C. UN EFFORT DE RATIONALISATION INSUFFISANT OU MAL ENGAGÉ

Cette partie du rapport pour avis regroupe plusieurs agrégats ou parties d'agrégats qui évoluent en hausse ou en baisse, mais qui tous font, ou devraient faire, l'objet d'un réexamen ou de redéploiements concertés. Or, certaines réformes restent inachevées -dans le cadre de la formation professionnelle par exemple-, ou sont conduites en dehors de toute concertation avec les parties intéressées -ainsi en est-il des préretraites-, ce qui met les catégories bénéficiaires de ces dispositifs en situation difficile.

1. La formation professionnelle

Les priorités pour 1997 de la politique de formation professionnelle étaient l'insertion et l'emploi des jeunes, l'amélioration de la transparence et de l'efficacité du financement de la formation professionnelle et, pour mettre en oeuvre cette politique, un regroupement des moyens par la création de la direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle.

Les crédits consacrés à la formation professionnelle en 1998 sont répartis en trois masses dont la relative stabilité témoigne apparemment de la continuité dans l'appréciation gouvernementale du caractère prioritaire de ce chapitre : on y retrouve l'insertion professionnelle des jeunes avec, en premier lieu, les formations en alternance, la participation de l'Etat à la formation et à l'adaptation des ressources en main d'oeuvre des entreprises et la subvention versée à l'Association pour la formation professionnelle des adultes, ce point étant traité dans la partie de l'avis consacrée à la gestion de la politique de l'emploi. A ces trois grandes masses s'ajoutent les crédits consacrés au programme " chômeurs de longue durée " qui relève tout autant de la formation que des dispositifs d'insertion.

Au total, ce sont près de 24,5 milliards de francs qui sont consacrés aux actions directes de formation professionnelle et plus de 34 milliards de francs si on y ajoute les chômeurs de longue durée et la participation de l'Etat au financement de l'allocation de formation reclassement (AFR) et des stages AFPA (rémunération des stagiaires).

Malheureusement, une étude un peu plus fine de la répartition des crédits révèle certains infléchissements qui, s'ils s'avéraient annonciateurs de réforme en profondeur, seraient particulièrement inquiétants.

a) Les actions en faveur des publics prioritaires

(En millions de francs)

LFI 97

PLF 98

%

IV - Actions de l'Etat en faveur des publics prioritaires

63.810,34

68.079,38

6,7

A - Insertion professionnelle des jeunes

17.663,98

25.216,37

42,8

a/ Insertion des jeunes non qualifiés

5.053,25

5.077,02

0,5

AFA et accompagnement

2.671,26

2.645,87

- 1,0

Hors champ décentralisation

200,00

220,00

10,0

DGD Loi quinquennale

1.825,99

1.851,25

1,4

Missions locales et PAIO

356,00

359,90

1,1

b/ Formation en alternance

12.610,73

12.089,35

- 4,1

Contrats de qualification

2.831,00

2.155,54

- 23,9

DGD Loi apprentissage 1987

102,73

104,15

1,4

Apprentissage

4.261,00

4.955,38

16,3

Primes des contrats d'apprentissage (BCC en 1997)

5.270,00

4.874,28

- 7,5

APEJ et CAE (BCC)

146,00

0,00

- 100,0

Total a/ et b/

17.663,98

17.166,37

- 2,82

c/ Nouvelles activités

0,00

8.050,00

-

B - Actions en faveur des demandeurs d'emploi

40.319,82

37.149,12

- 7,9

a/ Aide à l'insertion dans le secteur non marchand

14.766,04

15.165,82

2,7

...

b/ Programmes d'insertion dans le secteur marchand

22.136,76

18.044,50

- 18,5

Programme CLD (SIFE, SAE, CRE)

3.478,04

3.996,57

14,9

FNE Cadres

260,91

227,28

- 12,9

...

c/ Autres rémunérations

3.417,02

3.938,80

15,3

Programme national

800,98

820,21

2,4

Stagiaires AFPA

877,67

938,62

6,9

AFR

1.738,37

2.179,97

25,4

C - Dispositifs spécifiques

5.826,54

5.713,89

- 1,9

...

On notera que les crédits consacrés à l'insertion professionnelle des jeunes, en hausse de 42,8 %, incluent les 8 milliards de francs consacrés aux emplois-jeunes. Si l'on soustrait cette somme, les crédits d'Etat consacrés à la formation professionnelle des jeunes s'élèvent à 17.166,37 millions de francs contre 17.663,98 millions de francs en 1997, soit une baisse de 2,82 %. On voit, là encore, un effet du redéploiement des crédits pas toujours judicieux -vos rapporteurs y reviendront- en faveur des emplois-jeunes.

- La formation des jeunes

·  La formation en alternance

Hors emplois-jeunes, sur 17.166,37 millions de francs consacrés à l'insertion professionnelle des jeunes, 12.089,35 millions de francs concernent les formations en alternance, ce qui correspond à une baisse par rapport à 1997 de 4,1 %. Cette baisse trouve essentiellement son origine dans le recul des contrats de qualification, pour lesquels 100.000 entrées nouvelles ont été prévues au lieu de 130.000 en 1997 en raison du moindre succès du dispositif. Cette baisse d'intérêt pour le contrat de qualification peut s'expliquer par la concurrence du contrat d'apprentissage mais aussi et peut-être surtout par les incertitudes relatives au versement de la prime et à la pérennité de ce contrat, un temps menacé de fusion avec le contrat d'apprentissage. Vos rapporteurs constatent d'ailleurs que la prime n'est pas inscrite au budget 1998. En conséquence, les crédits pour la compensation des exonérations de charges sociales des contrats de qualification passent de 2.831 millions de francs à 2.155,54 millions de francs, soit une baisse de 23,9 % (675,46 millions de francs).

La baisse des crédits de la formation en alternance s'explique aussi par une réduction de la dotation pour les indemnités compensatrices forfaitaires versées par l'Etat aux employeurs d'apprentis en application de la loi n° 96-376 du 6 mai 1996 (chap. 43-05). Ces indemnités se composent, d'une part, d'une prime de 6.000 francs par apprenti et, d'autre part, d'une indemnité de soutien à la formation de 10.000 ou 12.000 francs, en fonction de l'âge, versée à l'issue de chaque année du cycle de formation. Inscrits l'année dernière au budget de charges communes pour un montant de 5.274,28 millions de francs, ces crédits ont été transférés dans le budget du ministère de l'emploi pour un montant de 4.874,28 millions de francs, subissant ainsi une diminution de 400 millions de francs. Ces 400 millions de francs devraient être mis à la charge, dans des conditions juridiques qui restent relativement floues 18( * ) , des organismes collecteurs des fonds de l'alternance, c'est-à-dire très certainement de l'AGEFAL.

Contrats d'apprentissage Contrats de qualification
Historique des cumuls mensuels Historique des cumuls mensuels

Contrats d'adaptation Contrats d'orientation
Historique des cumuls mensuels Historique des cumuls mensuels

Ensemble des contrats Alternance et Apprentissage

Evolution du cumul mensuel

Hors indemnités forfaitaires, l'apprentissage bénéficie de crédits en hausse, pour la compensation des exonérations de charges sociales, de 16,3 %, passant de 4.261 millions de francs à 4.955,38 millions de francs. Cette hausse -qui aurait dû logiquement s'accompagner d'une augmentation proportionnelle de la dotation pour les indemnités forfaitaires- correspond à 240.000 entrées nouvelles en contrat d'apprentissage, c'est-à-dire 20.000 de plus qu'en 1997.

Vos rapporteurs rappellent cependant que les crédits d'exonération de charges seront, à la suite d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, amputés de 400 millions de francs au profit du plan textile ; ces crédits ne seraient, d'après le Gouvernement, plus nécessaires puisque l'Etat n'a plus à compenser la totalité de l'exonération de charges sociales salariales des apprentis à la suite du transfert des cotisations d'assurance maladie sur la CSG. En fait, cela revient à faire supporter une partie du financement du plan textile par les apprentis eux-mêmes, puisqu'ils ne sont pas exonérés de CSG, ce qui est une curieuse façon d'encourager l'apprentissage.

Par ailleurs, les crédits prévus en application de la loi du 23 juillet 1987 portant réforme de l'apprentissage, qui vise à compenser l'effort supplémentaire demandé aux régions pour élargir l'apprentissage à d'autres secteurs que l'artisanat et à d'autres diplômes que les diplômes traditionnels, augmentent de 1,4 %, passant de 102,73 millions de francs à 104,15 millions de francs (réactualisation comme la DGD).

·  Les stages d'insertion

L'insertion des jeunes non qualifiés voit ses crédits stabilisés à hauteur de 5.077,02 millions de francs (hausse de 0,5 %).

La première série de mesures concernent les actions de formation et d'accompagnement (AFA) qui regroupent les interventions de type pré-qualifiant déléguées par convention de façon anticipée aux régions en application de la loi quinquennale. Vingt-trois régions sur vingt-six sont aujourd'hui délégataires, l'Etat conservant la gestion pour les régions Lorraine, PACA et Guyane. Les crédits, 2.611,29 millions de francs, progressent comme la DGD, sous réserve d'une réfaction de 24 millions de francs correspondant à l'extinction de mesures lancées antérieurement. Avec les mesures à la charge de l'Etat (qui concernent Mayotte et la Corse), en baisse de 52,5 %, ces crédits s'élèvent à 2.643,87 millions de francs.

Les actions hors champs de la décentralisation, qui concernent des structures à la disposition de l'Etat pour coordonner les actions d'insertion et de formation (ateliers pédagogiques personnalisés, centres inter-institutionnels de bilan de compétences), augmentent de 20 millions de francs à 220 millions de francs, en raison d'une hausse de 22,2 % des crédits des ateliers pédagogiques personnalisés.

Les crédits consacrés aux actions de type qualifiant, transférées aux régions par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 depuis le 1er juillet 1994, figurent dans la dotation de décentralisation à hauteur de 1.851,26 millions de francs après réactualisation.

Enfin, 359,9 millions de francs contre 356 millions de francs en 1997 (+ 1,1 %) sont affectés au financement des structures du réseau d'accueil (303 missions locales et 340 permanences d'accueil, d'insertion et d'orientation, les PAIO), auxquels il faut ajouter 102,21 millions de francs du fonds social européen et les financements des collectivités territoriales elles-mêmes. En application de la loi quinquennale, une partie de ces structures (236) a reçu le label " espaces-jeunes ", ce qui signifie que tous les services utiles à l'insertion des jeunes de moins de 26 ans (dont ceux de l'ANPE) y sont regroupés.

Il apparaît donc que la politique d'insertion des jeunes ne subit aucune inflexion notable par rapport à celle menée les années précédentes en application de la loi quinquennale.

Néanmoins, pour avoir une image plus exacte de la formation professionnelle des jeunes, il convient d'en dresser un bilan prenant en compte les interventions des régions.

Ainsi, en 1996, dernière année connue 19( * ) , 747.000 jeunes de 16 à 25 ans ont suivi une formation professionnelle : 266.000 dans le cadre des stages financés par l'Etat et les régions, et 481.000 en stock au titre des contrats de formation en alternance et en apprentissage. La dépense correspondante s'élève à 17,5 milliards de francs dont 7,4 milliards de francs pour les frais de fonctionnement et les activités annexes et 10,1 milliards de francs pour la rémunération des stagiaires, les exonérations de charges sociales et les primes versées aux employeurs pour les contrats d'apprentissage et de qualification.

Bilan 1996 des interventions de l'Etat et des régions
en faveur des jeunes de 16 à 25 ans

Effectifs en formation
(en stock)

Heures stagiaires
(en millions)

Dépenses de fonctionnement (MF)

Rémuné-rations, primes et/ou exonérations charges soc (MF)

Dépenses totales (MF)

Dispositifs de formation :

266.000

110,9

3.720,0

1.600,3

5.320,3

Actions de formation alternée (1)

210.000

105,3

2.295,8

1.600,3

3.896,1

dont Etat

31.700

9,7

261,8

294,3

556,1

dont Régions

178.300

95,6

2.034,0

1.306,0

3.340,0

Accompagnement des AFA (2)

-

-

565,3

-

565,3

dont Etat

-

-

99,3

-

99,3

dont Régions

-

-

466,0

-

466,0

Ateliers pédagogiques personnalisés

56.000

5,6

121,5

-

121,5

Autres dispositifs non décentral. (3)

-

-

737,4

-

737,4

Contrats en alternance

481.000

-

3.727,0

8.519,0

12.246,0

Contrats d'apprentissage (4) (5)

317.000

-

3.727,0

5.789,1

9.516,1

Contrats d'insertion en alternance (5)

164.000

-

-

2.729,9

2.729,9

Total

747.000

110,9

7.447,0

10.119,3

17.566,3

(1) Y compris les jeunes rémunérés en AFR, ainsi que la rémunération de ceux en fin de programme de niveau IV.

Les dépenses de fonctionnement et de rémunération intègrent la dotation de décentralisation (Loi quinquennale).

(2) Dispositifs décentralisables : bilans pour les jeunes, validations, correspondants.

(3) Crédits non décentralisables : CIBC, réseau d'accueil, coordonnateurs emploi formation, animation.

(4) Les dépenses de fonctionnement comprennent exclusivement le financement des CFA par les conseils régionaux, hors financement par les entreprises et les dotations complémentaires de l'Etat.

(5) Ce tableau prend en compte les primes versées par l'Etat aux employeurs d'apprentis et de jeunes en contrat de qualification.

La formation professionnelle des jeunes en 1996

Sources : DEP. DARES

En 1996, le financement de l'apprentissage, à hauteur de 12.862 millions de francs, était réparti de la façon suivante : Etat, 5.984 millions de francs ; régions, 4.061 millions de francs ; FSE (fonds destinés aux CFA), 336 millions de francs ; entreprises, 2.481 millions de francs.

En conclusion, votre commission formulera plusieurs observations.

Elle constate, tout d'abord, que le dispositif consacré à la formation professionnelle des jeunes ne subit pas de bouleversement apparent et qu'il est reconduit à l'identique, même si la ministre a annoncé que le Gouvernement allait engager une réflexion sur les disparités constatées entre les régions en matière de formation qualifiante 20( * ) .

Elle remarque ensuite que les redéploiements rendus nécessaires par l'institution des emplois-jeunes ont des incidences non négligeables sur le financement des contrats en alternance : ainsi les crédits réservés aux indemnités forfaitaires versées dans le cadre de l'apprentissage diminuent alors que la logique aurait voulu qu'ils augmentent puisque le Gouvernement prévoit 20.000 entrées nouvelles ; de même, les crédits destinés à compenser l'exonération de charges sociales dont bénéficient les contrats de qualification sont amputés de près du quart.

Ces baisses sont inquiétantes, car elles concernent des actions prioritaires déjà négligées dans le cadre des emplois-jeunes.

Certes, il est dit que les crédits réservés aux indemnités forfaitaires pour l'apprentissage seront augmentés d'un versement en provenance des fonds de l'alternance. 400 millions de francs passeront ainsi des caisses de l'AGEFAL vers l'apprentissage. Ce prélèvement viendra donc s'ajouter aux prélèvements antérieurs, 1.465 millions de francs sur le COPACIF en 1996 et 1.371 millions de francs sur l'AGEFAL en 1997.

Une telle pratique est difficilement acceptable, car elle ne peut que freiner le développement des contrats en alternance et des itinéraires d'insertion.

Ces prélèvements ont été justifiés par l'existence d'excédents.

Vos rapporteurs observent cependant que les excédents passés ont deux explications qui témoignent de leur caractère conjoncturel et devraient interdire le renouvellement de cette pratique : la première est la réforme de la collecte des fonds de l'alternance mise en oeuvre par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 qui a freiné considérablement la dépense au cours de la période pendant laquelle les organismes collecteurs se sont regroupés. Il convient d'ailleurs de noter que le processus de " dévolution " " (transfert des biens et des engagements des anciens organismes aux nouveaux) n'est pas achevé. Parallèlement à ces regroupements, les nouveaux organismes ont dû définir leur politique, ce qui a également contribué à retarder les engagements de dépenses. La deuxième raison des excédents est la réduction du nombre de contrats de qualification, sur laquelle vos rapporteurs reviendront.

Les excédents n'existent plus aujourd'hui : on observe seulement un gonflement momentané de la trésorerie, qui s'explique par l'application de règles comptables peu adaptées à cet organisme 21( * ) .

99 organismes collecteurs paritaires des fonds de la formation professionnelle continue ont été agréés et se substituent aux 255 organismes précédemment agréés :

- 41 organismes nationaux professionnels,

- 1 organisme national interbranches,

- 2 organismes nationaux interprofessionnels (OPCAREC),

- 24 organismes interprofessionnels régionaux,

- 31 organismes uniquement gestionnaires du congé individuel de formation dont 26 régionaux (FONGECIF) et 5 (AGECIF).

Au 1er juillet 1997, la majorité des 234 organismes qui devaient faire dévolution de leurs biens, ont fait parvenir un dossier à l'administration. 35 arrêtés de dévolution ont été publiés au Journal Officiel.

La conséquence de ces pratiques est que l'AGEFAL ne dispose plus que de 1,8 milliard de francs de trésorerie au 31 décembre 1997, alors que ses projets de décaissement pour 1998 s'élèvent à 1,9 milliard de francs ; il est en effet attendu une remontée des contrats de qualification (le stock des entrées 1997 dépassent en septembre celui de 1996 sur la même période), sans doute dopée par les réformes adoptées par les partenaires sociaux l'année dernière 22( * ) . Ceux-ci espèrent ouvrir entre 110.000 et 120.000 contrats de qualification en 1998, plus que ne le prévoit le Gouvernement. Mais ces prévisions restent fragiles, notamment en raison des incertitudes qui pèsent toujours sur ce contrat.

Ces incertitudes tiennent d'abord à la réforme de la collecte qui a bloqué cependant quelque temps les financements, détournant les employeurs de ce type de contrat.

Mais surtout, elles tiennent aux conditions de versement à l'employeur de la prime de 5.000 F ou de 7.000 F, selon la durée du contrat. Cette prime, éteinte au 31 décembre 1996, n'a été reconduite, par un décret 23( * ) , que le 26 mars 1997, jusqu'au 31 décembre 1997. Une nouvelle incertitude plane donc sur son versement en 1998, le projet de loi de finances ne prévoyant à ce titre aucun crédit. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner du moindre succès de ces contrats qui répondent pourtant à un besoin manifeste. Il conviendrait donc de lever rapidement cette incertitude.

Quoi qu'il en soit, les prélèvements opérés périodiquement sur les fonds de l'alternance (500 millions de francs cette année avec les 100 millions de francs du plan textile) ne sont pas sains. On ne peut combler les trous du budget de cette manière. Et si l'on considère que les excédents sont d'ordre structurel, alors il faut réformer le système.

D'une façon générale, le système de formation en alternance reste plongé dans l'opacité la plus totale, que le Gouvernement, en en restreignant directement ou indirectement les financements, ne contribue pas à éclaircir.

Pour toutes ces raisons, votre commission des Affaires sociales formule plusieurs suggestions qu'elle souhaiterait voir reprises par le Gouvernement.

Il lui semble, en premier lieu, qu'un bilan approfondi devrait être fait de la réforme de la collecte, des grandes orientations définies par les OPCA, des conditions d'utilisation des 35 % réservés à l'échelon interrégional et de la mise en oeuvre des formations inter-branches. La question des surplus de collecte, les règles de rattachement de la collecte pour l'année suivante à l'année en cours pourraient notamment être examinées à cette occasion.

Il serait également opportun de repenser le congé individuel de formation (2,8 milliards de francs de collecte) dont le dispositif date de 1982 afin de l'adapter aux nouveaux besoins de formation. Vos rapporteurs rappellent à cette occasion que la durée moyenne de la formation dans le cadre du CIF est de 1.000 heures et que le coût moyen individuel est de 130.000 F dont les trois quarts pour la rémunération. L'importance des sommes en jeu, dans un contexte de pénurie d'emploi qualifié, justifierait sans doute une redéfinition de cette mesure, qui ne bénéficie qu'8 % des salariés.

Il serait également souhaitable d'examiner les conditions de collecte de la taxe d'apprentissage, afin de poursuivre la réforme du financement de l'apprentissage entreprise par la loi n° 96-376 du 6 mai 1996, essentiellement consacrée au financement des CFA, et complétée par la loi du 16 octobre 1997 qui a créé le fonds de compensation.

Plus généralement, la complémentarité des différents contrats comme des différents intervenants pourrait être réexaminée pour répondre au mieux aux besoins des entreprises et à la situation des jeunes à former, dont 40 % ont un niveau de qualification inférieur au niveau V. L'articulation de ces formations avec la formation professionnelle continue pourrait aussi être envisagée (cf. Rapport de M. Michel de Virville).

En fait, au-delà du CIF et des formations en alternance, c'est tout le système de formation professionnelle, initiale et continue, qu'il faudrait revoir, en tenant compte des réflexions actuelles sur la diminution du temps de travail, sa modulation sur l'année, voire sur plusieurs années ou sur toute une vie, sur le contrat d'activité, sur des dispositifs encore peu utilisés comme le compte épargne-temps... La loi sur la formation professionnelle date de 1971 : or, depuis 30 ans, la situation du marché du travail et les conditions de travail et de production, avec la mondialisation de l'économie et les avancées technologiques, ont considérablement changé.

Cette réforme serait aussi l'occasion de simplifier les dispositifs ; des textes enchevêtrés, pratiquement incompréhensibles, par exemple le crédit d'impôt formation, toujours aussi opaque bien qu'il ait été vidé d'une partie de son intérêt avec la réforme de financement de l'apprentissage, conduisent les entreprises à se détourner de ces mesures dont le poids administratif est devenu rédhibitoire.

Autre domaine qu'il faudrait sans doute examiner avec attention, celui de la décentralisation des formations pré-qualifiantes et qualifiantes : le comité de coordination de programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle, dans son rapport d'activité 1993-1996, en soulignant la nouvelle implication des acteurs régionaux, a mis en évidence de nombreuses incertitudes sur les objectifs, les moyens mis en oeuvre et la réalisation des politiques. La ministre elle-même a évoqué de graves inégalités entre régions, au détriment des jeunes les moins qualifiés. Tout cela justifierait un examen attentif.

Il apparaît donc, qu'au-delà de la poursuite des réformes initiées par la loi quinquennale, c'est d'une véritable impulsion nouvelle dont a besoin la formation en alternance. Au contraire de cela, malgré certains propos de la ministre en commission annonçant une réflexion et des concertations sur ces questions, le projet de budget donne le sentiment d'un certain désengagement de l'Etat sur des mesures pourtant jugées par tous prioritaires, à commencer par la formation en alternance.

- Le programme chômeurs de longue durée (CLD)

A l'inverse des crédits consacrés à l'alternance, ceux consacrés au programme CLD augmentent de 14,9 %, passant de 3.478,04 millions de francs à 3.996,57 millions de francs (répartis en 2.061,31 millions de francs pour la rémunération des stagiaires, 1.772,79 millions de francs au titre du fonctionnement et 162,48 millions de francs pour le solde des contrats de retour à l'emploi, les CRE 24( * ) ). Seront ainsi financés 30.000 SIFE 25( * ) individuels, 130.000 SIFE collectifs (contre 100.000 en 1997) et 40.000 SAE 26( * ) , soit un total de 200.000 contre 170.000 cette année.

Quatre autres dispositifs peuvent encore être mentionnés au titre de la formation des demandeurs d'emploi :

·  le FNE cadres, en baisse de 12,9 % à 227,28 millions de francs contre 260,91 millions de francs, à l'intention, comme en 1997, de 6.000 cadres ;

·  le programme national de formation professionnelle, destiné à rémunérer des stagiaires demandeurs d'emploi et à financer le remplacement de salariés partis en formation dans les petites entreprises, dont les crédits augmentent de 2,4 %, passant de 800,98 millions de francs à 820,21 millions de francs ;

·  la rémunération des stagiaires AFPA qui progresse de 102,42 millions de francs (+ 9,1 %) pour atteindre 1.223,26 millions de francs, dont 284,64 millions de francs au titre de l'allocation formation reclassement (AFR) ;

·  enfin, la participation de l'Etat au financement de l'AFR qui augmente de 10,1 % passant de 2.451,30 millions de francs à 2.697,98 millions de francs (mais il faut déduire 284,64 millions de francs inclus dans les crédits de rémunération des stagiaires AFPA : restent 2.413,34 millions de francs, ce qui correspond in fine à une nouvelle baisse de la participation de l'Etat).

La réduction de la participation de l'Etat, l'année dernière, de 51,8 %, était justifiée par la bonne santé financière du régime d'assurance-chômage et par le désir, dans un souci d'économie et de saine gestion, de mieux cibler l'allocation. Malheureusement, la situation s'est dégradée en cours d'année et les partenaires sociaux ont pris la décision de restreindre l'accès au dispositif en fixant un délai d'entrée plus court et en proratisant l'allocation à la durée de cotisation. Toutefois, un flou juridique, interprété un peu strictement par les logiciels informatiques, a mis certains bénéficiaires dans une situation difficile, d'autant que l'UNEDIC a appliqué les nouvelles dispositions à titre rétroactif, demandant le remboursement de trop perçus. De nombreuses personnes, qui s'étaient engagées dans cette formation en pensant bénéficier de 4.000 francs d'allocation, se sont vu octroyer 2.000 francs. Devant les protestations suscitées par cette décision, l'UNEDIC a supprimé le caractère rétroactif du dispositif, a remboursé les rappels d'allocations et a fixé un seuil en deça duquel la proratisation ne jouait plus ; ce seuil a provisoirement été fixé à 3.168 francs ; il correspond au plancher de l'allocation unique dégressive, dans l'attente d'une décision des partenaires sociaux. Mais, pour l'instant, toutes les négociations sont rompues.

Pour autant, la hausse de 10,1 % des crédits d'Etat n'est pas la conséquence de ces difficultés. Elle tient à un nombre des bénéficiaires, fin 1997, supérieur aux prévisions, et à une augmentation de l'allocation de 2,15 %.

Sur ces différentes actions, votre commission n'a pas de remarques particulières à formuler, car elles participent à un effort de rationalisation qu'elle approuve.

b) La participation de l'Etat à la formation et à l'adaptation des ressources en main d'oeuvre des entreprises

(En millions de francs)

LFI 1997

PLF 1998

%

II - PARTICIPATION DE L'ETAT À LA FORMATION ET À L'ADAPTATION DES RESSOURCES EN MAIN-D'OEUVRE DES ENTREPRISES

7.467,61

8.934,29

19,6

A - Soutien à la formation professionnelle

4.316,58

4.357,61

1,0

Programme national et politique contractuelle

712,63

726,63

2,0

Contrat de plan Etat-Régions

433,93

498,20

14,8

DGD ( loi de 1983 et Mayotte)

3.090,02

3.132,78

1,4

FNE formation (soldes)

80

0,00

- 100

B - Prévention et accompagnement des restructurations

3.151,03

4.576,68

45,2

...

·  Le programme national de formation professionnelle, déjà mentionné au titre de la rémunération des stagiaires, voit ses crédits augmenter de 22 millions de francs, passant de 302 à 324 millions de francs, auxquels s'ajoutent 43,60 millions de francs en provenance du FSE. Ce programme porte sur la lutte contre l'illettrisme ou sur des actions en faveur des jeunes détenus, des handicapés ou des ingénieurs.

·  La politique contractuelle de formation (contrats d'études prospectives et amélioration des plans de formation des entreprises) diminue de 400 à 399 millions de francs.

·  Les contrats de plan Etats-régions : le financement des deux dernières années ayant été étalé sur trois ans l'année dernière, les crédits de 498,20 millions de francs (+ 13,50 %) représentent 50 % du solde à verser.

·  La dotation de décentralisation évolue suivant la norme retenue par le projet de loi de finances pour la dotation globale de fonctionnement, soit 1,30387 %, en 1998. Il en est de même pour la dotation en faveur de la formation professionnelle et de l'apprentissage à Mayotte. Ces crédits s'élèvent respectivement à 3.132,78 millions de francs et à 1,32 millions de francs.

·  Le FNE formation, fusionné avec la politique contractuelle et la dotation de restructuration, a été supprimé.

Avec 1 % d'augmentation, les actions de soutien à la formation professionnelle s'inscrivent dans la continuité des années précédentes et n'appellent pas de commentaires particuliers.

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