N° 262

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 février 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, permettant aux organismes d' habitations à loyer modéré d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant à bail des logements vacants pour les donner en sous-location ,

Par M. Gérard BRAUN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.



Voir les numéros
:

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 92 , 442, 548 et T.A. 46.

Sénat
: 185 (1997-1998).

 
Logement.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi n° 185, adoptée par l'Assemblée nationale, dont est saisie la commission des affaires économiques, doit permettre aux organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant à bail des logements vacants pour les donner en sous-location.

Elle est issue d'une proposition de loi déposée par M. Gilbert Meyer, député, qui reprend, dans des termes quasiment identiques, une proposition de loi déposée par le même auteur sous la précédente législature.

Ce texte avait fait l'objet d'un rapport de la commission de la production et des échanges, mais n'avait pu être examiné en séance publique en raison de la dissolution décidée le 23 avril 1997.

Le dispositif qu'il nous est demandé d'examiner se veut une réponse au problème de la vacance dans le parc immobilier privé. Ce problème est ressenti avec d'autant plus d'acuité si l'on considère, en parallèle, les statistiques relatives aux personnes mal logées, logées de façon précaire, ou considérées comme sans domicile 1( * ) :

plus d'un million et demi de personnes sont mal logées :

. 1,43 millions de personnes vivent en logements hors normes ;

. 147.000 vivent en logement mobiles.

plus de 200.000 sont exclues du logement

. 98.000 sont sans domicile fixe

. 45.000 personnes vivent en abris de fortune

. 59.000 personnes vivent en centres d'hébergement

Face à cette crise du logement durable, il faut recourir à de nouveaux outils, très diversifiés et de nature à faciliter une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de logements.

Tout dispositif visant à remettre sur le marché des logements vacants doit être encouragé . La présente proposition de loi, même si elle ne constitue pas une réponse adaptée à toutes les formes de vacance, participe de cette démarche.

I. LE PHÉNOMÈNE DE LA VACANCE IMMOBILIÈRE

A. UNE RELATIVE STABILITÉ DES CHIFFRES

Depuis 1978, le taux de vacance varie de 7,5 % à 8 % du parc total, estimé à 28 millions d'unités. Si l'on croit la dernière " enquête logement " de l'INSEE, 2,2 millions de logements sont vacants, et ce chiffre est à peu près stable depuis 1984.

Le tableau ci-dessous donne la répartition géographique des logements vacants.

 

Catégorie de logement

 
 

Enquête logement 1996

Résidence

principale

Logement occasionnel

Résidence

secondaire

Logement vacant

Total

 

Milliers

 

Milliers

 

Milliers

 

Milliers

 

Milliers

 

Localisation

Logts

%

Logts

%

Logts

%

Logts

%

Logts

%

Commune rurale hors ZPIU*

787

64,1

17

1,4

256

20,8

169

13,7

1 229

100,0

Commune rurale en ZPIU*

4 828

73,6

54

0,8

1 121

17,1

555

8,5

6 558

100,0

Agglo < 100.000 hab

6 868

82,3

82

1,0

757

9,1

637

7,6

8 344

100,0

Agglo >100.000 hab - communes périphériques

3 040

90,3

13

0,4

136

4,0

180

5,3

3 368

100,0

Agglo >100.000 hab -

Communes centres

3 750

87,7

38

0,9

114

2,7

376

8,8

4 277

100,0

Agglomération parisienne hors Paris

2 880

92,1

25

0,8

31

1,0

192

6,1

3 128

100,0

Paris

1 132

85,9

24

1,8

39

2,9

123

9,3

1 317

100,0

Toutes localisations confondues

23 286

82,5

252

0,9

2 452

8,7

2 231

7,9

28 221

100,0

(Source : INSEE)

* Zone de peuplement industriel ou urbain


On y constate que la vacance est répartie pour les 2/3 en milieu urbain, mais que les communes rurales regroupent cependant 32,8 % des logements vacants, alors qu'elles ne représentent que 27,8 % du parc de logements.

Ces chiffres doivent être interprétés avec beaucoup de prudence.

D'une part, en effet, il est difficile d'établir de façon fiable la distinction entre les logements " vacants ", " secondaires ", ou " occasionnels ".

D'autre part, et surtout, il convient, sur le total des logements vacants, de faire la part de la vacance conjoncturelle, qui caractérise des locaux se trouvant entre deux périodes d'occupation, et n'est que le reflet de la fluidité, voire du dynamisme du marché. Cette vacance conjoncturelle peut être évaluée à 5 % ou 6 % du parc vacant.

On s'accorde à reconnaître comme " structurellement " vacante la partie du parc vacant qui l'est depuis six mois au moins, voire depuis plusieurs années. Seule cette vacance structurelle peut et doit être résorbée.

B. DES CAUSES TRÈS DIVERSES

Le rapport, élaboré par le Conseil National de l'Habitat en janvier 1996, sur le logement vacant revèle la grande diversité des facteurs qui en sont la cause. Il souligne d'ailleurs que, plusieurs de ces facteurs peuvent se combiner, ce qui rend particulièrement complexe l'interprétation du phénomène.

Cinq grands facteurs expliquent la vacance et sa durée :

1) Les caractéristiques du logement :

. la vétusté ou l'inadaptation du logement (insalubrité, taille, conception) ;

. la situation du logement dans l'immeuble (au-dessus d'un commerce, en rez-de-chaussée ou entresol, dernier étage) ;

. la localisation excentrée ;

. la localisation proche de fortes nuisances.

2) La situation personnelle et la stratégie du propriétaire :

. Le décès de celui-ci, avec parfois des complications familiales et juridiques qui bloquent les décisions sur l'avenir des logements ;

. l'indivision ;

. Le changement de domicile (éloignement) ;

. l'âge avancé (hésitation à engager des travaux, à louer, impossibilité de bénéficier de prêts) ;

. un prix à la vente ou à la location trop élevé par rapport au niveau des transactions immobilières et des loyers.

3) La situation de l'ancien locataire :

. le changement de domicile

4) La politique locale de l'habitat :

. l'absence de politique sur l'amélioration de l'habitat et la résorption de la vacance dans un contexte de régulation difficile des rapports entre l'offre et la demande de logements.

5) La politique urbaine :

. la politique foncière et immobilière de la collectivité locale,

. le lancement d'opérations de rénovation ou de restructuration urbaine.

En outre, la vacance peut provenir d'un changement de statut du logement. Le propriétaire bailleur va alors élaborer un projet immobilier qui se traduit par le lancement d'un programme de travaux justifié par la décision de faire du logement la résidence principale du ménage ou d'un membre de la famille, ou encore de faire de ce logement la résidence secondaire du ménage.

Le changement peut être également lié à l'affectation, en cas de reconversion du logement en bureau ou dépôt commercial ou de sa reconversion en gîte ou location saisonnière (tourisme).

Il importe de rappeler aussi que la vacance en milieu urbain n'est pas due aux mêmes facteurs que celle constatée en milieu rural.

La vacance urbaine résulte, pour une large part de raisons conjoncturelles, qui traduisent la fluidité du marché et la mobilité des ménages pour des raisons familiales ou professionnelles. Néanmoins, une partie de ces logements relèvent de la vacance structurelle car faute d'entretien et de travaux, ils perdent de leur attrait. Ce phénomène peut être accentué à l'échelle d'un quartier, voire du centre-ville, en raison du transfert d'activités, voire d'une baisse généralisée de l'activité économique.

S'agissant du milieu rural, la vacance est liée tant aux mutations socio-économiques, quand les villages sont éloignés des bassins d'emplois, qu'ils n'offrent plus un niveau de service satisfaisant ou qu'ils sont frappés par la déprise agricole, qu'à l'ancienneté et à l'inadaptation du parc aux besoins de la vie moderne. L'investissement dans le parc locatif ne se produit le plus souvent que dans des régions touristiques sur des logements saisonniers, dont l'occupation ne dépasse pas quatre à six mois dans l'année.

En définitive, le rapport Robert 2( * ) réalisé en 1992 jugeait que sur les 1.344.000 logements vacants en 1988, seulement 500.000 pouvaient être susceptibles d'être mobilisés dont 200.000 rapidement. Le professeur Mouillard, chercheur au CEREVE, estimait ce nombre entre 110 et 200.000. La Direction de l'Habitat et la Construction considère qu'en 1992, sur les 1.896.000 logements vacants, 300 à 500.000 sont susceptibles d'être mobilisés pour l'habitat. Malgé l'hétérogénéïté des approches statistiques concernant la vacance globale, les variations constatées entre 1988 et 1992 montrent que la proportion de logements vacants pouvant être remis sur le marché reste la même, soit entre 200 et 300.000 logements (10 à 15 % des logements vacants en 1992).

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