Liaison des Décideurs
Économiques (CLIDE)
CGPME - CNPF - FNSEA - UNAPL -
UPA
DÉCLARATION COMMUNE
Les présidents des cinq organisations membres du CLIDE,
qui représentent plus de 3 millions d'entrepreneurs et comptent 17
millions d'actifs, se sont réunis pour examiner les conséquences
qu'aurait le projet de loi dit des 35 heures s'il devait être
adopté.
Ils constatent que l'immense majorité de leurs membres quels que soient
leur secteur, la taille de leur entreprise ou leur forme juridique, sont
opposés à ce projet qui :
-
· ignore la réalité des entreprises et leur
diversité et va à l'encontre de leurs efforts quotidiens pour
s'adapter aux réalités du monde dans lequel ils vivent ;
· stérilise par avance le dialogue social et risque de tendre inutilement le climat ;
· impose de nouvelles contraintes réglementaires et des augmentations de coûts aux seules entreprises françaises, à l'heure de l'euro et de la mondialisation ;
· détruira des emplois au lieu d'en créer en pesant sur la compétitivité des entreprises françaises ;
· cassera l'élan de tous ceux qui entreprennent alors même que l'économie donne des signes de reprise ;
· incitera au travail au noir et au départ des emplois hors de France.
· Pour ces raisons, les cinq organisations regroupées au sein du CLIDE demandent solennellement au Gouvernement et au Parlement de renoncer à imposer aux entreprises françaises des contraintes nouvelles radicalement contraires à leurs objectifs de croissance et d'emploi.
Pour chacune des mesures suivantes prises par le Gouvernement, pouvez-vous me dire si vous la jugez plutôt positive ou plutôt négative pour l'économie française ? |
||||
(En %) |
Plutôt positive |
Plutôt négative |
NSP |
Total |
L'abaissement du taux de l'impôt sur les sociétés pour les PME qui incorporent leurs bénéfices au capital de l'entreprise |
83 |
12 |
5 |
100 |
L'octroi d'un crédit d'impôt pour la création d'emplois |
70 |
25 |
5 |
100 |
L'accroissement de la fiscalité sur différents produits d'épargne (assurance-vie, bons de capita-lisation) |
24 |
69 |
7 |
100 |
La hausse temporaire de 15 % de l'impôt sur les sociétés |
|
|
|
|
Les Echos - 12 janvier 1998
Pour chacun des éléments suivants, pouvez-vous me dire s'il pourrait vous conduire à envisager de délocaliser tout ou partie de votre activité ? |
||||
(En %) |
Plutôt positive |
Plutôt négative |
NSP |
Total |
Le niveau des charges sociales |
48 |
48 |
4 |
100 |
Le niveau de la fiscalité |
44 |
51 |
5 |
100 |
Le projet de loi sur les 35 heures |
35 |
59 |
6 |
100 |
Les Echos - 12 janvier 1998
Des réactions sous la forme de délocalisations d'entreprises et d'emplois ou des décisions d'investissements de la part des entreprises étrangères qui excluraient la France ne peuvent plus être exclues, notamment dans le contexte du marché unique et de l'euro.
2. Le passage autoritaire aux 35 heures pourrait fragiliser de nombreuses entreprises
Plusieurs organisations représentatives des
salariés et des employeurs ont été auditionnées par
la commission des Affaires sociales.
Au-delà des positions de principe, le sentiment le plus souvent
évoqué par les intervenants fut celui du scepticisme quant
à la méthode choisie par le Gouvernement.
Un constat est revenu plusieurs fois, celui que les entreprises se
répartiraient en trois catégories quant à leur position
vis-à-vis de ce texte :
1/ les entreprises en bonne santé qui devraient
bénéficier à plein de l'effet d'aubaine, parce qu'elles
avaient de toute façon l'intention de réduire et de
réorganiser le temps de travail.
2/ les entreprises qui pourraient effectivement mettre en oeuvre des
dispositifs de réduction du temps de travail et pour lesquelles les
incitations devraient être utiles.
3/ les entreprises qui ne ne devraient pas pouvoir supporter les
difficultés liées au surcoût salarial et pour lesquelles
les perspectives de licenciements ou de faillites ne constitueraient pas une
simple hypothèse.
Cette dernière catégorie est bien sûr la plus
préoccupante puisqu'elle aurait à pâtir d'un dispositif
censé faciliter la réorganisation et la réduction du temps
de travail. Il faut bien remarquer qu'un simple abandon de l'article premier
lèverait les hypothèques qui pèsent sur cette
catégorie d'entreprises.
La loi " de Robien " concernait les deux premières
catégories d'entreprises. Les premiers bilans ont souligné que
des effets d'aubaine ne pourraient être exclus concernant certaines
entreprises. Cependant, dans la plupart des cas, l'aide financière a
été déterminante pour initier des accords qui sans elle
n'auraient pu être signés dans les mêmes conditions. Le
caractère strictement volontaire de la loi " de Robien "
excluait que des entreprises puissent être mises en difficulté du
fait de ce dispositif.
Le dispositif du Gouvernement a certes le mérite de réduire les
effets d'aubaine, mais son caractère majoré limite
l'intérêt du dispositif pour les cadres.
Par ailleurs, l'article premier pourrait mettre en difficulté nombre
d'entreprises.
On peut se demander si un reprofilage de la loi " de
Robien "
n'aurait pas permis de limiter les effets d'aubaine sans mettre en péril
nombre d'entreprises du fait des conséquences de la baisse de la
durée légale du travail.
Comparatif des coûts salariaux des pays
industrialisés
Source Rexecode
Le rapporteur a souhaité procéder à des
auditions en complément de la commission.
L'ensemble des organisations auditionnées
42(
*
)
ont mis en avant l'impact d'un abaissement de la
durée légale du travail sur les salaires.
Les représentants du secteur de la production audiovisuelle ont
expliqué que ce surcoût salarial pourrait accélérer
la délocalisation des tournages vers l'Europe de l'Est, 60 à
70 % des coûts d'un film étant représentés par
la main-d'oeuvre.
La main-d'oeuvre des intermittents du spectacle étant qualifiée,
le dispositif d'aide semble particulièrement inadapté à ce
secteur.
Les représentants des sociétés d'économie mixte se
sont posé la question de l'articulation du dispositif gouvernemental
avec le plan emploi-jeunes ; les embauches de jeunes font-elles partie du quota
de 6 % ?
Les représentants des industries agro-alimentaires ont fait part de leur
souhait que des progrès soient faits en termes d'annualisation ; ils ont
insisté pour que les entreprises qui ont déjà
avancé dans la voie de la réduction du temps de travail ne soient
pas pénalisés par le nouveau dispositif. Ils ont enfin fait part
de leurs craintes quant aux modifications adoptées en première
lecture sur la notion de travail effectif.
Les représentants du commerce et de la distribution ont expliqué
que leur convention collective avait déjà moralisé
l'utilisation du temps partiel.
Les représentants des transports ont insisté sur leurs craintes
quant à la limitation des interruptions quotidiennes (transports
scolaires) et sur les risques de distorsion de concurrence.
Les représentants de la Confédération de la
mutualité, des coopératives et du Crédit agricole ont mis
en avant les risques d'une accélération de la
désertification rurale ; ils ont insisté sur les
évolutions technologiques en cours dans le secteur bancaire qui
pourraient fragiliser l'emploi si des modulations n'étaient pas
adoptées.
B. LA DÉCISION DE RÉDUIRE LE TEMPS DE TRAVAIL DE MANIÈRE AUTORITAIRE N'EST PAS COMPATIBLE AVEC L'EURO ET LE MARCHÉ UNIQUE
La logique des 35 heures pourrait empêcher
l'économie française de bénéficier des avantages de
l'euro et du marché unique.
L'unification monétaire du continent européen peut constituer un
formidable atout pour l'économie française, mais elle peut
également constituer le révélateur de ses faiblesses. A
partir de 1999, la mise en place de l'euro devrait exacerber
l'intégration économique, la spécialisation, la
concurrence et la recherche d'économies d'échelle. Les
entreprises devront redoubler d'efforts pour poursuivre leur
internationalisation et atteindre la taille critique. Les PME ressentiront
certainement cet événement avec plus d'acuité que les
grosses entreprises, déjà habituées à traiter le
risque de change ; elles seront confrontées à la concurrence
radicale de leurs consoeurs européennes, notamment transalpines.
La commission de l'emploi et des affaires sociales du
Parlement européen estime que la réduction du temps de travail
est une question qui relève strictement
du domaine des partenaires
sociaux.
La commission de l'emploi et des affaires sociales a
été amenée à examiner le Livre vert de la
Commission intitulé " Partenariat pour une nouvelle organisation du
travail " dans un rapport
(1)
publié le 10 octobre
1997.
On peut rappeler que le Livre vert avait pour objectif de stimuler un
débat sur de nouvelles formes d'organisation du travail dans la
perspective du Conseil européen d'Essen où des modifications de
l'organisation du travail ont été évoquées en
liaison avec la compétitivité et l'emploi.
A propos du temps de travail, le rapporteur de la commission, M. Jan
Anderson, a estimé que "
les possibilités de modification
du temps de travail étaient étroitement liées à la
situation dans les différentes branches et dans les secteurs public et
privé, si bien qu'elles ne pouvaient être appliquées de
manière uniforme sur l'ensemble du marché du travail
".
Dans cette perspective, il a précisé que "
les questions
de temps de travail plus souples et de réduction de la durée du
temps de travail devaient avant tout être réglées par les
partenaires sociaux sous forme d'accords collectifs
. ".
On peut également préciser que le Livre vert de la commission
mentionne un certain nombre de modèles à même
d'accroître la flexibilité du temps de travail : changement de la
durée de la semaine de travail, annualisation du temps de travail,
travail à temps partiel et dispositions flexibles en matière de
congé durant la vie professionnelle.
(1)
Rapport sur le Livre vert de la commission
intitulé " Partenariat pour une nouvelle organisation du
travail ". Commission de l'emploi et des affaires sociales - PE
224.080/déf.II.
La commission des Affaires sociales considère que la monnaie unique
constitue le prolongement nécessaire du marché unique car seule
l'unification monétaire permet au marché unique de produire tous
ses effets mais cette avancée à un coût : le renoncement
à l'outil du taux de charges comme instrument de politique
économique nationale. Elle est à ce titre indispensable.
Or, il existe nécessairement un lien étroit entre le
régime de change et le fonctionnement du marché du travail ; plus
précisément, les deux variables doivent être en
cohérence. Par exemple, la flexibilité des changes dans les
années 1970 permettait de pallier la rigidité du marché du
travail. Cependant, comme l'ont montré plusieurs études sur
l'économie française, la sensibilité des salaires
réels à une détérioration des termes de
l'échange et au niveau du chômage reste modeste. Ceci signifie que
la France est aujourd'hui contrainte de s'assurer que les conditions du
fonctionnement de son marché du travail sont compatibles avec la monnaie
unique. A défaut, la monnaie unique ne sera pas viable ou des chocs
régionaux se traduiront inévitablement par une forte augmentation
du chômage.
Dans cet esprit, Gavyn Davies, économiste chez Goldman Sachs, a pu
déclarer récemment
43(
*
)
que
"
ou l'existence de l'euro forcera l'Europe à faire des
réformes libérales, ou il échouera
".
Poursuivant dans cet ordre d'idées, Wim Duisenberg, président de
l'Institut monétaire européen (IME) a déclaré :
"
il faudra que le marché du travail et la politique salariale
soient plus flexibles pour absorber les chocs régionaux
". A
défaut de quoi, il a prévenu que si l'évolution des
salaires engendrait des tensions inflationnistes, "
le système
européen de banques centrales (SEBC), pourrait être amené
à durcir sa politique monétaire, ce qui risquerait
d'entraîner un recul momentané de l'activité
économique et de l'emploi
".
On peut dès lors s'interroger sur la compatibilité du projet de
loi avec l'unification monétaire. L'abaissement de la durée
légale du travail constitue une énorme contrainte -notamment
salariale-, par ailleurs le recours aux heures supplémentaires et au
temps partiel est rendu plus difficile. Ces décisions ne sont-elles pas
à rebours de l'intérêt des entreprises et des
salariés ? Que doit-on penser du fait que ces dispositions ont
été, soit initiées, soit ardemment défendues par
les franges de la " majorité plurielle ", les plus
vigoureusement hostiles à l'euro ?
Conclusions de la Présidence, Conseil européen
extraordinaire sur l'emploi -
Luxembourg, 20 et 21 novembre 1997
Le Conseil a considéré comme essentiel pour
l'Union de " poursuivre une politique de croissance axée sur la
stabilité, l'assainissement des finances publiques, la modération
salariale et les réformes structurelles ". Il a appelé les
Etats membres à continuer à mettre en oeuvre des réformes
structurelles nécessaires dans tous les domaines.
Le Conseil préconise une convergence des politiques de l'emploi et a
déterminé dans cette perspective quatre " lignes
directrices " pour 1998 : " améliorer la capacité
d'insertion professionnelle, développer l'esprit d'entreprise,
encourager la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises
pour permettre au marché du travail de réagir aux mutations
économiques et renforcer la politique d'égalité des
chances ".
" Le Conseil européen demande aussi bien au législateur
européen qu'aux législateurs nationaux de poursuivre activement
les efforts entrepris pour simplifier l'environnement réglementaire et
administratif des entreprises et en particulier des PME. "
Concernant la modernisation de l'organisation du travail, le Conseil a
déclaré que :
" Afin de promouvoir la modernisation
de l'organisation du travail et des formes de travail, les partenaires sociaux
sont invités à négocier, aux niveaux appropriés,
notamment au niveau sectoriel et au niveau des entreprises, des accords visant
à moderniser l'organisation du travail, y compris les formules souples
de travail, afin de rendre les entreprises productives et compétitives
et d'atteindre l'équilibre nécessaire entre souplesse et
sécurité. Ces accords peuvent porter par exemple sur
l'annualisation du temps de travail, la réduction du temps de travail,
la réduction des heures supplémentaires, le développement
du travail à temps partiel, la formation " tout au long de la
vie " et les interruptions de carrière. "
On peut observer que le sommet de Luxembourg n'a pas conclu à la
nécessité d'une réduction de la durée du travail
par la voie de la baisse de la durée légale pour réduire
le chômage. Il n'a pas cru même devoir évoquer
l'utilité de ce dispositif pour réduire le travail. Par contre,
il a insisté sur le rôle des partenaires sociaux, la
nécessité de réduire les prélèvements
obligatoires, de limiter les réglementations...
Loin de promouvoir une convergence des politiques de l'emploi, les choix du
Gouvernement français renforcent le choix de l'insularité en
matière de politiques économiques et sociales.
VI. LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SOUTIENT UNE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL VOLONTAIRE ET NÉGOCIÉE ET APPELLE À DES PROGRÈS EN TERMES DE FLEXIBILITÉ
A. LA FRANCE DOIT S'INSPIRER DES PAYS QUI ONT RÉUSSI À RÉDUIRE LEUR TAUX DE CHÔMAGE
1. Le modèle social français a échoué devant l'obstacle du chômage
Les analyses sont maintenant nombreuses qui ont mis en
évidence les limites d'un " modèle social
français " reposant sur l'intervention de l'Etat, la
réglementation à outrance, une économie plus ou moins
mixte, des prélèvements obligatoires très
élevés.
Sans vouloir revenir sur des faits connus et avérés, il est utile
de rappeler brièvement les conséquences de ce modèle sur
l'emploi. Comme le considère Denis Olivennes dans une note de la
Fondation Saint-Simon
44(
*
)
: "
Au
lieu
d'élargir sans cesse la croissance et la création d'emplois, nous
nous obstinons à freiner notre capacité productive en
réduisant le nombre de nos actifs. Les Américains cherchent
à agrandir sans cesse le gâteau ; nous nous attachons à le
partager en considérant, à tort, qu'il n'est pas
extensible
"
.
Ce modèle est solide car sa contradiction
interne est occultée par le fait qu'il protège efficacement le
corps central de la société et accompagne socialement l'exclusion
qu'il engendre.
Autrement dit, "
il garantit les revenus, mais il compromet
l'emploi
".
Les réglementations protègent certains secteurs d'activité
et certains segments de population. En conséquence, "
le
modèle français garantit aux salariés disposant d'un
emploi une plus grande stabilité que leurs collègues de la
plupart des autres pays occidentaux mais, en revanche, il institue un mur entre
l'emploi et le chômage rendant ces deux mondes hermétiques l'un
à l'autre, ce qui explique par exemple le haut niveau du chômage
de longue durée et du chômage des jeunes
". On doit, par
ailleurs, constater que ce modèle ne préserve pas des
défauts supposés des économies libérales, les
inégalités entre riches et pauvres s'accroissent à mesure
que le chômage s'installe. Comme le soulignait dernièrement
l'hebdomadaire Business Week
45(
*
)
,
l'économie française est coupée en deux : "
la
plupart des 14,2 millions de salariés du privé sont
flexibles et productifs, les jeunes sont qualifiés et intègrent
le marché du travail avec un contrat précaire (...) alors que les
5,3 millions de salariés du secteur public sont accrochés
aux droits acquis et sont ardemment favorables à une réduction de
leur durée du travail de 10 % sans réduction de
salaire
. ".
"
En France, les charges sociales sont parmi les plus
élevées au monde et l'impôt sur les sociétés
est à la hausse afin de financer un énorme secteur public. Ceci,
ajouté à une réglementation étouffante de l'Etat, a
fait partir des vagues de chefs d'entreprise vers la Grande-Bretagne et les
Etats-Unis. En conséquence, la France manque d'industries de croissance
comme la biotechnologie alors que les industries matures comme l'automobile se
rationalisent et licencient
". L'économie étant
dépourvue des industries d'avenir qui déterminent la
création d'emplois aux Etats-Unis, les gouvernements français en
sont ramenés à espérer un retournement de la conjoncture
pour réduire les files de chômeurs.
Pour réduire durablement le chômage en France, il convient, selon
toute vraisemblance, d'encourager la création de richesses, avant de se
poser la question de leur redistribution. Dans cette perspective,
l'aménagement du temps de travail constitue, avec les modalités
de son organisation, le volet interne de la flexibilité. Il ne faudrait
pas négliger toutefois l'autre face de la flexibilité, la
flexibilité externe, qui recouvre les relations juridiques entre
l'employeur et ses salariés ; des progrès doivent
également être réalisés dans ce domaine.
2. Les pays qui réussissent à réduire le chômage se sont tous inspirés de la stratégie de l'OCDE pour l'emploi
L'organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) a eu l'occasion d'exprimer le
scepticisme que lui inspirait la politique de réduction du temps de
travail menée par le Gouvernement français dans son dernier
rapport sur les perspectives économiques
46(
*
)
.
On peut lire dans ce rapport que "
l'effet
sur l'emploi d'une réduction du temps de travail semble devoir
être faible à moins que les gains hebdomadaires ne diminuent
à proportion des heures ouvrées et même alors les effets
à moyen terme sont incertains
". L'OCDE affirme
également qu'il faut "
viser à un accord mutuel entre
employeurs et salariés sur la réduction du temps de travail (de
préférence à un niveau décentralisé)
plutôt que de chercher à imposer des réductions
. ".
Loin de se cantonner dans un refus de principe des politiques actives de lutte
contre le chômage, l'OCDE a développé depuis 1994 un
ensemble de recommandations propres à faire reculer le
phénomène.
On peut souligner que ces recommandations qui visent toutes une meilleure
performance du marché du travail ont été
élaborées dans un souci d'équité et de
préservation de la cohésion sociale. Il a souvent
été considéré que les réformes tendant
à accroître la flexibilité des salaires et à
réformer les régimes étaient incompatibles avec l'objectif
d'une certaine équité. Il semblerait toutefois que l'augmentation
des emplois résultant des réformes soit bénéfique
pour tous, même si elle s'accompagne d'une plus grande dispersion des
taux de salaires. On peut notamment considérer que, dans nombre de cas,
un emploi peu rémunéré peut constituer un premier pas vers
un meilleur salaire, l'emploi même mal rémunéré
reste le plus sûr garant du bon fonctionnement de l'ascenseur social.
Le débat sur la flexibilité mériterait donc d'être
plus serein, moins théologique, ceci d'autant plus que cette crispation
est largement propre à la société française. On en
veut pour preuve les déclarations du Premier ministre britannique,
M. Tony Blair, qui a affirmé récemment devant les syndicats
réunis en congrès que l'on devait cesser "
de faire comme
si la flexibilité, au vrai sens du terme, était incompatible avec
la justice sociale, comme si la flexibilité signifiait toujours
l'injustice, et la justice la rigidité "
et
"
que son gouvernement maintiendrait l'actuelle flexibilité
du marché du travail, et que, même si certains avaient des
frissons à cette idée, ils s'apercevraient qu'au bout du compte,
il fait plus chaud dans le monde réel.
".
La stratégie de l'OCDE pour l'emploi
-
1. Elaborer une politique macro-économique qui favorise la croissance et qui, conjuguée à des politiques structurelles appropriées, la rende durable, c'est-à-dire non inflationniste.
2. Améliorer le cadre dans lequel s'inscrivent la création et la diffusion du savoir-faire technologique.
3. Accroître la flexibilité du temps de travail (aussi bien à court terme que sur toute la durée de la vie) dans le cadre de contrats conclus de gré à gré entre travailleurs et employeurs.
4. Créer un climat favorable à l'entreprise en éliminant les obstacles et les entraves à la création et au développement des entreprises.
5. Accroître la flexibilité des coûts salariaux et de main-d'oeuvre en supprimant les contraintes qui empêchent les salaires de refléter les conditions locales et le niveau de qualification de chacun, en particulier des jeunes travailleurs.
6. Revoir les dispositions relatives à la sécurité de l'emploi qui freinent l'expansion de l'emploi dans le secteur privé.
7. Mettre davantage l'accent sur les politiques actives du marché du travail et les rendre plus efficaces.
8. Améliorer les qualifications et les compétences de la main-d'oeuvre en modifiant profondément les systèmes d'enseignement et de formation.
9. Revoir les systèmes d'indemnisation du chômage et de prestations connexes -et leurs interactions avec le système fiscal- de sorte que les objectifs fondamentaux en matière d'équité de la collectivité soient remplis sans porter atteinte au bon fonctionnement des marchés du travail.
10. Développer la concurrence sur les marchés de produits de manière à réduire les tendances monopolistiques et à atténuer l'opposition entre travailleurs intégrés et exclus, tout en contribuant à rendre l'économie plus novatrice et plus dynamique.
1. La commission des Affaires sociales a souhaité corriger la démarche incertaine du Gouvernement
Dans sa majorité, la commission des Affaires sociales
du Sénat a la conviction qu'un dispositif général et
autoritaire de réduction de la durée du travail n'aura pas les
effets escomptés sur l'emploi.
Certes, une comptabilité administrative pourra être tenue des
emplois créés grâce à l'engagement de fonds publics.
Mais qu'en sera-t-il des effets d'aubaine, des emplois détruits ou
délocalisés ?
Elle pense, en revanche, que librement négociée, associée
à une souplesse indispensable à la compétitivité de
l'économie, la réduction du temps de travail peut sans doute
créer des emplois ou en préserver dans certaines entreprises, en
fonction du contexte qui est propre à chacune, contexte
économique, contexte social, contexte psychologique également,
c'est-à-dire volonté commune.
Telle était la philosophie de la loi quinquennale de 1993, de l'accord
de 1995 entre les partenaires sociaux ou enfin de la loi " de
Robien " de 1996. Telle doit être la ligne de conduite de la
majorité sénatoriale.
La commission des Affaires sociales considère que la flexibilité
constitue bien souvent une contrainte pour le salarié qui ne peut
être imposée. Dans ces conditions, la réduction du temps de
travail peut permettre d'améliorer les conditions de travail et ainsi
constituer un des éléments du " donnant-donnant " qui
constitue la base de tout accord, de tout progrès social durable. La
flexibilité pourra ainsi être maîtrisée,
négociée et finalement acceptée pour permettre, dans un
esprit de responsabilité, de faire baisser le chômage.
Dans ces conditions, les propositions de la commission s'articulent autour de
cinq points
:
- suppression de l'abaissement autoritaire de la durée
légale du travail ;
- maintien d'un dispositif incitatif à la négociation sur
l'aménagement et la réduction du temps de travail ;
- introduction d'un délai spécifique de négociation
pour les entreprises de moins de cinquante salariés ;
- réaffirmation du principe de la compensation intégrale
pour la sécurité sociale des exonérations de charges ;
- suppression des principaux obstacles introduits par le texte au
développement du temps partiel.
La commission a par ailleurs proposé d'adopter conforme trois articles
(articles 4, 7bis, 8) et plusieurs paragraphes d'autres articles, ce qui
confirme sa volonté de dialogue avec le Gouvernement. L'urgence
n'étant pas déclarée sur le texte, elle espère que
la navette sera l'occasion de rapprochements sur d'autres articles.
2. Le dispositif d'amendements adopté par la commission des Affaires sociales
Les principaux amendements proposés par la commission ont ainsi pour objet de :
-
·
Supprimer l'abaissement autoritaire et général
de la durée légale du travail à 35 heures
(
article
premier
)
;
· Appeler les partenaires sociaux à négocier les modalités d'une organisation du temps de travail assorties d'une réduction de la durée hebdomadaire du temps de travail calculée en moyenne annuelle sur tout ou partie de l'année ( article 2 ) ;
- la négociation se déroule librement selon la règle du " donnant-donnant " et laisse la possibilité de moduler le temps de travail sur tout ou partie de l'année ;
- elle est stimulée par le dispositif incitatif prévu à l'article 3 ;
- le dispositif tient compte de la situation des entreprises de moins de cinquante salariés -seuil plus significatif que vingt salariés- qui disposent d'un délai supplémentaire pour négocier.
· Instituer un dispositif incitatif à la négociation (article 3)
Le dispositif proposé est un " reprofilage " de la loi " de Robien " ; il en retient le principe d'une aide non pas forfaitaire mais proportionnelle aux salaires afin de ne pas pénaliser l'emploi qualifié ; il tient compte des principales propositions d'améliorations émises à l'occasion des premiers bilans de la loi (notamment évaluation de la commission des Finances de l'Assemblée nationale en avril 1997).
-
-
plafonnée
dans la limite d'une fois et demie le plafond
de la sécurité sociale,
- lissée quant à ses taux afin de faciliter la sortie du dispositif,
- raccourcie à cinq ans au lieu de sept dans le dispositif offensif,
- limitée dans le temps : les entreprises peuvent signer un accord jusqu'au 1 er janvier 2000 (1 er janvier 2002 pour les entreprises de moins de cinquante salariés),
- plus facilement accessible quant aux conditions posées pour les embauches.
· Réaffirmer le principe de la compensation intégrale des exonérations de charge pour la sécurité sociale (article additionnel après l'article 3).
· Supprimer les dispositions pénalisant le travail à temps partiel, lequel contribue en effet fortement à l'enrichissement de notre croissance en emploi, et restreignant, d'ores et déjà, le recours aux heures supplémentaires :
- suppression de l'abaissement du seuil de déclenchement des repos compensateurs lié aux heures supplémentaires (article 5) ,
- suppression des dispositions défavorables au temps partiel à travers la modification de l'abattement incitatif (article 6) ,
- suppression des restrictions apportées par le projet de loi au régime des heures complémentaires pour les salariés à temps partiel (article 7).
· Ne pas entériner la perspective d'une extension , non justifiée et extraordinairement coûteuse pour les comptes de l'Etat, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, de la réduction du temps de travail dans la fonction publique ; il apparaît en revanche tout à fait intéressant que le Parlement soit pleinement informé du bilan du temps de travail effectif dans l'ensemble de la fonction publique (article 10).
*
En résumé, les propositions de la majorité de la commission des Affaires sociales visent à faire en sorte que le projet de loi ne compromette ni le dialogue social, ni l'équilibre des comptes publics, mais parvienne à la fois à une réduction progressive du temps de travail effectif et à une amélioration durable de l'emploi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Réduction à trente-cinq
heures de la durée légale hebdomadaire du travail effectif des
salariés
(Art. L. 212-1 bis nouveau du code du travail)
L'article premier du projet de loi tel qu'il a
été adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale crée un nouvel article L. 212-1 bis dans le
code du travail afin de fixer la durée légale du travail effectif
des salariés à trente-cinq heures par semaine à compter du
1
er
janvier 2002. Cette nouvelle durée
légale devrait toutefois s'appliquer dès le
1
er
janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est
de plus de vingt salariés.
I - Le dispositif proposé
L'article L. 212-1 bis, à caractère normatif, n'impose pas de
ramener la durée effective du travail à 35 heures : il signifie
avant tout que les heures effectuées au-delà de la
35
ème
devront être rémunérées en
heures supplémentaires.
Les délais accordés pour l'application de la nouvelle
durée, pendant lesquels l'article L. 212-1 du code du travail, qui fixe
la durée légale à 39 heures, continuera à
s'appliquer, visent à permettre aux entreprises de s'adapter aux
nouvelles règles. Il s'agit de leur donner le temps de mettre en place
une nouvelle organisation du travail, le cas échéant dans un
cadre conventionnel, procédure fortement incitée par les articles
2 et 3 examinés ci-après.
Les débats à l'Assemblée nationale
47(
*
)
ont été
l'occasion pour
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, de
préciser que 13 millions de personnes étaient
concernées par l'abaissement de la durée légale du travail
dont 9 millions pour les entreprises de plus de vingt salariés.
Quatre points nécessitent d'être explicités.
1. Le seuil de vingt salariés
Pour justifier le délai supplémentaire accordé aux
entreprises de moins de vingt salariés, le Gouvernement a mis en avant
les difficultés supplémentaires que devraient rencontrer ces
entreprises pour procéder aux réorganisations imposées par
la réduction de la durée légale du temps de travail.
L'idée de différencier les dates d'application de l'article
premier selon la taille de l'entreprise a fait l'objet d'un débat
à l'Assemblée nationale en dehors même du débat sur
l'article premier.
D'une part, il est apparu que le choix du seuil n'avait rien
d'évident : certains députés ont proposé de
retenir le seuil de cinquante salariés, d'autres celui de
dix salariés. D'autre part, l'idée même d'un seuil a
été contestée, car elle risque en effet d'inciter
certaines entreprises à maintenir leurs effectifs en dessous du seuil
pour éviter d'avoir à subir les conséquences de son
franchissement.
Votre commission observe en outre, comme l'a d'ailleurs fait la commission
d'enquête, que ce seuil introduira des distorsions de concurrence entre
les entreprises d'un même secteur situées de part et d'autre de ce
seuil. Même s'il a un caractère temporaire, on ne peut exclure que
cette concurrence puisse avoir des conséquences graves pour l'entreprise
soumise aux surcoûts des 35 heures alors que ses concurrents directs n'y
seraient pas encore.
Un
amendement
adopté lors de la première lecture à
l'Assemblée nationale a étendu l'application anticipée de
la durée légale des 35 heures aux
unités
économiques et sociales
de plus de vingt salariés qui sont
reconnues comme telles par convention ou par le juge. Non explicitée,
cette notion d'unité économique et sociale pourrait laisser
supposer que des personnes morales de moins de vingt salariés se
verraient appliquer la nouvelle norme légale dès 2000, dès
lors qu'elles seraient regroupées en un ensemble cohérent
employant plus de vingt salariés.
Enfin, le seuil des vingt salariés est apprécié dans les
conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
L. 421-1, ce qui signifie que l'effectif de vingt salariés doit
avoir été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non,
au cours des trois années précédentes.
Le calcul des effectifs doit être effectué mois par mois et non en
opérant une moyenne pour chacune des trois années.
2. Durée légale du travail et heures
supplémentaires
-
· Aux termes de l'article L. 212-1 du code du travail, la
durée légale du travail effectif est fixée, depuis
l'ordonnance n° 82-14 du 16 janvier 1982, à
39 heures par semaine.
Cette durée légale ne constitue ni un maximum, ni un minimum ; son franchissement a seulement pour effet de faire basculer l'employeur et le salarié dans le régime des heures supplémentaires.
Dans le cadre de la législation actuelle, les heures supplémentaires sont caractérisées par une majoration du salaire horaire de 25 % à partir de la quarantième heure et jusqu'à la quarante-septième heure incluse, cette majoration étant portée à 50 % pour les heures suivantes. Elles peuvent également s'accompagner dans certains cas d'un repos compensateur.
Le recours aux heures supplémentaires est subordonné à une double limite :
- la durée hebdomadaire moyenne de travail ne peut excéder 46 heures sur une période quelconque de douze semaines consécutives ;
- en aucun cas, la durée hebdomadaire absolue ne doit dépasser 48 heures.
· L'abaissement de la durée légale du travail à trente-cinq heures devrait donc avoir pour conséquence directe d'augmenter, à législation inchangée, le coût du recours au facteur travail au-delà de cette durée lorsque aucun accord d'aménagement de la durée du temps de travail n'aura été négocié.
Ainsi, une entreprise pourrait tout à fait, à la vue du texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, continuer à pratiquer un horaire hebdomadaire de 39 heures, mais elle devrait alors rémunérer ses salariés sur la base de 39 heures hebdomadaires payées 40 (35 heures à taux normal + 4 heures majorées chacune de 25 %).
Le surcoût serait alors de 2,5 % et le Gouvernement assure qu'il pourra être absorbé sans difficulté par les gains de productivité, voire l'inflation 48( * ) . En outre, le contingent annuel d'heures supplémentaires, actuellement fixé à 130 heures, sauf si une convention ou un accord en dispose autrement, ne permettra pas de maintenir la durée du travail effectif à 39 heures toute l'année. En tout état de cause, l'entreprise sera prise entre ce contingent annuel, que la loi prévue en 1999 pourrait d'ailleurs modifier, et une négociation qu'elle aborde en état d'infériorité puisque, pour une large part, l'issue de cette dernière est prédéterminée.
3. La notion de durée du travail effectif
La réglementation de la durée du travail est basée sur la notion de travail effectif définie par l'article L. 212-4 du code du travail.
Cette définition de la durée du travail est particulièrement restrictive puisqu'aux termes de cet article " la durée du travail s'entend du travail effectif à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte ainsi que des périodes d'inaction dans les industries et commerces déterminés par décret ". Elle rapproche le travail effectif du travail productif.
La rédaction de l'article L. 212-4 résulte de l'article premier de la loi du 28 août 1942 tendant à maintenir le rendement des entreprises industrielles et commerciales. On rappellera la place importante du travail manufacturier à cette époque, en usine ou en atelier.
En application stricte de ce texte, seules les heures de travail effectif, c'est-à-dire consacrées à une activité productive, devraient être prises en compte pour l'application des dispositions relatives à la durée du travail et notamment au paiement des heures supplémentaires. Cette notion de travail effectif figure déjà à l'article L. 212-1 qui fixe la durée légale à 39 heures.
Ces règles ont toutefois connu des aménagements conventionnels variés permettant d'assimiler certains temps de simple présence dans l'entreprise à du travail effectif et d'indemniser ces temps de présence comme du temps de travail n'entrant pas dans le décompte du travail pour le déclenchement des heures supplémentaires ou le calcul des durées maximales.
Par ailleurs, de nombreux dispositifs conventionnels d'astreintes sur le lieu de travail ou à domicile ont été mis en place au fur et à mesure du développement des techniques nouvelles de production et de communication et de la pratique de la production en flux tendus.
Ces fluctuations, quant à la notion de travail effectif, ont sans doute inspiré l'amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale qui a créé un article 4 bis nouveau. Cet article complète l'article L. 212-4 du code du travail précédemment évoqué en précisant la notion de travail effectif.
Votre rapporteur reviendra plus en détail sur cette notion à l'article 4 bis. Il soulignera cependant qu'il convient de ne pas confondre travail effectif, qui vient d'être défini, et durée effective, que l'on oppose généralement à durée légale, même si l'article 4 bis tend à rapprocher ces deux notions.
4. Le champ d'application de la nouvelle durée légale
Les établissements ou les professions concernés par cette disposition sont ceux mentionnés à l'article L. 200-1 du code du travail.
L'article L. 200-1 du code du travail comprend :
- les établissements industriels et commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature qu'ils soient, publics ou privés, laïques ou religieux, même s'ils ont un caractère d'enseignement professionnel ou de bienfaisance, lorsqu'ils ne dépendent pas d'un régime législatif particulier (transports urbains, marine marchande et pêche) ou d'un régime spécial (transports routiers, navigation fluviale, mines, dockers, journalistes...) ;
- les offices publics ou ministériels ;
- les professions libérales ;
- les sociétés civiles ;
- les syndicats professionnels ;
- les associations.
Sont également soumis à ces dispositions les établissements où ne sont employés que les membres de la famille sous l'autorité soit du père, soit de la mère, soit du tuteur, même lorsque ces établissements exercent leur activité sur la voie publique.
Par ailleurs, et à l'instar de l'article L. 212-1 du code du travail, le projet d'article L. 212-1 bis fait référence, en plus des établissements et professions mentionnés à l'article L. 200-1, aux établissements agricoles, artisanaux et coopératifs, ainsi qu'à leurs dépendances.
On doit également noter que le projet d'article inclue les établissements agricoles dans le code du travail alors qu'ils bénéficiaient jusqu'alors d'un régime dérogatoire au droit commun en ce qui concerne les modalités d'application de la durée légale du travail en vertu d'une ordonnance du 30 janvier 1982. Si la durée légale du travail effectif des salariés agricoles et similaires était fixée également à trente-neuf heures par semaine, les conditions d'application de la durée du travail étaient déterminées par les articles 992 à 998 du code rural.
Le cas des hôpitaux pose un problème particulier puisque les hôpitaux privés à but lucratif et non lucratif entrent dans le champ d'application de ce projet de loi, au titre de l'article L. 200-1, alors que les établissements publics font l'objet d'une réglementation particulière qui repose sur le statut de la fonction publique hospitalière.
Le Gouvernement ayant précisé que les hôpitaux publics ne seraient pas concernés par l'abaissement de la durée légale du temps de travail, on peut s'étonner de cette différence de traitement qui semble difficilement justifiable.
Ces remarques conduisent tout naturellement à s'interroger sur les incidences des 35 heures légales sur les fonctions publiques. La question a largement été débattue à l'Assemblée nationale et a débouché sur l'adoption d'un article additionnel (art. 10 nouveau) examiné ci-après.
II - Les propositions de la commission
Pour la commission des Affaires sociales, l'article premier est l'article le plus contestable du projet de loi puisqu'il prévoit l'abaissement de la durée légale du travail. Cet abaissement ne correspond à aucune nécessité dictée par des impératifs de santé publique ou d'amélioration décisive des conditions de travail comme cela a pu être le cas dans le passé.
Quant à son impact sur l'emploi, il est très largement discuté ainsi que l'a parfaitement montré le rapport de la commission d'enquête, auquel renvoie votre rapporteur pour les analyses du fonctionnement des modèles économétriques. Pour sa part, votre commission est convaincue que cet impact pourrait être négatif, dans le prolongement de l'expérience de 1981-1982.
Pour que la réduction du temps de travail puisse être appréciée positivement, votre commission considère qu'elle doit être négociée par les partenaires sociaux, notamment comme une contrepartie à des progrès en termes de flexibilité, qu'il s'agisse d'annualisation ou d'autres disposifs de modulation. Ce " donnant-donnant " était d'ailleurs au coeur de la démarche prônée par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 et il semble préférable de le laisser vivre.
C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement de suppression de cet article, restituant ainsi aux partenaires sociaux le domaine de l'aménagement du temps de travail.
Art. 2
Incitation des partenaires sociaux
à négocier la réduction du temps de travail avant la mise
en oeuvre de la nouvelle durée légale
Cet article invite les partenaires sociaux à
négocier les modalités de la réduction effective de la
durée du travail avant que ne s'applique le couperet des
échéances fixées à l'article premier, soit le
1
er
janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt
salariés et le 1
er
janvier 2002 pour les autres.
I - Le dispositif proposé
L'article premier impose à terme un surcoût aux entreprises
lié à la compensation salariale qui pourrait accompagner la
réduction du temps de travail ou aux coûts inhérents
à la réorganisation de l'entreprise. L'article 2, en appelant
à la négociation, invite les partenaires sociaux à
s'accorder pour que ce surcoût soit réparti entre les entreprises,
les salariés et l'aide publique prévue à l'article 3.
Contrairement à l'article premier, il n'a pas de caractère
normatif : les partenaires sociaux sont seulement appelés à
négocier et les entreprises qui le feront avant la date butoir
bénéficieront d'une aide, détaillée à
l'article 3, dont le caractère incitatif est évident. Toutefois,
cette aide ne sera accordée que si les négociations sont conclues
avant les échéances de 2000 et 2002 prévues à
l'article premier.
L'objet de la négociation est de rechercher des modalités de
réduction effective de la durée du travail adaptées aux
situations des branches et des entreprises. On remarque que l'article ne fait
pas référence expressément à l'aménagement
du temps de travail, que ce soit en termes d'annualisation ou plus
généralement de flexibilité. Ceci est étonnant, car
on pourrait se demander ce que les entreprises auraient à
négocier en dehors de la flexibilité, dans l'hypothèse
où elles pourraient, ou devraient, appliquer la réduction du
temps de travail.
Les accords mentionnés par cet article doivent permettre de
réduire la durée réelle du travail dans les entreprises,
sachant que cette durée peut être supérieure ou
inférieure à la durée légale.
La nature de l'accord, comme son niveau de négociation, ne sont pas
précisés. La négociation peut donc déboucher sur
une convention collective, générale, ou sur un accord collectif
de travail qui ne traite qu'un ou plusieurs points particuliers. Ces
conventions et accords peuvent être conclus au niveau de
l'établissement, de l'entreprise, de la branche ou au niveau
professionnel ou interprofessionnel. Le champ d'application géographique
des conventions de branche et des accords professionnels ou interprofessionnels
peut être national, régional ou local.
Les parties signataires de l'accord doivent être habilités
à le faire. Pour les salariés, il doit s'agir de syndicats
représentatifs, c'est-à-dire de syndicats reconnus
représentatifs au plan national, ceux qui leur sont affiliés, et
ceux qui ont fait la preuve de leur représentativité dans le
champ d'application de la convention ou de l'accord. Il peut toutefois
être dérogé à cette règle dans les
entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Les
employeurs peuvent être des organisations syndicales, des associations
d'employeurs ou tout autre groupement d'employeurs ou encore un ou plusieurs
employeurs pris individuellement.
-
· Les conventions de branche et les accords professionnels ou
interprofessionnels doivent être déposés auprès de
la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle. Ils s'appliquent aux employeurs affiliés aux
organisations signataires ou ayant adhéré à la convention
ou à l'accord. Ils peuvent faire l'objet d'une " extension "
par voie réglementaire, ce qui a pour objet de rendre obligatoires les
dispositions qu'ils prévoient à tous les employeurs entrant dans
le champ d'application professionnel et territorial, sans considération
d'appartenance aux organisations signataires ou adhérentes.
Par ailleurs, en cas d'absence ou de carence des organisations de salariés ou d'employeurs se traduisant par une impossibilité persistante de conclure une convention ou un accord dans une branche d'activité ou un secteur territorial déterminé, un accord peut faire l'objet d'un " élargissement ". Dans ce cas, le ministre de l'emploi prend, à la demande d'une des organisations représentatives intéressées ou de sa propre initiative, un arrêté qui rend obligatoire dans un secteur territorial professionnel ou interprofessionnel un texte conventionnel déjà étendu dans un autre secteur territorial, professionnel ou interprofessionnel.
· Dans le cadre d'une négociation d'entreprise, seuls les délégués syndicaux et les délégués du personnel désignés comme délégués syndicaux dans les entreprises de moins de cinquante salariés sont habilités à négocier et à signer des accords. Toutefois, et pour pallier la faiblesse de la représentation syndicale dans les PME, la Cour de cassation a admis (Cass. Soc. 25 janvier 1995 - Dame Charre) que des accords d'entreprise pouvaient être valablement négociés et signés dans les entreprises qui ne remplissent pas les conditions légales pour avoir des délégués syndicaux, par des salariés titulaires d'un mandat donné par un syndicat représentatif.
II - Les propositions de la commission
L'article 2 invite les partenaires sociaux à négocier les modalités d'application de l'abaissement de la durée effective du temps de travail dans la perspective de l'abaissement de la durée légale. Votre commission vous propose de réécrire cet article pour supprimer, par coordination, toute référence à l'article premier qu'elle vous a précédemment proposé de supprimer.
Mais surtout, elle vous propose d'inviter les partenaires sociaux à négocier sur la réduction du temps de travail ainsi que sur les modalités de l'organisation du temps de travail sur tout ou partie de l'année, afin que réduction du temps de travail et modulation (notamment une annualisation) puissent constituer les termes d'un accord équilibré volontairement négocié dans l'intérêt des salariés et de l'entreprise. Il lui semble en effet préférable de mentionner cette possibilité dans la loi, ce qui ne pourra que favoriser les négociations.
Votre commission vous propose également de préciser que la signature d'un tel accord d'aménagement-réduction du temps de travail avant le 1 er janvier 2000 pourra ouvrir droit à une aide financière qui reprend le dispositif " de Robien ", mais " reprofilé " par l'article 3. Les entreprises de moins de cinquante salariés et certaines associations bénéficiant d'aides publiques, notamment dans le secteur sanitaire et social, pourront quant à elles bénéficier de l'aide pour les accords signés avant le 1 er janvier 2002. Cela leur permettra de mieux préparer une éventuelle réorganisation et, pour les associations, de se concerter avec les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale dont on voit mal comment ils pourraient ne pas être sollicités.
Par ailleurs, il convient d'observer que cet article, en imposant des dates butoir, limite l'application de la loi " de Robien " dans le temps. Celle-ci cessera de s'appliquer au 1 er janvier 2002.
Votre commission vous propose en conséquence un amendement réécrivant la totalité du texte et vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Art. 3
Aide financière à la
réduction de la durée du travail à trente-cinq heures au
plus et abrogation de la loi de Robien
L'article premier, en abaissant la durée légale
hebdomadaire, renchérit de façon certaine le coût du
travail, sans pour autant garantir que l'entrepreneur réagira en
procédant à des embauches. Le risque est même grand que le
seul article premier se traduise par un gel, voire une baisse des salaires, ou
par des licenciements, afin de maintenir la masse salariale constante.
Le dispositif financier incitatif de l'article 3 a pour objectif d'amener le
chef d'entreprise à privilégier l'embauche par rapport aux autres
solutions qui se présentent à lui, dans un cadre
négocié.
Auditionnée par la commission des Affaires culturelles de
l'Assemblée nationale
49(
*
)
le
7 janvier 1998, Mme Martine Aubry a considéré que les
prévisions d'emplois créés du fait de ce dispositif
variaient entre 400.000 et 1 million, mais qu'elles pourraient être
encore plus importantes en fonction de la dynamique engagée grâce
à la loi d'orientation et d'incitation.
I - Le dispositif proposé
Cet article pose le principe d'une aide destinée aux entreprises ou aux
établissements qui, en application d'un accord collectif,
réduiraient la durée du travail avant le 1
er
janvier
2000 ou, pour les entreprises de vingt salariés ou moins, avant le
1
er
janvier 2002, et qui procéderaient à des embauches
ou préserveraient des emplois.
Paragraphe I
Champ d'application de l'aide et
conditions d'attribution
Le paragraphe I
définit les
bénéficiaires potentiels de ces subventions. Il s'agit des
entreprises des établissements mentionnés à l'article
L. 212-1 bis créé par l'article premier du présent
projet de loi, auquel ce paragraphe ajoute les sociétés ou
organismes de droit privé, les sociétés d'économie
mixte et établissements publics industriels et commerciaux locaux de
transport public urbain de voyageurs. Un
amendement
adopté lors
de la lecture à l'Assemblée nationale a précisé que
les entreprises dont l'effectif est égal ou inférieur à
vingt salariés pouvaient bénéficier de l'aide
financière.
Le paragraphe I exclut toutefois du bénéfice de la subvention
certains organismes publics dépendant de l'Etat, dont la liste sera
fixée par décret
50(
*
)
, arguant du
caractère de monopole de certaines de leurs activités ou de
l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation. Ce
même paragraphe précise que les modalités d'accompagnement
de la réduction du temps de travail dans ces organismes seront
déterminées dans le cadre des procédures qui
régissent leurs relations avec l'Etat.
L'obtention de la subvention est strictement conditionnée : la
réduction du temps de travail doit être d'au moins 10 % de la
durée initiale et porter le nouvel horaire collectif au plus au niveau
de la nouvelle durée légale prévue par l'article L. 212-1
bis du code du travail, soit trente-cinq heures hebdomadaires. Un
amendement
adopté par l'Assemblée nationale a précisé que
l'ampleur de la réduction devait être appréciée
à partir d'un mode constant de décompte des
éléments de l'horaire collectif.
Paragraphe II
Nature et contenu de l'accord collectif
prévoyant la réduction du temps de travail
Le paragraphe II de l'article 3
dispose que la
réduction du temps de travail doit être organisée par un
accord d'entreprise ou d'établissement. Il prévoit
également qu'elle pourra être mise en oeuvre en application d'une
convention ou d'un accord de branche étendu, sous réserve d'un
accord complémentaire d'entreprise, dans les entreprises de plus de
cinquante salariés et, selon les modalités de mise en oeuvre
prévues par la convention ou l'accord de branche dans les autres.
Ce paragraphe décrit les points à traiter dans l'accord
collectif, à savoir :
- le calendrier de la réduction du temps de travail ;
- les modalités d'organisation et de décompte de temps
applicables aux salariés ;
un amendement de la commission
a
prévu que l'accord devait également traiter des modalités
applicables aux personnels d'encadrement lorsque ces modalités
étaient spécifiques ;
- les modalités et délais selon lesquels les salariés
devaient être prévenus en cas de modification de l'horaire ;
- les modalités du suivi de la mise en oeuvre de l'accord au sein
de l'entreprise et, le cas échéant, de la branche ;
un
amendement de la commission
a prévu que ce suivi pouvait être
assuré par une instance paritaire spécifiquement
créée à cet effet ;
Plusieurs amendements
ont précisé que l'accord devait
également traiter des points suivants :
- les conséquences susceptibles d'être tirées de la
réduction du temps de travail sur les contrats à temps partiel ;
- les conséquences sur la situation des salariés travaillant
de façon permanente en équipes successives et selon un cycle
continu, mentionnés à l'article 26 de l'ordonnance
n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du
travail et aux congés payés ;
- les conditions particulières selon lesquelles la réduction
s'applique aux personnels d'encadrement ainsi que des modalités
spécifiques de décompte de leur temps de travail adaptées
aux exigences propres à leur activité.
Plusieurs amendements de la commission
ont prévu que l'accord
devait être déposé à la direction
départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle, remis aux représentants du personnel et affiché
dans l'entreprise. Ils ont également prévu qu'une organisation
syndicale ou son représentant dans l'entreprise pouvait saisir
l'autorité administrative en cas de difficultés d'application
d'un accord d'entreprise signé dans le cadre du présent
dispositif.
Paragraphe III
Mandatement d'un salarié pour
négocier un accord de réduction de la durée du travail
dans les entreprises dépourvues de délégué
syndical
L'article 6 de la loi n° 96-985 du
12 novembre 1996 relative à l'information et à la
consultation des salariés dans les entreprises et les groupes
d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de
la négociation collective prévoit qu'à titre exceptionnel
et jusqu'au 31 octobre 1998, des accords de branche pourront
déroger aux articles L. 132-2, L. 132-19 et L. 132-20 du
code du travail. Ces trois articles définissent les modalités de
conclusion de la convention ou de l'accord collectif de travail :
-
l'article L. 132-2
précise que ces accords, pour
être valables, doivent être conclus par un ou plusieurs syndicats
de salariés reconnus représentatifs au niveau national ;
-
l'article L. 132-19
dispose que la convention ou, à
défaut, les accords d'entreprise sont négociés entre
l'employeur et les organisations syndicales de salariés
représentatives dans l'entreprise. Il prévoit également
qu'une convention ou des accords peuvent être conclus au niveau d'un
établissement ou d'un groupe d'établissements dans les
mêmes conditions ;
-
l'article L. 132-20
prescrit que la délégation
de chacune des organisations représentatives parties à des
négociations dans l'entreprise comprenne obligatoirement le
délégué syndical de l'organisation dans l'entreprise ou,
en cas de pluralité de délégués, au moins deux
délégués syndicaux. Cet article L. 132-20
prévoit également que chaque organisation peut compléter
sa délégation par des salariés de l'entreprise, dont le
nombre est fixé par accord entre l'employeur et l'ensemble des
organisations concernées. A défaut d'accord, ce nombre est au
plus égal, par délégation, à celui des
délégués syndicaux de la délégation.
Toutefois, dans les entreprises n'ayant qu'un seul délégué
syndical, ce nombre peut être porté à deux. Ce même
article précise que le temps passé à la négociation
est payé comme temps de travail à échéance normale.
Les accords de branche mentionnés par l'article 6 de la loi du
12 novembre 1996 peuvent prévoir qu'en l'absence de
délégués syndicaux dans l'entreprise, ou de
délégués du personnel faisant fonction de
délégué syndical dans les entreprises de moins de
cinquante salariés, les représentants élus du personnel
négocient la mise en oeuvre des mesures dont l'application est
légalement subordonnée à un accord collectif. Toutefois,
les thèmes ouverts à ce mode de négociation sont
fixés par les accords de branche. De plus, les textes
négociés n'acquièrent la qualité d'accords
collectifs de travail qu'après leur validation par une commission
paritaire de branche prévue par l'accord de branche et n'entrent en
application qu'après avoir été déposés
auprès de l'autorité administrative.
Le paragraphe III de l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996
prévoit également que ces accords de branche pourront envisager
que, dans les entreprises dépourvues de délégués
syndicaux et dans les entreprises de moins de cinquante salariés
dépourvues de délégués du personnel faisant
fonction de délégué syndical, des accords collectifs
pourront être conclus par un ou plusieurs salariés
expressément mandatés, pour une négociation
déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales
représentatives.
Ce dispositif de l'article 6 suppose l'existence d'un accord de branche. Mais
ces accords sont rares.
C'est pourquoi le
paragraphe III de l'article 3 a pour objet de
permettre la négociation collective dans les petites entreprises
dépourvues de représentation syndicale, ou de
délégué du personnel désigné comme
délégué syndical, et à défaut d'un accord de
branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi
n° 96-985 du 12 novembre 1996. Un accord collectif peut alors
être conclu par un ou plusieurs salariés expressément
mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues
représentatives au niveau national.
Ces dispositions ne font que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation
du 25 janvier 1995 évoquée à l'article 2.
Le paragraphe III de l'article 3 du présent projet de loi
précise aussi que les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils
détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise,
ainsi que les salariés qui lui sont apparentés, ne peuvent
être mandatés (conjoint, ascendants, descendants, frères,
soeurs et alliés au même degré selon les articles
L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail).
Le mandat doit préciser les modalités selon lesquelles le
salarié a été désigné et fixer
précisément les termes de la négociation et les
obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions
selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de
la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant
peut, à tout moment, mettre fin au mandat.
Un amendement de la commission
a précisé que le
salarié mandaté pouvait être accompagné, lors des
séances de négociation, par un salarié de l'entreprise
choisi par lui.
L'accord doit prévoir les modalités selon lesquelles les
salariés de l'entreprise et l'organisation syndicale mandante sont
informés des conditions de sa mise en oeuvre et de son application. Cet
accord est communiqué au comité départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
Un amendement de la commission
a précisé que le temps
passé par les salariés mandatés à négocier
l'accord ainsi qu'à participer aux réunions nécessaires
à son suivi devrait être payé comme temps de travail.
Afin de leur assurer indépendance et non-discrimination, les
salariés mandatés au titre du présent article
bénéficient de la protection prévue par les dispositions
de l'article L. 412-18 du code du travail à compter du moment
où l'employeur aura eu connaissance de leur désignation. De plus,
la procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens
salariés mandatés pendant six mois après la signature de
l'accord ou, à défaut, la fin du mandat ou la fin de la
négociation.
Un amendement
a prévu que cette protection serait effective
dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur
désignation.
On peut rappeler que l'article L. 412-18 prévoit que le
licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir
qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité
qui en tient lieu. Si le licenciement est refusé, la mise à pied
est annulée et ses effets supprimés de plein droit.
La commission des Affaires sociales observe, avec la commission d'enquête
sur les 35 heures, que le mandatement d'un salarié n'est sans doute pas
la procédure la mieux adaptée pour négocier un accord
d'aménagement-réduction du temps de travail. Il s'agit en effet
d'une négociation souvent très technique qui suppose une bonne
formation, une certaine expérience, ainsi qu'un sens du compromis
équilibré que les salariés ne possèdent pas
spontanément. Or, tout accord mal conçu peut avoir des
conséquences négatives sur le climat social de l'entreprise,
voire sur l'entreprise elle-même.
Paragraphe IV
Aide à la réduction
du temps de travail dans le cadre du développement de l'emploi (volet
offensif)
Le paragraphe IV
est relatif aux engagements de
l'entreprise en contrepartie de la subvention de l'Etat.
Dans le cas où l'entreprise s'engage à procéder à
des embauches en conséquence de la réduction du temps de travail,
l'accord doit déterminer leur nombre par catégories
professionnelles.
Un amendement de la commission
a précisé que l'accord
devait également prévoir le calendrier prévisionnel des
embauches.
L'entreprise doit s'engager à ce que ces embauches correspondent
à 6 % au moins de l'effectif concerné par la
réduction du temps de travail. Par ailleurs, le dispositif
prévoit que si l'entreprise réduit de 15 % la durée
du travail et s'engage à procéder à des embauches
correspondant à 9 % au moins de l'effectif concerné par la
réduction du temps de travail, elle pourra bénéficier
d'une aide majorée.
Un amendement de la commission
a prévu que la majoration
bénéficierait également aux entreprises qui, après
avoir reçu l'aide octroyée pour une réduction du temps de
travail de 10 %, réduiraient une nouvelle fois le temps de travail
avant le 1
er
janvier 2003 pour porter l'ampleur totale de la
réduction à au moins 15 % de l'horaire initial. Cet
amendement précise que ces entreprises devront alors avoir
procédé à des embauches correspondant à au moins
9 % de l'effectif concerné par la première étape de
la réduction du temps de travail.
L'entreprise doit s'engager à maintenir l'effectif augmenté des
nouvelles embauches de l'entreprise ou du ou des établissements
concernés par cette réduction, pour une durée fixée
par l'accord et qui ne peut être inférieure à deux ans.
Un amendement de la commission
a précisé que ce
délai devrait être apprécié à compter de la
dernière des embauches effectuées en application du premier
alinéa de ce paragraphe IV. Il précise également que ces
embauches devront être réalisées dans les entreprises ou
les établissements où s'applique la réduction du temps de
travail dans un délai d'un an à compter de la réduction
effective du temps de travail.
Un autre amendement de la commission
a prévu que le chef
d'entreprise fournirait au comité d'entreprise ou, à
défaut, aux délégués du personnel, les informations
sur les embauches réalisées en application de ce paragraphe.
L'aide est attribuée par convention entre l'entreprise et l'Etat pour
une durée de cinq ans, après vérification de la
conformité de l'accord collectif aux dispositions légales.
Un amendement de la commission
a prévu que cette durée de
cinq ans devrait être appréciée à compter de la date
d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail
prévue par l'accord.
Paragraphe V
Aide à la réduction du
temps de travail dans le cadre d'une procédure de licenciements
économiques (volet défensif)
Le paragraphe V
détermine le volet
défensif du dispositif de réduction du temps de travail.
Il précise que dans le cas où la réduction du temps de
travail permet d'éviter des licenciements prévus dans le cadre
d'une procédure collective de licenciement pour motif économique,
l'accord d'entreprise ou d'établissement détermine le nombre
d'emplois que la réduction du temps de travail permet de
préserver. Ce dernier doit être équivalent à
6 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction du temps
de travail.
De plus, si l'entreprise réduit de 15 % la durée du travail
et s'engage à préserver un volume d'emplois équivalant
à 9 % au moins de l'effectif auquel s'applique la réduction
du temps de travail, elle bénéficie d'une aide majorée.
Comme pour le volet offensif, l'accord défensif doit préciser la
période pendant laquelle l'employeur s'engage à maintenir
l'effectif de l'entreprise ou du ou des établissements concernés
par cette réduction, cette durée ne pouvant être
inférieure à deux ans.
L'aide est attribuée par une convention entre l'entreprise et l'Etat
après vérification de la conformité de l'accord
d'entreprise aux dispositions légales et compte tenu de
l'équilibre économique du projet et des mesures de
prévention et d'accompagnement des licenciements.
L'aide est attribuée pour une durée initiale de trois ans. Elle
peut être prorogée pour deux ans par avenant à la
convention conclue entre l'Etat et l'entreprise, au vu de la situation de
l'emploi dans l'entreprise.
Un amendement
a prévu que la durée initiale de trois ans
devrait être appréciée à compter de la date
d'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail
prévue par l'accord.
Un autre amendement
a prévu que la
prolongation devrait prendre en compte la situation économique de
l'entreprise.
Paragraphe VI
Modalités de l'aide
Le paragraphe VI définit les modalités de l'aide
étatique. Elle est attribuée pour chacun des salariés
auxquels s'applique la réduction du temps de travail ainsi que pour ceux
embauchés en vertu du volet offensif (IV). Elle vient en
déduction du montant global des cotisations à la charge de
l'employeur pour la période considérée au titre des
assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles, et
allocations familiales assises sur les gains et rémunérations des
salariés de l'entreprise ou de l'établissement concerné.
Un amendement de la commission
a prévu que le montant de l'aide
pourrait être majoré si l'entreprise prenait des engagements en
termes d'emploi supérieurs au minimum obligatoire, ceci en particulier
s'il s'agissait d'une petite entreprise, ou si l'entreprise procédait
à la totalité des embauches prévues en application du
paragraphe IV dans le cadre de contrats de travail à durée
indéterminée. Cet amendement a prévu que l'aide pourrait
être également majorée si l'entreprise prenait des
engagements spécifiques en faveur de l'emploi de jeunes, de personnes
reconnues handicapées en application de l'article L. 323-10 du code
du travail, ou de publics rencontrant des difficultés
particulières d'accès à l'emploi, notamment les
chômeurs de longue durée.
Un amendement présenté par le Gouvernement
a prévu
que des majorations spécifiques pourraient être accordées,
dans des conditions fixées par décret, aux entreprises dont
l'effectif est constitué d'une proportion importante d'ouvriers au sens
des conventions collectives et de salariés dont les
rémunérations sont proches du salaire minimum de croissance.
Le ministre a précisé, lors du débat à
l'Assemblée nationale
51(
*
)
, que la
proportion d'ouvriers devrait représenter 50 % du total et celle
des bas salaires 70 %. L'aide devrait concerner 1,2 million de
salariés et des entreprises réparties dans des secteurs
d'activité tels que le bâtiment et les travaux publics, les
industries agro-alimentaires, la logistique ou le bois. Cette aide
s'élèverait à 4.000 F la première année
et serait dégressive.
Le bénéfice de l'aide de l'Etat ne peut être cumulé
avec celui d'une exonération totale ou partielle de cotisations
patronales de sécurité sociale, ou avec l'application de taux
spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations,
à l'exception de la réduction prévue à
l'article L. 241-13 et à l'article L. 711-13 du code
de la sécurité sociale ainsi que des aides prévues aux
articles L. 322-4-2 et L. 832-2 du code du travail.
-
L'article L. 241-13
du code de la
sécurité sociale prévoit une réduction des
cotisations sociales à la charge de l'employeur assises sur les gains et
rémunérations inférieurs à un plafond fixé
à 169 fois le salaire minimum de croissance majoré de
30 %. Dans le cas le plus général, le montant de la
réduction, qui ne peut excéder une limite fixée par
décret, est égal à la différence entre le plafond
et le montant des gains et rémunérations effectivement
versés au salarié, multipliée par un coefficient
fixé par décret.
-
L'article L. 711-13
du code de la sécurité
sociale prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les
conditions d'application de l'article L. 241-13 aux employeurs relevant du
régime spécial de sécurité sociale dans les mines
ainsi qu'à ceux relevant du régime spécial de
sécurité sociale des clercs et employés de notaires pour
les salariés affiliés à ces régimes.
-
L'article L. 322-4-2
du code du travail détermine les
personnes éligibles aux contrats initiative emploi (CIE) et les
avantages attachés à ce dispositif : une aide de l'Etat et une
exonération des cotisations patronales de sécurité sociale.
-
L'article L. 832-2
du code du travail détermine les
personnes éligibles au contrat d'accès à l'emploi qui a
pour objet de renforcer l'insertion professionnelle des habitants des DOM et de
Saint-Pierre-et-Miquelon. Il définit les avantages attachés
à ce dispositif : une aide forfaitaire de l'Etat à l'employeur,
une exonération des cotisations à la charge de l'employeur et une
prise en charge par l'Etat des frais de formation.
Le sixième alinéa précise qu'un décret en Conseil
d'Etat détermine les modalités de contrôle de
l'exécution de la convention avec l'Etat et les conditions de suspension
ou de remboursement de l'aide.
Un amendement de la commission
a précisé qu'une absence de
mise en oeuvre par l'entreprise de ses engagements en matière d'emploi
et de réduction du temps de travail aurait pour conséquence un
remboursement de l'aide.
Par ailleurs, un décret devrait déterminer les autres conditions
d'application du présent article et notamment les montants de l'aide,
ainsi que les dispositions relatives aux majorations.
Paragraphe VI bis
Dispositif d'appui et
d'accompagnement
Un amendement du Gouvernement
a prévu dans un
paragraphe VI bis que les branches ou les entreprises, notamment les
plus petites d'entre elles, qui engageraient une démarche de
réduction du temps de travail et de réorganisation pourraient
bénéficier d'un dispositif d'appui et d'accompagnement auquel les
régions pourraient, le cas échéant, participer. Ce
dispositif devrait permettre la prise en charge par l'Etat d'une partie des
frais liés aux études préalables à la
réduction du temps de travail.
Lors de la discussion de ce dispositif d'aide au conseil, un débat a eu
lieu sur l'opportunité de mentionner la possibilité
laissée à la région de participer financièrement.
Certains intervenants ont considéré qu'il pourrait s'agir d'une
atteinte portée à son autonomie financière.
Paragraphe VII
Abrogation de la loi de Robien
Le paragraphe VII
abroge la loi de Robien et certaines
dispositions de la loi quinquennale de 1993.
Ainsi, les articles 4, 5 et 6 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant
à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction
conventionnels du temps de travail sont abrogés.
L'article 4
prévoit qu'en juin 1998 un rapport du Gouvernement au
Parlement dressera le bilan de son application.
L'article 5
prévoit que les conventions ou accords collectifs de
réduction de la durée du travail conclus dans les entreprises ou
les établissements à compter du 1
er
janvier 1996 et
antérieurement au 12 juin 1996 peuvent ouvrir droit au
bénéfice de la loi du 11 juin 1996.
L'article 6
prévoit que les entreprises ayant conclu avec l'Etat
une convention en application de l'article 39 de la loi n° 93-1313 du 20
décembre 1993, peuvent, à leur demande, conclure un avenant
ouvrant droit au bénéfice de l'article premier.
Les articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du
20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à
la formation professionnelle sont abrogés. L'article 39 avait
été profondément modifié par l'article premier de
la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par
l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail
(loi dite " de Robien ").
Dans sa version première, l'article 39 de la loi du
20 décembre 1993 prévoyait que :
" I. - A titre
expérimental, lorsque les conventions ou accords d'entreprise ou
d'établissements définis par l'article L. 212-2-1 du code du
travail fixent un nouvel horaire collectif de travail annualisé, que
celui-ci a pour effet de réduire la durée initiale de travail
d'au moins 15 % et que la nouvelle organisation du temps de travail
s'accompagne d'une réduction de salaire, la convention ou l'accord peut
ouvrir droit, pendant trois ans, à une compensation partielle par l'Etat
des cotisations sociales à la charge de l'employeur.
" II. - Cette compensation est égale à une
quote-part des cotisations dues par l'employeur au titre des assurances
sociales, des accidents du travail et des allocations familiales ; son montant
est égal à 40 % des cotisations la première
année et 30 % les deux années suivantes. Elle est
attribuée par convention avec l'Etat lorsque la réduction de
l'horaire collectif s'accompagne d'embauches intervenant dans un délai
de six mois et correspondant au moins à 10 % de l'effectif moyen
annuel de l'entreprise ou de l'établissement concerné. Pendant
une durée de trois années, le niveau de l'effectif de
l'entreprise ou de l'établissement doit rester au moins égal
à celui atteint à l'issue de la période
d'embauche. "
Les dispositions prévues par l'article 39 de la loi quinquennale
n'ont pas donné les résultats escomptés. C'est pourquoi
les partenaires sociaux ont souhaité relancer en 1995 la
négociation sur ce thème.
Les partenaires sociaux ont abouti, en matière d'aménagement du
temps de travail à un accord national interprofessionnel, le 31 octobre
1995, dans lequel ils se sont entendus à privilégier les
" modes d'organisation qui, comparés à d'autres, sont les
plus créateurs d'emplois, en particulier ceux qui permettent de
dégager du temps de travail susceptible d'être attribué
à des demandeurs d'emploi ".
Prenant acte des difficultés d'application de l'article 39 de la
loi quinquennale et de la volonté des partenaires sociaux de progresser
sur la voie des négociations, le législateur a choisi de modifier
le dispositif incitatif pour le rendre plus attractif.
C'est ainsi que la loi du 11 juin 1996 a modifié l'article 39 de la loi
du 20 décembre 1993 sur plusieurs points : l'obligation de
réduire le salaire a été supprimée, et l'aide
financière apportée à l'entreprise a pris la forme d'une
exonération des charges de l'entreprise en remplacement d'une subvention.
Le caractère expérimental du dispositif de l'article 39
disparaît avec sa pérennisation. Par ailleurs, la réduction
de la durée collective du travail nécessaire pour
bénéficier de l'aide a été ramenée à
10 % contre 15 %, et la durée de l'allégement a
été portée à sept ans contre trois
précédemment.
LOI N° 96-502 DU 11 JUIN 1996 TENDANT À FAVORISER L'EMPLOI PAR L'AMÉNAGEMENT ET LA RÉDUCTION CONVENTIONNELS DU TEMPS DE TRAVAIL
Art. premier.- L'article 39 de la loi n° 93-1313 du
20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
" I. - Il est institué une incitation à la réduction
collective du temps de travail dont bénéficient les entreprises
ou établissements dans lesquels, sous réserve des dispositions du
II, un nouvel horaire collectif ayant pour effet de réduire la
durée initiale de travail d'au moins 10 % est fixé soit par
application d'une convention ou d'un accord de branche étendu, soit par
un accord d'entreprise ou d'établissement, ayant pour objet un
aménagement du temps de travail. " :
2° Le II est ainsi modifié :
a) La première phrase est remplacée par quatre phrases ainsi
rédigées :
" Cette incitation prend la forme d'un allégement des cotisations
à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des
accidents du travail et des allocations familiales assises sur les gains et
rémunérations des salariés concernés par l'accord
ou la convention mentionné au I. Son montant est égal à
40 % des cotisations la première année et à 30 %
les années suivantes. L'employeur le déduit du montant total des
cotisations à sa charge dont il est redevable, pour la même
période, à l'organisme de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et d'allocations familiales. L'allégement
est plafonné à ce montant. " ;
b) Le début de la deuxième phrase est ainsi rédigé :
" L'allégement est accordé pour une durée de sept ans
par convention avec l'Etat... (le reste sans changement). " ;
c) Dans la deuxième phrase, les mots : " dans un délai de
six mois " sont remplacés par les mots : " dans un
délai fixé par la convention sans pouvoir excéder un
an " ;
d) Il est inséré, avant la dernière phrase, une phrase
ainsi rédigée :
" Le montant de l'allégement est porté à 50 %
des cotisations la première année et à 40 % les
années suivantes lorsque la réduction de l'horaire collectif
prévue au I est de 15 % et qu'elle s'accompagne d'embauches
correspondant au moins à 15 % de l'effectif annuel moyen de
l'entreprise ou de l'établissement concerné. " :
e) Dans la dernière phrase, le mot " trois " est
remplacé par le mot " deux " ;
3° Le II est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
"Le bénéfice de l'allégement prévu au
présent paragraphe ne peut être cumulé avec celui d'une
autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales,
à l'exception des exonérations prévues par les articles
L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale
et par l'article 7 de la présente loi, de l'abattement prévu par
les deux premiers alinéas de l'article L. 322-12 du code du travail
et de la réduction de cotisations prévue par l'article L. 241-13
du code de la sécurité sociale et par l'article 99 de la loi
n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier. " ;
4° Le III est complété par les mots : " , ainsi que les
conditions dans lesquelles les dispositions desdits paragraphes sont rendues
applicables aux unités de travail dont l'horaire collectif est
réduit dans le cadre d'une convention ou d'un accord conclu en
application de l'article L. 212-2-1 du code du travail " ;
5° Le IV est abrogé.
Art. 2 - Après l'article 39 de la loi n° 93-1313 du 20
décembre 1993 précitée, il est inséré un
article 39-1 ainsi rédigé :
" Art. 39-1. - Il est institué une incitation à la
réduction collective du temps de travail dont peuvent
bénéficier les entreprises ou établissements dans lesquels
est conclu un accord destiné à éviter les licenciements
prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciement
pour motif économique par une réduction de l'horaire collectif.
" Cette incitation, qui prend la forme d'un allégement des
cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales,
des accidents du travail et des allocations familiales assises sur les gains et
rémunérations des salariés concernés par l'accord
mentionné ci-dessus, peut être attribuée par convention
avec l'Etat lorsque la réduction de l'horaire collectif de travail est
au moins égale à 10 % de l'horaire collectif
antérieur. Le montant de l'allégement est égal à
40 % des cotisations la première année et à 30 %
les années suivantes. Il est porté à 50 % la
première année et à 40 % les années suivantes
lorsque la réduction de l'horaire de travail est au moins égale
à 15 % de l'horaire collectif antérieur. Le montant total
des allégements est déduit du montant total des cotisations
à la charge de l'employeur versées pour la même
période par l'entreprise ou l'établissement au titre des
assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales ;
il est plafonné à ce montant.
" L'accord d'entreprise ou d'établissement fixant le nouvel horaire
collectif détermine notamment le nombre des licenciements
évités, la durée pendant laquelle l'employeur s'engage
à maintenir les emplois des salariés compris dans le champ de
l'accord, les conditions dans lesquelles les pertes de
rémunération induites par la réduction du temps de travail
peuvent faire l'objet d'une compensation salariale.
" Le bénéfice de l'allégement prévu par le
présent article ne peut être cumulé avec celui d'une autre
exonération totale ou partielle de cotisations patronales, à
l'exception des exonérations prévues par les articles
L. 241-6-1 et L. 241-6-2 du code de la sécurité sociale
et par l'article 7 de la présente loi et de la réduction de
cotisations prévue par l'article L. 241-13 du code de la
sécurité sociale et par l'article 99 de la loi
n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier.
" Un décret détermine les conditions d'application du
présent article, notamment la durée de l'allégement. "
Art. 3. - I. - A l'article L. 241-6-3 du code de la sécurité
sociale, après les mots : " pour le travail à temps
partiel " sont insérés les mots : " et les articles 39
et 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale
relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle ".
II. - Jusqu'au 30 septembre 1996 et à partir du 1er janvier 1998, au
neuvième alinéa de l'article L. 241-13 du même code, les
mots : " par l'article 7 " sont remplacés par les mots
:
" par les articles 7, 39 et 39-1 ".
III. - Le premier alinéa du VI de l'article 113 de la loi de finances
pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) est ainsi
rédigé :
" Au neuvième alinéa de l'article L. 241-13 du code de la
sécurité sociale, les mots : " par les articles L. 241-6-1
et L. 241-6-2 du présent code, par l'article 7 " sont
remplacés par les mots : " par les articles 39 et 39-1 ".
Art. 4 - Deux ans après la promulgation de la présente loi, un
rapport du Gouvernement au Parlement dressera le bilan de son application.
Art. 5 - Les conventions ou accords collectifs de réduction de la
durée du travail conclus dans les entreprises ou les
établissements à compter du 1er janvier 1996 et
antérieurement à la promulgation de la présente loi
peuvent ouvrir droit au bénéfice des dispositions de celle-ci,
compte tenu de l'horaire initial de travail en vigueur dans ces entreprises ou
établissements avant l'entrée en vigueur desdits conventions ou
accords.
Art. 6. - Les entreprises ayant conclu avec l'Etat une convention en
application de l'article 39 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre
1993 précitée dans sa rédaction antérieure à
la présente loi, avant la date de promulgation de la présente
loi, peuvent, à leur demande, conclure un avenant ouvrant droit au
bénéfice de l'article 1er, sans que la durée totale de la
convention puisse excéder la durée fixée au II de
l'article 39 précité. Le montant de l'allégement qui leur
est applicable est fixé par décret.
Le texte reconstitué des articles 39 et 39-1 est présenté dans un encadré p. 91 du rapport.
On notera qu'une majoration avait été
prévue pour les réductions plus importantes : " le montant
de l'allégement est porté à 50 % des cotisations la
première année et à 40 % les années suivantes
lorsque la réduction de l'horaire collectif est de 15 % et qu'elle
s'accompagne d'embauches correspondant à au moins 15 % de
l'effectif annuel moyen de l'entreprise ou de l'établissement
concerné ".
Le nouvel article 39 comprenait une limitation des possibilités de cumul
des exonérations de cotisations patronales.
L'article 39-1 de la loi quinquennale n° 93-1313 du
20 décembre 1993 a été ajouté à la loi
quinquennale par l'article 2 de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996
tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la
réduction conventionnels du temps de travail. Il constitue le
" volet défensif " du dispositif " de
Robien " et
vise à éviter des licenciements économiques.
Les avantages en termes d'allégements de charges patronales sont
identiques à ceux du " volet offensif " mais, dans ce cas,
ils
découlent d'une convention passée entre l'Etat et l'entreprise
qui précise, outre la réduction de l'horaire collectif de
travail, le nombre de licenciements évités et le niveau d'emploi
maintenu pour une durée déterminée.
Si le paragraphe VII abroge pour l'avenir les dispositions de la loi
" de
Robien ", il précise qu'elles demeurent applicables, ainsi que les
dispositions de l'article L. 241-13 du code de la sécurité
sociale, aux conventions conclues avant l'entrée en vigueur du
présent texte.
Paragraphe VIII
Coordination
Le paragraphe VIII
supprime des
références aux articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale
n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail,
à l'emploi et à la formation professionnelle abrogés par
le précédent paragraphe. Ce paragraphe a été
modifié par
un amendement de coordination
.
II - Les propositions de la commission
Votre commission n'a pas souhaité rejeter
a priori
toute aide de
l'Etat, afin d'inciter les partenaires sociaux à négocier une
réduction du temps de travail assortie d'embauches. Ces aides permettent
de répartir plus équitablement l'effort entre les
salariés, qui supporteront ainsi une baisse de salaire inférieure
à ce qu'elle aurait été si les 35 heures avaient
été payées 35 heures, l'entreprise qui devra
supporter un surcoût salarial et des frais de réorganisation, et
l'Etat qui a la charge de la politique de l'emploi.
Mais elle a refusé, pour les raisons longuement exposées
ci-dessus, toute diminution autoritaire de la durée du travail. Dans ces
conditions, il ne lui a pas paru nécessaire, ni même utile, de
supprimer la loi " de Robien " dont on a vu qu'elle donnait
déjà d'excellents résultats. C'est la raison pour laquelle
elle a souhaité reprendre, en le réaménagement, ce
dispositif, beaucoup plus simple que celui du projet de loi, et bien connu des
entreprises et des salariés.
Il lui a paru cependant opportun de modifier légèrement le
dispositif avant de tenir compte des évaluations déjà
réalisées. C'est ainsi qu'elle a souhaité en diminuer le
coût, en en réduisant la durée et les taux, en les rendant
dégressifs, ce qui a l'avantage supplémentaire de préparer
progressivement l'entreprise à sortir du dispositif.
Comme ce dispositif n'est qu'incitatif, votre commission a également
souhaité toucher davantage d'entreprises en le rendant moins ambitieux,
en termes de création ou de préservation d'emplois, donc plus
accessible, et en le limitant dans le temps. Si les taux de réduction du
temps de travail restent inchangés, en revanche, les taux de
création ou de préservation d'emplois sont abaissés, et la
loi " de Robien " s'éteindra au 1
er
janvier 2002.
Par ailleurs, un plafonnement de l'exonération est prévu afin
d'éviter les effets d'aubaine trop manifestes.
Votre commission attend de ce dispositif une accélération de la
dynamique créée par la loi " de Robien ", dont la
suppression lui paraît prématurée alors que le projet de
loi " Aubry " lui semble particulièrement risqué pour
les entreprises, l'économie et l'emploi. Mieux vaut inciter les
partenaires sociaux que de les contraindre.
En conséquence, votre commission vous propose un
amendement
réécrivant la totalité de l'article 3, dont les
dispositions initiales sont toutes supprimées, afin de modifier les
articles 39 et 39-1 de la loi quinquennale, dans leur rédaction
résultant de la loi du 11 juin 1996.
Elle vous demande
d'adopter l'article 3 ainsi modifié.
Article additionnel après l'article
3
Compensation par l'Etat des exonérations de charges sociales
L'exposé des motifs du projet de loi ainsi que
l'étude d'impact jointe comporte l'annonce d'une compensation qui ne
serait que partielle des exonérations de cotisations prévue par
l'article 3. Il est donc proposé de réaffirmer le principe de la
compensation intégrale prévu par l'article 5 de la loi du 25
juillet 1994 (article L. 131-7 du code de la sécurité sociale).
Une telle réaffirmation serait d'autant plus nécessaire que
l'Assemblée nationale refuserait de suivre le Sénat dans sa
démarche de sagesse. En effet, la loi " Aubry " risque fort
de
détruire de nombreux emplois en faisant supporter de trop lourdes
charges aux entreprises ; dès lors, le raisonnement consistant à
dire que les emplois créés, en apportant de nouvelles recettes,
compenseront une large part des exonérations, est spécieux, car
il ne tient pas compte des pertes de recettes occasionnées par les
emplois détruits.
Aussi la sagesse conseille-t-elle de compenser intégralement, au marc le
franc, l'intégralité des exonérations.
Votre commission vous demande donc d'adopter cet
amendement
créant
un article additionnel après l'article 3.
Art. 4
Organisation de la réduction du temps de
travail sous forme de jours de repos et utilisation du compte
épargne-temps
Cet article dispose qu'une réduction du temps de
travail en deçà des trente-neuf heures hebdomadaires peut
être organisée en tout ou partie sous forme de jours de repos par
accord d'entreprise ou d'établissement ou en application d'une
convention de branche étendue.
Sans que cela soit expressément dit, cet article permet d'introduire une
sorte d'annualisation du temps de travail, la modulation allant de 0 heure
à 39 heures et même au-delà. Le caractère
général de sa rédaction pourrait rendre ce dispositif
applicable dans d'autres cadres juridiques que celui du projet de loi. Ce
serait en quelque sorte une modulation de type IV.
I - Le dispositif proposé
L'accord devra déterminer les modalités de prise de ces repos,
celles-ci se faisant pour partie au choix du salarié et pour partie au
choix de l'employeur, comme l'a précisé
un amendement de la
commission
. Il devra également déterminer, dans la limite de
l'année, les délais maxima dans lesquels ces repos devront
être pris ainsi que les modalités de répartition dans le
temps des droits à rémunération en fonction du calendrier
de ces repos.
Après l'adoption
d'un amendement de la commission
, l'article 4
dispose également que l'accord collectif peut prévoir qu'une
partie de ces repos alimentera un compte épargne-temps dans les
conditions définies par l'article L. 227-1 du code du travail et
précisées par décret.
L'article L. 227-1
du code du travail dispose que le compte
épargne-temps a pour objet de permettre au salarié qui le
désire d'accumuler des droits à congé
rémunéré. Il peut être alimenté par des
reports de congés payés annuels, dans la limite de dix jours par
an, et des conversions de primes conventionnelles ou d'intéressement en
jours de congé supplémentaires. Par ailleurs, une fraction de
l'augmentation individuelle de salaire peut être affectée au
compte épargne-temps ainsi que les repos compensateurs. L'employeur peut
également compléter le crédit inscrit au compte
épargne-temps.
Le huitième alinéa de l'article L. 227-1 dispose que le compte
épargne-temps est utilisé pour indemniser en tout ou partie, sur
la base du salaire perçu au moment de la prise de congé, des
congés sans solde d'une durée minimale de six mois, cette
durée minimale pouvant être modifiée par la convention ou
l'accord collectif.
II - Les propositions de la commission
Votre commission ne peut que se féliciter d'un tel dispositif, seul
véritable élément de souplesse dans le projet de loi, et
vous propose
d'adopter cet article sans modification.
Art. 4 bis (nouveau)
Définition du temps
de travail effectif
(Art. L. 212-4 du code du travail)
Cet article résulte d'un amendement adopté lors
de la première lecture à l'Assemblée nationale ; il a pour
objet de compléter l'article L. 212-4 du code du travail relatif
à la définition du travail effectif. Il précise que
"
la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le
salarié est à la disposition de l'employeur
". L'auteur
de l'amendement a motivé son initiative par le souci de limiter la
possibilité laissée aux employeurs de recourir aux astreintes ou
de déduire le temps de pause du calcul du temps de travail.
I - Le dispositif proposé
Ce nouvel article entend inscrire dans la loi une définition du travail
effectif inspirée du droit communautaire et de la jurisprudence de la
Cour de cassation.
-
· L'article 2 de la Directive européenne 93/104/CE du
Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de
l'aménagement du temps de travail définit comme temps de travail
"
toute période durant laquelle le travailleur se trouve
à la disposition de l'employeur, dans l'exercice de son activité
ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou aux
pratiques nationales
". Cette définition européenne
ajoute à la notion de travail effectif celle d'une mise à
disposition, d'une subordination du salarié à l'égard de
l'employeur, ceci dans le cadre de son activité ou de ses fonctions.
· La Cour de cassation, quant à elle, est passée dans sa jurisprudence du critère de travail effectif à celui de disponibilité permanente du salarié auprès de l'employeur. Cette évolution est due à la fois à un changement des conditions de travail et à la volonté des entreprises de limiter la rémunération aux heures strictement productives.
C'est ainsi que la Cour de cassation a longtemps estimé (ex. : Cass. Soc. 28 mars 1973 ; 2 mars 1977 ; 9 janvier 1980) que la liste des exclusions données par l'article L. 212-4 n'était qu'indicative et que, par suite, tous les temps de repos, quelle que soit l'affectation (douche, repas, pause), non consacrés à une activité effective, ne devaient pas, à défaut d'assimilation légale ou conventionnelle, être considérés comme temps de travail effectif.
Cependant, dans ses arrêts les plus récents, la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en rejetant le critère exclusif du travail effectif ; elle retient désormais comme critère essentiel, pour définir le temps de travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition permanente de l'employeur en vue d'une éventuelle intervention sans pouvoir, de ce fait, vaquer librement à ses occupations.
Le critère du lieu où se déroule l'activité n'est pas à lui seul déterminant, le salarié pouvant se trouver dans l'entreprise (ou dans un logement de fonction situé dans ou hors de l'entreprise) ou être à l'extérieur de l'entreprise, en déplacement ou à son propre domicile, ou en tout lieu où il peut être joint.
Il suffit donc d'être à la disposition permanente de son employeur sous son autorité, sans pour autant effectuer de prestations ou en assurant une fonction de présence ne correspondant pas à un travail concret (surveillance, gardiennage, permanence...) pour entrer dans la catégorie juridique du travail effectif.
Dans les autres cas, la Cour de cassation rejette comme temps de travail effectif le temps d'attente pendant lequel le salarié se trouvant en dehors de l'entreprise, n'est pas à la disposition de l'employeur, n'obéit pas à des directives précises de sa part, et peut disposer librement de son temps.
· Cet article semble donc s'inspirer davantage de la jurisprudence de la Cour de cassation que de la Directive européenne du 23 novembre 1993. Plus précisément et contrairement aux déclarations de Mme Martine Aubry 52( * ) à l'Assemblée nationale, le jeudi 5 février 1998, qui considéraient que cet article intégrait dans notre législation une jurisprudence constante depuis 1936, il s'agit bien plutôt de traduire dans la loi un revirement jurisprudentiel de la Cour de cassation. Cette traduction permet de satisfaire la transcription de la Directive européenne, mais seulement au prix d'un durcissement puisque l'article 2 de la Directive faisait explicitement référence à la mise à disposition de l'employeur dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.
Dans une réponse au questionnaire écrit que votre rapporteur lui avait adressé, le ministre a considéré que la précision de la directive rappelée ci-dessus (en italique) était déjà satisfaite par le premier alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail. Elle considère que les deux alinéas de l'article L. 212-4, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, reprennent les éléments de la définition du temps de travail de la directive et qu'il ne lui est pas apparu utile de se référer dans l'article 4 bis du projet de loi, au critère de l'exercice de l'activité ou des fonctions du salarié.
Votre rapporteur a pu mesurer, lors des auditions auxquelles il a procédé, l'inquiétude des entreprises sur cette transcription partielle de la directive européenne. Beaucoup d'entre elles ne considèrent pas le premier alinéa de l'article L. 212-4 comme l'exacte équivalent du membre de phrase de la directive non transcrite.
Si la précision de la directive européenne est sans conséquence sur l'état du droit, votre commission vous propose néanmoins, dans un souci de clarté et de prudence, de la mentionner.
Elle permettra d'éviter ainsi une possible dérive jurisprudentielle qui pénaliserait une fois encore le travail salarié en alourdissant par trop son coût.
Votre commission vous propose donc un amendement en ce sens et vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Art. 4 ter (nouveau)
Repos
quotidien
(Art. L. 220-1 et L. 220-2 nouveaux du code du
travail)
L'article 4 ter résulte d'un amendement
présenté par le rapporteur au nom de la commission,
complété par un sous-amendement de M. Yves Cochet. Il a pour
objet de transcrire dans la loi la Directive européenne du
23 novembre 1993 sur la durée minimale du repos quotidien.
I - Le dispositif proposé
L'article 4 ter insère deux articles nouveaux dans le code du travail
regroupés dans un chapitre préliminaire, nouvellement
créé également, intitulé " Repos
quotidien ", et placé avant le chapitre premier du titre II du
livre II relatif au repos hebdomadaire.
-
· Le nouvel article L. 220-1 prévoit que tout
salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée
minimale de onze heures consécutives. Il précise qu'une
convention ou un accord collectif étendu peut déroger à
cette disposition dans des conditions fixées par décret,
notamment pour des activités caractérisées par la
nécessité d'assurer une continuité du service ou par des
périodes d'intervention fractionnées. L'article précise
également que le décret prévoira aussi les conditions dans
lesquelles il pourra être dérogé à cette
disposition, à défaut de convention ou d'accord collectif
étendu, en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou de
surcroît exceptionnel d'activité.
Cet article s'inspire très largement de l'article 3 de la Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail qui dispose que " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période de repos de onze heures consécutives ".
Toutefois, la directive exclut de son champ d'application les secteurs des transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, de la pêche maritime, d'autres activités en mer, ainsi que des activités des médecins en formation. Par ailleurs, son article 17 prévoit une dérogation générale lorsque la durée du temps de travail n'est pas mesurée et/ou prédéterminée, ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes. Cet article 17 mentionne également une dérogation conditionnée à des contreparties, notamment sous forme de repos compensateur, pour de nombreuses professions.
On peut se demander dans ces conditions si le renvoi général à un décret pour définir le régime des dérogations constitue une solution satisfaisante.
· Le nouvel article L. 220-2 précise qu'aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes, sauf dispositions conventionnelles plus favorables fixant un temps de pause supérieur.
On peut constater que l'Assemblée nationale a choisi de s'en remettre à la loi plutôt qu'à la négociation collective pour fixer une durée minimale de pause.
On remarque que certains secteurs disposent de conventions collectives prévoyant un temps de pause de trois minutes par heures travaillées, ce qui correspond à 18 minutes de pause pour six heures travaillées. N'aurait-il pas été possible de préserver la liberté des conventions collectives ? Cette norme est-elle applicable à tous les secteurs d'activité sans restriction ?
Par ailleurs, l'obligation évoquée par la directive ne vaut que dans les cas où le temps de travail est supérieur à six heures alors que l'article L. 220-2 prévoit que " aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures ", ce qui constitue une rédaction plus rigoureuse.
II - Les propositions de la commission
Toutefois, malgré les imprécisions et les " adaptations " du texte européen, il a paru opportun à votre commission d'adopter ces deux articles sans en discuter les termes, car ils répondent à un souci qu'elle partage de protéger la santé des salariés. Elle vous propose en conséquence d'adopter cet article sans modification.
Art. 5
Seuil de déclenchement du repos
compensateur
(Art. L. 212-5-1 du code du travail et art. 993
du code rural)
L'article 5 abaisse le seuil de l'effectivité du repos
compensateur de la 42
ème
heure à la
41
ème
heure de travail hebdomadaire pour les heures
supplémentaires effectuées dans le cadre du contingent annuel
réglementaire de 130 heures.
I - Le dispositif proposé
La première phrase de l'article L. 212-5-1 du code du travail dispose
que les heures supplémentaires de travail effectuées à
l'intérieur du contingent annuel réglementaire de 130 heures
ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée
est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures
supplémentaires au-delà de quarante-deux heures dans les
entreprises de plus de dix salariés.
Ce repos compensateur obligatoire ne concerne donc que les entreprises de plus
de dix salariés.
En effet, dans les entreprises de dix salariés au plus, seules les
heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent
annuel réglementaire ouvrent droit, dès la
40
ème
heure, à un repos compensateur de 50 % des
heures ainsi accomplies.
Le
paragraphe I
de l'article 5 complète la première phrase
de l'article L. 212-5-1 du code du travail. Il dispose que ce seuil
d'effectivité du repos compensateur est fixé à quarante et
une heure à compter du 1
er
janvier 1999.
Un amendement de la commission
a inséré deux paragraphes,
I bis et I ter, après le paragraphe I.
Le paragraphe I bis
insère un alinéa après le
quatrième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail.
Cet alinéa prévoit que le repos compensateur doit obligatoirement
être pris dans un délai maximum de deux mois suivant l'ouverture
du droit sous réserve des cas de report définis par
décret. Il précise que l'absence de demande de prise du repos par
le salarié ne peut entraîner la perte de son droit à repos
et que, dans ce cas, l'employeur est tenu de lui demander de prendre
effectivement ses repos dans un délai maximal d'un an.
Le paragraphe I ter
supprime par coordination le huitième
alinéa de ce même article. Cet alinéa prévoyait que
le délai maximum suivant l'ouverture du droit pendant lequel le repos
devait être obligatoirement pris était fixé par un
décret.
Les paragraphes II et III
coordonnent la disposition réduisant le
seuil d'effectivité du repos compensateur dans le code du travail avec
les dispositions similaires du code rural concernant les entreprises du secteur
agricole.
Le paragraphe II de l'article 5 complète le deuxième
alinéa de l'article 993 du code rural qui dispose que : " dans
les entreprises de plus de dix salariés, la durée de ce repos
compensateur est égale à 50 % du temps de travail accompli
en heures supplémentaires au-delà de quarante-deux heures ".
Il prévoit que ce seuil sera abaissé à quarante et une
heures à compter du 1
er
janvier 1999.
Le paragraphe III applique la même réduction du seuil à
quarante et une heures au mécanisme dérogatoire de calcul de la
durée du repos compensateur prévue pour les entreprises agricoles
par le quatrième alinéa de l'article 993 du code rural.
II - Les propositions de la commission
En abaissant d'une heure le seuil de déclenchement du repos compensateur
et en prévoyant un délai maximum pour son exercice, cet article
revient à durcir la réglementation du travail sur les heures
supplémentaires. Il participe de l'esprit général du texte
qui vise à se substituer aux partenaires sociaux dans la
définition de l'organisation du travail.
Votre commission vous propose en conséquence
un amendement de
suppression de cet article
.
Art. 6
Modification du régime de
l'abattement de cotisations sociales patronales applicable au travail à
temps partiel
(Art. L. 322-12 du code du travail)
L'article 6 modifie l'article L. 322-12 du code du travail,
relatif à l'abattement de charges sociales dont bénéficie,
sous certaines conditions, le temps partiel, sur deux points essentiels : il
cherche à éviter certains abus dans l'utilisation du temps
partiel annualisé ; il prévoit la survie du dispositif
d'abattement de charges sociales pour le temps partiel lorsque l'entreprise a
conclu un accord d'abaissement du temps de travail.
I - Le dispositif proposé
L'article L. 322-12 du code du travail prévoit, dans son
premier alinéa, que l'embauche d'un salarié à durée
indéterminée à temps partiel ouvre droit à un
abattement, dont le taux est fixé par décret, sur les cotisations
dues par l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail
et des allocations familiales, à compter de la date d'effet du contrat.
Un amendement de la commission
a introduit un
paragraphe I A
avant le paragraphe I, afin de supprimer la fin de la dernière
phrase du deuxième alinéa de l'article L. 322-12
après les mots "
contrats transformés
".
Le deuxième alinéa de l'article L. 322-12
prévoit que l'abattement pour l'embauche d'un salarié à
temps partiel est également applicable en cas de transformation de
contrats à durée indéterminée à temps plein
en contrats à durée indéterminée à temps
partiel. L'article 43 de la loi quinquennale a précisé que
cette transformation devait s'accompagner d'une ou de plusieurs embauches sous
contrat à durée indéterminée permettant de
maintenir le volume des heures de travail prévu aux contrats
transformés (pour bénéficier de l'abattement), sauf si
elle constituait une alternative à un licenciement collectif pour motif
économique effectué dans le cadre de la procédure de
l'article L. 321-3. C'est cette dernière possibilité qui est
supprimée, confirmant ainsi le caractère coercitif de la
réforme du travail à temps partiel par le projet de loi.
Le paragraphe
I
modifie les modalités du calcul de la
durée hebdomadaire de travail qui ouvrent le bénéfice de
l'abattement et qui sont définies par le troisième alinéa
de ce même article L. 322-12. Alors que l'article 43 de la
loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993
dispose que le contrat doit prévoir une durée hebdomadaire qui
peut être calculée, le cas échéant, sur le mois,
comprise entre seize heures, heures supplémentaires ou heures
complémentaires non comprises, et trente-deux heures, heures
supplémentaires ou heures complémentaires comprises, le
paragraphe I de l'article 6 retient une durée hebdomadaire comprise
entre dix-huit heures, heures complémentaires non comprises et
trente-deux heures, heures supplémentaires ou complémentaires
comprises.
L'objectif de cette disposition est de ne pas favoriser le contrat de travail
à temps partiel d'une durée hebdomadaire comprise entre seize et
dix-huit heures.
On peut remarquer que cette limitation est sans effet dans de nombreux
secteurs, comme le commerce et la distribution pour lesquels la convention
collective prévoit déjà un plancher de 22 heures pour
les salariés habituels. Toutefois, il pourrait marginalement
pénaliser des publics particuliers comme les étudiants,
16 heures correspondant à deux journées de huit heures ou
à quatre demi-journées de quatre heures.
Le paragraphe
II
complète le quatrième
alinéa de l'article L. 322-12. La rédaction de cet
alinéa résulte de l'article 43 de la loi quinquennale sur
l'emploi du 20 décembre 1993, et dispose que "
le
bénéfice de l'abattement peut également être
accordé aux contrats de travail à temps partiel qui
prévoient une durée du travail comprise entre les limites
prévues à l'alinéa précédent
calculées sur une base annuelle
". Le complément
apporté par le présent texte a pour objectif de réduire la
marge de manoeuvre de l'entrepreneur en conditionnant la présente
disposition. La phrase ajoutée dispose en effet que (l'abattement)
"
n'est toutefois ouvert, dans ce cas, que lorsque le temps partiel
calculé sur une base annuelle résulte de l'application dans
l'entreprise d'un accord collectif définissant les modalités et
les garanties suivant lesquelles le travail à temps partiel est
pratiqué à la demande du salarié
". Ce paragraphe
instaure une contrainte supplémentaire au développement du
travail à temps partiel.
Le paragraphe III
du présent article modifie la première
phrase de l'antépénultième alinéa de
l'article L. 322-12. Il fait passer de trente à soixante jours
le délai de la déclaration à l'autorité
administrative par l'employeur d'une embauche à temps partiel pour
laquelle ce dernier souhaiterait bénéficier de l'abattement
prévu au premier alinéa de l'article L. 322.12. Cet
allongement du délai de la déclaration à l'autorité
administrative constitue une réponse pragmatique à une
difficulté matérielle.
Un amendement de la commission
modifie l'avant-dernier alinéa de
l'article L. 322-12 du code du travail. La première phrase de cet
alinéa prévoit que l'employeur qui a procédé
à un licenciement économique au cours des six mois
précédant une embauche susceptible d'ouvrir droit à
l'abattement ne peut bénéficier de ce dernier qu'après
accord de l'autorité administrative. Cet amendement fait passer le
délai de six à douze mois, ce qui constitue une contrainte
supplémentaire imposée à l'entrepreneur et au
développement du travail à temps partiel.
Le paragraphe IV
prévoit que l'abattement prévu à
l'article L. 322-12 s'applique ou est maintenu dans une entreprise qui a
réduit conventionnellement la durée du travail pour les
salariés employés sous contrat de travail à durée
indéterminée et dont la durée du travail fixée au
contrat est comprise entre les quatre cinquièmes de la nouvelle
durée collective du travail de trente-deux heures, toutes heures
travaillées comprises, et sous condition que les garanties
prévues aux articles L. 212-4-2 et L. 212-4-3 lui soient
appliquées.
Cette disposition permet que soit maintenu le bénéfice de
l'abattement aux horaires réduits entre 28 et 32 heures qui, du fait de
la réduction de la durée collective du travail dans l'entreprise,
basculeraient en-dehors du champ de la définition du temps partiel, qui
concerne les horaires inférieurs d'au moins un cinquième à
la durée fixée conventionnellement pour la branche ou
l'entreprise. En cela, cette disposition est plutôt favorable à
l'emploi et au développement du travail à temps partiel.
Le paragraphe V
de l'article 6 déroge, dans un souci de
stabilité juridique, aux paragraphes I et II ci-dessus pour permettre le
maintien de l'abattement aux salariés dont le contrat de travail en a
ouvert le bénéfice en application des dispositions en vigueur
avant la date de publication de la présente loi.
II - Les propositions de la commission
Cet article durcit les conditions d'attribution de l'abattement sur les
cotisations patronales accordé lors de l'embauche de salariés
à durée indéterminée à temps partiel ou lors
de la transformation d'un emploi à temps plein en un emploi à
temps partiel.
En conséquence, votre commission vous propose de supprimer les
dispositions qui constituent des obstacles au développement du travail
à temps partiel pour ne conserver que les paragraphes III et IV, pour
les raisons exposées ci-dessus.
Elle vous propose donc un
amendement
de suppression des paragraphes I A,
I, II, III bis et V et vous demande
d'adopter cet article ainsi
modifié.
Art. 7
Limitation des possibilités pour
l'entrepreneur
de recourir au temps partiel
(Art. L. 212-4-3 du code du
travail)
L'article 7, en modifiant l'article L. 212-4-3 du code du
travail, vise à davantage encadrer le temps partiel d'une part en
limitant ou en rigidifiant le recours aux heures complémentaires,
d'autre part en limitant la flexibilité que peut apporter le recours
à ce type de contrat.
I - Le dispositif proposé
Le paragraphe I
est relatif au régime des heures
complémentaires.
La durée du travail d'un salarié à temps partiel peut
contractuellement comporter un horaire de base et un horaire
complémentaire. L'horaire de base constitue l'élément fixe
alors que l'horaire complémentaire est laissé à
l'appréciation de l'employeur qui a la liberté de faire
travailler ou non son employé selon les besoins de l'entreprise. On
notera que lorsqu'elles sont travaillées, les heures
complémentaires sont rémunérées au taux normal.
Le sixième alinéa de l'article L. 212-4-3 prévoit que le
nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié
à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même
mois ne peut être supérieur au dixième de la durée
hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat. Toutefois,
une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une
convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut porter
cette limite jusqu'au tiers de cette durée.
La référence à " une convention ou un accord
d'entreprise ou d'établissement " avait été
introduite par l'article 43 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20
décembre 1993. Elle est supprimée par le présent
paragraphe I.
On peut considérer que cette disposition contraint le
développement du travail à temps partiel et donc l'enrichissement
en emplois de la croissance. Elle est aussi contraire à la
flexibilité dont peuvent avoir besoin les entreprises en situation de
grande concurrence.
Un amendement de la commission
, créant un nouveau
paragraphe
I bis
, a inséré un nouvel alinéa avant le dernier
alinéa de l'article L. 212-4-3.
Cet alinéa prévoit que lorsque, pendant une période de
douze semaines consécutives, l'horaire moyen réellement
effectué par un salarié a dépassé de deux heures au
moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel ou annuel de cette
durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est
modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf
opposition du salarié intéressé, en ajoutant à
l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet
horaire et l'horaire moyen réellement effectué.
Cet alinéa constitue une contrainte au développement du travail
à temps partiel puisqu'il limite, par un " effet de
cliquet ",
la souplesse jusque là inhérente à ce type de contrat de
travail.
Un autre amendement de la commission
a, par ailleurs, créé
un
paragraphe I ter
qui supprime les mots : "
ou
convention ou accord d'entreprise ou d'établissement
" dans le
dernier alinéa de l'article L. 212-4-3.
Ce dernier alinéa prévoit que, lorsque la durée du travail
est fixée dans le cadre de l'année, les heures
complémentaires ainsi que, le cas échéant, les heures
supplémentaires ne peuvent être effectuées que dans les
périodes travaillées prévues par le contrat de travail et
leur nombre ne peut être supérieur, au cours d'une même
année, au dixième de la durée annuelle prévue dans
le contrat, sauf convention ou accord collectif de branche étendu dans
les conditions prévues au présent article, ou convention ou
accord d'entreprise ou d'établissement pouvant porter sur cette limite
jusqu'au tiers de la durée.
C'est cette dernière forme de dérogation que l'amendement
introduit par la commission entend, tout aussi malencontreusement, supprimer.
Le paragraphe II
de l'article prévoit que "
les horaires
de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au
cours d'une même journée, plus d'une interruption
d'activité ou une interruption supérieure à deux heures,
que si une convention ou un accord collectif de branche étendu le
prévoit, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant
compte des exigences propres à l'activité
exercée
".
Un amendement de la commission
a précisé que la convention
ou l'accord, lorsqu'il prévoyait une interruption supérieure
à deux heures au cours d'une même journée, devait le faire
"
soit expressément, soit en définissant les plages
horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur
activité et leur répartition dans la journée de
travail
".
Cette disposition a pour objectif de lutter contre le morcellement de
l'activité des salariés. Elle se présenterait
également comme une contrainte supplémentaire imposée
à l'entrepreneur, si certaines dérogations n'étaient
possibles, par convention ou accord de branche étendu.
Le paragraphe III, amendé par la commission,
établit que
les dispositions du paragraphe II seront applicables à compter du
1
er
janvier 1999, alors que le projet de loi prévoyait
initialement la date du 31 mars 1999.
Enfin,
un amendement
a créé un
paragraphe IV
qui
prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les sanctions dont
sont assorties les infractions aux articles L. 212-4-2 à
L. 212-4-7 du code du travail. On peut rappeler que les articles
visés déterminent les conditions du travail à temps
partiel et notamment les horaires applicables à cette forme de travail.
Jusqu'à présent, ces dispositions n'étaient pas
sanctionnées pénalement et ne donnaient lieu à
réparation que sur le plan civil. L'opportunité de sanctionner
pénalement ces dispositions paraît discutable, la
réparation civile (requalification du contrat,
dommages-intérêts, astreintes, etc.) étant
généralement plus adaptée à ce type de
difficultés.
II - Les propositions de la commission
Cet article durcissant systématiquement le régime du travail
à temps partiel, alors qu'il semble opportun de le développer,
votre commission vous propose de supprimer ces dispositions, à
l'exception des paragraphes II et III. Le
paragraphe II
exclut la
possibilité d'une interruption supérieure à deux heures,
sauf si un accord de branche prévoit des interruptions plus longues.
Cette disposition a le mérite de favoriser le dialogue social au sein de
l'entreprise. Quant au
paragraphe III
, il fixe la date d'application du
II au 30 juin 1999 (au lieu du 1
er
janvier prévu par le
texte actuel) afin de faciliter les négociations.
Votre commission vous propose donc un
amendement
en ce sens et vous
demande
d'adopter cet article ainsi modifié.
Art. 7 bis (nouveau)
Bilan du travail à
temps partiel dans l'entreprise
(Art. L. 212-4-5 du code du
travail)
Ce nouvel article, issu d'un amendement communiste, a pour
objet de compléter le dernier alinéa de l'article L. 212-4-5
du code du travail et d'organiser une information du comité d'entreprise
sur le recours aux heures complémentaires et supplémentaires dans
le cadre du temps partiel.
I - Le dispositif proposé
La première phrase du dernier alinéa de
l'article L. 212-4-5 prévoit que "
le chef
d'entreprise communique au moins une fois par an au comité d'entreprise
ou, à défaut, aux délégués du personnel un
bilan du travail à temps partiel réalisé dans l'entreprise
portant notamment sur le nombre, le sexe et la qualification des
salariés concernés, ainsi que les horaires de travail à
temps partiel pratiqués et le nombre de contrats de travail à
temps partiel ouvrant droit à l'abattement prévu à
l'article L. 322-12
".
Le présent article complète cette phrase en précisant que
le chef d'entreprise "
communique également le nombre d'heures
complémentaires et supplémentaires effectuées par les
salariés à temps partiel
". Cela n'a pas paru
injustifié à votre commission.
II - Les propositions de la commission
En conséquence, elle vous propose
d'adopter cet article sans
modification.
Art. 8
Maintien de l'assiette des cotisations
d'assurance vieillesse
en cas de passage à temps partiel
(Art.
43-VIII de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993
relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle,
art. L. 241-3-1 nouveau du code de la
sécurité sociale)
L'article 8, en modifiant l'article 43 de la loi
quinquennale,
vise à pérenniser une disposition favorable aux salariés
passant à temps partiel, puisqu'elle permet de continuer à
cotiser à l'assurance vieillesse sur la base d'un temps plein.
I - Le dispositif proposé
Le paragraphe I
de l'article 8 abroge le huitième alinéa de
l'article 43 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre
1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation
professionnelle.
Cet alinéa prévoyait que : "
par dérogation
à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, en
cas de passage avec l'accord du salarié d'un régime de travail
à temps complet à un régime de travail à temps
partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail, l'assiette des
cotisations destinées à financer l'assurance vieillesse peut
être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son
activité exercée à temps plein. La part salariale
correspondant à ce supplément d'assiette n'est pas assimilable,
en cas de prise en charge par l'employeur, à une
rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la
sécurité sociale. Un décret en Conseil d'Etat
détermine les conditions d'exercice de cette disposition par les
employeurs.
" L'option retenue lors de la transformation de l'emploi vaut
seulement
dans le cas d'une activité à temps partiel exercée
à titre exclusif et tant que l'activité reste exercée dans
ces conditions. Un décret en Conseil d'Etat fixe le taux de ces
cotisations. Les dispositions du présent paragraphe sont mises en oeuvre
à compter du 1
er
janvier 1994 pour une période de cinq
ans et sont applicables aux salariés dont la transformation de l'emploi
intervient à compter de cette même date.
"
Cet alinéa prévoyait donc la possibilité pour les
employeurs de salariés à temps partiel de continuer à
cotiser pour leur retraite sur la base du temps plein. La disposition
supprimée, valable cinq ans, était donc provisoire.
Le paragraphe II
,
modifié par un amendement
rédactionnel de la commission
, reprend cette disposition et la
pérennise sous la forme d'un nouvel article L. 241-3-1 du code de la
sécurité sociale.
Le paragraphe III
abroge l'article 63 de la loi n° 95-95 du
1
er
février 1995 de modernisation de l'agriculture.
Cet article 63 reprenait le contenu de l'article 43-VIII de la loi quinquennale
n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle pour l'appliquer à
l'emploi agricole. Il prévoyait que les dispositions seraient mises en
oeuvre à partir du 1
er
janvier 1995 pour une période
de cinq ans.
Le paragraphe IV
reprend le contenu de l'article
précédemment abrogé mais lui donne un caractère
pérenne et l'introduit dans le code rural sous la forme d'un article
1031-3 nouveau.
II - Les propositions de la commission
L'ensemble de l'article 8 ne fait que pérenniser et codifier une
disposition prévue par la loi quinquennale à titre provisoire.
Votre commission y est favorable et vous propose
d'adopter cet article sans
modification.
Art. 9
Bilan remis au Parlement au plus tard le 30
septembre 1999
L'article 9 résulte d'un amendement de la commission
reprenant partiellement le texte du Gouvernement ; il vise à
prévoir un bilan de l'application de la présente loi.
I - Le dispositif proposé
Au terme de la rédaction proposée par la commission, le bilan,
fixé au plus tard au 30 septembre 1999, portera sur trois points :
- le déroulement et les conclusions des négociations
prévues à l'article 2, l'évolution de la durée
conventionnelle et effective du travail, le développement de l'emploi et
l'incidence du dispositif sur l'organisation des entreprises ;
- les enseignements et orientations à tirer de ce bilan dans la
perspective de la réduction généralisée de la
durée légale, concernant notamment les heures
supplémentaires, le temps partiel choisi, l'organisation et la
modulation du travail, ou le personnel d'encadrement ;
- les conditions et les effets de la réduction du temps de travail
selon la taille de l'entreprise et sur les entreprises sous-traitantes.
Cet article se situe donc dans la perspective de la seconde loi.
II - Les propositions de la commission
Votre commimssion vous propose, par coordination avec la suppression de
l'abaissement autoritaire de la durée légale hebdomadaire
à 35 heures, un
amendement
visant à prévoir un
bilan de la loi de Robien " reprofilée " par
l'article 3.
Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des
négociations, sur l'évolution de la durée conventionnelle
et effective du travail et sur l'impact du nouveau dispositif " de
Robien " sur le développement de l'emploi, l'organisation des
entreprises et l'équilibre des comptes publics.
Votre commission vous demande, en conséquence,
d'adopter cet article
ainsi modifié.
Art. 10 (nouveau)
Rapport sur le bilan et les
perspectives
de la réduction du temps de travail
pour les agents
de la fonction publique
Le projet de loi, tel qu'il a été
déposé et voté en première lecture à
l'Assemblée nationale, ne concerne pas les agents de la fonction
publique (Etats, collectivités territoriales, hôpitaux). Plusieurs
amendements ayant pour objet d'inclure la fonction publique dans son champ
d'application ont été rejetés par l'Assemblée
nationale, le Gouvernement ayant mis en avant des problèmes particuliers
et la nécessité d'effectuer un état des lieux
préalable.
Le principe de cet état des lieux a été acté
à l'issue de la négociation de l'accord salarial dans la fonction
publique du 10 février 1998.
I - Le dispositif proposé
Cet article 10 a été créé par un amendement de
M. Yves Cochet ; il s'inscrit dans le prolongement de l'état des lieux
demandé. Il prévoit que, dans les douze mois suivant la
publication de la présente loi, et après consultation des
partenaires sociaux (
sous-amendement de la commission
), le Gouvernement
présentera au Parlement un rapport sur le bilan et les perspectives de
la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique.
Ce rapport ne sera pas aisé à réaliser, ce qui le rend
d'autant plus nécessaire. Comme le montre un rapport de janvier 1998 de
la Direction générale de l'administration et de la fonction
publique (DGAFP) sur les régimes de congés atypiques dans la
fonction publique de l'Etat, il semblerait que sur le 1,8 million de
fonctionnaires civils de l'Etat, au moins 1.252.693 relèvent de
régimes dérogatoires en matière de durée du
travail, soit 70 %. On rappellera que le décret du
16 décembre 1981 a établi la durée du travail
hebdomadaire dans la fonction publique à 39 heures dans le cas
général et à 41 heures 30 pour les personnels de
service, cette durée ayant été ramenée à
40 heures 30 par un décret du 24 septembre 1985. Ce
décret de 1985 prévoyait également la possibilité
d'aménager les horaires sur l'année pour certaines
catégories de fonctionnaires, sous réserve de respecter en
moyenne annuelle la durée hebdomadaire, mais cette disposition n'a pas
été appliquée.
II - Les propositions de la commission
Le Gouvernement n'ayant pas cru bon d'imposer à l'Etat employeur ce
qu'il impose au secteur privé, votre commission ne peut que s'interroger
sur les raisons de cette réserve.
Elle devine naturellement qu'une telle extension, outre les surprises qu'elle
pourrait révéler, a toutes les chances d'être
coûteuse, non seulement pour le budget de l'Etat, mais aussi pour ceux
des collectivités territoriales ou des organismes de
sécurité sociale ; d'où la prudence du Gouvernement. Mais,
dans ces conditions, l'imposer au secteur privé signifie-t-il que la
réforme est à " coût nul " pour les entreprises ?
Ce serait une excellente nouvelle ! Malheureusement tout semble indiquer le
contraire.
Du moins, peut-on espérer que la voie de la sagesse l'emportera et que
la fonction publique restera à l'écart ? Votre commission ne peut
qu'en douter. Car dès lors que l'on fixe une durée légale,
elle voit mal comment plusieurs millions de personnes pourront rester à
l'écart : la " contamination " est plus que probable et
même logique. Le " mal " est d'ailleurs déjà
à l'oeuvre puisque le relevé de conclusions sur le dispositif
salarial applicable jusqu'au 31 décembre 1999 justifie l'état des
lieux par la nécessité
" d'analyser
(...)
les
implications de la perspective des 35 heures "
dans les trois
fonctions publiques.
Ce qui signifie à terme, comme les gains de productivité seront
limités, qu'il y aura des embauches supplémentaires, une
augmentation des coûts salariaux et donc de nouveaux déficits
publics, que Bruxelles ne manquera pas de critiquer, ou plus sûrement
encore une augmentation des prélèvements obligatoires. Ce qui
rend d'autant plus probables les " scénarios catastrophes "
cachés par le Gouvernement et mis à jour par la commission
d'enquête sur les 35 heures.
Cependant, dès lors que la commission propose de supprimer l'article
premier, c'est-à-dire la fixation autoritaire d'une nouvelle
durée légale du travail, la question de l'extension de cette
mesure à la fonction publique ne se pose plus.
En revanche, il serait tout à fait intéressant de connaître
le bilan du temps de travail effectif dans la fonction publique. Tel est
l'objet du rapport demandé par
l'amendement.
Votre commission vous demande donc
d'adopter l'article dans sa nouvelle
rédaction.
*
Sous réserve de ses observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission des Affaires sociales vous demande d'adopter le présent projet de loi.
ANNEXE
-
DIRECTIVE 93/104/CE DU CONSEIL DU
23 NOVEMBRE 1993 CONCERNANT CERTAINS ASPECTS DE L'AMÉNAGEMENT DU
TEMPS DE TRAVAIL
SECTION I CHAMP D'APPLICATION - DÉFINITIONS
Article premier - Objet et champ d'application
1) La présente directive fixe des prescriptions minimales de
sécurité et de santé en matière
d'aménagement du temps de travail ;
2) La présente directive s'applique :
a) aux périodes minimales de repos journalier, de repos
hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu'au temps de pause et à
la durée maximale hebdomadaire de travail
et
b) à certains aspects du travail de nuit, du travail posté
et du rythme de travail.
3) La présente directive s'applique à tous les secteurs
d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la
directive 89/391/CEE, sans préjudice de l'article 17 de la
présente directive, à l'exception des transports aériens,
ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, de la pêche
maritime, d'autres activités en mer, ainsi que des activités des
médecins en formation ;
4) Les dispositions de la directive 89/391/CEE s'appliquent pleinement aux
matières visées au paragraphe 2, sans préjudice des
dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans la
présente directive.
Article 2 - Définitions
Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) " temps de travail ": toute période durant laquelle
le
travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans
l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux
législations et/ou pratiques nationales;
2) " période de repos ": toute période qui n'est
pas du temps de travail ;
3) " période nocturne ": toute période d'au moins
sept heures, telle que définie par la législation nationale,
comprenant en tout cas l'intervalle compris entre vingt-quatre heures et cinq
heures ;
4) " travailleur de nuit " :
a) d'une part, tout travailleur qui accomplit durant la période
nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies
normalement
b) d'autre part, tout travailleur qui est susceptible d'accomplir, durant
la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel,
définie selon le choix de l'État membre concerné :
i) par la législation nationale, après consultation des
partenaires sociaux
ou
ii) par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires
sociaux au niveau national ou régional
5) " travail posté " : tout mode d'organisation du
travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés
successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme,
y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou
discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité
d'accomplir un travail à des heures différentes sur une
période donnée de jours ou de semaines
6) " travailleur posté " : tout travailleur dont
l'horaire de travail s'inscrit dans le cadre du travail posté.
SECTION II PÉRIODES MINIMALES DE REPOS - AUTRES ASPECTS DE L'AMÉNAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL
Article 3 - Repos journalier
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout
travailleur bénéficie, au cours de chaque période de
vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures
consécutives.
Article 4 - Temps de pause
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout
travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail
journalier est supérieur à six heures, d'un temps de pause dont
les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi,
sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre
partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation
nationale.
Article 5 - Repos hebdomadaire
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout
travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept
jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre
heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues
à l'article 3.
La période minimale de repos visée au premier alinéa
comprend, en principe, le dimanche.
Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le
justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra
être retenue. .
Article 6 - Durée maximale hebdomadaire de travail
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en
fonction des impératifs de protection de la sécurité et de
la santé des travailleurs :
1) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de
dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou
de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ;
2) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept
jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures
supplémentaires.
Article 7 - Congé annuel
1) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour
que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel
payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions
d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou
pratiques nationales ;
2) La période minimale de congé annuel payé ne peut
être remplacée par une indemnité financière, sauf en
cas de fin de relation de travail.
SECTION III TRAVAIL DE NUIT - TRAVAIL POSTÉ - RYTHME DE TRAVAIL
Article 8 - Durée du travail de nuit
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que :
1) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse
pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures
2) les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques
particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent
pas plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures
durant laquelle ils effectuent un travail de nuit.
Aux fins du présent point, le travail comportant des risques
particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes est
défini par les législations et/ou pratiques nationales ou par des
conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux, compte
tenu des effets et des risques inhérents au travail de nuit.
Article 9 - Évaluation de la santé et transfert au travail de
jour des travailleurs de nuit
1) Les États membres prennent les mesures nécessaires pour
que :
a) les travailleurs de nuit bénéficient d'une
évaluation gratuite de leur santé, préalablement à
leur affectation et à intervalles réguliers par la suite ;
b) les travailleurs de nuit souffrant de problèmes de santé
reconnus, liés au fait que ces travailleurs accomplissent un travail de
nuit, soient transférés, chaque fois que cela est possible,
à un travail de jour pour lequel ils sont aptes.
2) L'évaluation gratuite de santé visée au
paragraphe 1 point a) doit respecter le secret médical.
3) L'évaluation gratuite de santé visée au
paragraphe 1 point a) peut faire partie d'un système national de
santé.
Article 10 - Garanties pour travail en période nocturne
Les États membres peuvent subordonner le travail de certaines
catégories de travailleurs de nuit à certaines garanties, dans
des conditions fixées par les législations et/ou pratiques
nationales, pour des travailleurs qui courent un risque de
sécurité ou de santé lié au travail durant la
période nocturne.
Article 11 - Information en cas de recours régulier
aux travailleurs de nuit
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que
l'employeur qui a régulièrement recours à des travailleurs
de nuit informe de ce fait les autorités compétentes, sur leur
demande.
Article 12 - Protection en matière de
sécurité et de santé
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que :
1) les travailleurs de nuit et les travailleurs postés
bénéficient d'un niveau de protection en matière de
sécurité et de santé, adapté à la nature de
leur travail ;
2) les services ou moyens appropriés de protection et de
prévention en matière de sécurité et de
santé des travailleurs de nuit et des travailleurs postés soient
équivalents à ceux applicables aux autres travailleurs et soient
disponibles à tout moment.
Article 13 - Rythme de travail
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que
l'employeur qui envisage d'organiser le travail selon un certain rythme tienne
compte du principe général de l'adaptation du travail à
l'homme, notamment en vue d'atténuer le travail monotone et le travail
cadencé en fonction du type d'activité et des exigences en
matière de sécurité et de santé,
particulièrement en ce qui concerne les pauses pendant le temps de
travail.
SECTION IV DISPOSITIONS DIVERSES
Article 14 - Dispositions communautaires plus
spécifiques
Les dispositions de la présente directive ne s'appliquent pas dans la
mesure où d'autres instruments communautaires contiennent des
prescriptions plus spécifiques en la matière concernant certaines
occupations ou activités professionnelles.
Article 15 - Dispositions plus favorables
La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté
des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions
législatives, réglementaires ou administratives plus favorables
à la protection de la sécurité et de la santé des
travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions
collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables
à la protection de la sécurité et de la santé des
travailleurs.
Article 16 - Périodes de référence
Les États membres peuvent prévoir :
1) pour l'application de l'article 5 (repos hebdomadaire), une
période de référence ne dépassant pas quatorze
jours ;
2) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire
de travail), une période de référence ne dépassant
pas quatre mois.
Les périodes de congé annuel payé, accordé
conformément à l'article 7, et les périodes de
congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le
calcul de la moyenne
3) pour l'application de l'article 8 (durée du travail de nuit),
une période de référence définie après
consultation des partenaires sociaux ou par des conventions collectives ou
accords conclus au niveau national ou régional entre partenaires sociaux.
Si la période minimale de repos hebdomadaire de vingt-quatre heures
exigée par l'article 5 tombe dans cette période de
référence, elle n'est pas prise en compte pour le calcul de la
moyenne.
Article 17 - Dérogations
1) Dans le respect des principes généraux de la protection
de la sécurité et de la santé des travailleurs, les
États membres peuvent déroger aux articles 3, 4, 5, 6, 8 et 16
lorsque la durée du temps de travail, en raison des
caractéristiques particulières de l'activité
exercée, n'est pas mesurée et/ou
prédéterminée ou peut être déterminée
par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu'il s'agit :
a) de cadres dirigeants ou d'autres personnes ayant un pouvoir de
décision autonome ;
b) de main-d'oeuvre familiale ;
ou
c) de travailleurs dans le domaine liturgique des églises et des
communautés religieuses.
2) II peut être dérogé par voie législative,
réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives
ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des
périodes équivalentes de repos compensateur soient
accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas
exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes
équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons
objectives, une protection appropriée soit accordée aux
travailleurs concernés :
21 aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 :
a) pour les activités caractérisées par un
éloignement entre le lieu de travail et le lieu de résidence du
travailleur ou par un éloignement entre différents lieux de
travail du travailleur ;
b) pour les activités de garde, de surveillance et de permanence
caractérisées par la nécessité d'assurer la
protection des biens et des personnes, notamment lorsqu'il s'agit de gardiens
ou de concierges ou d'entreprises de gardiennage ;
c) pour les activités caractérisées par la
nécessité d'assurer la continuité du service ou de la
production, notamment lorsqu'il s'agit :
i) des services relatifs à la réception, au traitement et/ou
aux soins donnés par des hôpitaux ou des établissements
similaires, par des institutions résidentielles et par des prisons
ii) des personnels travaillant dans les ports ou dans les aéroports
iii) des services de presse, de radio, de télévision, de
productions cinématographiques, des postes ou
télécommunications, des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers
ou de protection civile
iv) des services de production, de transmission et de distribution de gaz,
d'eau ou d'électricité, des services de collecte des ordures
ménagères ou des installations d'incinération
v) des industries dans lesquelles le processus de travail ne peut
être interrompu pour des raisons
vi) des activités de recherche et de développement
vii) de l'agriculture
d) en cas de surcroît prévisible d'activité,
notamment :
i) dans l'agriculture
ii) dans le tourisme
iii) dans les services postaux
22 aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 :
a) dans les circonstances visées à l'article 5 paragraphe 4
de la directive 89/391/CEE ;
b) en cas d'accident ou de risque d'accident imminent.
23 aux articles 3 et 5 :
a) pour les activités du travail posté, chaque fois que le
travailleur change d'équipe et ne peut bénéficier entre la
fin d'une équipe et le début de la suivante de périodes de
repos journalier et/ou hebdomadaire ;
b) pour les activités caractérisées par des
périodes de travail fractionnées dans la journée,
notamment des personnels occupés aux activités de nettoyage.
3 II peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16
par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires
sociaux au niveau national ou régional ou, en conformité avec les
règles fixées par ces partenaires sociaux, par voie de
conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux à
un niveau inférieur.
Les États membres où, juridiquement, il n'existe pas de
système assurant la conclusion de conventions collectives ou d'accords
conclus entre partenaires sociaux au niveau national ou régional, dans
les matières couvertes par la présente directive, ou les
États membres dans lesquels il existe un cadre législatif
spécifique à cette fin et dans les limites de celui-ci, peuvent,
conformément aux législations et/ou pratiques nationales,
permettre des dérogations aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 par voie de
conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux au
niveau collectif approprié.
Les dérogations prévues aux premier et deuxième
alinéas ne sont admises que, à condition que des périodes
équivalentes de repos compensateur soient accordées aux
travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels
l'octroi de telles périodes de repos compensateur n'est pas possible
pour des raisons objectives, une protection appropriée soit
accordée aux travailleurs concernés.
Les États membres peuvent prévoir des règles :
- pour l'application du présent paragraphe par des partenaires
sociaux
et
- pour l'extension des dispositions des conventions collectives ou accords
conclus en conformité avec le présent paragraphe à
d'autres travailleurs, conformément aux législations et/ou
pratiques nationales.
4 La faculté de déroger à l'article 16 point 2,
prévue au paragraphe 2 points 21 et 22 et au paragraphe 3 du
présent article, ne peut avoir pour effet l'établissement d'une
période de référence dépassant six mois.
Toutefois, les États membres ont la faculté, tout en respectant
les principes généraux de la protection de la
sécurité et de la santé des travailleurs, de permettre
que, pour des raisons objectives, techniques ou d'organisation du travail, les
conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux fixent des
périodes de référence ne dépassant en aucun cas
douze mois.
Avant l'expiration d'une période de sept ans à compter de la date
visée à l'article 18 paragraphe 1 point a), le Conseil, sur la
base d'une proposition de la Commission, accompagnée d'un rapport
d'évaluation, réexamine les dispositions du présent
paragraphe et décide des suites à y donner.
Article 18 - Dispositions finales
1) a) Les États membres mettent en vigueur les dispositions
législatives, réglementaires et administratives
nécessaires pour se conformer à la présente directive au
plus tard le 23 novembre 1996 ou s'assurent, au plus tard à cette date,
que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions
nécessaires par voie d'accord, les États membres devant prendre
toute mesure nécessaire pour pouvoir à tout moment garantir les
résultats imposés par la présente directive.
b) i) Toutefois, un État membre a la faculté de ne pas
appliquer l'article 6 tout en respectant les principes généraux
de la protection de la sécurité et de la santé des
travailleurs et à condition qu'il assure, par les mesures
nécessaires prises à cet effet, que :
- aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de
quarante-huit heures au cours d'une période de sept jours,
calculée comme moyenne de la période de référence
visée à l'article 16 point 2, à moins qu'il ait obtenu
l'accord du travailleur pour effectuer un tel travail,
- aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu'il
n'est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel
travail,
- l'employeur tienne des registres mis à jour de tous les
travailleurs qui effectuent un tel travail,
- les registres soient mis à la disposition des autorités
compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de
sécurité et/ou de santé des travailleurs, la
possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de
travail,
- l'employeur, sur demande des autorités compétentes, donne
à celles-ci des informations sur les accords donnés par les
travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante-huit heures au
cours d'une période de sept jours, calculées comme moyenne de la
période de référence visée à l'article 16
point 2.
Avant l'expiration d'une période de sept ans à compter de la date
visée au point a), le Conseil, sur la base d'une proposition de la
Commission, accompagnée d'un rapport d'évaluation,
réexamine les dispositions du présent point i) et décide
des suites à y donner.
ii) De même, les États membres ont la faculté, en ce
qui concerne l'application de l'article 7, de faire usage d'une période
transitoire maximale de trois ans à compter de la date visée au
point a), à condition que pendant cette période transitoire :
- tout travailleur bénéficie d'un congé annuel
payé de trois semaines, conformément aux conditions d'obtention
et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques
nationales
et
- la période de trois semaines de congé annuel payé
ne puisse être remplacée par une indemnité
financière, sauf en cas de fin de relation de travail.
c) Les États membres en informent immédiatement la
Commission.
2) Lorsque les États membres adoptent les dispositions
visées au paragraphe 1, celles-ci contiennent une
référence à la présente directive ou sont
accompagnées d'une telle référence lors de leur
publication officielle Les modalités de cette référence
sont arrêtées par les États membres.
3) Sans préjudice du droit des États membres de
développer, eu égard à l'évolution de la situation,
des dispositions législatives, réglementaires et contractuelles
différentes dans le domaine du temps de travail, pour autant que les
exigences minimales prévues dans la présente directive soient
respectées, la mise en oeuvre de la présente directive ne
constitue pas une justification valable pour la régression du niveau
général de protection des travailleurs.
4) Les États membres communiquent à la Commission le texte
des dispositions de droit interne qu'ils ont déjà adoptées
ou qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
5) Les États membres font rapport à la Commission tous les
cinq ans sur la mise en oeuvre pratique des dispositions de la présente
directive, en indiquant les points de vue des partenaires sociaux.
La Commission en informe le Parlement européen, le Conseil, le
Comité économique et social et le comité consultatif pour
la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé
sur le lieu de travail.
6) La Commission présente tous les cinq ans au Parlement
européen, au Conseil et au Comité économique et social un
rapport sur la mise en oeuvre de la présente directive en tenant compte
des paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5.
Article 19 - Les États membres sont destinataires de la
présente directive.
1
" Réduction
autoritaire du temps de travail à 35 heures. On ne spécule
pas avec l'espoir des Français " Rapport de la commission
d'enquête sénatoriale. Président M. Alain Gournac,
Rapporteur, M. Jean Arthuis - Sénat n° 279 (1997-1998).
2
Mme Martine Aubry, JO Débats AN - p. 577.
3
Circulaire du 26 janvier 1998 - JO Lois et Décrets du
06.02.1998.
4
Dossier édité par le ministère de l'emploi et
de la solidarité (21 janvier 1998).
5
Mme Martine Aubry, JO Débats AN - p. 575.
6
Changeons d'avenir. Programme du parti socialiste, printemps 1997.
7
La Fin du travail, Jeremy Rifkin. La Découverte, 1997 (New
York, 1995).
8
Voir sur ce point l'excellente analyse de la commission
d'enquête sénatoriale chargée de recueillir des
éléments d'information sur les conséquences
financières, économiques et sociales de la décision de
réduire à trente-cinq heures la durée hebdomadaire du
travail.
9
" Réduction autoritaire du temps de travail
à 35 heures. On ne spécule pas avec l'espoir des
Français " Rapport de la commission d'enquête
sénatoriale. Président M. Alain Gournac, Rapporteur, M. Jean
Arthuis - Sénat n° 279 (1997-1998).
10
" Les 35 heures sont-elles la réponse
au désespoir ? Christian Saint-Etienne, Les Echos,
17 février 1998.
11
La loi de Robien : une première évaluation.
Commission des Finances. Rapport d'information n° 3506, 17 avril
1997, Assemblée nationale.
12
La réduction de la durée du travail dans le
cadre de la loi de Robien. Bilan d'une année de conventions. V. Le Corre
et L. Doisneau : Premières informations et premières
synthèses 98.01 N° 03.1 DARES.
13
Les horaires peuvent être annualisés en
recourant à la modulation de type III prévue par la loi
quinquennale du 20 décembre 1993. Mais dans la pratique, l'octroi
de jours de congés supplémentaires peut aussi constituer une
modalité d'annualisation.
14
La loi de Robien : une première évaluation.
Commission des Finances. Rapport d'information n° 3506, 17 avril
1997, Assemblée nationale.
15
Débats Assemblée nationale -
2
ème
séance du 27 janvier 1998, p. 603.
16
cf. proposition de loi (n° 628, AN) de MM. François
Bayrou et Jean-Louis Debré tendant à alléger les charges
sur les bas salaires.
17
Volet offensif.
18
Réponse au questionnaire écrit adressé
par votre rapporteur au ministre, 20 février 1998.
-
19
Y compris assurance chômage, CSG et CRDS.
20 Pour 1 part.
21 5 x 65.190 F = 325.950 F.
23 Réponses au questionnaire écrit adressé par votre rapporteur au ministre, 20 février 1998.
24 JO Débats AN - 1ère Séance du 5 février 1998 - p. 1114.
25 Le crédit de 3 milliards de francs inscrit au budget de 1998 correspondrait selon Mme Aubry à l'entrée dans le dispositif de 1,4 million de salariés.
26 Réponse au questionnaire écrit adressé par votre rapporteur au ministre (20 février 1998).
27 Le coût de ces majorations pourrait conduire à majorer les estimations de l'ordre de 5 milliards de francs sur cinq ans.
28 Article 5 de la loi relative à la sécurité sociale n° 94-637 du 25 juillet 1994.
29 Exposé des motifs projet de loi AN n° 512, p. 8.
30 Etude d'impact p. 4.
31 JO débats AN p. 1184.
32 Mme Martine Aubry, JO débats AN, p. 754.
33 39 heures x 52 semaines, soit 2.028 heures dans l'année, soit 169 heures par mois.
34 35 heures x 52 semaines, soit 1.820 heures dans l'année, soit 151,66 heures par mois
35 JO Débats Assemblée nationale - p. 581.
36 soit une majoration de 1/39 ème soit 2,56 %.
37 Directive n° 97/81 du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES.
38 Suivant les définitions nationales du chômage. Pour le chômage structurel, il s'agit des estimations du taux de chômage non accélérateur des salaires (NAWRU) effectuées par le secrétariat de l'OCDE pour le n° 60 des Perspectives économiques de l'OCDE, 1996.
39 " La mise en oeuvre de la stratégie de l'OCDE pour l'emploi " - OCDE, 1997.
40 " Minimum Wages and Youth Unemployment in France and the United States ", by J. Abowd, F. Kramarz, T. Lemieux and D. Margolis. NBER Working paper 6111.
41 " French Unemployment : Why France and the USA are alike ", by D. Cohen A. Lefranc and G. Saint-Paul. Economic Policy 25 october 1997
42 UFT, Confédération nationale de la mutualité, des coopératives et du Crédit agricole, ANIA, Fédération nationale des sociétés d'économie mixte, Union syndicale de la production audiovisuelle, Fédération des entreprises du commerce et de la distribution.
43 La réussite de la monnaie unique dépendra des réformes structurelles - Les Echos - vendredi 23 et samedi 24 janvier 1998.
44 " Le modèle social français : un compromis malthusien " - Denis Olivennes, Notes de la Fondation Saint-Simon.
45 France : " An economy torn in two ", Business Week/January 26, 1998.
46 Perspectives économiques, OCDE, décembre 1997.
47 JO Débats AN - 1 ère séance du 29 janvier 1998 - p. 769.
48 Mais le Gouvernement n'en est pas sûr. Auditionné par la commission des Affaires sociales, le ministre de l'Economie et des Finances n'a pas exclu que, si les circonstances l'exigeaient, la majoration des heures supplémentaires puisse être ramenée à 12,5 %, ce qui diminuerait d'autant le coût du dispositif pour l'entreprise. Faut-il y voir là l'aveu du manque d'études sérieuses entourant la préparation du projet de loi ?
49 Bulletin AN, p. 17.
50 Votre rapporteur n'a pu avoir connaissance du projet de décret. Il s'agit néanmoins des organismes ayant d'importantes relations avec l'Etat (par exemple dans un contrat de plan) qui, souvent, détermine le montant de leurs ressources : on citera la Banque de France, EDF ou encore les Charbonnages de France.
51 JO Débats AN - 2 ème séance du jeudi 5 février 1998.
52 Compte rendu analytique officiel - Assemblée nationale - 3 ème séance du jeudi 5 février 1998, p. 16.