B. UNE PROPOSITION INOPPORTUNE DU FAIT DE LA REMISE EN CAUSE DE RÈGLES PRÉALABLEMENT FIXÉES
1. Le dispositif proposé
La commission européenne prévoit, en effet, de compenser le coût des mesures concernant la réforme de l'OCM de la viande bovine par une réduction des aides directes instituées en 1992 pour les grandes cultures. La commission propose ainsi une diminution :
- de l'aide pour les céréales de 54.34 écus/tonne à 50.37 écus/tonne ;
- de l'aide pour le blé dur dans les zones traditionnelles de 358,6 écus/hectare à 332,42 écus/hectare et dans les zones non traditionnelles de 138,9 écus/hectare à 128,76 écus/hectare ;
- du montant de référence pour les graines oléagineuses (utilisé pour le calcul de l'aide) de 433,5 Ecus/hectare à 415,24 Ecus/hectare ;
- de l'aide pour le gel des terres de 68,83 Ecus/tonne à 50,37 Ecus/tonne ;
- du montant de référence pour le lin non textile de 105,1 Ecus/tonne à 97,43 Ecus/tonne.
Ainsi, les aides compensatoires diminueraient de 7,3 % pour les céréales et le blé dur et de 4,2% pour les oléagineux, tandis que l'indemnisation pour le gel des terres diminuerait de 26,8 %.
Ces propositions ne s'appliquant qu'à partir de la récolte de 1997, les économies obtenues concerneront en fait le budget de 1998. La commission propose donc de retarder en 1997 le paiement de l'avance pour les graines oléagineuses, de manière à disposer dans le budget 1997 d'une marge permettant de financer les mesures concernant la viande bovine.
2. Un mode de financement inacceptable
Il est pour le moins paradoxal de financer de manière pérenne des mesures dont l'impact sur le budget communautaire sera conjoncturel. La réduction des aides compensatoires pour les grandes cultures entraînera ainsi des économies d'environ 1,3 milliard d'Ecus en 1997 et 1998, puis de 1,65 milliard d'Ecus en 1999 et 2000, alors que les mesures concernant la viande bovine n'entraîneraient pas de surcoût après 1998. Dans ces conditions, il est difficile de se défendre du sentiment que la crise de la « vache folle » sert de justification à une remise en cause subreptice des règles de la politique agricole commune concernant les grandes cultures.
La diminution des aides compensatoires instaurées par la réforme de 1992 compromettrait l'équilibre de cette réforme, décidée pour la période 1992-1999. Ces modifications remettraient en cause les engagements pris vis-à-vis des agriculteurs lors de la réforme de la politique agricole commune (PAC) et de la conclusion des accords de Marrakech. Pour la première fois depuis l'instauration de la ligne directrice agricole, le budget adopté en 1997 ne serait pas établi à la hauteur des engagements.
Les mesures proposées pèseraient dans la durée sur toutes les exploitations engagées dans les grandes cultures alors que certaines de celles-ci sont encore dans une situation fragile et que nul ne peut garantir que la conjoncture plus favorable que connaît actuellement le secteur va se prolonger.
En outre, par ces mesures, la Communauté affaiblirait elle-même singulièrement sa position dans la perspective de la reprise des négociations agricoles au sein de l'OMC.
La démarche de la commission européenne ne peut, au demeurant, s'appuyer sur des considérations d'équité. Il n'y a, à l'évidence, aucun lien entre les paiements compensatoires aujourd'hui remis en cause et la crise du marché bovin.
Si le financement des mesures nécessaires au rééquilibrage du marché de la viande bovine peut appeler un effort de solidarité, celui-ci ne peut prendre la forme de mesures à caractère permanent, altérant l'équilibre de la réforme de 1992 et revenant sur les engagements pris par la Communauté
D'une manière générale, ces mesures témoignent d'une inaptitude persistante à définir une stratégie agricole sur le plan international, alors qu'au même moment, les États-Unis se dotent d'un arsenal législatif pour les sept ans à venir tendant à améliorer la compétitivité de leur agriculture dans la perspective des futures négociations commerciales.
Il convient donc de refuser toute modification du règlement de base aboutissant à une révision déguisée, mais réelle, de la PAC.