II. UNE MSURE INOPPORTUNE
Inopportune, en premier lieu, car la proposition de la commission, intervient dans un contexte d'excédents importants sur le marché de la viande bovine, dus à la crise de la vache folle.
Inopportune, en second lieu, car elle s'insère dans un dispositif qui consiste à remettre en cause en permanence des règles de politique agricole préalablement fixées, démontrant ainsi une regrettable absence de vision à long terme de la commission, et cela à la veille de futures négociations internationales.
A. UNE PROPOSITION INOPPORTUNE DANS UN CONTEXTE DE CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE
La proposition E 676 intervient dans un contexte de crise profonde du secteur bovin liée à la propagation de l'ESB qui a provoqué une baisse très importante de la consommation, une chute brutale des prix et une forte diminution du revenu des éleveurs.
Ainsi, il est proposé de baisser des droits tarifaires à l'importation, alors qu'au même moment l'Europe tente de rétablir l'équilibre du marché de la viande bovine et qu'on enregistre une fragile progression de la consommation. La situation excédentaire en Europe sur le marché bovin paraît peu propice à une baisse des droits de douane ; si limitée soit cette proposition, elle n'en demeure pas moins malvenue.
La proposition de résolution n° 507 (1996-1997) de M. Philippe FRANÇOIS adoptée par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne retrace l'ensemble du dispositif mis en place par la Communauté pour faire face à la crise.
1. Les mesures communautaires
• Dans le courant de l'été, la
Communauté a décidé des mesures exceptionnelles pour faire
face à cette situation :
- pour l'année 1996. un complément a été ajouté à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) et à la prime spéciale au bovin mâle (PSBM) ; la PMTVA et la PSBM ont été ainsi respectivement augmentées de 27 et 23 Ecus :
- les broutards (animaux de moins de dix mois et de moins de 300 kg vifs) ont été admis à l'intervention, c'est-à-dire ont fait l'objet d'achats publics.
Ces mesures d'urgence n'ont pas suffi à résoudre les difficultés du secteur qui, avant même la crise de la « vache folle », souffrait d'une tendance à un excès de l'offre.
• La proposition présentée par la
commission européenne le 30 juillet tend à réformer
durablement l'OCM de la viande bovine. Elle prévoit :
- une réduction des plafonds concernant le nombre maximum de bovins mâles susceptibles d'ouvrir droit à la PSBM. Ces plafonds seraient fixés au nombre de primes versées en 1995, diminué de cinq pour cent ;
- l'obligation pour les États membres de mettre en place le programme dit de « transformation » des jeunes veaux. Ce programme, défini lors de la réforme de la PAC de 1992, n'a été appliqué jusqu'à présent qu'au Royaume-Uni ; il prévoit le versement d'une prime pour l'abattage des veaux mâles de moins de dix jours, issus de vaches allaitantes non destinés à la consommation. En outre, la prime de « transformation » pourrait être désormais versée, à l'initiative des États membres, pour les veaux mâles abattus jusqu'à l'âge de vingt jours à condition qu'ils soient exclus de la chaîne d'alimentation humaine. La prime serait également versée pour les jeunes veaux appartenant à une race à viande et abattus avant l'âge de six semaines :
- la modification des conditions d'octroi de la prime à l'extensification. Le taux de chargement pour bénéficier de cette prime passerait de 1,4 à 1,2 UGB (unité de gros bétail) par hectare. Le montant de la prime (36,23 Ecus/tête) passerait à 54 Ecus pour un taux de chargement inférieur à 1 UGB/hectare ;
- le relèvement des plafonds des achats à l'intervention, qui atteindraient 720.000 tonnes en 1996 (la réforme de la PAC de 1992 prévoyait 400.000 tonnes) et 500.000 tonnes en 1997 (contre 350.000 tonnes selon la réforme) ;
- l'introduction d'une mesure spéciale d'intervention pour les jeunes bovins mâles âgés de 7 à 9 mois et de moins de 300 kg ;
- une réforme du volet « structures » de l'OCM, rendant plus restrictifs les critères d'éligibilité aux aides. Seules subsisteraient les aides aux jeunes agriculteurs et les aides aux investissements concernant la protection de l'environnement, l'hygiène et le bien-être des animaux à condition qu'il n'en résulte aucune augmentation de la capacité de production.
Certaines mesures ainsi proposées constituent un premier pas en vue d'un nouvel équilibre du marché. Cependant, elles restent manifestement insuffisantes pour résoudre les difficultés particulières des éleveurs de broutards, qui appelleraient une forte revalorisation de la PMTVA.
Votre commission partage l'analyse de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne qui précise que 2 ( * ) : « les mesures de gestion du marché proposées, mesures de court terme, détournent l'intervention de son caractère d'instrument de régulation et de soutien des cours, pour en faire le moyen de réduire le capital productif suivant une inspiration malthusienne, particulièrement défavorable à l'élevage français, compte tenu de l'importance de son troupeau allaitant et de sa spécialisation dans la production de broutards. Ces mesures sont d'autant plus pernicieuses qu'on peut légitimement redouter que leurs effets pratiques, loin de concorder avec le calendrier de la crise, apparaissent soit trop tardifs soit trop précoces.
Plus généralement, on peut regretter l'absence de vision d'ensemble, replaçant la crise dans le contexte plus large de l'évolution passée et à venir de la filière bovine. L'accumulation de décisions partielles, prises au coup par coup, a des conséquences néfastes. Sans nier la difficulté de gérer une crise majeure comme celle de l'ESB, il faut néanmoins insister pour que les exigences de la communication « à chaud » ne fassent pas perdre de vue les conditions de fond permettant un équilibre durable du secteur ».
2. Les aides nationales
Outre les aides communautaires qui se sont élevées à 1,44 milliard de francs, le Gouvernement français a décidé d'octroyer un montant équivalent d'aides nationales.
Les mesures nationales comprennent :
- 600 millions de francs -dont 300 millions apportés par l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL) et 300 millions issus de la solidarité des producteurs de céréales et de végétaux. Ces fonds ont été répartis entre les départements pour être attribués en tenant compte des situations locales par les commissions départementales d'orientation agricole. Les paiements sont en cours dans soixante départements ;
- 840 millions de francs affectés à l'allégement des charges, soit sociales, par un report de la moitié des cotisations sociales dues pour 1996, soit d'emprunt, par la prise en charge des annuités correspondant, pour les plus endettés, à la période comprise entre juillet 1996 et juin 1997. Le bénéfice de ces allégements est réservé aux exploitants qui tirent de l'élevage bovin plus de 50 % de leurs recettes totales d'exploitation.
* 2 Rapport d'information n° 2990 déposé par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne présenté par MM. François GUILLAUME, Patrick HOGUET et Yves VAN HAECKE.