TITRE PREMIER - SURVEILLANCE, INFORMATION, OBJECTIFS DE QUALITÉ DE L'AIR, SEUILS D'ALERTE ET VALEURS LIMITES
Article 3 - Modalités d'organisation de la surveillance de la qualité de l'air
L'article 3 du projet de loi arrête les modalités d'organisation de la surveillance de la qualité de l'air et pose le principe, dans son premier alinéa, de la compétence de l'État, pour définir et orienter la politique nationale de prévention de la pollution de l'air. Cette compétence recoupe les différentes missions déjà exercées par le ministère de l'environnement. Ce dernier participe à l'élaboration et à l'application des politiques internationales et aux travaux de normalisation menés dans le cadre de l'Union européenne. Il définit également la réglementation française en matière de qualité de l'air qui s'appuie sur quatre directives européennes réglementant l'émission de polluants primaires d'origine industrielle ou automobile et du polluant secondaire ozone. On peut rappeler que les trois premières directives relatives aux « poussières » (directive 89/427/CEE), plomb (directive 82/884/CEE) et dioxyde d'azote (directive 85/203/CEE) ont été transposées en droit français par différentes circulaires ministérielles et par le décret 91-1122 du 25 octobre 1991 relatif à la qualité de l'air, modifiant le décret du 13 mai 1974 relatif au contrôle des émissions polluantes dans l'atmosphère. La directive « azote » (directive 92/72/CEE) vient - il convient de l'ajouter - d'être transposée par le décret n° 96-335 du 18 avril 1996 relatif à la pollution de l'air par l'ozone.
Le premier alinéa de l'article 2 du présent projet de loi précise que seront fixés, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, des objectifs de qualité de l'air, des seuils d'alerte et des valeurs limites.
Le conseil supérieur de l'hygiène publique de France, dont la composition et le fonctionnement sont fixés par le décret n° 88-1022 du 3 novembre 1988, est notamment compétent sur les questions concernant l'évaluation des risques de l'environnement sur la santé ; il se compose de membres de droit, tels que le directeur général de la santé, le directeur général du Laboratoire national de la santé, de représentants des ministres de l'Intérieur, de l'Économie et des Finances, de l'Éducation, de l'Environnement, de l'Agriculture, de l'Industrie et des Transports, ainsi que de membres nommés pour quatre ans par arrêté du ministre chargé de la Santé et choisi sur des listes présentées par l'Académie nationale de médecine, l'Académie nationale de pharmacie, le Conseil national de l'Ordre des médecins et le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, ainsi que soixante-six membres désignés en raison de leurs compétences.
La détermination des objectifs de qualité de l'air, des seuils d'alerte et des valeurs limites se fera à partir des références arrêtées par les directives européennes afin de disposer de mesures cohérentes objectives et comparables au niveau européen pour la mesure de la qualité de l'air.
L'article 2 du projet de directive-cadre concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant définit le contenu de ces termes de référence :
- « valeur limite », un niveau fixé sur la base de connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l'environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint ;
- « seuil d'alerte », un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine et à partir duquel les États-membres prennent immédiatement des mesures conformément à la présente directive.
De plus, il faut entendre par objectifs de qualité de l'air la définition d'actions et de mesures ayant pour but de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l'environnement de la pollution atmosphérique.
Le deuxième alinéa de l'article 3 du projet de loi décrit les objectifs de la surveillance de la qualité de l'air : les substances dont le rejet dans l'atmosphère contribue à une dégradation de la qualité de l'air mesurée selon les paramètres définis à l'alinéa précédent devront faire l'objet d'une surveillance.
Le troisième alinéa de l'article 3 du projet de loi prévoit une application progressive de cette obligation de surveillance qui à terme devra concerner l'ensemble du territoire. La surveillance devra s'appliquer :
. à l'ensemble des agglomérations de plus de 250.000 habitants au plus tard au 1 er janvier 1997 ;
. à l'ensemble des agglomérations comprises entre 100.000 et 250.000 habitants au 1er janvier 1998 ;
. à l'ensemble du territoire national au 1 er janvier 2000.
Il convient de préciser ce que l'on entend par « agglomération » dont le périmètre dépasse le cadre strict d'une commune ou d'une ville. Il faut se référer à la définition proposée par l'article 2 du projet de directive-cadre concernant l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant et qui entend par agglomération, une zone caractérisée par une concentration de population supérieure à 250.000 habitants ou, lorsque la concentration de population est inférieure ou égale à 250.000 habitants, une densité d'habitants au kilomètre qui justifie pour les États-membres l'évaluation et la gestion de la qualité de l'air ambiant
Il s'agit donc de définir des zones géographiques caractérisées par une certaine densité de population, au sens de l'INSEE, et il conviendrait, dans un souci de clarté, que la liste et la cartographie des agglomérations concernées par les dispositions de l'article 3 du projet de loi fussent annexées aux décrets d'application de l'article. Selon l'INSEE, on recense vingt et une agglomération de plus de 250.000 habitants et quarante et une de plus de 100.000 habitants.
On peut enfin remarquer que le projet de loi va, d'une certaine façon, plus loin que le projet de directive européenne quant à l'étendue de la surveillance de l'air. Le projet de directive ne concerne, en effet, que les seules agglomérations de plus de 250.000 habitants et celles où la concentration de population est inférieure mais où la densité de population du kilomètre carré justifie l'évaluation de la qualité de l'air.
Les quatrième et cinquième alinéas de l'article 3 du projet de loi fixent les conditions de mise en oeuvre de la surveillance de l'air. Le quatrième alinéa reconnaît à l'État, la faculté de déléguer cette surveillance au niveau régional à des organismes agréés. Une telle disposition reprend, en fait, l'article premier du décret n° 91-1122 du 25 octobre 1991 qui prévoit l'établissement de stations de mesure pour contrôler la qualité de l'air et charge des organismes agréés par le ministre de l'environnement d'assurer le fonctionnement de ces stations.
Le quatrième alinéa de l'article 3 du projet de loi précise, en outre, la composition de ces organismes qui doivent associer de façon « équilibrée » - terme qui mériterait, peut-être, une précision - des représentants de l'État, des collectivités territoriales, des représentants des secteurs économiques responsables des émissions de substances polluantes surveillées, des associations agréées de protection de l'environnement et, le cas échéant, des personnalités qualifiées. Ce schéma s'appuie sur l'organisation des structures existantes, qui sont des associations de droit privé auxquelles est déléguée une mission de service public. On peut rappeler qu'on recense, à l'heure actuelle, trente associations de surveillance agréées, d'une part, au titre de l'article 2 du décret n° 74-415 du 13 mai 1974 relatif au contrôle des émissions polluantes modifié par le décret n° 91-l 122 du 25 octobre 1991 qui fixe des obligations à respecter en ce qui concerne les méthodes de mesure et, d'autre part, au titre du décret n° 90-389 du 11 mai 1990 instituant une taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique et qui leur donne droit à bénéficier de financements issus de ladite taxe.
Ces associations regroupent, selon les informations fournies à votre rapporteur, l'ensemble des partenaires locaux intéressés à la gestion de l'air : des représentants des collectivités territoriales, des industriels, des administrations et des associations de protection de l'environnement et des personnalités qualifiées, avec une forte représentation des industriels.
NOMBRE MOYEN D'ADHÉRENTS PAR COLLÈGE
POUR TRENTE ASSOCIATIONS
Collège |
État |
région/villes Départements |
Industriels |
Associations |
Autres membres |
Nombre moyen d'adhérents |
4 |
7 |
13 |
2 |
2 |
Source : « La surveillance de la qualité de l'air » par M. Philippe Richert, sénateur
Votre rapporteur adhère au dispositif proposé, tout en s'interrogeant sur les conséquences éventuelles de l'affirmation de la compétence de l'État pour la surveillance de l'air. En effet, le projet de loi ne reconnaît pas une compétence partagée avec les collectivités territoriales, alors que beaucoup se sont, de fait, investies financièrement dans le fonctionnement des réseaux de mesure.
Comme l'a affirmé à plusieurs reprises, le ministre de l'environnement, notamment lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le 23 avril 1996, le Gouvernement n'a pas souhaité introduire d'obligations financières à la charge des collectivités locales. Il compte, pour que leur participation au financement des réseaux de mesure se poursuive, sur la négociation des différents partenaires locaux, sur un équilibre au sein des associations et sur la volonté des collectivités locales de s'engager financièrement. Mais, compte tenu du choix apparemment « jacobin » - pour certains commentateurs - fait par le Gouvernement, ne peut-on craindre à l'avenir que les collectivités locales ne refusent de s'engager, voire même se désengagent, alors même que les besoins financiers de ces réseaux seront plus importants.
Enfin, l'article 3 du projet de loi précise que les modalités de surveillance sont adaptées aux besoins de chaque zone, ce qui, dans la pratique, pourrait permettre de ne pas équiper de la même manière les zones les plus urbanisées et les zones rurales. Le dernier alinéa de l'article 3 dispose que sont soumis à agrément les matériels de mesure, et les laboratoires effectuant les analyses et les contrôles ; il reprend, en les précisant, les dispositions de l'article 2 du décret n° 91-1122du 13 mai 1974 sur le contrôle des émissions polluantes modifié par le décret du 25 octobre 1991.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3, sous réserve d'un amendement confirmant le rôle de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et d'un amendement précisant que l'État conserve la responsabilité des mesures à prendre en matière de surveillance de l'air, tout en confiant la mise en oeuvre de cette surveillance à des organismes agréés.