EXAMEN DES ARTICLES
Article premier - Réforme des conditions de libération et d'affectation du « quota » de taxe d'apprentissage - (Art. L. 118-1, L. 118-2, L. 118-2-2 nouveau, L. 118-3 et L. 118-5 du code du travail)
Le Sénat, lors de la première lecture, avait modifié les paragraphes II et III de cet article, adoptant conformes les autres paragraphes.
L'Assemblée nationale, en deuxième lecture, a de nouveau modifié ces paragraphes ; cependant, alors qu'elle revenait à sa propre rédaction pour le II, elle a repris la version du Sénat pour le III, sous réserve d'une simple modification rédactionnelle.
Les dispositions du paragraphe II encore en discussion visent à obliger les entreprises à verser un concours financier aux centres de formation d'apprentis (CFA) et aux sections d'apprentissage qui reçoivent leurs apprentis. Le lien ainsi institué entre l'entreprise et le CFA vise à assurer un financement certain à ce dernier. Il devrait en outre contribuer à renforcer le dialogue entre l'entreprise et le centre de formation.
En première lecture l'Assemblée nationale avait adopté un amendement afin de préciser que le versement de l'entreprise s'effectuait par le biais de ses établissements. La portée juridique d'une telle disposition n'apparaissant pas clairement, puisque la taxe est calculée et versée par l'entreprise, donc au niveau du siège social, et alors qu'elle constitue une source de complexité comptable et administrative supplémentaire, le Sénat, avec l'approbation du Gouvernement, avait supprimé cette disposition.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, malgré les doutes exprimés par le rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et par le ministre, a rétabli cette obligation de transit par les établissements. Dans l'esprit des auteurs de l'amendement, il semble qu'il y ait le désir de donner indirectement à la taxe d'apprentissage une assise locale, alors que cette dernière est un impôt d'État. Or, il n'est pas question de revenir sur le statut de la taxe d'apprentissage. Pour cette raison, votre commission des Affaires sociales ne peut suivre les auteurs de l'amendement. Elle proposera néanmoins, dans un souci de conciliation, une voie moyenne rendue possible -et d'ailleurs nécessaire- par un deuxième amendement adopté sur ce dispositif par l'Assemblée nationale.
Celle-ci a en effet inséré dans le texte une disposition permettant aux entreprises de confier aux organismes collecteurs de la taxe mentionnés à l'article L. 119-1-1 du code du travail, le soin de verser en leur nom la contribution financière aux CFA. Cette possibilité reprend en fait ce qui se fait actuellement. Votre commission considère donc qu'il s'agit d'une précision opportune, car elle permet d'alléger la tâche des entreprises, et vous invite à la retenir. Néanmoins, le rétablissement de l'obligation de transit par les établissements et la faculté de confier aux organismes collecteurs le mandat de verser la contribution recèlent une légère contradiction, car l'un est exclusif de l'autre dans la mesure où il n'existe pas de lien financier entre l'établissement et l'organisme collecteur. Il s'agit en fait des deux branches d'une même alternative. C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement de coordination rédactionnelle, de telle sorte que l'entreprise puisse verser sa contribution directement, ou par le biais de ses établissements, ou encore par l'intermédiaire d'un organisme collecteur. Ainsi, aucune obligation juridique nouvelle n'est créée et il appartiendra à l'entreprise de faire ce qui lui conviendra le mieux.
L'Assemblée nationale a en outre opportunément précisé, à l'initiative du rapporteur, que le montant minimum du concours de l'entreprise était déterminé par apprenti, ce qui rend plus explicite la logique du dispositif.
Par ailleurs, alors que le rétablissement de l'exception consentie en faveur des écoles d'entreprise était de nouveau proposé, l'Assemblée nationale a réexaminé la question du financement de ces écoles. Il a été affirmé, comme cela avait été dit au Sénat par votre rapporteur et par le ministre, que ces écoles continuaient à pouvoir percevoir des financements au titre du « quota » apprentissage. L'article L. 118-2-1 du code du travail n'est en effet pas modifié par le projet de loi. Finalement, il a été admis par ses auteurs que l'amendement tendant au rétablissement de l'exception aurait pour conséquence de permettre aux entreprises de s'exonérer du versement de leur contribution aux CFA, ce qui leur est apparu « dangereux », tout en étant inutile puisque le financement des écoles d'entreprise n'était pas menacé. En conséquence, l'amendement a été retiré, ce dont se félicite votre commission.
Le paragraphe III insère dans le code du travail un article L. 118-2-2 afin d'instituer un double système de péréquation des ressources tirées de la taxe d'apprentissage, dans le but de résorber les inégalités entre régions et entre CFA.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article sur le fond, se contentant d'adopter un amendement rédactionnel au premier alinéa. Le dispositif, tel qu'il résulte du texte adopté par le Sénat, est donc le suivant.
Une péréquation nationale obligatoire est instituée au niveau national entre les régions : pour cela une fraction de la taxe d'apprentissage (comprise entre 10 % et 20 % du « quota », cf. les déclarations du ministre au Sénat) est versée au Trésor public -en fait à un compte d'affectation spéciale devant être créé par une loi de finances- en vue de sa redistribution, après consultation du Comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue, aux fonds régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue. Les conditions de cette redistribution seront déterminées par une loi de finances.
Une seconde péréquation est instituée au sein de chaque région : elle est financée par les surplus de taxe reçus par les CFA, également reversés aux fonds régionaux. Les ressources des CFA au titre de la taxe d'apprentissage ne peuvent en effet être supérieures à un maximum calculé en fonction du nombre d'apprentis inscrits dans les centres et d'un barème de coût par niveau et par type de formation fixé par arrêté interministériel après avis du Comité de coordination. Bénéficieront de cette redistribution intra-régionale les CFA dont les ressources sont inférieures à un minimum fixé par décret après avis du Comité de coordination.
Les modalités d'application de ces deux dispositifs seront fixées par un décret en Conseil d'État.
Il résulte de cet article que plusieurs dispositions importantes devront être réglées soit par une loi de finances, soit par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 119-4 du code du travail. Or, il est évident que les résultats de la double péréquation seront largement affectés par les décisions prises dans ce cadre. C'est pourquoi votre commission souhaite, dans cette perspective, formuler deux observations.
La première concerne le financement des actions de portée générale intéressant l'apprentissage (cf. art. 82 § I de la loi du 7 janvier 1983) : ces actions bénéficient, notamment lorsqu'elles ont été déclarées prioritaires, de financements de l'État. Afin d'assurer une meilleure synergie entre les actions financées par l'État et les initiatives que pourraient prendre les organisations d'employeurs intéressées par l'apprentissage, notamment les chambres consulaires, il serait sans doute souhaitable d'affecter une part des prélèvements opérés au titre de la péréquation nationale à ces actions de portée générale, permettant ainsi, en concertation avec les régions -ce qui justifie l'affectation des crédits aux fonds régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue-, de financer les CFA à recrutement national ou interrégional. Il reviendrait donc à la loi de finances prévue par le premier alinéa de l'article d'en déterminer les conditions.
La seconde observation porte sur les conditions d'imputation des concours versés aux CFA au titre de l'article L. 118-2. Le « quota » apprentissage défini à l'article L. 118-3 se divise en effet en deux parties : la fraction consacrée à la péréquation nationale et le reste. Il conviendra donc que le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 119-4 dise sur laquelle de ces deux parties s'imputent les concours. Pour votre commission, il est évident que ceux-ci doivent s'imputer sur la partie du « quota » non affectée à la péréquation nationale. A défaut, en effet, celle ci risquerait de ne plus avoir de sens.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.