II. ANALYSE DÉTAILLÉE DES DEUX SECTIONS DU BUDGET ANNEXE
La présentation du BAAC privilégie une distinction entre les opérations d'exploitation et les opérations en capital. Cette présentation, formellement conforme à l'article 21 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, n'est cependant pas entièrement satisfaisante comme on le verra plus loin.
A. LES OPÉRATIONS D'EXPLOITATION
1. Les "recettes d'exploitation" :
Evolution des recettes d'exploitation de 1997 à
1998
1997 |
1998 |
Ecarts |
||
En niveau |
En % |
|||
Redevances de route
|
4.651,8
|
4.759
|
107,2
|
+ 2,3
|
Sous-total |
5.736 |
5.880 |
144,0 |
+ 2,5 |
Subvention du budget
général
|
215
|
215
|
0
|
0
|
Total |
6.970,3 |
7.424,9 |
454,6 |
6,5 |
Le document budgétaire retrace une évolution des
"recettes d'exploitation" -les guillemets sont nécessaires comme on le
verra plus bas- d'un rythme rapide (+ 6,5 %), en tout cas plus rapide
que celui des crédits d'exploitation.
Le produit des redevances de navigation aérienne
s'élèverait de 2,5 % et représenterait
5.880 millions en 1998.
Les recettes tirées des redevances de route
progresseraient de
2,3 % et s'établiraient à 4.759 millions de francs,
soit un supplément de 107,2 millions de francs. Cette
évolution refléterait, pour partie, une hausse de taux unitaire
de la redevance -de + 0,9%- et, pour le reste, la croissance de l'assiette
des redevances de route escomptée en 1998. Affectée d'un taux
implicite de 1,4 %, cette croissance apparaît bien inférieure
au développement attendu du trafic. Cette discordance peut s'expliquer
par des raisons techniques tenant soit à une révision des bases
de recettes pour 1997
2(
*
)
encore inconnues à la date
de confection du BAAC conduisant à une réestimation à la
baisse des produits effectivement perçus cette année là
par rapport au prévisions, soit à une déformation du
trafic contrôlé en faveur de vols moins assujettis. Elle est
toutefois importante. Elle s'éloigne beaucoup des chiffres de
prévision de trafic et n'est pas en ligne avec l'accroissement des
unités taxables constaté ces dernières années.
Evolution de unités de services entre 1992 et 1996
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
UDS taxables |
+ 10,3 % |
+ 2,9 % |
+ 6,6 % |
+ 6,7 % |
+ 6,1 % |
Le tableau ci-dessus démontre que les unités de
services taxables se sont accrues en moyenne annuelle sur la période
1992/1996 de 6,5 %. L'hypothèse associée au projet de budget
annexe est bien en-deçà de ce résultat. Elle ne constitue
qu'une hypothèse dont l'ampleur de l'aléa qu'elle comporte peut
être illustrée en indiquant le produit des redevances de route qui
serait associé à une croissance de l'assiette de
5 %
3(
*
)
. Ceux-ci
s'élèveraient à 4.928,3 millions de francs soit un
supplément de recettes de 169,3 millions de francs par rapport aux
estimations du projet de budget pour 1998.
Le produit de la redevance pour services terminaux de la circulation
aérienne
-RSTCA- qui est due par un usager au titre d'un
atterrissage et d'un décollage jusqu'à une distance de
20 kilomètres autour des aérodromes s'accroîtrait de
3,3 %. Cette évolution suppose une augmentation du tarif de la
RSTCA de 1,1 % en métropole, le tarif unitaire pour l'outre-mer
s'accroissant de 9,97 %. On doit ici aussi relever qu'un aléa
entoure la prévision puisque celle-ci repose sur un pari sur les
capacités d'attraction de nos aéroports. En toute
hypothèse l'estimation de recettes paraît prudente.
La subvention du budget général
est calibrée,
comme l'an dernier, à 215 millions de francs. On en rappelle
l'évolution depuis 1992.
Subvention d'équilibre du BAAC
(en millions de francs)
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
253 |
305 |
265 |
260,6 |
260 |
215 |
215 |
La valeur de la subvention serait maintenue par rapport aux
prévisions de la loi de finances initiale pour 1997, année qui
avait vu la subvention accordée au BAAC diminuer
considérablement, de 17,3 %. On peut en accepter l'augure mais il
faut garder à l'esprit les réalités que sont une longue
suite "d'ajustements" de la subvention en cours d'exécution
budgétaire. En 1993, 43 millions de francs avaient
été annulés -14 % des crédits
envisagés ; en 1996, 39 millions de francs avaient
été annulés - 15 % des crédits initiaux ; la
situation pour 1997 n'apparaît guère plus prometteuse puisque
37,25 millions de francs ont été annulés par
arrêté le 9 juillet dernier soit, en pourcentage, 17,3 %
de la subvention prévue.
Les autres ressources
déclineraient de 14,1 % soit de
24,2 millions de francs pour un total de 147,1 millions de francs et,
ce, malgré une reprise de provisions à hauteur de
16,3 millions de francs.
Trois postes expliquent cette chute :
les recettes sur cessions qui passeraient de 11,6 à
1,4 million de francs ;
les "autres recettes d'exploitation qui "perdraient"
31,1 millions
de produits passant de 51,1 à 19,9 millions de francs ;
les produits financiers, en retrait de 4,5 millions de francs
à 6,5 millions de francs.
Ces recettes se caractérisent par une difficulté de
prévision très grande. C'est pourquoi une hypothèse
conventionnelle est posée en la matière, revalorisant de
2,2 % les montants constatés en 1996. Dans ce contexte, il est
significatif que les évaluations prévues pour 1998 se traduisent
par une moins-value de produits conséquente qui introduit une contrainte
financière à due concurrence et donc un appel à
financement alternatif.
La question se pose donc de la robustesse des estimations proposées .
La taxe de sécurité et de sûreté
s'accroîtrait, elle, considérablement
en produit puisque
celui-ci passerait de 848 à 1.182,8 millions de francs, soit
334,8 millions de francs supplémentaires et une croissance de
39,5 %. Son produit dépasserait celui de la RSTCA ; elle
deviendrait la deuxième source d'approvisionnement en ressources du BAAC.
Cette augmentation proviendrait pour une part essentielle d'une hausse des
tarifs de la taxe que se propose d'introduire l'article 20 du projet de loi de
finances déposé par le gouvernement.
En effet, les tarifs actuellement en vigueur sont de 14 francs par
passager embarquant sur un vol commercial à destination du territoire
français et de 21 francs par passager embarquant sur un vol
commercial à destination de l'étranger.
Le gouvernement se propose d'abord d'assimiler les vols à destination
d'un territoire étranger mais relevant d'un autre Etat membre de la
Communauté européenne aux vols à destination du territoire
français pour autant que le tarif de la taxe est concerné.
Désormais, les tarifs des vols commerciaux à destination des
Etats membres de la communauté européenne seraient
indifférenciés.
Cette homogénéisation des
tarifs s'expliquerait par la volonté de mettre la taxe en
conformité avec les textes communautaires et plus
particulièrement avec le règlement (CE) n° 2408/92 du
23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens
communautaires aux liaisons aériennes intercommunautaires.
La Commission européenne estimerait que le fait de traiter moins
favorablement les services de transport aérien intra-communautaire par
rapport aux services de transport intérieur est incompatible avec le
principe de la libre prestation de services visé dans le
règlement précité.
Selon la Commission, ce type de
disposition crée un avantage particulier au marché
intérieur et aux services de transport aérien effectués en
France. Elle estimerait également que la modulation de taxe constitue
une infraction au droit de libre circulation dont bénéficient les
citoyens des Etats membres de l'Union européenne en vertu de
l'article 8 A du traité.
Ni l'une ni l'autre de ces appréciations ne paraît solide
.
Dans un contexte où les écarts de fiscalité et de
tarification des transports entre Etats européens apparaissent
conséquents, on ne peut prétendre sans offenser l'esprit qu'une
modulation non confiscatoire du niveau d'une taxe selon la destination prise
par un transport entrave la liberté d'aller et de venir des citoyens des
Etats membres de l'Union européenne.
Quant au prétendu avantage aux services de transport aérien
effectués en France, à supposer même que son existence soit
démontrée, il ne s'accompagnerait d'aucune discrimination entre
les nationaux et les entreprises des autres Etats membres, celles-ci se voyant
appliquer les mêmes tarifs que ceux appliqués aux entreprises
nationales.
En réalité, le gouvernement souhaite accroître les
tarifs de la taxe.
Le taux applicable aux vols à destination du
territoire français serait majoré de 6 francs et
s'établirait à 20 francs, soit une augmentation de
42,8 %. Le taux applicable aux passagers de vols commerciaux à
destination d'un autre Etat membre de la communauté européenne
serait identique, 20 francs, et diminuerait donc de 1 franc par
rapport au tarif en vigueur, soit une baisse de 4,8 %. Le taux applicable
aux vols vers d'autres destinations augmenterait, lui, de 66,6 % et
passerait de 21 à 35 francs.
A l'issue de ces différentes évolutions, la structure des
"recettes d'exploitation" du BAAC se trouverait sensiblement modifiée
par rapport à l'an dernier et plus encore par rapport à la
situation prévalant il y a deux ans.
Structure des "recettes d'exploitation" du BAAC
(en % du total)
1996 |
1997 |
1998 |
Ecarts en points 1998/1996 |
|
Redevances de route |
67,5 |
66,7 |
64,1 |
- 3,4 |
Redevances pour services terminaux |
14,9 |
15,5 |
15,1 |
+ 0,2 |
Sous-total |
82,4 |
82,2 |
79,2 |
- 3,2 |
Subvention du budget général |
3,9 |
3,1 |
2,9 |
- 1 |
Autres |
2,9 |
2,4 |
2 |
- 0,9 |
Taux de sécurité et de sûreté |
10,8 |
12,3 |
15,9 |
+ 5,1 |
Les produits des redevances restent la source principale d'alimentation du budget annexe. Mais, la part des recettes totales provenant de la taxe de sécurité et de sûreté s'accroît très vite gagnant plus de 5 points en deux ans, évolution qui, si l'on n'y prenait garde, devrait se poursuivre à l'avenir.
2. Les crédits d'exploitation4( * )
Evolution des "crédits d'exploitation"
(en millions de francs)
1996 |
1997 |
1998 |
Ecarts en % |
||
1998/1996 |
1998/1997 |
||||
Achats et services
|
797
|
758,3
|
754,2
|
- 5,4
|
- 0,5
|
Total |
5.838,7 |
5.912,8 |
6.214,5 |
+ 6,4 |
+ 5,1 |
La croissance des crédits d'exploitation marquerait une
accélération par rapport à l'évolution
constatée l'an dernier : elle s'établirait à
5,1 % en 1998 contre 1,27 % en 1997.
Pour plus de 64 % d'entre eux, les crédits d'exploitation
correspondent à des
charges de personnel
qui
s'élèvent à 47,1 % du total des crédits
figurant au BAAC. La croissance des dépenses de personnel serait
dynamique avec près de 6 % d'une année sur l'autre.
Le deuxième poste de dépenses par ordre d'importance avec
1.133,4 millions de francs est constitué des "
autres charges de
gestion courante
" qui, en retrait dans le budget pour 1997,
s'accroîtrait cette année de 6,3 %. L'essentiel des
crédits prévus ici est alloué à la
rémunération des prestations des organismes extérieurs qui
absorberaient 1.077,8 millions de francs, soit 95,1 % du total.
L'accroissement de ces charges serait de 2,3 %. Leur poids significatif
dans le BAAC traduit l'importance du recours à des organismes
extérieurs par la DGAC aux fins d'exercer ses missions et, en
particulier, celles de navigation aérienne.
En outre, on doit mettre en évidence la constitution d'une provision de
26 millions de francs représentative d'une subvention nouvelle qui
serait versée dans le cadre de la mission du service des bases
aériennes à des organismes tiers afin d'améliorer les
infrastructures ou la sûreté aéroportuaires.
En contraction significative l'an dernier, le poste
"achats et
services"
serait stabilisé au niveau de 1997 (754,2 millions de francs contre
758,3). Il en irait de même des crédits
de services
extérieurs
qui resterait à leur niveau (64,1 millions de
francs) de l'exercice précédent. L'effort d'économie
engagé sur les moyens de fonctionnement autres que les dépenses
de personnel serait ainsi moindre que l'an passé, les crédits
étant à peu près stables en francs courants.
Les
charges financières
qui s'étaient
considérablement accrues l'an dernier (+ 15,9 %)
poursuivraient leur progression sur un rythme certes plus modéré
(+ 6,1 %) mais restant soutenu. Il faut voir dans cette
évolution la combinaison d'une croissance du stock de dettes qui exerce
un effet de renchérissement des charges financières et d'une
diminution du coût de la dette consécutive à la
réduction des taux d'intérêt et à l'arrivée
à terme d'emprunts assortis de conditions financières
relativement onéreuses.