Rapport n° 169 (1995-1996) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 janvier 1996

Disponible au format Acrobat (1,8 Moctet)

Tableau comparatif au format Acrobat (147 Koctets)

N° 169

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès verbal de la séance du 17 janvier 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , tendant à étendre aux collectivités locales et à leurs groupements l' accès aux prêts distribués à partir des fonds établis par les Codevi et à créer une obligation d' information sur l'utilisation de ces fonds,

Par M. Philippe MARINI.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 1956. 2370 et T.A. 418

Sénat : 95 (1995-1996)

Collectivités locales.

INTRODUCTION

La proposition de loi soumise à notre examen résulte d'une initiative de Monsieur Alain Gest, député, et de plusieurs de ses collègues. Elle a été rapportée par la commission des finances et adoptée par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 23 novembre 1995.

Elle a pour objet de renforcer les capacités d'investissement des collectivités locales et de leurs groupements, en allégeant leur contrainte de financement, et ambitionne ce faisant de développer la demande adressée aux petites et moyennes entreprises par une augmentation de la commande publique locale. Elle s'inscrit dans une démarche pragmatique destinée à favoriser l'emploi, en considérant que les " dépenses locales font les emplois des PME locales, notamment des secteurs du bâtiment et des travaux Publics " ( ( * )1) .

Cette proposition de loi a été incorporée par le Gouvernement dans le cadre plus vaste du " plan P.M.E. pour la France ", rendu public par le Premier ministre le 28 novembre dernier, sous la rubrique intitulée : " Permettre de conquérir de nouveaux marchés - Marchés Publics ".

Elle intervient dans un contexte de relative abondance des ressources Codevi, mis en évidence par la mission d'information sénatoriale chargée d'étudier ce problème dans un rapport d'information publié en mai dernier et intitulé : " les Codev i : nécessaire remise en ordre " ( ( * )2) . Ce phénomène s'est encore accentué depuis lors en raison de la diminution des taux d'intérêt à court terme et de l'attrait corrélatif des produits d'épargne administrée.

Le dispositif proposé apparaît néanmoins modeste et davantage destiné à répondre aux préoccupations des professionnels du bâtiment qu'à desserrer la contrainte financière des collectivités locales.

Son efficacité dépend en grande partie des conditions de mise en oeuvre qui seront retenues par le Gouvernement et plus encore de la gestion d'ensemble des Codevi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I UN DISPOSITIF MODESTE, QUI RÉPOND DAVANTAGE AUX PRÉOCCUPATIONS DES PROFESSIONNELS QU'À CELLES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

A. UN DISPOSITIF MODESTE...

Le dispositif proposé comporte deux éléments nouveaux dans la législation applicable aux Codevi : l'extension limitée des emplois aux collectivités locales ; une obligation générale d'information au profit des détenteurs de compte, à la charge des établissements de crédit.

1. Une extension limitée

L'article premier de la présente proposition ouvre la possibilité aux établissements de crédit de prêter aux collectivités locales et à tous leurs groupements sur des fonds Codevi, c'est à dire à des conditions théoriquement privilégiées. Toutefois, cette extension comporte une triple limitation.

a) Limitation dans le temps

L'extension n'est valable que jusqu'au 31 décembre 1996.

b) Limitation de l'encours

La masse financière qui pourra être affectée au financement des collectivités locales ne pourra dépasser 10 % de l'encours global des Codevi, ce qui représente une enveloppe comprise entre 18 et 20 milliards de francs.

c) Limitation du champ d'application

Enfin, les dépenses financées doivent répondre simultanément à deux critères

Il doit s'agir de dépenses d'équipement des collectivités locales ou de leurs groupements.

Ces dépenses doivent être " destinées à favoriser l'activité et l'implantation des petites et moyennes entreprises " .

Toutefois, il est prévu qu'un texte réglementaire précise et complète ces conditions, notamment en ce qui concerne le montant maximum des prêts susceptibles d'être accordés aux collectivités locales, qui pourrait être limité à 1 ou 2 millions de francs.

2. Une obligation générale d'information des détenteurs du Codevi

L'article 2 de la présente proposition crée une obligation légale d'information annuelle des titulaires de Codevi sur les emplois effectués avec les fonds déposés, à la charge des établissements collecteurs.

Cette disposition, insérée par la commission des finances de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, M. Alain Gest, apporte un commencement de réponse au manque de transparence de l'utilisation des fonds Codevi. Ce défaut, difficilement admissible s'agissant d'un produit bénéficiant d'une dépense fiscale et dont la rémunération ne dépend pas de la performance, avait été souligné par votre commission dans ses travaux précités.

Il convient d'observer que le rapporteur de l'Assemblée nationale a regretté ne détenir comme éléments chiffrés que ceux contenus dans le rapport précité. Ceci tend à montrer que l'on ne s'est guère empressé de résoudre ce problème en dépit de la mise en place d'un groupe de travail de la direction du Trésor sur la modernisation de l'appareil statistique au début de 1995.

Cette absence de progrès significatif est de nature à justifier que le législateur évoque cette question en proposant de légaliser une disposition d'ordre réglementaire, qui n'est pas appliquée (voir commentaire de l'article 2).

B. UN DISPOSITIF QUI RÉPOND DAVANTAGE AUX PRÉOCCUPATIONS DES PROFESSIONNELS DES TRAVAUX PUBLICS QU'À CELLES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le dispositif proposé apparaît empreint d'une certaine ambiguïté Comme son titre l'indique, il vise à desserrer la contrainte financière des collectivités locales. Mais son ambition de favoriser les PME est tout aussi manifeste et c'est à ce titre qu'il a été incorporé dans le plan du Gouvernement en faveur des PME.

Or il est important de préciser, afin d'éclairer les débats parlementaires à venir, que la présente proposition ne répond en aucun cas à la demande des collectivités locales, et ne saurait, du moins tant que les taux d'intérêt à court terme et le niveau de rémunération de l'épargne administrée se situeront à leurs niveaux actuels, être assimilée à une véritable mesure en leur faveur.

Il s'agit en réalité d'une revendication, déjà ancienne, de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), censée apporter un remède aux difficultés des entreprises de ce secteur.

1. Une mesure qui, dans la situation actuelle, répond mal aux attentes des collectivités locales

Pour les collectivités locales, le principal intérêt du dispositif réside dans la mise à leur disposition, par le système bancaire, d'une enveloppe de l'ordre de 18 milliards de francs de crédits, à des taux théoriquement privilégiés.

Il est ainsi censé permettre un desserrement de la contrainte de financement des collectivités locales.

Comme le montre le tableau ci-après, les collectivités locales ont investi en 1994, environ 137 milliards de francs d'équipement brut, hors remboursement de dettes.

Toutefois, la pertinence du dispositif proposé doit s'apprécier non pas à l'aune de ce volume global, mais à celle du flux d'investissement annuel financé par emprunt correspondant aux dépenses d'équipement visées par la présente proposition de loi.

A cet égard, le volume total des financements par emprunt aux collectivités locales aurait été en 1995, selon les informations dont dispose votre rapporteur, de l'ordre de 70 - 75 milliards de francs, contre 90 milliards en 1994 ; cette baisse s'expliquant en grande partie par des considérations d'ordre électoral.

Or, d'après les calculs effectués par le Crédit local de France, le dispositif proposé pourrait aboutir à la mise à disposition des collectivités locales d'un montant compris entre 10 et 20 milliards de francs de financements sur fonds Codevi, selon que le plafond des prêts par collectivité sera de 1 ou 2 millions de francs.

Il s'agit donc d'une enveloppe relativement significative en égard au montant des investissements financés par emprunt par les collectivités locales et leurs groupements.

Néanmoins, ce dispositif a perdu beaucoup de son intérêt entre le moment de la rédaction de la proposition de loi et maintenant, compte tenu de l'évolution récente des taux d'intérêt, en particulier ceux à court terme.

En effet, d'après les informations dont dispose votre rapporteur, les collectivités locales ont la possibilité d'emprunter à 5 ans, à taux fixe, à des taux compris entre 6,20 et 6,30 %, pour les meilleurs emprunteurs. A taux variable, les conditions de forte concurrence prévalant sur le segment des financements aux collectivités locales font que celles-ci peuvent emprunter à PIBOR ( ( * )1) plus 50 centimes voire, dans certains cas, PIBOR plus 30 centimes, ce qui représente, actuellement, des taux compris en dessous de 6 %.

Or, s'agissant de financements Codevi, le taux de sortie est assez facile à déterminer : il est composé de la rémunération payée aux déposants, soit actuellement 4,5 % ; des coûts de collecte que l'on peut estimer, en moyenne, aux environs de 1,5 % et enfin de la marge bénéficiaire, qui s'agissant de collectivités publiques, est réduite à 0,3 - 0,5 % compte tenu de la forte concurrence sur ce marché et de la faiblesse des risques de signature.

Au total, les financements accordés aux collectivités locales et à leurs groupements sur ressources Codevi ne pourront s'établir à moins de 6,30 - 6,50 %, soit des conditions supérieures, ou au mieux égales, aux conditions de marché.

Sauf à diminuer les taux de rémunération de l'épargne administrée, ou à ce qu'une remontée des taux d'intérêt à court terme ne se produise, l'efficacité actuelle du dispositif proposé apparaît pour le moins douteuse.

C'est pourquoi, dans les conditions prévalant actuellement, on ne peut considérer ce dispositif comme un avantage consenti aux collectivités locales, ni comme une compensation, même partielle, à la réduction en termes réels des dotations de l'État aux collectivités locales décidées dans la loi de finances pour 1996, à savoir la suppression de la première part de dotation globale d'équipement pour les communes les plus peuplées et la réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Au demeurant, et sans tenir compte des montants en cause ( ( * )2) , aucune comparaison n'est possible entre une réduction de dotations de l'État et la mise à disposition de Possibilités de tirages sur des enveloppes de crédit. On ne peut en effet compenser une perte de recettes par un surcroît d'emprunts, fussent ils à taux privilégié, et a fortiori s'ils sont aux conditions du marché ou très proches de lui.

2. Une mesure destinée principalement aux entreprises

En revanche, du point de vue des entreprises, l'effet est plus certain : il sera à la fois direct et indirect.

L'effet direct résultera de l'augmentation de la commande publique . Il profitera aux entreprises chargées de réaliser les travaux d'équipement. Comme ceux-ci devraient, en principe, porter sur les infrastructures mises en place par les collectivités pour accueillir ou développer l'activité des entreprises - construction ou réfection de voirie, adductions d'eau, assainissement, constructions ou réparations de bâtiments d'accueil, viabilisation de zones industrielles ou artisanales... - ce sont essentiellement les entreprises de travaux publics qui en bénéficieront.

Il s'agit là d'un phénomène de transmission des effets de la politique budgétaire locale bien connu et dont les effets sont faciles à prévoir puisque le chiffre d'affaires des entreprises de travaux publics dépend en grande partie des commandes des collectivités territoriales. Permettre d'accroître ces commandes, c'est espérer développer le chiffre d'affaires de ces entreprises. A elles seules, les communes représentent 34 milliards de francs de dépenses, soit 24 % du chiffre d'affaires des entreprises de travaux publics.

De ce point de vue, l'adoption de ce dispositif permettrait aux entreprises bénéficiaires de substituer, dans une certaine mesure, des possibilités d'emprunt à des taux qui ne sont plus vraiment privilégiés, contre des commandes fermes de la part des collectivités locales.

Répartition du chiffre d'affaires des travaux publics

Secteur privé 30 %

Communes 24 %

Départements 11 %

État 8 %

RATP-SNCF 7 %

EDF-GDF 7 %

Autres entreprises publiques 7 %

Régions 3 %

Autres collectivités locales 3 %

Source : FNTP

L'effet indirect jouera au profit des entreprises bénéficiaires de l'amélioration des infrastructures, qu'elles soient déjà installées ou qu'elles cherchent à le faire. Cet effet profitera non seulement au BTP mais à tous les secteurs de l'économie. Toutefois, il n'est pas possible de dire dans quelle mesure il bénéficiera spécifiquement aux PME. En effet, l'amélioration des infrastructures d'un centre ville piétonnier (construction de parkings par exemple) devrait essentiellement bénéficier aux PME commerciales, et aux entreprises de services (banques, assurances...), mais en revanche, la viabilisation d'une zone d'activité ou la construction d'un centre de congrès est susceptible de bénéficier aussi bien à de grandes entreprises qu'à des petites.

Les entreprises de travaux publics devraient donc être les principales bénéficiaires du dispositif proposé, essentiellement du fait de l'augmentation de la demande qui leur sera adressée. En revanche l'effet sur les collectivités locales est plus incertain, puisqu'il dépendra des conditions relatives à la gestion d'ensemble du mécanisme des Codevi et plus encore de la gestion des taux d'intérêt de l'épargne administrée. Dans les deux cas, l'efficacité du dispositif proposé dépend en grande partie des conditions de mise en oeuvre qui seront retenues par Gouvernement.

II. UN DISPOSITIF DONT L'EFFICACITÉ DÉPEND EN GRANDE PARTIE DES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE ET DE LA GESTION D'ENSEMBLE DU MÉCANISME DES CODEVI

A. LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DU DISPOSITIF PROPOSÉ

La présente proposition de loi ne fait que permettre la mise en place d'un nouveau dispositif de financement de l'équipement des collectivités locales. Compte tenu de l'imprécision de la loi, son efficacité est entièrement subordonnée aux mesures prises par le pouvoir réglementaire pour son application.

Par ailleurs, la mesure proposée pourrait receler certains effets pervers contre lesquels votre rapporteur souhaite effectuer une mise en garde.

1. Un dispositif imprécis ...

a) La notion de PME

La présente proposition de loi vise les petites et moyennes entreprises, mais laisse toute latitude au pouvoir réglementaire pour définir le sens de cette notion.

Votre commission des finances a déjà mis en évidence ( ( * )1) le caractère imprécis et fluctuant de la définition des PME éligibles aux prêts financés sur fonds Codevi, tant en matière de taille que de secteurs d'activité. Cette imprécision est source d'inefficacité et d'erreurs : les établissements qui souhaitent respecter strictement la réglementation thésaurisent inutilement des fonds, tandis que ceux qui s'efforcent d'ajuster ressources et emploi peuvent être amenés à commettre des infractions.

C'est la raison pour laquelle votre commission avait proposé de réduire les conditions d'éligibilité à un seul critère : un chiffre d'affaires (consolidé) de 500 MF, indépendamment du secteur d'activité ( ( * )2) .

Au moment de l'adoption de la première loi de finances rectificative pour 1995, le Gouvernement a étendu le nombre des secteurs éligibles (3) . Par analogie avec le champ d'intervention de la SOFARIS, les financements sur fonds Codevi sont désormais possibles en faveur des entreprises spécialisées dans les services à la personne ou le commerce de détail.

Mais ce n'est que dans un arrêté du 20 décembre 1995 " fixant les règles d'emploi des sommes déposées sur les comptes pour le développement industriel " ( ( * )3) , que le Gouvernement a enfin défini avec précision cette notion.

Il s'agit désormais des entreprises appartenant à un des secteurs visés dans l'arrêté et répondant aux deux critères suivants :

- réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 500 millions de francs ;

- n'étant pas détenues directement ou indirectement à plus de 50 % par des entreprises ne répondant pas à ces deux critères.

Cette définition va dans le sens des recommandations effectuées par votre commission dans le rapport précité et mérite d'être saluée.

Toutefois, les travaux préparatoires de l'Assemblée nationale ont fait apparaître que la présente proposition pourrait être l'occasion de donner une définition différente des PME bénéficiant directement des fonds Codevi et de celles susceptibles d'en bénéficier de façon indirecte ( ( * )4) .

C'est pourquoi votre commission recommande vivement, afin de ne pas obscurcir davantage une réglementation déjà " compliquée, incertaine et instable ", que les critères applicables aux PME visées par la présente proposition soient identiques à ceux des PME éligibles directement aux prêts Codevi.

La simplicité de la procédure de sélection apparaît en effet comme une condition indispensable à la réussite de l'expérience et il ne paraît pas raisonnable de vouloir lancer les collectivités locales dans les méandres d'une " réglementation " qui a souvent dérouté les grands établissements de crédit.

b) La notion de dépenses destinées à favoriser l'activité et l'implantation (des PME)

La notion de dépenses destinées à favoriser l'activité et le développement des PME est particulièrement ambiguë.

Cette ambiguïté tient, en premier lieu, au caractère cumulatif ou alternatif des critères : activité et/ou implantation.

S'il s'agit de critères cumulatifs, comme le laisse penser l'utilisation de la conjonction " et ", le champ des dépenses éligibles sera forcément réduit aux dépenses d'infrastructures destinées à assurer l'implantation et le développement des entreprises. On peut imaginer par exemple des dépenses destinées à développer le réseau routier ou le système d'assainissement des eaux d'une zone d'activité industrielle ou encore permettant d'aménager un centre ville piétonnier.

S'il s'agit en revanche de critères alternatifs, comme le laissent supposer les travaux préparatoires de l'Assemblée nationale, le terme d'" activité ", concept très large, est susceptible de déboucher sur toutes les opérations d'équipement possibles, dès lors qu'elle se traduisent par le maintien ou l'augmentation du chiffre d'affaires des PME. Ainsi, le fait pour une collectivité locale ou un groupement de passer une commande d'équipement, quelle qu'il soit, à une petite ou moyenne entreprise, par exemple l'équipement informatique d'un service administratif ou d'équipements scénique pour un théâtre, serait susceptible de bénéficier d'un financement sur fonds Codevi.

En second lieu, la question se pose de savoir s'il s'agit de dépenses destinées à des travaux réalisés par des PME ou destinées à faire effectuer des travaux à leur profit, auquel cas il ne serait pas possible d'éviter que tout ou partie des prestations ne soient confiées à des grands groupes ou à leurs filiales.

Cette question est du reste étroitement liée à la précédente.

Dans une logique de développement des infrastructures des zones d'activité, il est assez indifférent que les dépenses soient effectuées par des grandes entreprises ou par des PME . La définition même des PME ne revêt dans ce cas qu'une importance mineure, puisqu'il apparaît a priori assez difficile de distinguer, au sein d'une même zone d'activité, la part d'équipement collectif qui bénéficiera à des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions de francs.

En revanche, dans une optique que l'on pourrait qualifier de commande publique, il est important que celle-ci ne bénéficie qu'aux PME, ce qui du reste viendrait immédiatement contredire le code des marchés publics et serait générateur de contentieux et de risques nombreux pour les élus eux-mêmes.

c) Le problème de la distribution de l'enveloppe entre les réseaux

L'enveloppe utilisable pour financer des prêts Codevi aux collectivités locales est très simplement définie : il s'agit de 10 % des encours des livrets. Cet encours s'élevait à 179 milliards de francs à fin octobre 1995, et sera probablement plus élevé en janvier 1996 du fait de l'engouement actuellement observable pour les livrets défiscalisés. Le montant expérimental de prêts pourra donc être, au moins, de l'ordre de 18 milliards de francs.

Ce constat fait, les difficultés apparaissent : à quelle date circonscrire l'encours ? Comment répartir cette enveloppe entre les réseaux et sur quoi l'imputer ? Les établissements non collecteurs y auront-ils accès ? Selon quelles modalités ?

On voit ainsi que le dispositif proposé n'est pas immédiatement opérationnel et l'on pourrait très bien imaginer que le Crédit agricole ou les Caisses d'épargne s'arrogent une part dominante de l'encours distribuable, ou que tous les réseaux s'engagent dans une course qui ne s'arrêterait qu'à épuisement de l'enveloppe, les établissements les plus rapides octroyant alors davantage de crédit que les autres.

Le premier problème est celui de la définition de l'encours de Codevi servant de base au calcul. Il s'agit d'un stock qui varie tous les jours. Sera-ce l'encours au 1 er janvier 1996, tel que constaté par la Banque de France ? Sera-ce la moyenne de l'encours de 1996, qui ne sera connue qu'après achèvement de l'expérience ? Ou bien s'agira-t-il d'un encours calculé en fin de chaque mois, sur lequel il faudra ajuster l'enveloppe, ce qui pourrait présenter des difficultés si, pour des raisons improbables à ce jour, une décollecte venait à survenir.

Le plus commode serait sans doute de se fonder sur l'encours au 31 décembre 1995 ou au 31 janvier 1996, ce qui permettrait de définir aisément un plafond pour la durée de l'expérience.

Cet aspect étant clarifié, il convient de résoudre les problèmes de l'imputation comptable et de la distribution de l'enveloppe entre les réseaux ; ces deux problèmes étant connexes.

Votre rapporteur rappelle que le Codevi fait déjà l'objet de ratios réglementaires d'emplois, qui doivent être respectés par chacun des réseaux collecteurs. Les ratios en vigueur sont les suivants :

Conformément au raisonnement qui prévaut aujourd'hui, il paraît raisonnable d'appliquer les 10 % de crédits aux collectivités locales à chacun des réseaux collecteurs, ce qui permettra d'éviter les distorsions de concurrence entre eux.

Mais cela ne résout pas le problème de l'imputation, qui a une incidence sur la répartition entre réseaux distributeurs , et notamment sur le point de savoir si les non collecteurs y auront accès ou non. On peut imaginer que l'enveloppe soit entièrement imputable sur les titres du développement industriel (TDI). En ce cas, la répartition des crédits, voire leur octroi direct, pourrait être à la charge de la Caisse des dépôts et consignations. On peut, à l'inverse, imaginer que l'enveloppe soit imputable sur la fraction destinée aux prêts bancaires aux entreprises. En ce cas, chaque établissement collecteur effectuerait les prêts directement, sous réserve d'être excédentaire sur cette fraction, et il pourrait ne pas y avoir de redistribution entre établissements.

Dans tous les cas, l'objectif doit être de ne pas affecter les conditions actuelles de la concurrence entre établissements vis-à-vis du crédit aux collectivités locales.

Il ne s'agit pas de figer les parts de marché entre établissements, mais il ne s'agit pas non plus d'orienter leur évolution dans un sens ou dans un autre. Si l'on souhaite que l'expérience soit réussie, il est nécessaire que les établissements puissent y participer en fonction de leurs compétences dans le crédit aux collectivités locales et non pas en fonction de leur volume de collecte de Codevi. Or, ces deux données se recoupent très mal. Comme en matière de crédit aux PME, de nombreux établissements très expérimentés dans le crédit aux collectivités locales ne sont pas collecteurs de Codevi et notamment le Crédit local de France et le Crédit foncier de France.

Si cet objectif n'est pas poursuivi, on observera le même phénomène qu'en matière de prêts bancaires aux entreprises : l'accumulation d'excédents inemployés par des établissements peu compétents sur le marché des collectivités locales, et l'insuffisance de ressources pour ceux qui ont une compétence dans le domaine.

Il est donc nécessaire de fournir en ressources Codevi les établissements spécialisés dans le crédit aux collectivités en fonction des besoins exprimés - certes avec plafonnement - et non en fonction des ressources Codevi qu'ils détiennent (elles sont souvent nulles). Les établissements fournisseurs pourraient alors bénéficier d'une marge représentative des frais de collecte, par exemple 1,50 %

Dans cette optique, le plus simple serait peut-être d'imputer proportionnellement les 10 % de l'enveloppe sur les ratios actuels de TDI et de PBE, à l'exception des liquidités pour des raisons évidentes de sécurité.

Cela donnerait les résultats suivants ( ( * )1) :

Compte tenu de la répartition observée par la Banque de France en juin 1995 entre les différents établissements collecteurs, les montants pouvant être affectés aux collectivités locales seraient les suivants (en milliards de francs) :

Ainsi, sans augmenter la fraction centralisée, il serait possible d'attribuer plus de 3 milliards de francs de TDI aux établissements non collecteurs, par le truchement de la Caisse des dépôts, afin qu'ils puissent effectuer des prêts aux collectivités locales.

Les 14 milliards de francs restant seraient laissés aux établissements collecteurs.

Cette solution évite d'accroître les contraintes pesant sur les établissements collecteurs tout en dégageant des marges de manoeuvre pour les non collecteurs.

On voit cependant qu'elle ne permet pas de respecter - au départ - les parts de marché de chacun des établissements dans le crédit aux collectivités locales.

Il pourra donc se révéler nécessaire, dans un second temps, d'octroyer des ressources supplémentaires aux établissements non collecteurs, essentiellement le Crédit local de France et le Crédit foncier de France, dès lors qu'ils auraient épuisé leur contingent initial.

Cela peut se faire par des négociations bilatérales, de gré à gré, entre établissements non collecteurs et établissements excédentaires. Toutefois, l'expérience semble montrer les limites d'une telle méthode.

C'est pourquoi votre rapporteur préconise de procéder par voie d'adjudication en fonction des besoins exprimés par les établissements à la recherche de ressources, adjudication auxquelles les établissements excédentaires devraient être contraints de faire des offres en fonction de leur volume d'excédent . Ces adjudications pourraient avoir lieu à la Caisse des dépôts ou à la Banque de France selon une périodicité à définir.

Cette solution en deux temps n'entraînerait pas nécessairement un blocage des parts de marché, mais permettrait à chacun, en fonction de son activité de crédit aux collectivités locales, de fournir la demande.

2. ... qui pourrait receler certains effets pervers

Outre le risque d'introduire des distorsions de concurrence dans le marché du crédit aux collectivités locales, le dispositif proposé pourrait receler certains effets pervers aussi bien pour les collectivités locales que pour les PME.

a) Les risques concernant les collectivités locales

S'agissant tout d'abord des collectivités locales et de leurs groupements, la fixation d'un montant maximum de prêts accordés à chaque collectivité va sans doute jouer un rôle déterminant dans le succès de l'expérience.

Trop élevé, ce plafond permettrait d'obtenir un effet d'entraînement significatif, mais au prix d'un accroissement du niveau d'endettement des collectivités locales.

Or, il convient d'observer, d'une part, que le niveau de la dette des collectivités locales est déjà élevé, et qu'il ne serait pas raisonnable d'encourager celles-ci à l'accroître démesurément.

Source Direction de la comptabilité publique jusqu'en 1994, direction générale des collectivités locales en 1995.

(1) Estimations résultant, pour les communes, d'enquêtes effectuées sur des échantillons de budgets primitifs de 4 500 communes.

(2) Y compris METP pour la région Île-de-France à partir de 1994

D'autre part, on peut s'interroger sur l'opportunité d'accroître les dépenses des collectivités locales, au moment où tout le monde s'accorde sur la nécessité de réduire les dépenses publiques, y compris celles des collectivités locales.

Inversement, si le montant du plafond est trop faible, l'effet de relance sera modeste et le dispositif ne produira, (à condition que le différentiel de taux soit rétabli) que des " effets d'aubaine ". Les collectivités, notamment les plus importantes, se contenteront de substituer des financements Codevi à d'autres emprunts, pour des équipements qu'elles auraient de toute façon réalisés.

b) Les risques concernant les PME

S'agissant des PME, le risque existe, compte tenu de la relative abondance des fonds déposés sur les Codevi, que les banques soient tentées de prêter en priorité aux collectivités locales dont la signature est, par définition, meilleure que celle des PME. Il y aurait donc éviction des PME d'un instrument qui leur est prioritairement destiné.

La limitation du volume des prêts bancaires dont sont susceptibles de bénéficier les collectivités locales à 10 % de l'encours des Codevi, voulue par le Gouvernement, tient précisément à prendre en compte ce risque.

Mais on peut observer que pour être réellement efficace cette limitation devrait, d'une part, être appréciée réseau par réseau et non pas globalement et, d'autre part, porter sur la production de crédits et non sur les encours . En effet, compte tenu de la masse des encours de fonds Codevi, certains établissements de crédit n'auront guère de difficultés, dans le respect des conditions actuellement prévues, pour concentrer leurs nouveaux prêts bancaires de façon exclusive ou quasi exclusive sur les collectivités locales qui offrent des garanties de solvabilité bien supérieures à celles des PME et ne représentent aucun risque de signature.

B- LA GESTION D'ENSEMBLE DU MÉCANISME DES CODEVI

1- La gestion des taux

Au niveau actuel du taux de rémunération des Codevi - 4,5 % -l'efficacité des prêts qui seront consentis aux collectivités locales, mesurée en termes d'écart de taux, est quasiment nulle.

Nous avons vu en effet, que les prêts aux conditions de marché actuellement consentis aux collectivités locales se situent, pour des prêts à taux fixe d'une durée de cinq ans, entre 6,20 et 6,50 %, alors que, selon toute vraisemblance, les prêts qui seront financés sur ressources Codevi, se situeront autour de 6,50 %.

Cette situation est tout à fait analogue à celle qui prévaut en matière de prêts bancaires aux entreprises. Actuellement, le taux moyen de ces prêts peut être estimé à 7,50 % (4,5 % de rémunération + 1,5 % de coût de collecte + 1,5 % de marge bénéficiaire), alors que le taux de base bancaire a été ramené à 7,5 % depuis décembre dernier.

Ce problème résulte de la "non gestion" des taux de l'épargne administrée et plus particulièrement des Codevi, mis en exergue par le rapport d'information de votre commission et qui constitue le point nodal de l'efficacité de l'instrument. Le rapport précité avait en effet dégagé le concept de "taux de rupture" qui correspond au taux d'intérêt du marché monétaire qui rend nul l'intérêt du dispositif. Pour une rémunération de 4,5 % et compte tenu d'un coût de collecte de 1,5 %, ce taux peut être estimé à 6 %. Force est de constater, comme le montre le tableau ci-après, qu'il a été enfoncé depuis novembre dernier et que l'instrument a depuis lors perdu toute efficacité.

Ce phénomène crée une situation d'abondance des ressources Codevi, puisque du côté des déposants le taux de rémunération est très attractif alors que du côté des emprunteurs, le taux d'emprunt est égal ou supérieur à celui du marché. Dans ces conditions, des effets pervers sont à redouter, tels que le non respect des critères d'éligibilité aux prêts bancaires de la part d'établissements de crédit soumis par ailleurs à des contraintes de remploi

Le succès du dispositif proposé est donc tout entier subordonné à la gestion des taux d'intérêt de l'épargne administrée. Si, comme on peut l'espérer, la baisse des taux d'intérêt à court terme se poursuit, ce dispositif n'aura aucune chance de fonctionner. Bien pire, il risque de constituer une entrave à la baisse des taux d'intérêt, car comment expliquer aux emprunteurs que les taux des prêts à condition de marché sont inférieurs à ceux des financements réputés privilégiés ?

2. L'allocation des ressources et leur contrôle

Le rapport de votre commission avait mis en évidence les graves lacunes dans l'emploi des ressources Codevi. A défaut de combler ces lacunes, rien ne permet d'affirmer que l'octroi des crédits aux collectivités locales se déroulera de façon plus efficace que celui des prêts bancaires aux entreprises.

Votre commission avait observé en particulier que les établissements de crédit étaient loin de respecter leur ratios réglementaires d'emplois, avec toutefois d'importantes disparités selon les établissements. Ce problème est aggravé en amont par l'absence totale de redistribution des ressources entre les établissements, malgré le mécanisme complexe des "obligations Codevi" qui avait été mis au point dans ce but.

Votre commission avait proposé deux solutions à ces difficultés, qui ne semblent pas avoir rencontré, pour l'instant, l'assentiment du Gouvernement.

La première solution consistait à confier le contrôle des emplois du Codevi à la commission bancaire, contrôle assorti de sanctions automatiques en cas d'infraction manifeste.

La seconde résidait dans une augmentation de la partie centralisée à la Caisse des dépôts, notamment par la création d'une partie variable destinée à éponger les excédents de ressources ; lesquels pourraient être répartis entre les établissements prêteurs en fonction de besoins manifestés au cours d'adjudications, offrant toutes les garanties nécessaires de transparence.

L'insuccès des tentatives de répartition des ressources entre établissements collecteurs et non collecteurs par la voie d'accords bilatéraux, qui ont fait suite à la publication du rapport d'information sénatorial, montre les limites de ce système. Il est en effet difficile de faire conclure, autrement que par la contrainte, des accords entre des établissements qui sont en compétition, les collecteurs excédentaires n'ayant aucun intérêt à céder leurs ressources à leurs concurrents.

3. La transparence du système

L'opacité régnant sur les emplois des Codevi a permis à certains dysfonctionnements de perdurer. Cette absence de transparence avait motivé la création de la mission d'information sénatoriale.

Constatant que la transparence reste insuffisante, l'Assemblée nationale a décidé de créer une obligation légale d'information des titulaires de Codevi sur les emplois réalisés avec les sommes déposées sur leurs livrets.

Votre commission s'était quant à elle limitée à encourager l'amélioration de l'appareil statistique commencée en janvier 1995 à l'initiative de la direction du Trésor. A cet égard, les nouvelles procédures mises en place par la direction du Trésor semblent donner satisfaction.

Pour autant, la solution proposée par l'Assemblée nationale n'est pas inutile puisqu'elle contraindrait les établissements à rendre publiques, au moins partiellement, les informations ainsi produites vis-à-vis de leurs clients. Cette solution reste toutefois insuffisante, puisque l'information demandée n'est pas exhaustive, et porte seulement sur les emplois effectués en faveur de l'équipement industriel et des collectivités locales. Or il ne serait pas illégitime de porter à la connaissance du public, par grandes masses, la totalité des emplois du Codevi pour chaque établissement : liquidités, titres du développement industriel, prêts bancaires aux entreprises et aux collectivités locales. Sur ce point encore, il appartiendra au pouvoir réglementaire de préciser que les données à fournir aux épargnants doivent être aussi complètes que possible.

Au demeurant, il convient de rappeler que la disposition ainsi insérée dans la loi de 1983 est déjà contenue dans un arrêté d'application, en l'occurrence bien mal nommé puisque inappliqué. Élever cette norme au rang législatif n'est pas une garantie suffisante de son exécution. Deux conditions supplémentaires sont en effet nécessaires.

La première est que les services du ministre de l'économie émettent des instructions précises permettant de donner un contenu à cette obligation La seconde est que le non respect de cette obligation soit effectivement sanctionné. Le contrôle de la commission bancaire, déjà préconisé, serait probablement la méthode la plus efficace. A défaut, le prononcé effectif des sanctions existantes constituerait à lui seul un grand progrès.

CONCLUSION

Notre Haute assemblée ne peut a priori que témoigner une grande sympathie à l'endroit de la proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale et dont l'objectif, qu'il soit réel ou affiché, est bien de desserrer la contrainte financière des collectivités locales afin de favoriser l'activité des petites et moyennes entreprises.

Toutefois, dans les conditions actuelles de rémunération de l'épargne administrée, et sauf à prévoir une remontée des taux d'intérêt à court terme, votre commission des finances estime de son devoir d'émettre les plus expresses réserves sur l'efficacité du dispositif proposé qui risque fort d'être assez limitée et de conduire à un certain transfert du fardeau de la dette des PME aux collectivités locales.

Par ailleurs, votre commission des finances considère que le dispositif voté par l'Assemblée nationale comporte certaines imprécisions qui devront être impérativement levées, pour assurer à l'expérience toutes ses chances de succès.

Enfin, certains dangers potentiels doivent être pris en considération dont les plus importants sont une éviction relative des PME de l'accès aux financements Codevi et l'introduction de distorsions de concurrence sur le marché du financement aux collectivités locales.

Compte tenu de ces risques, votre commission des finances avait explicitement rejeté une proposition similaire lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier d'août 1994 ( ( * )1) et l'avait à nouveau implicitement écartée dans le cadre des travaux de sa mission d'information.

En conclusion de ces derniers, votre commission avait cru devoir mettre en garde le Gouvernement de l'époque contre une utilisation détournée de l'instrument affirmant notamment que : " Le Codevi ne doit pas être utilisé comme le moyen d'apaiser les souffrances des banques devant ce qu'elles estiment être la rivalité injuste du Livret A ".

Il ne faudrait pas, aujourd'hui, que l'extension de son champ d'utilisation soit interprétée comme une tentative d'apaisement au mécontentement des collectivités locales devant ce qu'elles estiment être une remise en cause du pacte de stabilité censé régir leurs relations financières avec l'État.

Néanmoins, compte tenu du caractère préoccupant de la situation économique et de la nécessité de tout tenter pour rétablir la confiance, l'activité et l'emploi, votre commission des finances, écartant conformément aux souhaits du rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, toute approche dogmatique sur la question, émet un avis de principe positif sur la proposition de loi soumise à votre examen.

Confiante dans l'action du Gouvernement qui saura rétablir une hiérarchie des taux de nature à rendre l'instrument efficace et prendre les mesures d'ordre réglementaire permettant d'en éviter les effets pervers, votre commission vous recommande d'adopter cette proposition, sous réserve toutefois de l'adoption des amendements qu'elle vous propose.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article premier - Suppression de l'obligation d'emploi intermédiaire des Codevi en valeurs mobilières

Commentaire : Le présent article tend à supprimer, dans l'article 5 de la loi de 1983, l'obligation d'employer les fonds déposés sur les Codevi en valeurs mobilières afin de permettre leur emploi direct sous forme de prêts.

Le rapport de la mission sénatoriale de mai 1995 avait mis en évidence le caractère archaïque, compliqué et assez largement fictif de l'obligation d'emploi des Codevi en valeurs mobilières.

Cette contrainte provenait d'une hésitation sur la nature des livrets lors de l'adoption de la loi (voir ci-après le commentaire de l'article premier).

Par ailleurs, l'emploi des fonds en "obligations Codevi" n'a guère de sens dès lors que chaque collecteur est également l'utilisateur final des fonds déposés chez lui.

Il convient donc de prévoir que les fonds déposés sur les Codevi peuvent être directement employés sous forme de prêts aux entreprises.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

Article premier - Accès des collectivités locales aux prêts distribués à partir des dépôts Codevi

Commentaire : cet article a pour objet d'étendre les emplois des valeurs mobilières déposées sur les Codevi au financement des dépenses d'équipement des collectivités locales destinées à favoriser l'activité et l'implantation des petites et moyennes entreprises.

I. LE DISPOSITIF ACTUEL

Le dispositif légal enserrant l'emploi des CODEVI est, par contraste, avec le dispositif réglementaire, assez réduit puisqu'il tient en trois articles de la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle.

L'article 5 de cette loi autorise l'exonération d'impôt sur le revenu pour les contribuables qui ouvrent un compte pour le développement industriel "à raison du produit des placements en valeurs mobilières effectués sur ce compte".

L'article 7 de cette même loi prévoit que : "les valeurs mobilières visées à l'article 5 sont celles servant au financement de l'industrie française et entrant dans des catégories fixées par décret"

En réalité, la notion de "valeurs mobilières" est totalement inadéquate pour décrire les fonds déposés sur les Codevi, qui sont de simples actifs monétaires, recensés par la Banque de France dans l'agrégat M2 - M1.

Cette notion est en quelque sorte une scorie historique et tient au fait qu'au moment de la mise en place des Codevi, le ministre alors en charge de l'économie, M. Jacques Delors, n'était pas en mesure de dire s'il convenait de mettre en place un compte sur livret, un compte d'épargne ou simultanément les deux solutions ( ( * )1) .

Ces valeurs mobilières sont de trois sortes :

- les "titres de développement industriel" (TDI), émis par la Caisse des Dépôts et Consignations. Ces titres ont une valeur nominale de 100.000 F et sont émis au pair. Ils portent un intérêt annuel, dont le taux, actuellement de 6 % est révisable et égal à la somme du taux d'intérêt du livret A et d'un second taux fixé par décision du ministre de l'économie. La contrainte d'emploi en TDI est de 6,5 % pour le système bancaire généraliste et le Crédit mutuel, 50 % pour les caisses d'épargne et 100 % pour les comptables du Trésor et La Poste.

- les "obligations Codevi", émises par les établissements collecteurs en représentation de leur collecte et susceptibles d'être rétrocédées à d'autres établissements collecteurs à condition qu'ils aient passé convention avec la Caisse des dépôts. C'est le produit de ces obligations qui permet d'assurer le financement des prêts bancaires aux entreprises, emplois finaux des Codevi. La contrainte d'emploi dans ce type d'obligations et de 86,5 % au moins (89' % au plus) pour les banques et pour le Crédit mutuel et 43 % pour les Caisses d'épargne.

- les fonds en instance d'emploi placés en liquidités dans une proportion égale à 4,5 % au moins et à 7 % au plus de l'actif total. Cette contrainte de liquidité est destinée à permettre aux organismes collecteurs de faire face aux demandes de retrait des épargnants. Les proportions sont les mêmes pour tous les réseaux (à l'exception du Trésor public et de La Poste, dont la Caisse des dépôts assure la liquidité).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale prévoit que les valeurs mobilières inscrites sur les Codevi puissent également permettre, sous conditions, "le financement des dépenses d'équipement des collectivités locales ou de leurs groupements, lorsque ces dépenses sont destinées à favoriser l'activité et l'implantation de petites et moyennes entreprises."

A l'initiative du Gouvernement, l'application de ce dispositif dans le temps a été limité jusqu'au 31 décembre 1996. On peut également observer que, formellement, le caractère exceptionnel de cette mesure a été renforcé par le fait qu'il doit s'entendre "par dérogation" au dispositif normal destiné au financement des PME- PMI.

Par ailleurs, les sommes ainsi dégagées au profit de l'investissement des collectivités locales sont limitées à "10 % de l'encours des comptes visés à l'article 5", c'est à dire 10 % de l'encours global des Codevi. Cette somme représente environ 17 milliards de francs.

Les critères d'éligibilité des prêts qui seront ainsi accordés aux collectivités locales ou à leurs groupements sont, actuellement, au nombre de deux.

Il doit s'agir, tout d'abord, de dépenses d'équipement, par opposition aux dépenses de fonctionnement. Cette condition entre dans des schémas bien connus de la comptabilité publique et n'appelle pas de commentaires particuliers.

Ces dépenses doivent ensuite être destinées à "favoriser l'activité et l'implantation de petites et moyennes entreprises".

Deux remarques s'imposent à ce sujet.

Grammaticalement, l'utilisation de la conjonction de coordination "et" laisse penser qu'il s'agit d'une condition cumulative et non alternative : activité et implantation. Néanmoins, les travaux préparatoires de la proposition de loi à l'Assemblée nationale conduisent à une interprétation radicalement opposée (Cf. Rapport Assemblée nationale n° 2370 p.30.)

Ces mêmes travaux préparatoires font ressortir l'idée que les dépenses destinées à assurer "l'activité" des PME devraient être réalisées par des PME, alors que celles destinées à assurer "le développement" pourraient être effectuées par de grands groupes ou leurs filiales.

Enfin, la proposition de loi prévoit l'intervention d'un décret simple pour fixer toutes autres conditions qui s'avéreraient nécessaires. Il résulte aussi bien des travaux de l'Assemblée nationale que des informations fournies à votre rapporteur, que le Gouvernement envisage, notamment, un plafonnement par commune compris entre 1 et 2 millions de francs ( ( * )1) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission des finances vous propose de préciser les conditions d'application du présent article sur plusieurs points.

En premier lieu, elle vous suggère, par coordination avec l'article additionnel qu'elle vous propose d'insérer avant l'article premier, de remplacer dans l'article 7 de la loi de 1983, la notion de "valeurs mobilières" par celle de " dépôts ". A cette occasion, votre commission vous propose également de modifier l'objectif initial des Codevi qui était de permettre le "financement de l'industrie française" , afin de mettre le droit en accord avec la pratique. En effet, depuis la disparition du Fonds Industriel de Modernisation (FIM) cette référence très large n'a plus de raison d'être. Aussi, il 1 vous est proposé de faire référence désormais au "financement des petites et moyennes entreprises" qui est bien l'objectif premier des Codevi.

En second lieu, votre commission vous propose d'apporter au dispositif concernant l'extension des emplois des Codevi les précisions suivantes :

- apprécier la limite de 10 % des encours qui pourront être distribués sous forme de prêts aux collectivités locales, établissement par établissement et non pas globalement. Un suivi global serait du reste inopérant et impossible à suivre réglementairement. Ce changement n'est d'aucun effet sur le montant global de l'enveloppe ;

- préciser que les dépenses d'équipement des collectivités locales, destinées à être financées sur fonds Codevi, doivent être des dépenses nouvelles. Il s'agit d'éviter que les ressources soient affectées au refinancement d'investissements déjà existants ;

- enfin, préciser que ces dépenses doivent servir à favoriser "le développement ou l'implantation" des petites et moyennes entreprises. Il s'agit d'une part, de lever toute ambiguïté sur la capacité des collectivités locales de contracter avec des grandes entreprises et donc d'éviter tout risque de conflit de droit avec le code des marchés publics et d'autre part, il s'agit de faciliter le développement du tissu de PME locales et non d'autoriser les collectivités locales à soutenir l'activité de ces PME dans n'importe quelles conditions.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 2 - Obligation d'information sur l'utilisation des fonds issus des Codevi

Commentaire : Le présent article crée une obligation légale d'information annuelle des déposants sur les emplois des comptes pour le développement industriel.

Un des dysfonctionnements importants mis en évidence au mois de mai dernier par notre collègue Paul Loridant et votre rapporteur est l'absence de transparence dans l'utilisation des fonds déposés sur les Codevi.

Le présent article ne figurait pas dans la proposition de loi déposée le 7 mars 1995 par M. Alain Gest et plusieurs de ses collègues. Il apparaît donc comme une tentative de satisfaire l'une des préoccupations de la commission des finances du Sénat. Il a en effet été inséré par la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur proposition de M. Gest, lors de sa séance du 16 novembre 1995.

Le dispositif ainsi proposé ne fait que reprendre un texte existant, de niveau réglementaire. Il s'agit du paragraphe V du règlement de gestion collective, applicable aux fonds déposés sur les Codevi, approuvé par (et annexé à) l'arrêté du 29 novembre 1983 ( ( * )1) . Le présent article ne présente que deux petites différences de fond par rapport à cet arrêté :

- il ne fait pas allusion aux valeurs mobilières qui sont censées servir d'emploi intermédiaire entre les dépôts et les prêts aux entreprises ;

- il ajoute les financements des collectivités locales parmi des emplois sur lesquels l'information doit porter.

Bien qu'étant issue d'un arrêté ministériel, en principe destiné à une application immédiate, cette disposition ne semble pas avoir reçu en douze ans de début de mise en oeuvre. Une instruction de la direction du Trésor établissant l'ensemble des données à communiquer aurait dû pourtant suffire.

Établir ce dispositif à un niveau supérieur dans la hiérarchie des normes ne saurait à lui seul donner des garanties d'efficacité.

On peut cependant espérer que cette solennité accrue conduise le Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, à faire diligence pour donner corps à cette disposition.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 2 - Contrôle de la commission bancaire

Commentaire : Le présent article additionnel a pour objet de confier le contrôle des opérations relatives aux Codevi, à la commission bancaire. En outre, le ministre de l'économie aurait compétence liée pour mettre fin aux infractions constatées.

La mission d'information sénatoriale a constaté que les emplois des Codevi font l'objet d'un contrôle "déficient" et de "sanctions inexistantes". Ces défaillances sont en grande partie à l'origine du non respect de la réglementation.

Aussi, la mission a-t-elle fait deux propositions connexes :

- confier le contrôle des emplois des Codevi à la commission bancaire ;

- lier la compétence du ministre de l'économie aux constats de la commission dans le prononcé des sanctions.

La commission bancaire est l'organe le plus à même d'effectuer ces contrôles qui peuvent s'insérer sans difficultés au sein des missions qu'elle effectue par ailleurs. Cette surveillance peut se faire dans le respect du secret bancaire, puisque la commission ne serait pas tenue de transmettre des informations nominatives concernant les utilisateurs des Codevi.

Le ministre, en situation de compétence liée pour prononcer les sanctions, disposerait d'un pouvoir discrétionnaire pour choisir les sanctions appropriées. Ces. sanctions, qui seront fixées par décret en Conseil d'État, pourraient prendre la forme d'une centralisation plus importante auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

Article additionnel après l'article 2 - Avis du Conseil de la politique monétaire sur la détermination des taux d'intérêt de l'épargne administrée

Commentaire : Le présent article additionnel a pour objet d'instituer un avis semestriel public du Conseil de la politique monétaire sur le niveau des taux d'intérêt de l'épargne administrée.

La mission d'information sénatoriale avait constaté que la "non gestion" des taux de rémunération de l'épargne administrée était la cause principale des dysfonctionnements dont souffraient les Codevi.

Elle avait donc proposé d'instituer un avis semestriel public du Conseil de la politique monétaire quant à la détermination de ces taux qui régissent l'évolution de près de 40 % de l'agrégat monétaire M2 et celle du quart de l'agrégat M3, rendant ainsi difficile la conduite de la politique monétaire.

Tout a montré depuis la pertinence de cette analyse.

Votre commission des finances, fidèle à ses positions, vous propose donc d'associer le Conseil de la politique monétaire à la fixation de ces taux.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article additionnel.

Intitulé de la proposition de loi

Commentaire : Votre commission vous propose, par coordination avec l'amendement à l'article premier, de modifier l'intitulé de la proposition de loi afin de préciser que les prêts, accordés aux collectivités locales et à leurs groupements sur fonds Codevi, doivent servir à favoriser le développement ou l'implantation des petites et moyennes entreprises.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet amendement.

Au bénéfice de ses observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter la présente proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 17 décembre 1996, la commission a procédé, sur le rapport de M. Philippe Marini, à l'examen de la proposition de loi n° 95 (1995-1996), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à étendre aux collectivités locales et à leurs groupements l'accès aux prêts distribués à partir des fonds établis par les comptes de développement industriel (Codevi) et à créer une obligation d'information sur l'utilisation de ces fonds.

M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé les deux objets de la proposition de loi : d'une part, expérimenter, pour une durée limitée, la possibilité pour les banques d'octroyer des crédits sur fonds Codevi aux collectivités locales, afin de favoriser l'activité et l'implantation de petites et moyennes entreprises sur leur territoire ; d'autre part, améliorer la connaissance des emplois du Codevi, en obligeant les établissements à informer leurs clients sur l'utilisation des fonds.

M. Philippe Marini, rapporteur, a ensuite insisté sur le caractère assez peu favorable de cette mesure pour les collectivités locales, bien qu'elle ait pu être présentée comme telle par le ministre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996. Il a considéré que cette mesure répondait, en fait, aux attentes des professionnels du bâtiment et des travaux publics.

Pour démontrer cette affirmation, M. Philippe Marini, rapporteur, s'est appuyé sur deux éléments : d'un côté, la différence entre les taux d'intérêt du marché et celui du Codevi est aujourd'hui si infime que les emprunts contractés sur Codevi ne seront pas plus avantageux que les emprunts ordinaires ; de l'autre, il a considéré qu'il n'était pas admissible que cette mesure puisse être présentée comme une compensation à la suppression de la première part de la dotation globale d'équipement pour certaines communes et à la baisse de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, une diminution des concours de l'État ne pouvant en aucun cas être compensée par un surcroît d'emprunt.

M. Philippe Marini, rapporteur, a alors rappelé qu'en réalité, cette mesure correspondait à une revendication ancienne de la fédération nationale des travaux publics, qui espère ainsi un accroissement de la commande publique adressée aux entreprises de ce secteur.

Mais pour qu'il en soit ainsi, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis , a considéré que certaines conditions devaient être réunies. La réussite de l'expérience dépend, en effet, des modalités d'application que le gouvernement définira et surtout de l'amélioration de la gestion d'ensemble du Codevi.

Le premier problème est celui de la définition des dépenses éligibles qui doivent être précisées si l'on veut que les comptables publics sachent ce que les collectivités locales peuvent faire de l'emprunt Codevi.

Le second problème est celui de la distribution de l'enveloppe entre les réseaux. M. Philippe Marini, rapporteur, a considéré que l'objectif devait être de ne pas perturber les conditions actuelles de la concurrence sur le marché du crédit aux collectivités locales. Il a donc proposé que le plafond de 10% de l'encours soit défini établissement collecteur par établissement collecteur. Il a également proposé d'imputer une fraction de l'enveloppe sur la partie centralisée à la Caisse des dépôts et consignations proportionnellement à cette partie dans le total de l'encours, afin de pouvoir en rétrocéder une partie aux établissements non collecteurs. Le reste serait imputé sur la partie servant habituellement aux prêts bancaires aux entreprises. Si cela se révélait insuffisant, les excédents des établissements collecteurs pourraient être affectés aux non-collecteurs par voie d'adjudication.

Enfin, au-delà de ces problèmes de modalités d'application, M. Philippe Marini, rapporteur, a affirmé que le succès de l'expérience était subordonné à la "remise en ordre" du Codevi telle que l'avait définie la commission des finances en mai 1995.

M. Philippe Marini, rapporteur, est alors revenu sur le problème fondamental du niveau des taux d'intérêt en rappelant qu'il y a bientôt deux ans que la ressource Codevi ne présente plus aucun caractère privilégié. Cette situation s'accentue aujourd'hui du fait de la baisse des taux d'intérêt de marché. M. Philippe Marini, rapporteur, en a conclu que les collectivités locales n'auront intérêt à solliciter le Codevi que si le taux des livrets A baisse d'au moins 0,5 point.

Or, M. Philippe Marini, rapporteur, a constaté que le gouvernement ne paraissait pas disposé à s'y résoudre, malgré l'absence totale du risque de décollecte du fait de l'aggravation de la fiscalité sur les produits d'épargne liquide. M. Philippe Marini, rapporteur, a alors rappelé que la commission avait proposé de desserrer la "contrainte d'opinion publique" qui pèse sur la gestion des taux de l'épargne administrée en prévoyant que le Conseil de la politique monétaire rendrait, chaque semestre, un avis sur le niveau de ces taux.

En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé que le Sénat avait rejeté par deux fois ce dispositif et que la commission ne l'avait pas retenu dans ses propositions relatives au Codevi.

Cependant, si les mesures d'accompagnement appropriées sont prises, surtout quant à la gestion des taux d'intérêt et à l'alimentation des circuits traditionnels de financement des collectivités locales, l'expérience lui a paru pouvoir se révéler une utile mesure de relance.

Un débat s'est ensuite engagé, auxquels ont participé MM. Paul Loridant, Joël Bourdin, Jean-Philippe Lachenaud, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roland du Luart et Christian Poncelet, Président.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur, a tout d'abord admis que la définition des dépenses éligibles était imprécise et qu'elle pouvait être à la fois trop large du point de vue des prestations à financer et trop restreinte pour être compatible avec le code des marchés publics. Il a considéré que l'amendement qu'il présentait à la commission était de nature à permettre aux collectivités locales d'utiliser réellement la nouvelle procédure sans pour autant être conduites à des abus. M. Philippe Marini, rapporteur, a ajouté sur ce point que s'il proposait l'affectation des ressources à des dépenses exclusivement nouvelles, c'était pour éviter le refinancement d'emprunts existants.

Relevant que M. Jean-Philippe Lachenaud avait qualifié la proposition de loi de "fausse bonne idée" inspirée par les représentants du secteur des travaux publics, M. Philippe Marini, rapporteur, a admis que le texte venait un peu tard compte tenu de la baisse des taux d'intérêt, qu'il était perfectible et qu'il lui semblait souhaitable d'écarter la tentation d'un rejet.

S'agissant des problèmes propres aux collectivités locales, M. Philippe Marini , rapporteur, a considéré qu'il était possible d'orienter la mesure en faveur des petites communes par un plafonnement à 1 million de francs par collectivité. Il a admis que la mesure proposée revenait sur la possibilité de globaliser les emprunts sans affectation préalable. Mais il a également considéré qu'il n'était pas possible de supprimer toute condition d'affectation sans remettre en cause l'ensemble du dispositif Codevi qui n'est justifié que par l'objectif de financement des petites et moyennes entreprises.

Enfin, à propos de la nécessité de baisser le taux d'intérêt du livret A pour rendre le dispositif efficace, M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé que ce livret, ainsi que le Codevi, n'étaient pas des produits d'épargne particulièrement populaires, puisque 75 % de l'encours du livret A se concentrent entre les mains de 20 % des détenteurs et que, pour les personnes réellement modestes, il existe un livret d'épargne populaire (LEP). Il en a conclu qu'on ne pouvait pas être à la fois pour la baisse des taux d'intérêt en général et contre celle du livret A en particulier, les effets économiques étant de même nature.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel dont l'objet est de supprimer l'obligation de réemploi intermédiaire des dépôts sur les Codevi en valeurs mobilières, obligation qui n'est qu'une rémanence historique.

A l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à préciser les conditions d'emploi des Codevi. Elle a, tout d'abord, décidé que l'affectation ordinaire des Codevi serait le financement des petites et moyennes entreprises (PME) et non plus l'industrie française en général. Elle a ensuite décidé de faire apprécier le plafond de 10 % des encours affectés aux collectivités locales, établissement par établissement. Elle a précisé que les dépenses ainsi financées devraient être nouvelles. Enfin, après avoir adopté une modification rédactionnelle proposée par M. Christian Poncelet, Président, elle a décidé que les dépenses considérées devraient accompagner le développement ou l'implantation des PME, de façon à lever toute ambiguïté quant à l'application du code des marchés publics et quant à la destination des dépenses.

Après l'article 2, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel dont l'objet est de soumettre les opérations relatives au Codevi au contrôle de la commission bancaire. Après une modification rédactionnelle proposée par M. René Ballayer, elle a décidé que le ministre chargé de l'économie serait tenu de prononcer les sanctions de son choix dès lors que des infractions seraient constatées.

Un débat nourri auquel ont participé MM. Joël Bourdin, Emmanuel Hamel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roland du Luart, Paul Loridant, Alain Lambert, rapporteur général et Christian Poncelet, Président, s'est ensuite engagé sur la proposition de M. Philippe Marini, rapporteur, d'instituer un avis public semestriel du Conseil de la politique monétaire sur le niveau des taux d'intérêt administrés.

M. Philippe Marini, rapporteur, a expliqué que cet amendement insérant un article additionnel après l'article 2 avait pour but d'instituer un avis purement consultatif, laissant intacte la compétence du gouvernement sur les taux de l'épargne administrée. Il s'agit d'un amendement d'appel, destiné à soutenir le gouvernement dans sa volonté de favoriser la baisse des taux d'intérêt. Au bénéfice de ces explications, la commission a décidé d'adopter cet amendement.

Puis, la commission a décidé de modifier, par coordination, l'intitulé de la proposition de loi afin de rappeler l'objectif de financement du développement ou de l'implantation des petites et moyennes entreprises.

Enfin, la commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée.

* (1) Rapport de l ' Assemblée nationale n° 2370 de M. Alain Gest p 5.

* (2) Rapport du Sénat n°29, de MM. Paul Loridant et Philippe Marini, annexé au procès-verbal de la séance du 24 mai 1995.

* (1) Paris Interbank Offered Rate : taux interbancaire offert à Paris

* (2) Aux termes du rapport de notre collègue Michel Mercier sur les crédits de l'intérieur (décentralisation) (rapport général n° 77 - 1995-1996, annexe n° 25), la réduction de la DCTP s'élève à 800 millions de francs, celle de la DGE à 625 millions de francs en 1996.

* (1) Voir Rapport Sénat n° 298 précité p. 20 et suivantes.

* (2) Rapport cité page 55.

* (3) Journal Officiel du 16 janvier 1996 ; p. 745

* (4) Rapport AN n° 2370 précité, p. 31

* ( 1) Le calcul de la fraction de 10 % est le suivant :

10 % = 10 % x TDl + fraction TDI de l'ensemble TD1 + PBE x fraction liquidités + 10% x PBE + fraction PBE de l'ensemble TDI + PBE x fraction liquidités

* (1) Lors de l'examen de ce projet de loi, un amendement avait été déposé par les sénateurs Emmanuel Hamel et Jacques Oudin, M. Jean Arthuis, alors rapporteur général du Sénat, avait émis, au nom de la Commission des finances, un avis défavorable sur cet amendement, estimant que "Les fonds collectés par les Codevi ne sont pas destinés aux collectivités territoriales. Ils visent à venir en aideaux PME, à créer des emplois. Jusqu'à preuve du contraire ce sont les entreprises qui créent des emplois. De toute évidence, il est nécessaire de concentrer sur les entreprises créatrices d'emplois le produit de ces placements". Journal Officiel du 29 juin 1994

p. 3242 et 3243.

* (1) "Nous envisageons deux formules pour mettre en place ce compte pour le développement industriel et nous offrirons simultanément les deux, peut-être, aux épargnants.

" L'une est très simple. Elle s'apparente au livret A des caisses d'épargne. Son taux d'intérêt serait le même ; l'argent pourrait être retiré à vue, mais, par un système qui ne nuirait en rien à la hiérarchie des taux de placement, cet argent permettrait de souscrire des obligations qui figureraient dans les comptes des banques en contrepartie de leurs engagements à long terme.

"L'autre formule consiste à se rapprocher davantage d'un compte d'épargne en obligations. A ce moment-là, la rémunération est plus importante et la garantie du capital n'est pas assurée. On a alors intérêts à se rapprocher d'un système de Sicav.

"Vous serez peut-être étonnés qu'aujourd'hui encore, je vous présente les deux systèmes sans vous dire si le Gouvernement a choisi l'un ou l'autre. C'est parce que, pour qu'un produit d'épargne nouveau rencontre un succès réel, il faut mobiliser l'ensemble du système financier à son service". Journal Officiel Assemblée nationale 3 ème séance du 16 juin 1983, p. 2672.

* (1) Journal Officiel Assemblée nationale 2 eme séance du 23 novembre 1996, p. 4093 .

* (1) Le texte de ce paragraphe est le suivant :

"V. - Une fois par an, l'établissement met à la disposition des titulaires une information écrite sur les valeurs acquises dans le cadre de la gestion collective et sur les concours financiers en faveur de l'équipement industriel accordés à l'aide des fonds collectés par les établissements ayant émis ces valeurs".

Page mise à jour le

Partager cette page