A
N N E X E S
ANNEXE
1 -
AUDITION DE M. PHILIPPE VASSEUR, MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA
PÊCHE ET DE L'ALIMENTATION
M. Jean François-Poncet, président - Mes chers collègues, nous accueillons M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, à propos du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la qualité sanitaire des denrées destinées à l'alimentation humaines ou animales.
Monsieur le Ministre, je suis surpris de n'avoir rien trouvé dans ce projet concernant les organismes génétiquement modifiés, qui occupent le devant de la scène...
M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - Cette loi est en préparation depuis plus d'un an. Bien avant les problèmes liés à l'ESB, nous étions conscients que l'hygiène, la qualité et la sécurité des produits étaient devenues des éléments déterminants.
Ce texte a pour but de renforcer et d'étendre les contrôles sur la totalité de la chaîne alimentaire, aujourd'hui de plus en plus complexe. Les produits sont, en effet, de plus en plus transformés, les enjeux de l'industrie agro-alimentaire sont considérables et posent même quelquefois des problèmes en termes économiques. Récemment, un certain nombre d'affaires ont ainsi échappé à notre contrôle pour passer sous contrôle américain. On oeuvre donc désormais dans un cadre multinational.
Enfin, les techniques évoluent très rapidement, et l'on doit pouvoir les maîtriser. Je ne parle pas des OGM, mais des techniques nouvelles qui nécessitent de notre part une attention en termes de salubrité.
Nous croyons donc nécessaire d'évaluer les risques, de fixer les règles nécessaires à leur maîtrise et d'en assurer le contrôle de l'application, afin de garantir un haut niveau de sécurité sanitaire.
Concernant l'évaluation des risques, la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine -terme que je préfère à celui de " crise de la vache folle "- nous a montré que nous avons besoin d'une expertise pluridisciplinaire scientifique.
De ce point de vue, le comité présidé par le professeur Dormont a montré toute son utilité et bien joué son rôle. A côté de ce comité, dont le champ de compétence est limité, existent de nombreux autres qui conseillent les pouvoirs publics, comme le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, ou le Centre national d'études et de recherches sur la nutrition et l'alimentation. Un certain nombre d'organismes s'appuient ainsi sur de grands centres de recherche.
Une évolution est actuellement en cours de finalisation au niveau gouvernemental, de manière à assurer une gestion de l'évaluation indépendante, pluridisciplinaire et pluriministérielle.
Une fois les risques évalués, il convient de fixer des règles pour les maîtriser. Une codification est donc nécessaire. Il existait jusqu'à présent un certain nombre de règles disparates. Il est aujourd'hui indispensable de légiférer pour faire en sorte que la réglementation corresponde à l'industrialisation de la transformation et à la mondialisation des échanges, etc.
Dans ce domaine, nous disposons déjà en matière d'hygiène d'un dispositif important, qui donne à l'Etat la possibilité d'intervenir et de prendre des sanctions, mais nous devons aller plus loin et bénéficier d'une organisation sous surveillance étroite de l'Etat, responsabilisant davantage les professionnels.
En troisième, une fois les règles fixées, il faut les moyens de les faire respecter. Très souvent, entre l'intention et l'application sur le terrain, il y a un fossé que l'on n'est pas capable de franchir. Pour ce faire, un certain nombre de services existent dans différentes administrations : santé, douanes, agriculture, DGCCRF.
Or, nos résultats sont bien meilleurs que ceux des Américains et sans comparaison possible avec d'autres pays, mais nous persistons à croire que nous sommes mauvais ! On peut démontrer à l'opinion publique nationale et internationale que notre système fonctionne bien, qu'il donne de bons résultats -en dehors de tout esprit polémique- car les décisions ont été mises en place par la majorité actuelle comme par la précédente.
Il n'en reste pas moins que l'on peut toujours mieux faire, et l'on doit encore améliorer notre dispositif pour nous adapter au contexte nouveau. C'est l'objet de ce projet de loi, qui ne règle pas, j'en conviens, le problème des OGM ni celui de l'organisation administrative ou politique de la gestion de l'évaluation des risques, mais qui permet de durcir et d'étendre les contrôles en remontant le plus en amont possible.
La qualité sanitaire d'un produit ne se détermine pas au moment où le steak arrive dans l'assiette du consommateur, sur l'étal du boucher, ni même à l'abattoir. C'est avant, jusque dans l'étable, qu'on doit déterminer cette qualité sanitaire.
D'autre part, grâce à l'unification des procédures, il en va désormais de même pour les productions végétales.
On a fait remarquer que ce projet de loi nous donnait la possibilité de prendre des décisions de police administrative. C'est en effet le cas, car lorsqu'on veut saisir et consigner, il faut le faire tout de suite, avec les moyens dont on dispose. Il n'empêche que les procédures pénales continuent d'exister ; de plus, les sanctions pénales ont été alourdies.
S'agissant des OGM, ces derniers sont arrivés dans l'actualité -même si est un débat qui existe depuis longtemps- avec quelque brutalité, surtout dans les régions du sud-ouest. Sans l'affaire de l'encéphalopathie spongiforme bovine, la question aurait été prise avec beaucoup plus de sérénité.
Les expertises scientifiques ayant conclu -depuis longtemps d'ailleurs- que le maïs transgénique ne présentait strictement aucun inconvénient, ni pour l'alimentation animale, ni pour l'alimentation humaine, le Gouvernement a décidé d'appliquer les directives européennes et autorisé l'importation de ce type de maïs.
Or, quelques interrogations, toutefois minoritaires, ont été émises sur la dissémination possible du maïs génétiquement modifié dans son environnement.
D'après les scientifiques, la dissémination du maïs transgénique ne pose pas de problèmes. Cette espèce n'existe pas à l'état sauvage -tout au moins en Europe- et ne peut se disséminer que de maïs à maïs. Il n'y a pas de croisement possible avec d'autres espèces, et sa pollinisation est, en outre, relativement courte.
On n'en dirait pas de même d'autres types de plantes, notamment pour le colza génétiquement modifié, qui peut se croiser avec beaucoup d'autres variétés.
D'après les scientifiques, il faut une approche spécifique de ce problème, d'où l'autorisation donnée pour le soja et le maïs. Toutefois, le Premier ministre a décidé, compte tenu de la sensibilité du sujet, de ne pas prendre de décision d'autorisation de mise en culture. Selon moi, on ne peut tenir éternellement une telle position, et il faudra donc prendre une décision globale l'année prochaine.
Mon collègue de la recherche et moi avons suggéré de demander un rapport à l'Académie des sciences sur ce sujet, au terme duquel nous serons amenés à nous prononcer.
En tout état de cause, le Gouvernement désire procéder dans la transparence et l'information totale du consommateur. Il ne s'agit pas seulement d'une question de danger pour la santé mais aussi d'éthique. Le consommateur veut savoir ce qu'il achète et on n'a pas le droit de refuser de dire si telle variété est génétiquement modifiée ou non.
Cela pose des problèmes d'application, car si l'on sait détecter la présence de maïs transgénique dans une cargaison, lorsqu'un produit se trouve transformé, on a une identité totale entre les produits. Cela nécessite donc une grande traçabilité, qu'il est toutefois possible de garantir grâce à l'étiquetage.
Pourquoi cela ne figure-t-il pas dans la loi ? Tout d'abord, il s'agit d'une loi sur la qualité sanitaire des denrées : c'est un tout autre problème que celui des OGM ! Il n'en reste pas moins que les sujets sont parallèles, et l'on peut en effet estimer nécessaire de parler des OGM dans la loi.
Je présenterai un rapport au Parlement avant la fin de l'année et avant même la seconde lecture sur l'utilisation des organismes génétiquement modifiés et les risques de dissémination. En seconde lecture, je serai amené à faire une proposition sur les différents problèmes soulevés, notamment sur le problème de l'étiquetage...
M. le président - Cela signifie-t-il qu'entre la première et la seconde lecture, vous proposerez au Parlement des amendements permettant de compléter le texte ?
M. le ministre - Oui. A partir du rapport, nous pourrons présenter des amendements pour compléter cette loi...
M. le président - Cela me paraît souhaitable, ne serait-ce que pour éviter la multiplication des textes. C'est un des problèmes dont tout le monde se plaint, et un texte traitant de l'ensemble des problèmes sanitaires ou marginaux serait plus satisfaisant pour l'esprit.
La parole est au rapporteur...
M. Marcel Deneux, rapporteur - Monsieur le Ministre, je ne dirai pas grand-chose de l'aspect général du texte, si ce n'est qu'il vient à point pour une opinion publique qui a besoin d'être rassurée. Je poserai simplement quelques questions précises sur le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale...
Tout d'abord, quels sont les frais aujourd'hui pris en charge par l'Etat à la suite d'un contrôle dont les résultats s'avèrent négatifs ?
En outre, l'auto-contrôle s'applique-t-il dans votre esprit de la même manière à toutes les exploitations agricoles, grandes ou petites, vendant ou non directement ?
D'autre part, pourquoi le projet comporte-t-il une partie importante sur les mesures de police administrative ? Pourquoi ne pas avoir choisi, dès le début la voie judiciaire ?
Par ailleurs, en cas d'amendes, les structures sociétaires sont cinq fois plus condamnées que les structures individuelles. Ce n'est pas très clair en matière de droit... Cela nous pose également quelques problèmes car il existe peu de structures sociétaires au sens juridique du terme en agriculture. Cela ne s'appliquerait donc qu'aux structures agro-alimentaires, aux transformateurs, voire aux commerçants. Avez-vous réfléchi à l'application de cet article lorsqu'il s'agit d'une GAEC ? Qui sera condamné ? Comment partagera-t-on les peines ?
La participation des vétérinaires libéraux sous mandat sanitaire aux fonctions d'inspection sanitaire ne risque-t-elle pas de transformer ces praticiens en juge et partie sur le terrain ?
Quels sont les moyens humains et financiers prévus pour assurer le renforcement des contrôles ?
Enfin, à quel moment intervient-on chez les agriculteurs fabriquant eux-mêmes leur aliment pour le bétail et de quelle manière ?
M. le ministre - Tout d'abord, il est clair que c'est l'Etat qui paye les contrôleurs. Ce système existe déjà depuis trente ans et n'avait pas soulevé de problème jusqu'à présent. Les frais de contrôle et d'analyse sont à la charge de l'Etat ; les autres frais -échantillons, consignes, saisies- sont à la charge des opérateurs, que les résultats soient positifs ou négatifs.
Si les résultats sont négatifs et si l'opérateur a subi un préjudice, il existe des voies de recours classiques avec l'administration, transactionnelles ou contentieuses, afin de réparer le préjudice. Les services vétérinaires ont procédé en 1995 à 3 millions de saisie. Le système existe donc déjà...
Par ailleurs, l'auto-contrôle ne s'applique pas aux producteurs, sauf à ceux dont la production locale est vendue directement au public...
M. le rapporteur - Lorsqu'on découvre qu'une production d'amidon extraite de pommes de terre contient une dose trop élevée d'éléments organo-phosphorés, qui est responsable ?
M. le ministre - ... Le producteur final. A lui de se retourner ensuite contre son fournisseur.
M. le rapporteur - Il n'existe pas à ce jour de réglementation qui le permette !
M. le ministre - Je crois savoir qu'en général, les producteurs, quels qu'ils soient, fixent des cahiers des charges assez précis à leurs fournisseurs.
S'agissant de la police administrative, je crois qu'une mauvaise interprétation a été faite du texte. Il ne s'agit pas de substituer la police administrative à la machine judiciaire. Vous savez comme moi que la procédure judiciaire peut être lourde et longue et que toute saisie ne nécessite pas nécessairement un recours judiciaire.
Un vétérinaire qui effectue des contrôles sur une chaîne de poulets peut être amené à saisir des poulets qui lui semblent ne pas devoir être commercialisés. Faut-il pour autant déposer une plainte auprès du procureur de la République pour chaque poulet ?
La saisie administrative n'est pas destinée à pénaliser le producteur. Il s'agit d'une mesure de santé publique et de qualité sanitaire. Bien entendu, lorsqu'il s'agit de fraudes, la mesure administrative de police, de consigne ou de saisie immédiate, donne lieu à une procédure judiciaire. Comme vous l'avez évoqué, celle-ci peut être lourde...
En tout état de cause, ces mesures de police administrative vont dans le sens de la préservation immédiate des intérêts des consommateurs.
Par ailleurs, la différence entre personne morale et physique est une notion à laquelle le ministre de l'agriculture n'est pas attaché outre mesure. Cependant, c'est un principe général auquel le ministre de la justice tient énormément, et pour lequel il ne veut pas faire d'exception.
M. le président - Sur quelle argumentation est-ce fondée ?
M. le ministre - Posez la question à M. Toubon !
M. le président - Quelqu'un connaît-il la réponse ?
M. le ministre - Il doit partir du principe qu'une personne morale dispose d'une surface financière supérieure à celle d'une personne physique. Sur cette partie du projet, le ministère de la justice s'est montré intraitable.
Concernant les vétérinaires libéraux, l'extension le plus en amont possible des contrôles fait que l'on doit mieux prendre en compte tous les mouvements d'animaux. Même si j'augmentais considérablement les moyens, je serai encore loin du compte ! Si l'on veut vraiment avoir une surveillance aussi étendue qu'on le souhaite, il faut faire appel aux gens sur le terrain, donc aux vétérinaires praticiens.
Je sais qu'il existe des brebis galeuses dans tous les troupeaux et qu'aucune profession n'est exempte de mauvais sujets, mais j'ai tendance à penser que, dans une profession, les mauvais sujets sont moins nombreux que les bons. Les vétérinaires constituent une profession honorable, pour laquelle j'ai le plus profond respect ! (Approbation d'une partie de la commission).
Cela dit, les vétérinaires sont régis par un conseil de l'Ordre, ce qui n'est pas une mince affaire ; d'autre part, je crois que le passé plaide pour eux et qu'ils ont déjà montré leur efficacité dans la lutte contre un certain nombre de maladies animales -tuberculose, brucellose...
Quoi qu'il en soit, ils interviendront avec un mandat de l'administration, mais non en tant qu'agents de l'Etat. Ils ne pourront pas ordonner de mesures de police, ni relever d'infractions. Ils auront seulement un rôle de surveillance, dans le cadre du mandat qui leur est confié par l'administration.
Pour ce qui est du problème des moyens, vous avez déjà émis le souhait que le budget soit plus large. Cela nous a d'ailleurs valu quelques débats à l'Assemblée sur l'insuffisance des crédits dans tel ou tel domaine... D'ailleurs, aucun débat n'est inutile, puisqu'en matière d'enseignement privé agricole, vous avez fait évoluer ma position. Cela m'a permis de m'expliquer davantage et, comme vous le savez sans doute, nous avons signé un protocole avec toutes les familles de l'enseignement privé, qui nous permet d'envisager l'avenir sur des bases plus saines. A moi maintenant de supporter les problèmes avec l'enseignement public -à chaque jour suffit sa peine !
Malgré ce budget, nous avons augmenté de 45 le nombre de postes de vétérinaires-inspecteurs et de 5 le nombre de postes destinés à la protection des végétaux. Ce n'est pas rien, et mon intention est de poursuivre cet effort dans le budget 1998, dans lequel il faudra donc tenir compte de la poursuite de l'action en faveur des contrôles, notamment de qualité sanitaire.
M. le rapporteur - Je fais entièrement confiance aux vétérinaires, mais l'opinion publique craint qu'ils puissent être à la fois juges et parties. Or, si l'on arrive à surmonter cet obstacle psychologique, point n'est besoin de tellement de moyens budgétaires supplémentaires. Beaucoup d'entre eux ne demandent qu'à être contractualisés...
M. le ministre - A ce compte, le problème existe aussi en matière de santé humaine, et les médecins peuvent également être juges et parties dans beaucoup de cas. On ne peut éviter ce mouvement d'opinion. Il faut toutefois éviter d'abonder systématiquement dans son sens, car l'opinion publique est parfois amenée à outrepasser la connaissance qu'elle a du dossier, dont sa perception purement intuitive ne correspond pas à la réalité.
Il faut raison garder, bien montrer le rôle des vétérinaires, le fixer et affirmer haut et fort qu'il n'y a aucune raison de jeter la suspicion sur eux, pas plus que sur les services du ministère de l'agriculture, dont tout le monde s'accorde à dire que, dans la crise que l'on vient de connaître, ils ont plutôt bien fait leur travail, mieux que d'autres en Europe et même que d'autres services !
J'en ai assez de voir les vétérinaires-insepcteurs du ministère de l'agriculture accusés d'être juges et parties ! Les gens ne savent pas ce qu'est ce ministère ! Si je demande à un vétérinaire-inspecteur d'effectuer de faux-certificats, il refusera !
Ceux qui imaginent que les vétérinaires peuvent commettre des actes contraires à leur déontologie parce qu'un ministre -qui, par définition, est une étoile filante dans le ciel politique- le leur demande, sont eux-mêmes des contrevenants en puissance !
Penser que le ministre de l'agriculture est aux ordres de telle ou telle organisation agricole constitue par ailleurs une vision un peu abusive, et penser que je puis me permettre de donner des ordres de cette nature aux vétérinaires est purement scandaleux !
Je ne peux laisser dire cela sans réagir. Il existe aujourd'hui un courant qui veut jeter l'opprobre sur nous, comme si tous les autres corps de métier étaient irréprochables, alors que le nôtre mériterait, lui, cet excès d'indignité !
M. le rapporteur - ... Et s'agissant des aliments du bétail provenant de la ferme ? Le texte est un peu flou en la matière...
M. Jean Huchon - Ces aliments contiennent des adjuvants hormonés et viennent de Belgique...
M. le ministre - Cela mérite effectivement d'être sous contrôle...
M. Jean-Paul Emorine - Monsieur le Ministre, ce projet de loi est fort important pour la santé humaine et animale, mais également pour l'opinion publique française et européenne, car la certification et le contrôle de nos produits constitueraient indiscutablement une garantie pour les consommateurs.
On peut ainsi imaginer que les élevages pourront être certifiés par un organisme, dans le cadre d'une charte sanitaire régionale portant sur l'environnement du troupeau, l'état sanitaire des animaux, leur origine et leur alimentation.
J'aimerais donc connaître la cohérence entre la qualification de l'élevage et de l'industrie de transformation agro-alimentaire -abattoir ou société de transformation- ainsi que vis-à-vis du distributeur.
Enfin, je propose d'instaurer dans chaque département un comité de suivi qui pourrait regrouper des agriculteurs et des consommateurs et participer une fois par mois, en compagnie d'un inspecteur, à un contrôle dans une exploitation, une entreprise de transformation et un magasin de distribution. A l'issue de cette visite, un communiqué à la presse pourrait conforter l'opinion publique sur la qualité des produits français...
M. le ministre - Certains des sujets que vous venez d'évoquer vont plus loin que la loi elle-même. On va probablement les retrouver dans la discussion sur la loi d'orientation, qui devrait venir au Sénat avant la fin de la session. C'est notamment le cas de ce que vous proposez à propos du suivi.
Je suis tout à fait favorable à l'élargissement des instances de concertation, mais je rencontre des résistances très fortes. En tout état de cause, je me déclare en faveur de la transparence des contrôles et des procédures, et l'on peut prévoir celle-ci dans la loi sur la qualité sanitaire sous forme de rapport ou de publication...
Par ailleurs, on n'impose pas la certification à toutes les exploitations. Une réflexion est cependant menée, notamment dans les chambres d'agriculture et les collectivités territoriales, afin d'instituer dans les exploitations volontaires une norme équivalente à la norme ISO 9200. Je trouve cette idée très séduisante.
C'est dans la loi d'orientation qu'une telle idée doit trouver sa place. Il s'agit là d'une idée novatrice, et l'on a précisément besoin de signes forts vis-à-vis de l'opinion pour démontrer la volonté des agriculteurs de s'engager dans une démarche de qualité à tous niveaux -production, environnement, etc.
Un intervenant - Dans le passé, il existait des patentes sanitaires qui permettaient d'appliquer 7 à 8 centimes de plus sur les prix de vente au détail. Vos services ont abandonné ce dispositif dès que les mesures de prophylaxie ont cessé...
M. Jean Huchon - Monsieur le Ministre, est-il prévu un étiquetage particulier concernant les importations futures de viande bovine américaine contenant des doses d'anabolisants indétectables ?
M. le ministre - Cette question est capitale car, alors qu'on durcit nos contrôles aux frontières, on sait qu'il existe maintenant des substances anabolisantes indécelables.
Or, on ne peut garantir cette viande sans hormones, puisqu'on ne peut en d'assurer le contrôle dans de bonnes conditions. La seule réponse réside dans la traçabilité et l'étiquetage. Nous sommes très engagés dans cette voie, puisque nous allons plus loin et plus vite que la Commission européenne. Nous allons d'ailleurs faire l'objet d'un recours en cour européenne de justice...
J'apprécie du reste que le ministre français qui prend des mesures en faveur de l'information du consommateur se fasse traduire en cour européenne de justice pour cela ! Des recours comme cela, j'en redemande ! J'estime que c'est le droit du consommateur de savoir ! Comme quoi la protection du consommateur va à mon avis de paire avec la protection des filières françaises...
M. Désiré Debavelaere - Monsieur le Ministre, la loi ne fait pas allusion à un cahier des charges concertées entre producteurs, acheteurs et consommateurs. Le fait d'adhérer ou non à une formule de ce type ne permettrait-il pas de recevoir la totalité des aides qui sont dispensées ou seulement une partie ? Selon moi, ce système est très concevable au niveau régional...
M. le ministre - Il faut en étudier l'application...
M. Désiré Debavelaere - On peut lancer un ballon d'essai...
M. le ministre - On peut en effet imaginer dans le principe de faire varier le niveau des aides en fonction du respect de l'environnement, comme l'a déjà suggéré Bruxelles, ou de l'adhésion à un groupement de producteurs. Je n'y suis pas opposé personnellement, mais je rencontre toutefois des réticences très fortes sur le terrain.
M. Désiré Debavelaere - ... Quand les consommateurs connaissent les efforts des producteurs dans le domaine de la qualité, ils admettent qu'ils peuvent payer plus cher.
M. Jean Pourchet - Monsieur le Ministre, j'habite une région frontalière. Or, un certain nombre de troupeaux suisses viennent paître chez nous. Quelles garanties sanitaires pourront être données en matière de qualité des troupeaux, aussi bien pour les éleveurs que pour le consommateur ?
Ces animaux risquent-ils d'être abattus et consommés en France ? Des mesures ont-elles déjà été prises ou sont-elles en cour d'élaboration ?
M. le ministre - Nous sommes en train d'y réfléchir. Le problème nous est posé de façon pressante actuellement. Je n'ai pas encore la réponse, mais je ferai savoir aux parlementaires des régions concernées la décision que nous avons prise.
M. Jean Pourchet - La Suisse compte plus de cas de maladie de la vache folle que la France !
M. le ministre - La Suisse n'applique pas la même surveillance ni la même transparence que les pays européens qui se déclarent exempts d'ESB...
M. Félix Leyzour - Monsieur le Ministre, s'agissant de la traçabilité, les fabricants de farine pour animaux feront-ils connaître la formule du produit qu'ils commercialisent ? J'ai eu l'occasion de discuter avec eux, et ils semblent assez réticents sur ce point...
M. le ministre - Il est de toute façon obligatoire de respecter l'indication de présence ou non de farine d'origine animale dans un aliment, et l'on demandera aux fabricants de fournir au moins cette précision...
M. le rapporteur - La réglementation oblige à l'indiquer par volume.
M. Jean Huchon - Il existe quand même un flou artistique !
M. Le rapporteur - Monsieur le Ministre, seriez-vous opposé à ce que l'on institue un contrôle systématique à la frontière avec les pays tiers, où l'on sait qu'existent des risques ? Cela nous rassurerait un peu, d'autant que les importations sont peu nombreuses...
M. le ministre - Il faut que l'on y réfléchisse. Il ne faudrait pas que je sois dans l'impossibilité d'appliquer cette mesure. Je ne suis pas sûr que l'on n'entre pas dans un système " boomerang ".
M. Le rapporteur - Vous avez quatre semaines pour y réfléchir, mais nous présenterons à mon avis un amendement.
M. le ministre - Le texte permet qu'il puisse être systématique...
M. Alphonse Arzel - Monsieur le Ministre, il y a un an, la cantine municipale de ma commune a été touchée par une intoxication alimentaire due à la salmonellose transmise par des oeufs.
Or, je n'ai jamais pu savoir d'où venaient ces oeufs. J'ai su qu'on avait abattu je ne sais combien de poules dans un ou deux élevages, mais je n'ai jamais pu connaître le fin mot de l'histoire.
La nouvelle loi permettra-t-elle davantage de transparence ? ... En effet, j'ai tout de même failli aller en prison, 150 enfants ayant été intoxiqués, dont douze hospitalisés !
M. le ministre - Normalement, la loi est destinée à offrir davantage de transparence et à pouvoir remonter au maximum. Pour des oeufs, il est vrai que cela peut néanmoins poser quelques problèmes de faisabilité...
Votre cantine scolaire s'approvisionnait-elle dans une société générale de restauration ?
M. Alphonse Arzel - Non, c'est une coopérative qui livrait les oeufs.
M. le ministre - Ils mélangent donc les oeufs...
M. Alphonse Arzel - Je trouve anormal de n'avoir pu savoir d'où provenaient ces oeufs contaminés !
M. le président - Vous posez un vrai problème, et vous n'êtes pas seul dans ce cas...
Les lots étaient-ils identifiables ?
M. Alphonse Arzel - Oui, on savait d'où venaient les oeufs...
M. le rapporteur - Monsieur le Ministre, ce texte sera-t-il cohérent sur le plan législatif, et ces problèmes de structures de contrôle et de concurrence entre ministères seront-ils codifiés une fois pour toutes ?
M. le ministre - Le mieux est toujours l'ennemi du bien, et je me méfie terriblement d'un organisme d'évaluation et de contrôle qui serait à la fois juge et partie !
Je crois qu'il faut que les contrôles soient assurés par les gens dont c'est la responsabilité. Il faut une autorité indépendante, placée sous la tutelle de plusieurs ministères et chargée de l'évaluation, de l'expertise scientifique, en même temps capable de diligenter tel ou tel contrôle.
Je me méfie de la confusion des genres. Ce serait une erreur monumentale de mélanger le médicament et l'aliment et, au pays de la gastronomie, du fromage au lait cru et des vins d'appellation d'origine, de considérer que le Château-Laffitte ou le Beaujolais-villages sont à mettre sur le même plan que l'aspirine ou le sang contaminé !
Autant je suis pour une organisation pluridisciplinaire, pluriscientifique et indépendante, chargée de l'évaluation, de l'expertise, servant même de tête de réseau pour la surveillance, autant je crois qu'il faut que les contrôles restent diligentés par les services compétents, non seulement ceux de mon ministère, mais aussi de la santé, des douanes et de la DGCCRF !
Nous nous dirigeons pour le moment vers une organisation de ce type, avec un réseau de surveillance de la santé, un organisme chargé du médicament et un autre de l'alimentation, avec des contrôles indépendants, car la meilleure façon de garantir l'indépendance est de ne pas avoir de confusion des genres ! Dans le cas contraire, selon moi, dans deux ans, on s'apercevra qu'on a cru bien faire et qu'on a, en fait, régressé !
M. le président - Merci.