Paragraphe III
Mandatement d'un salarié pour négocier un
accord de réduction de la durée du travail dans les entreprises
dépourvues de délégué syndical
L'article 6 de la loi n° 96-985 du
12 novembre 1996 relative à l'information et à la
consultation des salariés dans les entreprises et les groupes
d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de
la négociation collective prévoit qu'à titre exceptionnel
et jusqu'au 31 octobre 1998, des accords de branche pourront
déroger aux articles L. 132-2, L. 132-19 et L. 132-20 du
code du travail. Ces trois articles définissent les modalités de
conclusion de la convention ou de l'accord collectif de travail :
-
l'article L. 132-2
précise que ces accords, pour
être valables, doivent être conclus par un ou plusieurs syndicats
de salariés reconnus représentatifs au niveau national ;
-
l'article L. 132-19
dispose que la convention ou, à
défaut, les accords d'entreprise sont négociés entre
l'employeur et les organisations syndicales de salariés
représentatives dans l'entreprise. Il prévoit également
qu'une convention ou des accords peuvent être conclus au niveau d'un
établissement ou d'un groupe d'établissements dans les
mêmes conditions ;
-
l'article L. 132-20
prescrit que la délégation
de chacune des organisations représentatives parties à des
négociations dans l'entreprise comprenne obligatoirement le
délégué syndical de l'organisation dans l'entreprise ou,
en cas de pluralité de délégués, au moins deux
délégués syndicaux. Cet article L. 132-20
prévoit également que chaque organisation peut compléter
sa délégation par des salariés de l'entreprise, dont le
nombre est fixé par accord entre l'employeur et l'ensemble des
organisations concernées. A défaut d'accord, ce nombre est au
plus égal, par délégation, à celui des
délégués syndicaux de la délégation.
Toutefois, dans les entreprises n'ayant qu'un seul délégué
syndical, ce nombre peut être porté à deux. Ce même
article précise que le temps passé à la négociation
est payé comme temps de travail à échéance normale.
Les accords de branche mentionnés par l'article 6 de la loi du
12 novembre 1996 peuvent prévoir qu'en l'absence de
délégués syndicaux dans l'entreprise, ou de
délégués du personnel faisant fonction de
délégué syndical dans les entreprises de moins de
cinquante salariés, les représentants élus du personnel
négocient la mise en oeuvre des mesures dont l'application est
légalement subordonnée à un accord collectif. Toutefois,
les thèmes ouverts à ce mode de négociation sont
fixés par les accords de branche. De plus, les textes
négociés n'acquièrent la qualité d'accords
collectifs de travail qu'après leur validation par une commission
paritaire de branche prévue par l'accord de branche et n'entrent en
application qu'après avoir été déposés
auprès de l'autorité administrative.
Le paragraphe III de l'article 6 de la loi du 12 novembre 1996
prévoit également que ces accords de branche pourront envisager
que, dans les entreprises dépourvues de délégués
syndicaux et dans les entreprises de moins de cinquante salariés
dépourvues de délégués du personnel faisant
fonction de délégué syndical, des accords collectifs
pourront être conclus par un ou plusieurs salariés
expressément mandatés, pour une négociation
déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales
représentatives.
Ce dispositif de l'article 6 suppose l'existence d'un accord de branche. Mais
ces accords sont rares.
C'est pourquoi le
paragraphe III de l'article 3 a pour objet de
permettre la négociation collective dans les petites entreprises
dépourvues de représentation syndicale, ou de
délégué du personnel désigné comme
délégué syndical, et à défaut d'un accord de
branche mettant en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la loi
n° 96-985 du 12 novembre 1996. Un accord collectif peut alors
être conclu par un ou plusieurs salariés expressément
mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues
représentatives au niveau national.
Ces dispositions ne font que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation
du 25 janvier 1995 évoquée à l'article 2.
Le paragraphe III de l'article 3 du présent projet de loi
précise aussi que les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils
détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise,
ainsi que les salariés qui lui sont apparentés, ne peuvent
être mandatés (conjoint, ascendants, descendants, frères,
soeurs et alliés au même degré selon les articles
L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail).
Le mandat doit préciser les modalités selon lesquelles le
salarié a été désigné et fixer
précisément les termes de la négociation et les
obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions
selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de
la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant
peut, à tout moment, mettre fin au mandat.
Un amendement de la commission
a précisé que le
salarié mandaté pouvait être accompagné, lors des
séances de négociation, par un salarié de l'entreprise
choisi par lui.
L'accord doit prévoir les modalités selon lesquelles les
salariés de l'entreprise et l'organisation syndicale mandante sont
informés des conditions de sa mise en oeuvre et de son application. Cet
accord est communiqué au comité départemental de la
formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
Un amendement de la commission
a précisé que le temps
passé par les salariés mandatés à négocier
l'accord ainsi qu'à participer aux réunions nécessaires
à son suivi devrait être payé comme temps de travail.
Afin de leur assurer indépendance et non-discrimination, les
salariés mandatés au titre du présent article
bénéficient de la protection prévue par les dispositions
de l'article L. 412-18 du code du travail à compter du moment
où l'employeur aura eu connaissance de leur désignation. De plus,
la procédure d'autorisation est applicable au licenciement des anciens
salariés mandatés pendant six mois après la signature de
l'accord ou, à défaut, la fin du mandat ou la fin de la
négociation.
Un amendement
a prévu que cette protection serait effective
dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur
désignation.
On peut rappeler que l'article L. 412-18 prévoit que le
licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir
qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité
qui en tient lieu. Si le licenciement est refusé, la mise à pied
est annulée et ses effets supprimés de plein droit.
La commission des Affaires sociales observe, avec la commission d'enquête
sur les 35 heures, que le mandatement d'un salarié n'est sans doute pas
la procédure la mieux adaptée pour négocier un accord
d'aménagement-réduction du temps de travail. Il s'agit en effet
d'une négociation souvent très technique qui suppose une bonne
formation, une certaine expérience, ainsi qu'un sens du compromis
équilibré que les salariés ne possèdent pas
spontanément. Or, tout accord mal conçu peut avoir des
conséquences négatives sur le climat social de l'entreprise,
voire sur l'entreprise elle-même.