III. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES COMPTES D'AFFECTATION SPÉCIALE
La formule des comptes du Trésor apporte quelques
dérogations importantes aux principes généraux de gestion
des crédits budgétaires.
S'agissant des comptes d'affectation spéciale,
l'article 25 de
l'ordonnance organique 59-2 du 2 janvier 1959
dispose que, si en
cours d'année les recettes d'un compte d'affection spéciale
apparaissent supérieures aux évaluations, les crédits
peuvent être majorés par arrêté du ministre des
finances dans la limite de cet excédent de recettes.
Les crédits des comptes d'affectation spéciale sont donc par
nature évaluatifs puisqu'un excédent de recettes permet de les
augmenter sans autorisation parlementaire.
Cette disposition doit être rapprochée d'une autre, celle que
comporte
l'article 24
selon laquelle : "
sauf dispositions
contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte
spécial est reporté d'année en année"
.
La combinaison de ces deux règles aboutit à ce que
l'autorisation parlementaire donnée à l'occasion de l'examen des
crédits figurant dans les différents projets de loi de finances
l'est un peu à l'aveugle.
Deux phénomènes sont en effet susceptibles d'en bouleverser
l'économie et donc le sens.
Le premier de ces phénomènes survient lorsque les recettes
effectivement constatées dépassent les recettes
évaluées en loi de finances. L'archétype d'un compte sujet
à ce genre de dépassement est le compte 902-24 qui retrace les
recettes de cessions de titres et l'emploi qui peut en être fait -v.
infra.
Le second de ces phénomènes résulte de l'ampleur des
soldes reportés d'une année sur l'autre
8(
*
)
.Le tableau ci-dessous
récapitule les reports constatés au cours de la période de
1995 à 1997.
Reports des crédits des comptes spéciaux du Trésor
Reports de
|
Reports de
|
||
Fonds national pour le développement des
adductions d'eau
Fonds forestier national Soutien financier de l'industrie, l'industrie cinématographique et de l'industrie des programmes radio-visuels Fonds de soutien aux hydrocarbures Fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités Compte d'emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du secteur public de la radio diffusion sonore et de la télévision Fonds national du livre Fonds national pour le développement du sport Fonds national des haras et des activités hippiques Fonds national pour le développement de la vie associative Fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France Actions en faveur du développement d'outre-mer Compte d'emploi des produits de cessions de titres du secteur public Fonds de péréquation des transports aériens Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables Fonds pour l'accession à la propriété Fonds pour le logement des personnes en difficultés Fonds pour le financement de l'accession à la propriété Prêts du FDES Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France Prêts du Trésor à des Etats étrangers pour la consolidation des dettes envers la France |
902-00
|
308.710.775
|
494.759.399
|
TOTAL |
11.831.207.243 |
11.792.310.536 |
L'ampleur des reports est considérable. Elle traduit
des difficultés d'exécution de la dépense qui
méritent un examen approfondi que se propose d'entreprendre votre
rapporteur spécial.
Car les enjeux ne sont pas minimes.
Les comptes du trésor sont, pour une bonne partie d'entre eux,
alimentés par des prélèvements obligatoires dont le niveau
pourrait être réduit s'il apparaissait qu'il s'accompagne d'un
excédent structurel de ressources.
A cet égard, l'observation selon laquelle les reports ne feraient que
traduire l'étalement dans le temps d'engagements complexes ne satisfait
pas entièrement. Elle est peut être exacte, mais la simple
référence au niveau atteint par les taux d'engagement des
autorisations de programme n'apporte pas la démonstration du
bien-fondé de cette assertion. On sait qu'il est de mauvaise pratique
budgétaire courante, et les connaisseurs du budget européen mieux
que quiconque, d'engager des crédits quelle que soit la capacité
qu'on ait de les dépenser.
Mais la question des reports est également importante en ce qu'elle
s'accompagne de transferts de charges de trésorerie entre l'Etat et les
bénéficiaires potentiels des dépenses
. Cette
dernière observation trouve encore une illustration exemplaire dans le
compte "entreprises publiques". Les retards d'exécution de ses
crédits, s'il rapporte à l'Etat le produit d'une
trésorerie qu'on espère adroitement placée, coûte
aux entreprises et à l'Etat lui-même si l'on imagine qu'il
pourrait bénéficier de ces fonds pour se désendetter.
Les règles particulières auxquelles obéissent les
comptes spéciaux du Trésor justifieraient, en tout cas, que des
améliorations soient apportées à l'ordonnance organique
afin qu'une meilleure information du Parlement soit disponible lorsqu'il est
conduit à exercer ses compétences.
Une meilleure présentation du "bleu" des comptes spéciaux du
trésor s'impose, qui pourrait être obtenue, entre autres, par
l'indication systématique du solde et des crédits reportés
sur chaque compte.