EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article premier - Suppression de l'obligation d'emploi intermédiaire des Codevi en valeurs mobilières
Commentaire : Le présent article tend à supprimer, dans l'article 5 de la loi de 1983, l'obligation d'employer les fonds déposés sur les Codevi en valeurs mobilières afin de permettre leur emploi direct sous forme de prêts.
Le rapport de la mission sénatoriale de mai 1995 avait mis en évidence le caractère archaïque, compliqué et assez largement fictif de l'obligation d'emploi des Codevi en valeurs mobilières.
Cette contrainte provenait d'une hésitation sur la nature des livrets lors de l'adoption de la loi (voir ci-après le commentaire de l'article premier).
Par ailleurs, l'emploi des fonds en "obligations Codevi" n'a guère de sens dès lors que chaque collecteur est également l'utilisateur final des fonds déposés chez lui.
Il convient donc de prévoir que les fonds déposés sur les Codevi peuvent être directement employés sous forme de prêts aux entreprises.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.
Article premier - Accès des collectivités locales aux prêts distribués à partir des dépôts Codevi
Commentaire : cet article a pour objet d'étendre les emplois des valeurs mobilières déposées sur les Codevi au financement des dépenses d'équipement des collectivités locales destinées à favoriser l'activité et l'implantation des petites et moyennes entreprises.
I. LE DISPOSITIF ACTUEL
Le dispositif légal enserrant l'emploi des CODEVI est, par contraste, avec le dispositif réglementaire, assez réduit puisqu'il tient en trois articles de la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle.
L'article 5 de cette loi autorise l'exonération d'impôt sur le revenu pour les contribuables qui ouvrent un compte pour le développement industriel "à raison du produit des placements en valeurs mobilières effectués sur ce compte".
L'article 7 de cette même loi prévoit que : "les valeurs mobilières visées à l'article 5 sont celles servant au financement de l'industrie française et entrant dans des catégories fixées par décret"
En réalité, la notion de "valeurs mobilières" est totalement inadéquate pour décrire les fonds déposés sur les Codevi, qui sont de simples actifs monétaires, recensés par la Banque de France dans l'agrégat M2 - M1.
Cette notion est en quelque sorte une scorie historique et tient au fait qu'au moment de la mise en place des Codevi, le ministre alors en charge de l'économie, M. Jacques Delors, n'était pas en mesure de dire s'il convenait de mettre en place un compte sur livret, un compte d'épargne ou simultanément les deux solutions ( ( * )1) .
Ces valeurs mobilières sont de trois sortes :
- les "titres de développement industriel" (TDI), émis par la Caisse des Dépôts et Consignations. Ces titres ont une valeur nominale de 100.000 F et sont émis au pair. Ils portent un intérêt annuel, dont le taux, actuellement de 6 % est révisable et égal à la somme du taux d'intérêt du livret A et d'un second taux fixé par décision du ministre de l'économie. La contrainte d'emploi en TDI est de 6,5 % pour le système bancaire généraliste et le Crédit mutuel, 50 % pour les caisses d'épargne et 100 % pour les comptables du Trésor et La Poste.
- les "obligations Codevi", émises par les établissements collecteurs en représentation de leur collecte et susceptibles d'être rétrocédées à d'autres établissements collecteurs à condition qu'ils aient passé convention avec la Caisse des dépôts. C'est le produit de ces obligations qui permet d'assurer le financement des prêts bancaires aux entreprises, emplois finaux des Codevi. La contrainte d'emploi dans ce type d'obligations et de 86,5 % au moins (89' % au plus) pour les banques et pour le Crédit mutuel et 43 % pour les Caisses d'épargne.
- les fonds en instance d'emploi placés en liquidités dans une proportion égale à 4,5 % au moins et à 7 % au plus de l'actif total. Cette contrainte de liquidité est destinée à permettre aux organismes collecteurs de faire face aux demandes de retrait des épargnants. Les proportions sont les mêmes pour tous les réseaux (à l'exception du Trésor public et de La Poste, dont la Caisse des dépôts assure la liquidité).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale prévoit que les valeurs mobilières inscrites sur les Codevi puissent également permettre, sous conditions, "le financement des dépenses d'équipement des collectivités locales ou de leurs groupements, lorsque ces dépenses sont destinées à favoriser l'activité et l'implantation de petites et moyennes entreprises."
A l'initiative du Gouvernement, l'application de ce dispositif dans le temps a été limité jusqu'au 31 décembre 1996. On peut également observer que, formellement, le caractère exceptionnel de cette mesure a été renforcé par le fait qu'il doit s'entendre "par dérogation" au dispositif normal destiné au financement des PME- PMI.
Par ailleurs, les sommes ainsi dégagées au profit de l'investissement des collectivités locales sont limitées à "10 % de l'encours des comptes visés à l'article 5", c'est à dire 10 % de l'encours global des Codevi. Cette somme représente environ 17 milliards de francs.
Les critères d'éligibilité des prêts qui seront ainsi accordés aux collectivités locales ou à leurs groupements sont, actuellement, au nombre de deux.
Il doit s'agir, tout d'abord, de dépenses d'équipement, par opposition aux dépenses de fonctionnement. Cette condition entre dans des schémas bien connus de la comptabilité publique et n'appelle pas de commentaires particuliers.
Ces dépenses doivent ensuite être destinées à "favoriser l'activité et l'implantation de petites et moyennes entreprises".
Deux remarques s'imposent à ce sujet.
Grammaticalement, l'utilisation de la conjonction de coordination "et" laisse penser qu'il s'agit d'une condition cumulative et non alternative : activité et implantation. Néanmoins, les travaux préparatoires de la proposition de loi à l'Assemblée nationale conduisent à une interprétation radicalement opposée (Cf. Rapport Assemblée nationale n° 2370 p.30.)
Ces mêmes travaux préparatoires font ressortir l'idée que les dépenses destinées à assurer "l'activité" des PME devraient être réalisées par des PME, alors que celles destinées à assurer "le développement" pourraient être effectuées par de grands groupes ou leurs filiales.
Enfin, la proposition de loi prévoit l'intervention d'un décret simple pour fixer toutes autres conditions qui s'avéreraient nécessaires. Il résulte aussi bien des travaux de l'Assemblée nationale que des informations fournies à votre rapporteur, que le Gouvernement envisage, notamment, un plafonnement par commune compris entre 1 et 2 millions de francs ( ( * )1) .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission des finances vous propose de préciser les conditions d'application du présent article sur plusieurs points.
En premier lieu, elle vous suggère, par coordination avec l'article additionnel qu'elle vous propose d'insérer avant l'article premier, de remplacer dans l'article 7 de la loi de 1983, la notion de "valeurs mobilières" par celle de " dépôts ". A cette occasion, votre commission vous propose également de modifier l'objectif initial des Codevi qui était de permettre le "financement de l'industrie française" , afin de mettre le droit en accord avec la pratique. En effet, depuis la disparition du Fonds Industriel de Modernisation (FIM) cette référence très large n'a plus de raison d'être. Aussi, il 1 vous est proposé de faire référence désormais au "financement des petites et moyennes entreprises" qui est bien l'objectif premier des Codevi.
En second lieu, votre commission vous propose d'apporter au dispositif concernant l'extension des emplois des Codevi les précisions suivantes :
- apprécier la limite de 10 % des encours qui pourront être distribués sous forme de prêts aux collectivités locales, établissement par établissement et non pas globalement. Un suivi global serait du reste inopérant et impossible à suivre réglementairement. Ce changement n'est d'aucun effet sur le montant global de l'enveloppe ;
- préciser que les dépenses d'équipement des collectivités locales, destinées à être financées sur fonds Codevi, doivent être des dépenses nouvelles. Il s'agit d'éviter que les ressources soient affectées au refinancement d'investissements déjà existants ;
- enfin, préciser que ces dépenses doivent servir à favoriser "le développement ou l'implantation" des petites et moyennes entreprises. Il s'agit d'une part, de lever toute ambiguïté sur la capacité des collectivités locales de contracter avec des grandes entreprises et donc d'éviter tout risque de conflit de droit avec le code des marchés publics et d'autre part, il s'agit de faciliter le développement du tissu de PME locales et non d'autoriser les collectivités locales à soutenir l'activité de ces PME dans n'importe quelles conditions.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 2 - Obligation d'information sur l'utilisation des fonds issus des Codevi
Commentaire : Le présent article crée une obligation légale d'information annuelle des déposants sur les emplois des comptes pour le développement industriel.
Un des dysfonctionnements importants mis en évidence au mois de mai dernier par notre collègue Paul Loridant et votre rapporteur est l'absence de transparence dans l'utilisation des fonds déposés sur les Codevi.
Le présent article ne figurait pas dans la proposition de loi déposée le 7 mars 1995 par M. Alain Gest et plusieurs de ses collègues. Il apparaît donc comme une tentative de satisfaire l'une des préoccupations de la commission des finances du Sénat. Il a en effet été inséré par la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur proposition de M. Gest, lors de sa séance du 16 novembre 1995.
Le dispositif ainsi proposé ne fait que reprendre un texte existant, de niveau réglementaire. Il s'agit du paragraphe V du règlement de gestion collective, applicable aux fonds déposés sur les Codevi, approuvé par (et annexé à) l'arrêté du 29 novembre 1983 ( ( * )1) . Le présent article ne présente que deux petites différences de fond par rapport à cet arrêté :
- il ne fait pas allusion aux valeurs mobilières qui sont censées servir d'emploi intermédiaire entre les dépôts et les prêts aux entreprises ;
- il ajoute les financements des collectivités locales parmi des emplois sur lesquels l'information doit porter.
Bien qu'étant issue d'un arrêté ministériel, en principe destiné à une application immédiate, cette disposition ne semble pas avoir reçu en douze ans de début de mise en oeuvre. Une instruction de la direction du Trésor établissant l'ensemble des données à communiquer aurait dû pourtant suffire.
Établir ce dispositif à un niveau supérieur dans la hiérarchie des normes ne saurait à lui seul donner des garanties d'efficacité.
On peut cependant espérer que cette solennité accrue conduise le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, à faire diligence pour donner corps à cette disposition.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article additionnel après l'article 2 - Contrôle de la commission bancaire
Commentaire : Le présent article additionnel a pour objet de confier le contrôle des opérations relatives aux Codevi, à la commission bancaire. En outre, le ministre de l'économie aurait compétence liée pour mettre fin aux infractions constatées.
La mission d'information sénatoriale a constaté que les emplois des Codevi font l'objet d'un contrôle "déficient" et de "sanctions inexistantes". Ces défaillances sont en grande partie à l'origine du non respect de la réglementation.
Aussi, la mission a-t-elle fait deux propositions connexes :
- confier le contrôle des emplois des Codevi à la commission bancaire ;
- lier la compétence du ministre de l'économie aux constats de la commission dans le prononcé des sanctions.
La commission bancaire est l'organe le plus à même d'effectuer ces contrôles qui peuvent s'insérer sans difficultés au sein des missions qu'elle effectue par ailleurs. Cette surveillance peut se faire dans le respect du secret bancaire, puisque la commission ne serait pas tenue de transmettre des informations nominatives concernant les utilisateurs des Codevi.
Le ministre, en situation de compétence liée pour prononcer les sanctions, disposerait d'un pouvoir discrétionnaire pour choisir les sanctions appropriées. Ces. sanctions, qui seront fixées par décret en Conseil d'État, pourraient prendre la forme d'une centralisation plus importante auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.
Article additionnel après l'article 2 - Avis du Conseil de la politique monétaire sur la détermination des taux d'intérêt de l'épargne administrée
Commentaire : Le présent article additionnel a pour objet d'instituer un avis semestriel public du Conseil de la politique monétaire sur le niveau des taux d'intérêt de l'épargne administrée.
La mission d'information sénatoriale avait constaté que la "non gestion" des taux de rémunération de l'épargne administrée était la cause principale des dysfonctionnements dont souffraient les Codevi.
Elle avait donc proposé d'instituer un avis semestriel public du Conseil de la politique monétaire quant à la détermination de ces taux qui régissent l'évolution de près de 40 % de l'agrégat monétaire M2 et celle du quart de l'agrégat M3, rendant ainsi difficile la conduite de la politique monétaire.
Tout a montré depuis la pertinence de cette analyse.
Votre commission des finances, fidèle à ses positions, vous propose donc d'associer le Conseil de la politique monétaire à la fixation de ces taux.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
Commentaire : Votre commission vous propose, par coordination avec l'amendement à l'article premier, de modifier l'intitulé de la proposition de loi afin de préciser que les prêts, accordés aux collectivités locales et à leurs groupements sur fonds Codevi, doivent servir à favoriser le développement ou l'implantation des petites et moyennes entreprises.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet amendement.
Au bénéfice de ses observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter la présente proposition de loi.
* (1) "Nous envisageons deux formules pour mettre en place ce compte pour le développement industriel et nous offrirons simultanément les deux, peut-être, aux épargnants.
" L'une est très simple. Elle s'apparente au livret A des caisses d'épargne. Son taux d'intérêt serait le même ; l'argent pourrait être retiré à vue, mais, par un système qui ne nuirait en rien à la hiérarchie des taux de placement, cet argent permettrait de souscrire des obligations qui figureraient dans les comptes des banques en contrepartie de leurs engagements à long terme.
"L'autre formule consiste à se rapprocher davantage d'un compte d'épargne en obligations. A ce moment-là, la rémunération est plus importante et la garantie du capital n'est pas assurée. On a alors intérêts à se rapprocher d'un système de Sicav.
"Vous serez peut-être étonnés qu'aujourd'hui encore, je vous présente les deux systèmes sans vous dire si le Gouvernement a choisi l'un ou l'autre. C'est parce que, pour qu'un produit d'épargne nouveau rencontre un succès réel, il faut mobiliser l'ensemble du système financier à son service". Journal Officiel Assemblée nationale 3 ème séance du 16 juin 1983, p. 2672.
* (1) Journal Officiel Assemblée nationale 2 eme séance du 23 novembre 1996, p. 4093 .
* (1) Le texte de ce paragraphe est le suivant :
"V. - Une fois par an, l'établissement met à la disposition des titulaires une information écrite sur les valeurs acquises dans le cadre de la gestion collective et sur les concours financiers en faveur de l'équipement industriel accordés à l'aide des fonds collectés par les établissements ayant émis ces valeurs".