N° 429
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 septembre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
(1)
sur :
-
le projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen
établissant une
association
entre les
Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une
part, et la
République de Lituanie
, d'autre part,
-
le projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen
établissant une
association
entre les
Communautés européennes
et leurs Etats membres, d'une
part, et la
République de Lettonie
, d'autre part,
-
le projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen
établissant une
association
entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et
la
République d'Estonie
, d'autre part,
Par M. André DULAIT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc
Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès,
Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre,
MM.
Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac,
Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin,
André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel
Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard
Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette
Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard
Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière,
André Vallet.
Voir les numéros
:
Sénat
:
392
,
393
,
394
(1996-1997).
Traités et conventions.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes appelés à nous prononcer sur trois accords
européens -accords d'association- conclus le 12 juin 1995 entre chacun
des trois pays baltes d'une part (Estonie, Lituanie, Lettonie), et l'Union
européenne d'autre part.
Ces accords comprennent, comme ceux précédemment signés
par l'Union européenne avec les autres pays d'Europe centrale et
orientale, plusieurs volets. Un volet commercial où se trouvent reprises
toutes les dispositions des accords de libre-échange, conclus avec les
pays baltes en juillet 1994 et entrés en vigueur depuis le 1er janvier
1995 ; un volet politique destiné à associer les trois pays aux
activités extérieures de l'Union, un volet de coopération
économique qui s'étend à de très nombreux domaines,
enfin un volet plus juridique relatif au droit d'établissement, à
la circulation des travailleurs et des capitaux, aux règles de
concurrence, domaines sur lesquels les trois pays associés devront se
rapprocher de la législation communautaire.
Pour tenir compte de l'état d'avancement de chacun des trois pays dans
leur démarche vers une économie de marché adaptable au
cadre communautaire, une période de transition générale a
été ménagée pour la Lettonie et la Lituanie, mais
pas pour l'Estonie.
A la veille du commencement des négociations d'adhésion de
nouveaux membres à l'Union européenne, la Commission
européenne a rendu ses premiers avis. Parmi les six premiers pays
désignés, figure un seul des trois pays baltes : l'Estonie ; la
Commission ayant considéré que " des efforts
considérables " étaient encore à consentir par la
Lituanie et la Lettonie, pour se hisser aux standards européens dans
plusieurs domaines.
Séparés dans le calendrier d'adhésion à l'Union,
les pays baltes ont par ailleurs été tous trois tenus à
l'écart des premiers élargissements de l'OTAN, même si le
communiqué final du Sommet de Madrid mentionne spécifiquement
l'importance de la région baltique dans les préoccupations de
sécurité.
Ainsi le chemin ouvert à ces trois anciennes républiques
soviétiques pour s'intégrer politiquement et
économiquement, après les indépendances retrouvées,
au pôle occidental, s'avère plus escarpé qu'ils ne
l'avaient espéré.
Votre rapporteur, après un bref rappel historique et politique,
décrira les stratégies économiques courageuses
engagées par les trois Etats baltes. Il présentera ensuite les
principales dispositions économiques et politiques des accords
d'association, avant de préciser les conditions du rapprochement
progressif de l'Estonie, de la Lituanie et de la Lettonie des organisations
européennes et euro-atlantiques, lequel constitue leur principal souci
et leur priorité commune.
I. DU COMBAT POUR L'INDÉPENDANCE À LA TRANSITION VERS L'ÉCONOMIE LIBÉRALE
A. INDÉPENDANCES ET DÉMOCRATIES RETROUVÉES
1. La Lituanie
La Lituanie fut fondée comme Etat au début du
XIVe siècle par le grand-prince Gédymin. Jusqu'au XVe
siècle, les Lituaniens eurent deux préoccupations : à
l'Est, l'extension vers les territoires russes et tatars ; à l'Ouest, la
protection contre l'expansionnisme germanique. C'est ce dernier souci qui
conduisit au rapprochement, puis à une union personnelle entre la
Pologne et la Lituanie, jusqu'à ce que celle-ci, en 1569, soit
définitivement incorporée au Royaume de Pologne. Après les
partages successifs de ce Royaume, la Russie des Tsars annexa l'essentiel de la
Lituanie (1795) et engagea une politique systématique de russification
et de persécutions contre la majorité catholique.
La conquête de la Lituanie par l'Allemagne en 1915 permit une
indépendance d'abord limitée -un souverain allemand lui fut
imposé- qui ne devint totale que par le Traité de Moscou du 12
juillet 1920, après l'effondrement militaire allemand.
En 1939, le Pacte germano-soviétique entérina l'abandon du pays
à l'URSS qu l'occupa le 15 juin 1940 et en fit, le 21 juillet de la
même année, une république soviétique. La Lituanie a
conservé ce statut pendant cinquante ans, jusqu'à ce que le
Conseil Suprême lituanien vote le 11 mars 1990 la restauration de
l'indépendance, qui n'a été reconnue par l'Union
soviétique que l'année suivante.
Les premiers responsables politiques de la nouvelle Lituanie furent ceux qui
avaient bataillé pour l'indépendance avec l'accession à la
présidence de la République de Vitautas Landsbergis, fondateur en
1988 de Sajudis, mouvement nationaliste éclairé. Les
premières élections législatives de 1992 donnèrent
cependant une majorité parlementaire à une coalition conduite par
le Parti Démocratique du Travail, héritier du PC lituanien. Les
élections présidentielles du 14 février 1993
amenèrent au pouvoir M. Brazauskas, ancien premier secrétaire du
PC de Lituanie qui avait, dès 1989, proclamé
l'indépendance de son parti à l'égard de Moscou.
Les dernières élections législatives de novembre 1996 ont
conduit au retour des conservateurs de Sajudis, entraînant une
cohabitation entre un gouvernement de droite (conservateurs et chrétiens
démocrates) dirigé par M. Vagnorius d'une part, et le
Président Brazauskas, travailliste, d'autre part.
Deux élements ont contribué à donner une
singularité à la démarche lituanienne dans son retour
à l'indépendance. Tout d'abord le rôle joué par
l'église qui incarna, malgré les épreuves,
l'identité lituanienne d'une population très majoritairement
catholique. Ensuite, contrairement aux deux autres Etats baltes, la relative
homogénéité d'une population qui ne comptait que moins de
20 % de non-Lituaniens de souche.
2. La Lettonie
Soumis, à partir du XIIIe siècle à
l'Ordre teutonique et à l'Ordre lituanien, les Lettons furent convertis
au christianisme. Malgré la disparition des Ordres après la
défaite des chevaliers teutoniques à Tannenberg en 1410, la
prédominance sociale des barons allemands se poursuivit jusqu'au XVIe
siècle. A cette date, fut introduite la Réforme, confortée
ensuite par l'établissement de la Suède à Riga et sur la
plus grande partie de la Livonie. Au début du XVIIIe siècle, la
Russie annexa la Livonie (1730), puis la Courlande (1795).
La victoire de la Russie soviétique en 1918 sur les troupes allemandes
qui avaient envahi le pays permit la proclamation de l'indépendance le
18 novembre 1918. Les Soviets reconnurent la Lettonie le 11 août 1920 par
le traité de Riga. Comme pour la Lituanie, cette brève
indépendance s'acheva par la conquête du pays, en juin 1940, par
les troupes soviétiques et par sa transformation, le 21 juillet 1940, en
république soviétique.
Le 23 août 1989, c'est Riga qui fut le centre d'une chaîne humaine
reliant Vilnius à Tallin, symbolisant le désir des peuples baltes
de faire revivre leur identité par le retour à
l'indépendance. Les premières élections à peu
près libres organisées en Lettonie au printemps 1990
donnèrent une forte majorité au Front populaire, partisan de
l'indépendance, qui fut proclamé le 4 mai 1990.
Les dernières élections, organisées en octobre 1995, ont
vu émerger deux formations populistes radicales : le Parti Saimnieks et
le Mouvement Populaire pour la Lettonie. Le gouvernement s'appuie aujourd'hui
sur une large coalition de sept partis, dirigée par l'homme d'affaires
Andris Skele sans appartenance politique, coalition qui, malgré quelques
tensions internes, n'a pas compromis les grandes orientations du pays :
réformes économiques et rapprochement avec l'Union
européenne.
Le tissu social letton souffre cependant d'une structure démographique
singulière qui ne donne, aux Lettons de souche, qu'une courte
majorité (57,5 %) par rapport aux 42,5 % d'allogènes,
essentiellement russophones.
La volonté des Lettons de se démarquer de leur passé
récent, incarné par cette présence russe massive,
conduisit en 1991 à l'adoption d'une loi provisoire sur la
citoyenneté, conditionnant son octroi à une bonne connaissance du
candidat de la langue lettone, excluant donc, de fait, la majorité des
russophones. Une nouvelle loi, adoptée en 1994, conserve des
dispositions restrictives à la naturalisation, fondée sur des
épreuves de langue et d'histoire. L'OSCE est présente depuis 1993
à Riga avec un mandat de diplomatie préventive sur cette
difficile question des populations allogènes. Ses rapports font
état d'une amélioration progrressive de leurs situations.
3. L'Estonie
Les Estes, ancêtres des Estoniens, de race et de langue
finno-ougrienne, furent soumis, au début du XIIIe siècle, par les
Allemands puis par les Danois, qui fondèrent Tallin en 1219.
Après le rachat de la côte nord de l'Estonie, en 1346, par les
chevaliers Teutoniques, celle-ci se retrouva totalement sous la zone
d'influence allemande jusqu'au milieu du XVIe siècle (1561) où
elle passa sous le contrôle de la Suède qui y apporta le
luthéranisme et fonda en 1632 l'Université de Tartu. En 1710 la
conquête de l'Estonie par la Russie entraîna plus tard, à la
fin du XIXe siècle, sous le tsar Alexandre III, une intense politique de
russification qui affecta principalement la population paysanne.
Après la défaite des armées allemandes en novembre 1918,
l'Estonie devint un Etat indépendant, reconnu par la Russie
soviétique par le Traité de Tartu, le 2 février 1920.
Occupée par l'Union soviétique en juin 1940, elle devint
république socialiste soviétique le 1er août 1940. Un
mouvement massif et continu d'immigration russe en Estonie, encore
accentué vers les années 1970-1980, aboutit, dans les grandes
villes, à rendre les Estoniens minoritaires dans leur propre pays. Ainsi
la ville de Narva, à l'est du pays, comprend-elle quelque 96 % de
russophones.
Le sentiment national estonien qui n'avait jamais perdu de sa force reprit
à la faveur de la perestroïka de M. Gorbatchev. Un Parti, le Front
Populaire d'Estonie, fut créé en 1988, incarnant cette ambition
nationale et proposant d'audacieuses réformes économiques dans ce
qui était encore une république soviétique :
propriété du sol, liberté des prix, réforme du
droit de la propriété... Après de vaines mises en garde,
l'Union Soviétique dut reconnaître l'indépendance de
l'Estonie le 6 septembre 1991.
Dès juin 1992, l'Estonie s'est dotée d'une nouvelle Constitution
instaurant un système parlementaire. Les premières
élections législatives et présidentielles du 20 septembre
1992 donnèrent une large victoire aux " nationalistes
conservateurs " et portèrent Lennart Meri à la
présidence de la République. L'alternance joua dès les
élections suivantes de juin 1995, portant au pouvoir une coalition
électorale de centre gauche, dirigée par M. Tiit Vätis,
instaurant une période de cohabitation avec le Président Meri
réélu en 1996. Une période d'instabilité
gouvernementale suivit ces dernières élections, le dernier
gouvernement en date, mars 1997, étant celui de M. Siiman.
Comme la Lettonie, l'Estonie abrite sur son sol une importante population
russophone, évaluée à 30 % lors du dernier recensement
soviétique de 1989. Cela étant, on remarque une tendance à
l'intégration progressive d'une partie de cette population. Les quelque
600 000 russophones, non autorisés à participer aux scrutins
nationaux, ont été admis à voter aux élections
locales où ils se déterminent désormais moins sur une base
ethnique que sur des choix partisans.
L'OSCE est comme en Lettonie, présente en Estonie pour veiller à
la situation de la population russophone et s'assurer notamment de la juste
application de la législation adoptée à son égard :
délivrance de titres de séjour et de voyages aux non-citoyens,
mise en place de programmes d'enseignement de l'estonien...
B. DES ÉCONOMIES DIFFÉRENCIÉES MAIS PERFORMANTES
1. Un choc initial rude
L'effondrement de l'URSS en 1990-1991 a bouleversé les
économies baltes, conséquence de la disparition du système
de planification centralisée. Les trois pays baltes ont
été rapidement confrontés à de
sévères pénuries d'approvisionnement et à des
pertes de débouchés. La structure des économies baltes,
spécialisées dans la production de produits finis exportables
à l'ouest a cependant permis d'atténuer sur ce plan, la rudesse
de la transition. A ce premier bouleversement est venu s'ajouter, dès
1992, l'alignement du cours des matières premières de la CEI sur
les tarifs internationaux conduisant à un décuplement de certains
prix de l'énergie.
La désorganisation économique, la perte des
débouchés traditionnels, l'hyperinflation, ont conduit à
une chute spectaculaire du PIB. Cette réduction atteint 14 % en Estonie,
35 % en Lettonie et 38 % en Lituanie. La même année, l'inflation a
atteint 951 % en Lettonie, 1020 % en Lituanie et 1069 % en Estonie.
Enfin, les trois Etats baltes, qui ont dû s'atteler à une
réactualisation urgente de leurs appareils de production, ont
été tous trois confrontés à une grave crise
bancaire. Les difficultés économiques évoquées plus
haut, conjuguées à une gestion hasardeuse sont à l'origine
d'un mouvement qui a affecté en premier lieu l'Estonie. Dans ce pays,
dès 1992, trois grandes banques ont été fermées et
huit autres déclarées en faillite. La Lettonie sera
touchée en 1995 -défaillance de la banque Baltiga-
entraînant une contraction de 40 % des actifs bancaires, de même
que la Lituanie où trois groupes bancaires, représentant à
eux seuls le tiers des dépôts, ont traversé une crise
profonde.
2. Des politiques courageuses de stabilisation
Une première étape a concerné la
politique monétaire, afin d'enrayer une inflation voisine de 900
à 1000 %. Chacun des trois Etats a créé une monnaie
nationale. En 1992, l'Estonie a introduit la couronne estonienne, dont le taux
est rattaché au mark. En Lettonie, le lat a remplacé le rouble
letton en 1993, et, en 1994, son taux fut rattaché au DTS (0,8 lat pour
un DTS). Enfin la Lituanie a suivi le même chemin en 1993 avec la
création du lit, rattaché au dollar au taux de 4 litas pour 1
dollar.
A une politique monétaire stricte, fondée entre autres sur des
banques centrales indépendantes du pouvoir politique, a
été associée une politique budgétaire rigoureuse.
En Estonie la Constitution interdit la présentation de budget
déficitaire ; en Lettonie la loi de finances pour 1997 a
été votée en équilibre ; en Lituanie enfin, les
déficits des dernières années ont correspondu à 3 %
du PIB, le déficit devant être limité à 2 % pour
1997.
S'agissant des recettes fiscales, les trois pays ont relevé les taux de
TVA, en moyenne, pour la Lettonie et l'Estonie de 10 % à 18 %. Les
dépenses publiques ont été réduites grâce
notamment à la diminution des subventions aux entreprises publiques,
parallèlement d'ailleurs à un vaste mouvement de privatisation.
Celui-ci a été engagé à des rythmes divers dans
chaque pays et selon des modalités spécifiques. L'Estonie a
choisi une stratégie résolument libérale et internationale
qui a permis l'afflux d'investisseurs étrangers. La Lituanie qui fut
pionnière dans le processus de privatisation, avait cependant
engagé ce dernier sans le faire précéder d'une
restructuration en profondeur des entreprises en cause. La Lettonie n'a
véritablement commencé ses privatisations qu'en 1996. Les
gouvernements de ces deux pays ont toutefois décidé de donner une
nouvelle impulsion aux privatisations et d'en infléchir les moyens en
délaissant la privatisation de masse par coupons et l'ouvrant davantage
aux capitaux étrangers. Aujourd'hui, le secteur privé contribue
à 70 % du PIB en Estonie, 65 % en Lituanie et 60 % en Lettonie.
3. Des résultats encourageants
La rigueur budgétaire a permis d'enrayer
l'hyperinflation d'une façon particulièrement rapide. A la fin
1996 le taux était redescendu respectivement dans ces deux pays,
à 14,8 % et 13,1 %, ainsi qu'à 13 % en Lituanie. Cela
étant, ces chiffres sont supérieurs à ceux qui ont cours
dans les pays dont la monnaie sert de référence aux monnaies
baltes. Cela est davantage imputable aux conséquences d'une
sous-évaluation initiale des monnaies qu'à une hausse
restée maîtrisée des salaires ou à des
déficits budgétaires très rigoureusement contenus.
Enfin, chacun des pays baltes bénéficie aujourd'hui d'une balance
des paiements excédentaire. Cette situation résulte moins des
transactions courantes que de l'apport très important de capitaux
étrangers. En effet, les besoins d'importations en biens
d'équipement et l'appréciation de leur monnaie ont
entraîné dans les trois pays une dégradation du solde
commercial. En sens contraire, l'absence de risque de change a incité
les investisseurs étrangers à s'engager dans les pays baltes,
singulièrement en Estonie où la réglementation à
leur égard est particulièrement libérale. L'encours des
investissements directs étrangers s'élevait à la fin de
1996 à 19 % du PIB en Estonie, 11 % en Lettonie , seulement 3 % en
Lituanie.
L'ensemble de ces mesures d'assainissement -restructuration du secteur
bancaire, rigueur budgétaire- ont dopé l'investissement,
attiré une épargne importante et contribué ainsi au
redémarrage de la croissance, même si cette progression est
restée modérée. Ainsi fin 1996 le PIB des trois pays
baltes était-il encore inférieur en termes réels au niveau
atteint avant la transition. 66 % du niveau de 1989 pour l'Estonie, 53 % pour
la Lettonie et 42 % pour la Lituanie. La place importante de l'économie
parallèle dans ces pays conduit à sous-évaluer des taux de
croissance qui pourraient néanmoins atteindre en 1997 4 % en Estonie, 5
% en Lettonie et Lituanie.
4. Un commerce extérieur réorienté
Parallèlement aux réformes économiques et
politiques engagées dès le lendemain de l'indépendance,
les pays baltes ont réorienté leur commerce extérieur vers
les pays d'économie libérale de marché de l'OCDE et, en
particulier, vers ceux de l'Union européenne.
Ainsi la Lituanie fait-elle 50 % de ses échanges avec les pays de
l'OCDE, dont 40 % avec ceux de l'Union européenne. Ses deux premiers
partenaires commerciaux restent la Russie (importations d'énergie) et
l'Allemagne, qui réalise un niveau d'opérations commerciales avec
la Lituanie supérieur à celui réalisé par la
France, qui n'en est que le 13e fournisseur.
Par ailleurs, 44,7 % des exportations de la Lettonie, et 49,3 % de ses
importations sont réalisés avec l'Union européenne. Les
deux premiers partenaires sont, là encore, la Russie et l'Allemagne,
suivies par la Finlande et la Suède. La France est le 15e partenaire de
la Lettonie, où elle n'absorbe que 1,3 % de ses ventes et n'intervient
qu'à hauteur de 1,5 % de ses achats.
S'agissant enfin de l'Estonie, celle-ci réalise 54 % de ses
échanges avec l'Union européenne, dont 60 % avec les Pays
nordiques. Les parts de marché de la France ne s'élèvent
qu'à 2 % (Allemagne 13 %), notre pays n'étant que 10e
fournisseur. Ces informations démontrent la regrettable faiblesse de la
position française dans les échanges commerciaux que nous
réalisons avec les pays baltes. En termes d'investissements, notre
situation n'est guère plus brillante. En Estonie, notre part dans les
investissements étrangers cumulés est de 0,3 %, en dépit
d'un environnement juridique très favorable, elle est de 0,1 % en
Lettonie
1(
*
)
et nous ne sommes
que vingtième investisseur en Lituanie (0,7 % des investissements
étrangers cumulés).