EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Champ d'application de l'habilitation et modalités de consultation

Cet article a un double objet. Il définit le champ de l'habilitation législative accordée au Gouvernement et délimite le périmètre des dispositions pénales qui seront étendues, moyennant les adaptations nécessaires, aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

Il rappelle par ailleurs l'exigence de consultation des assemblées territoriales intéressées et prévoit une procédure de demande d'avis pour Mayotte.

1. Champ d'application de l'habilitation

S'agissant de la définition de la délégation accordée au Gouvernement pour prendre des mesures de nature législative, le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 12 janvier 1977 (Élection des députés du territoire des Afars et des Issas), que l'article 38 de la Constitution devait « être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ».

Reproduisant ce considérant dans sa décision des 25 et 26 juin 1986 sur la loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre social, il a en outre exigé que la loi d'habilitation mentionne « les domaines d'intervention » des ordonnances envisagées.

Le projet de loi d'habilitation soumis à votre examen répond, tant par son exposé des motifs que par son dispositif, à cette double exigence.

L'article premier indique ainsi que les ordonnances auront pour objet de rendre applicables dans les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte le code pénal et le code de procédure pénale, de même que les textes qui y sont mentionnés, ainsi que ceux visés par la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur et par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.

Cette transposition aux territoires d'outre-mer et à Mayotte de la législation pénale métropolitaine permettra de mieux garantir le respect du principe fondamental de l'égalité des citoyens devant la loi pénale.

Ainsi, par exemple, la procédure de mise en examen instaurée par la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 (article 80-1 du code de procédure pénale) y sera applicable, la notion d'inculpation disparaissant.

Par ailleurs, le système des « privilèges de juridiction » sera supprimé dans les territoires d'outre-mer : une affaire mettant en cause un élu local ou une personne exerçant des prérogatives de puissance publique ne devra plus être obligatoirement soumis à la Cour de cassation en vue de la désignation de la juridiction compétente et les procédures pourront être instruites localement, sauf cas de « dépaysement » dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

L'article premier précise en outre que les adaptations nécessaires au respect des intérêts propres à chacun des territoires d'outre-mer et de la situation particulière de la collectivité territoriale de Mayotte seront effectuées. Sur plus d'un millier de dispositions qu'il est proposé d'étendre, nombreuses sont celles, en particulier en matière de procédure pénale, qui doivent être aménagées pour tenir compte des spécificités locales.

Certains textes, tels ceux relatifs au classement des monuments, et plusieurs codes métropolitains, pour certaines de leurs dispositions ou dans leur intégralité, tels le code du travail, le code de la santé publique ou le code des postes et télécommunications, ne sont pas applicables dans les territoires d'outre-mer. Aussi, l'ordonnance sur la transposition du code pénal devra-t-elle en tirer les conséquences et opérer les substitutions de références nécessaires.

A titre d'exemple, dans l'article 131-23 du code pénal qui indique le régime juridique applicable au travail d'intérêt général par référence aux prescriptions législatives et réglementaires relatives au travail de nuit, à l'hygiène et au travail des femmes, contenues dans le code du travail, l'ordonnance substituera à cette mention celle des prescriptions législatives ou réglementaires ayant le même objet et applicables dans le territoire.

La référence à un code applicable localement sera parfois simplement supprimée : ce sera le cas pour l'article 223-8 du code pénal qui vise le code de la santé publique et incrimine le « fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l'intéressée, des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur ».

En matière de procédure pénale, au-delà des substitutions de références résultant de l'inapplicabilité dans les territoires d'outre-mer ou à Mayotte de certains textes ou codes, il conviendra de procéder aux adaptations rendues nécessaires par des contingences locales liées à leur organisation spécifique ou à des considérations géographiques.

Ainsi, pour la réglementation de la garde à vue, des aménagements sont prévus en ce qui concerne l'intervention d'un médecin (article 63-3 du code pénal) ou l'entretien avec un avocat (article 63-4 du code pénal). En Polynésie française, en l'absence de médecin dans l'île considérée, l'examen médical de la personne gardée à vue pourra être effectué par un infirmier diplômé. En Nouvelle-Calédonie, lorsque le déplacement de l'avocat paraît matériellement impossible, l'entretien pourra être remplacé par une communication téléphonique.

Les contraintes d'éloignement géographique conduisent également à adapter les modalités d'exécution des mandats d'amener.

2. Modalités de consultation

Si le principe de spécialité législative qui caractérise les territoires d'outre-mer nécessite que, pour y être applicable, la loi métropolitaine y soit étendue expressément, le respect de leurs intérêts propres implique, en vertu de l'article 74 de la Constitution, que les assemblées territoriales soient consultées.

Pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, des dispositions statutaires organisent cette consultation. L'article 68 de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française accorde à l'assemblée territoriale un délai de trois mois, susceptible d'être réduit à un mois à la demande du haut-commissaire, pour rendre son avis.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, l'article 57 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 prévoit un délai d'un mois, qui peut être ramené à quinze jours.

Pour ces deux territoires, à l'issue de ce délai, l'avis est réputé avoir été donné.

Aucune disposition ne prévoit en revanche de délai de consultation pour Wallis-et-Futuna.

Dans le cas de la collectivité territoriale de Mayotte, la consultation préalable du conseil général, sans être juridiquement obligatoire, est cependant usuelle. Elle est expressément prévue par le projet de loi d'habilitation qui précise qu'à l'expiration d'un délai d'un mois, l'avis sera réputé avoir été donné.

Tout en se félicitant de cette dernière disposition, votre commission des Lois, sur le fondement de l'exposé des motifs du projet de loi justifiant l'ultime report de la date d'entrée en vigueur dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte de la législation pénale métropolitaine par le souci de ne pas opérer ces consultations sous le signe de l'urgence, souhaite que les délais restreints applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ne soient pas mis en oeuvre.

Il conviendrait en effet, pour ce dernier territoire, que les projets d'ordonnances soient transmis au plus tôt à l'assemblée territoriale dont le renouvellement est actuellement fixé au mois de mars prochain, pour lui laisser le temps nécessaire à un examen approfondi. L'adoption de la proposition de loi organique présentée par M. Pierre Mazeaud à l'Assemblée nationale tendant à reporter au mois de mai la date des élections territoriales permettrait à cet égard d'aménager des délais de consultation plus raisonnables.

La commission a adopté l'article premier sans modification.

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