EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes, réunie le 2 avril 2025, a engagé le débat suivant :

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, nous nous réunissons ce midi pour aborder deux sujets. Nous examinerons tout d'abord la proposition de résolution européenne visant à promouvoir la recherche fondamentale et l'innovation de rupture dans le domaine des ARN extracellulaires et des véhicules extracellulaires, déposée par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, dont je salue la présence parmi nous. Nous entendrons ensuite une communication de notre collègue Pascal Allizard, en sa qualité de président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il nous rendra compte des derniers travaux de cette instance, en particulier de la session d'hiver qui s'est tenue à Vienne en février, ainsi que du déplacement qu'il a effectué en Israël et dans les territoires palestiniens en sa qualité de représentant spécial pour les affaires méditerranéennes au sein de cette assemblée parlementaire.

Cette communication pourrait être utile à nos collègues qui participeront la semaine prochaine à la partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), certains des thèmes abordés dans ces deux enceintes étant proches. Cela m'amène à vous indiquer que, grâce à notre collègue Claude Kern, nous auditionnerons jeudi prochain, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Vladimir Kara-Mourza, opposant russe et ancien prisonnier politique en Russie. Il nous fait le plaisir et l'honneur de venir s'exprimer librement ici.

Nous devions également nous retrouver demain matin pour une audition de M. Leopoldo Rubinacci, directeur général adjoint de la direction générale du commerce et de la sécurité économique (DG TRADE) de la Commission européenne, sur la réponse de l'Union européenne à la hausse des droits de douane annoncées par le Président des États-Unis. Le secrétariat m'indique toutefois que, compte tenu des annonces du président Trump concernant une nouvelle hausse des droits de douane, attendues ce soir, nous allons devoir reporter cette audition.

M. André Reichardt. - Si des annonces sont faites ce soir par M. Trump, je doute en effet que M. Rubinacci soit en mesure de les commenter demain matin et il est alors préférable de reporter cette audition pour lui permettre d'effectuer les consultations préalables nécessaires.

M. Jean-François Rapin, président. - Nous nous retrouverons ensuite le mercredi 9 avril pour examiner un avis politique préparé par notre collègue Alain Cadec, en vue de contribuer à l'évaluation du règlement sur la politique commune de la pêche. C'est une commande que je lui avais faite puisque la Commission européenne avait ouvert une consultation et je pense qu'il est important que notre commission puisse formuler un avis à cette occasion.

Je vous rendrai également compte du déplacement récent que nous avons effectué en Estonie. Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que le secrétariat de notre commission a saisi les groupes politiques afin de pouvoir composer les délégations de la commission qui effectueront les déplacements suivants : à Bruxelles le 15 mai avec une délégation de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, pour rencontrer des représentants de la Commission européenne ; à Bruxelles à nouveau, le 22 mai, dans le cadre d'un déplacement conjoint avec la délégation sénatoriale aux outre-mer afin de donner suite à la résolution européenne sur l'intégration régionale des régions ultra-périphériques ; et enfin, à La Haye, le 26 mai, dans le cadre d'un déplacement conjoint avec la commission des lois pour se rendre à Europol et Eurojust.

Pour chacun de ces déplacements, en accord avec mes homologues, la composition retenue sera la suivante : le président de la commission et un représentant par groupe politique. Je vous invite donc à vous rapprocher de vos groupes respectifs si vous souhaitez participer à l'un ou l'autre de ces déplacements.

J'en viens maintenant au premier point de notre ordre du jour.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Notre collègue Vanina Paoli-Gagin a déposé une proposition de résolution européenne visant à promouvoir la recherche fondamentale et l'innovation de rupture dans le domaine des ARN acides ribonucléiques extracellulaires et des vésicules extracellulaires.

L'ARN acide ribonucléique (ARN) est une molécule qui transmet les instructions contenues dans l'ADN à la cellule. Il est codant, c'est-à-dire qu'il permet la fabrication de protéines. Les ARN non codants, dits ARNi, peuvent se lier spécifiquement à des ARN messager pour moduler la fabrication des protéines ou l'empêcher. Ces molécules d'ARN sont particulièrement fragiles et peu stables. C'est pour cela qu'elles sont enveloppées d'une vésicule extracellulaire qui les protège et les transporte d'une cellule à l'autre, permettant ainsi une communication intercellulaire qui conditionne notamment la réponse immunitaire.

L'enjeu pour la recherche est de comprendre le processus de sélection des ARN chargés dans les vésicules, ainsi que les mécanismes qui permettent le ciblage des cellules réceptrices. De nombreuses applications seraient possibles dans le domaine de la santé et dans le domaine agricole. Dans le domaine de la santé, des solutions thérapeutiques sont en cours de développement pour lutter contre la maladie de Crohn ou l'hépatite C. De nouvelles avancées sont également espérées dans la lutte contre l'antibiorésistance. Les molécules d'ARN extracellulaire pourraient également être utilisées comme biomarqueurs non invasifs pour permettre des diagnostics précoces.

Dans le domaine agricole, des pesticides à base d'ARNi pourraient se substituer aux pesticides chimiques utilisés aujourd'hui, et qui restent nocifs pour la santé humaine et l'environnement. Un premier produit a été mis sur le marché aux États-Unis. Il s'agit de Calantha, qui permet de lutter contre le doryphore de la pomme de terre. De nouvelles avancées sont attendues dans la lutte contre certains champignons qui utilisent l'ARN extracellulaire pour réduire les capacités de défense immunitaire des plantes.

C'est pour cela qu'il nous apparaît essentiel de soutenir la recherche et le développement dans le domaine de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires, tant sur le plan financier que sur le plan réglementaire. Les technologies reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires sont assimilées à des biotechnologies. Elles peuvent bénéficier du label STEP, prévu par le règlement (UE) 2024/795, qui donne un accès préférentiel aux financements de l'Union aux technologies permettant de réduire ou de prévenir les dépendances stratégiques.

Le programme Horizon Europe finance déjà de nombreux projets dans le domaine de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires, que ce soit en recherche fondamentale ou en soutien à l'innovation. Ainsi, le Conseil européen de la recherche finance actuellement trois projets en recherche fondamentale et la société EVerZom a bénéficié de fonds de l'Institut européen d'innovation et de technologie pour tenter de mettre sur le marché un traitement contre la maladie de Crohn. Enfin, l'action COST exRNA-PATH, réseau regroupant plusieurs chercheurs européens, a également bénéficié de fonds du programme Horizon Europe. Selon les personnes auditionnées, les possibilités de financement pour la recherche dans le domaine de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires sont nombreuses. Toutefois, les fonds ne sont pas spécifiquement fléchés vers ce domaine de recherche.

En 2024, le programme Horizon Europe a fait l'objet d'une évaluation à mi-parcours par un groupe d'experts indépendants. Celui-ci a insisté sur la nécessité de mieux financer les innovations de rupture qui visent à remplacer les technologies existantes actuellement sur le marché. Les programmes de travail du programme Horizon Europe devraient spécifiquement soutenir les innovations reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires, notamment les innovations de rupture.

Le vrai problème de l'Union européenne réside toutefois dans une insuffisance de l'investissement privé dans la recherche-développement. Pour permettre le passage à l'échelle qui correspond au passage du stade de l'innovation à celui de la commercialisation d'un produit, les entreprises ont besoin de fonds particulièrement importants qu'elles ont du mal à lever. Les marchés européens de capitaux restent cloisonnés et les fonds de capital-investissement investissent essentiellement sur leur marché national. Il est donc nécessaire de créer un marché de l'épargne et de l'investissement plus intégré avec des produits d'épargne adaptés. C'est la solution préconisée par les rapports de MM. Draghi et Letta, que nous soutenons ici. Nous encourageons en effet la Commission européenne à faire des propositions visant à permettre la mobilisation de l'investissement privé pour financer le développement des entreprises innovantes et leur passage à l'échelle.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Le développement de nouvelles technologies reposant sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires va nécessairement nous poser des questions d'ordre éthique, réglementaire et technique.

Sur le plan éthique, l'état des connaissances scientifiques et la diversité des applications potentielles ne permettent pas de formuler un avis définitif. Le faible nombre de demandes d'essais cliniques ou d'autorisations de mise sur le marché déposées limite de fait le champ de la réflexion.

Le comité consultatif national d'éthique et le comité éthique en commun n'ont pas été en mesure d'accepter une audition. Toutefois, je peux indiquer que l'ARN ne modifie pas l'ADN. Le génome des organismes cibles reste le même.

Le règlement de l'Union européenne relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain prévoit une évaluation des enjeux éthiques de l'essai clinique par chaque État membre concerné. Un avis défavorable des comités nationaux d'éthique permet à un État membre de refuser la demande d'autorisation sur son territoire.

Sur le plan technique, le passage au stade industriel nécessite des développements que la réglementation doit pouvoir faciliter mais aussi encadrer de manière à protéger la santé humaine et l'environnement.

Lors de son audition, le président de la société EVerZom nous a expliqué que les vésicules extracellulaires sont considérées comme des produits biologiques, alors que leur procédé de production ressemble davantage à celui des médicaments de thérapie génique. Les sites de fabrication qui sont autorisés à produire des médicaments de thérapie génique ne sont généralement pas habilités à fabriquer des médicaments biologiques. Dès lors, la société EVerZom doit faire appel à deux prestataires distincts.

En outre, les lignes directrices devant permettre d'autoriser la libération des lots produits sont encore en cours d'élaboration, ce qui peut compliquer le développement de la production pour les entreprises et les missions de contrôle pour les régulateurs.

Nous recommandons donc de créer des plateformes spécifiques disposant des autorisations adaptées pour produire des vésicules extracellulaires à l'échelle industrielle et de soutenir la définition de lignes directrices permettant un contrôle qualité adéquat de la production.

En effet, il est nécessaire d'informer au mieux les entreprises sur la réglementation en vigueur et d'adapter cette même réglementation aux spécificités des produits reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires.

Il n'est pas toujours évident de déterminer quelle législation s'applique à une technologie donnée. Dans le domaine de la santé, certaines pourront s'apparenter à des médicaments biologiques et d'autres de ces techniques s'apparenteront à des thérapies géniques. Les exigences réglementaires ne sont pas les mêmes.

La Commission européenne a créé en janvier dernier un pôle biotechnologique de l'Union, qui vise à aider les entreprises de biotechnologie à trouver une information pertinente sur la réglementation en vigueur. Nous pensons qu'il est nécessaire d'aller plus loin en développant davantage les consultations préalables avec les autorités nationales compétentes et les agences de l'Union pour permettre aux entreprises de présenter au mieux leurs dossiers de demande d'autorisation.

En complément, une adaptation de la législation devrait également être envisagée pour permettre le développement de technologies reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires. Lorsque nous avions examiné les dispositions du paquet pharmaceutique avec Pascale Gruny et Cathy Apourceau-Poly, notre commission avait soutenu la création de ce qu'on appelle des bacs à sable réglementaires dans le domaine du médicament afin de permettre la mise sur le marché de médicaments pour lesquels il n'existe pas d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. On peut raisonner un peu par analogie. Aujourd'hui, il s'agit d'adapter la procédure d'évaluation des produits phytopharmaceutiques pour les produits à base d'ARN. La Commission envisage une révision du règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques afin de prévoir une procédure particulière pour les produits de biocontrôle. Dans le même temps, la définition d'une procédure mieux adaptée aux produits à base d'ARN pourrait être envisagée. Il ne s'agit pas nécessairement de diminuer les exigences, plutôt de prendre en compte les caractéristiques particulières de ces produits, notamment l'instabilité de ces molécules dans l'environnement et l'impact sur la santé humaine et l'environnement qu'elles peuvent avoir lorsqu'elles sont encapsulées.

Enfin, la Commission européenne a annoncé fin 2024 qu'elle préparait un acte législatif visant à stimuler le développement des biotechnologies au sein de l'Union. Si cette proposition était initialement annoncée pour fin 2025, ce ne sera finalement pas avant 2026 et nous ne le regrettons pas, nous le saluons même, car nous souhaitons que la Commission européenne prenne le temps d'organiser une large consultation et tienne compte de l'ensemble des études lancées à la suite de sa communication du 20 mars 2024 sur les biotechnologies. Par ailleurs, la lettre de mission du nouveau commissaire européen à la santé et au bien-être animal, M. Oliver Varhelyi, mentionne ce futur règlement de l'Union sur les biotechnologies et indique la nécessité d'un nouvel environnement réglementaire propice à l'innovation dans les domaines de l'évaluation des technologies de santé et des essais cliniques. Il nous apparaît dès lors nécessaire de rappeler que les règles relatives aux dépenses de santé relèvent de la compétence des États membres et que ces compétences doivent être respectées. En effet, il faut éviter que, sous couvert de vouloir simplifier ou adapter la réglementation, la Commission européenne n'empiète sur les compétences des États membres.

Voilà l'objet de la proposition de résolution que nous avons modifiée et de l'avis politique qui en reprend les termes, que nous vous présentons de concert aujourd'hui.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Ce sujet n'est pas commun. Nous avons eu du mal au départ. Merci à Vanina Paoli-Gagin de nous avoir laissé le temps nécessaire pour examiner cette proposition de résolution. Nous avons essayé d'être les plus pédagogues possibles. C'est un sujet particulièrement pointu, même pour nous qui sommes scientifiques. L'expertise sur ce sujet à l'échelle européenne n'est pas si poussée que ça. Nous l'avons constaté. Il a été difficile de trouver des interlocuteurs même si, au fil du temps, nous avons pu rencontrer quelques experts.

Nous avons largement modifié le texte pour qu'il soit en phase avec l'état des connaissances actuelles et mettre l'accent sur les questions de santé car, au départ, le texte visait davantage les développements en cours dans le domaine agricole. Nous sentons très bien les potentialités dans le domaine de la santé. Il s'agit d'un sujet d'avenir, bien que l'ARN messager ait été découvert depuis de nombreuses années

M. Jacques Fernique. - Je remercie l'auteur de la proposition de résolution et nos rapporteurs. Leur rapport nous permet de mieux comprendre les enjeux de ce dossier. Mon groupe se serait sans doute opposé à la proposition initiale qui exprimait un enthousiasme marqué pour une réglementation moins contraignante.

Notre groupe ne se retrouve pas dans cet enthousiasme, notamment pour ce qui concerne les pesticides utilisant la génomique. Ceux-ci sont intéressants, mais aussi préoccupants, car leur impact sur la biodiversité n'a pas fait l'objet de travaux d'évaluation suffisants.

En effet, il est nécessaire de mieux connaître les risques pour la biodiversité, pour les invertébrés notamment, comme le rapport le souligne. Il est nécessaire de mener un effort de recherche conséquent pour mieux connaître leurs mécanismes d'action, leurs implications et leurs effets sur la santé humaine et la biodiversité. En ce sens, je me retrouve pleinement dans l'alinéa 21 de la proposition de résolution modifiée.

Sur les interrogations d'ordre éthique, le rapport nous rappelle que, pour le moment, l'état des connaissances et la diversité des applications potentielles ne permettent pas de formuler un avis éthique spécifique. Je mesure l'équilibre qu'essaie d'établir la proposition de résolution telle que modifiée par les rapporteurs. Cet équilibre tient entre la volonté de simplifier, de faciliter et d'accélérer la recherche, et la volonté mentionnée à l'alinéa 45 de s'assurer que la réglementation, simplifiée ou adaptée, permette de préserver la santé humaine et l'environnement. C'est cet impératif qui, à mon sens, est absolument nécessaire.

M. Michaël Weber. - Je découvre ce sujet qui me semble très technique. Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce que nous puissions avoir ce débat.

Je voudrais revenir sur deux ou trois éléments, en m'excusant de mon manque de connaissances. Ils ont été plus ou moins abordés. Vous évoquez la création d'un pôle biotechnologique de l'Union mais, si je comprends bien, il n'existe pas à l'heure actuelle de législation propre aux biotechnologies. Ne devrait-on pas encourager le développement d'une législation plus ciblée pour soutenir la recherche ?

Je note également que la Commission envisage une proposition législative concernant les substances actives de biocontrôle, qui serait incluse dans le paquet de simplification du dernier trimestre 2025. Je suis inquiet de l'expression « paquet de simplification », même si j'ai bien noté que vous recommandiez davantage une adaptation, ce qui ne signifie pas nécessairement une simplification mais la mise en oeuvre d'une procédure mieux à même d'intégrer les spécificités des produits à base d'ARN. Pensez-vous que le paquet de simplification soit le bon véhicule législatif pour cette adaptation ? Y a-t-il des éléments pour nous rassurer à ce sujet ?

Enfin, je rejoins ce que disait Jacques Fernique à l'instant. Je pense que nous n'avons pas suffisamment de recul pour évaluer au mieux l'impact des biotechnologies sur la biodiversité. Il est nécessaire de poursuivre les recherches dans ce domaine. Nous devons également pouvoir réagir de façon suffisamment prompte si l'on découvrait des impacts négatifs sur la santé humaine ou la biodiversité, déjà fragilisée.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Merci de vos remarques. Nous nous sommes posé les mêmes questions que vous. Nous avons compris que nos interlocuteurs étaient gênés par la réglementation ou plutôt l'absence de réglementation adaptée qui encadre leurs activités. La génétique soulève toujours beaucoup de questions. Nous avions eu un débat sur les nouvelles techniques génomiques qui a permis de lever certains préjugés. Au fil de la discussion, nous sommes arrivés à des conclusions qui nous ont permis de mieux prendre en compte les réalités de ces technologies et de constater la nécessité d'une réglementation plus adaptée.

Sur les aspects financiers, nous comprenons qu'il est difficile de flécher les fonds. Le programme Horizon Europe définit des objectifs et c'est à chaque porteur de projet de présenter des solutions. Les objectifs en matière de santé sont bien intégrés dans le programme Horizon Europe. Didier Marie et moi-même avons insisté sur la nécessité d'intégrer un volet santé dans le programme de travail de la Commission pour 2025.

Enfin, dans le domaine de la recherche et de l'innovation sur lequel je travaille au sein de la commission des finances, ce que nous faisons aujourd'hui prépare les innovations dont nous pourrions bénéficier dans 20, 25, 30 ans.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Je remercie l'autrice de la proposition de résolution de nous avoir permis de nous pencher sur une question très avant-gardiste. Sur les interrogations que vous avez relevées en termes de risque ou d'éthique, notre réflexe, avec Jean-François Rapin, a été de solliciter les instances concernées. Elles n'ont malheureusement pas travaillé sur cette question spécifique parce que la recherche n'en est qu'à ses débuts. Beaucoup de projets de recherches sont en cours. On a listé dans le rapport le nombre de projets de recherche en France, ainsi que les montants alloués. Par ailleurs, les États membres conservent des compétences, notamment en ce qui concerne les autorisations d'essais cliniques sur la base de critères éthiques. Sur ce sujet, nous devons assumer nos responsabilités. Je rappelle l'existence de lois de bioéthique en France, que le Parlement révise régulièrement. Lors de la dernière révision, nous n'avons pas du tout traité de ce sujet, le Gouvernement n'a pas souhaité inclure les questions liées aux biotechnologies dans la révision de 2021, estimant qu'il n'y avait pas lieu de le faire. Nous devons adapter notre cadre national sur ces questions si nous voulons pouvoir intervenir.

J'en profite pour rappeler que les ARN extracellulaires n'entraînent pas de modifications du génome. De folles rumeurs ont circulé sur Internet durant la pandémie de Covid-19 sur l'ARN et les vaccins à ARN. Nous ne captons toujours pas la 5G, même si nous nous sommes fait vacciner ! Et notre génome n'a pas été modifié. Si ces applications sont récentes, les ARN extracellulaires ont été découverts il y a plus de vingt ans. Ce n'est pas une découverte fondamentale d'aujourd'hui. Des prix Nobel ont été décernés il y a deux décennies pour ces découvertes.

Nous proposons de simplifier le cadre juridique avec pour objectif d'aider les industriels à savoir quelle législation s'applique à leur domaine. Nous devons avoir le volontarisme nécessaire pour soutenir des technologies qui sont potentiellement porteuses de très grands progrès en santé humaine et peut-être aussi dans le monde agricole, tout en garantissant le respect de nos règles éthiques qui limitent les possibilités de modifier le génome.

Une fois qu'on a dit cela, on se rend compte que la recherche, tout comme la réglementation, sont en train de se faire. Avec beaucoup d'humilité, nous vous proposons un texte en marchant, c'est-à-dire sur un domaine qui n'est pas du tout stabilisé. Il nous semble que le cadre que nous vous proposons respecte les différentes valeurs que doit respecter la recherche sur le vivant.

M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Je ne vois pas d'autres demandes de parole. Je mets aux voix la proposition de résolution. Elle est adoptée avec une abstention. Je mets également aux voix l'avis politique qui reprend les termes de la proposition de résolution. Même vote. Je vous remercie. Je vais maintenant donner la parole à notre collègue Vanina Paoli-Gagin, auteur du texte initial, que nous avons profondément remanié pour tenir compte de nos auditions.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Merci du travail effectué sur ce texte, qui est un acte volontariste de ma part. Je ne suis absolument pas une scientifique ni un médecin spécialiste des ARN. En revanche, je connais assez bien les innovations de rupture dans d'autres domaines. J'observe sur le temps long qu'en Europe, très souvent, on rate un coche à cause d'un nombre d'appréhensions qui sont souvent exagérées et au final, au bout d'un moment, les nouvelles technologies nous arrivent de l'extérieur, souvent issues de notre meilleure recherche académique, soit française, soit européenne. Il faut que cela cesse. Le fait de ne pas vouloir explorer de nouveaux territoires que nos amis chinois et américains sont en train de développer me gêne en tant qu'élue de la nation. Si nous voulons préparer l'avenir, il faut que nous changions de posture par rapport à ce type d'innovation.

Comme vous l'avez rappelé, M. le Président, M. le rapporteur, ce sont des recherches qui existent depuis plus d'une vingtaine d'années. J'ai été saisie par un collectif de 120 chercheurs européens qui font partie de cette Action COST pour rappeler que les travaux menés n'impliquent pas de modification du génome. Le problème, c'est qu'au bout d'un moment, ces craintes bloquent l'innovation de rupture en Europe et notre capacité à créer de la valeur.

Finalement, l'approche européenne « One Health » que nous avons choisie est la plus pertinente. Plus nous avançons dans les découvertes scientifiques, plus nous comprenons que seule une approche holistique de la santé humaine doit être privilégiée. Je suis, comme pour la plupart d'entre vous, élue d'une région très agricole. Je vois bien que nos agriculteurs, nos viticulteurs, d'année en année, ont des problématiques liées à l'utilisation des produits phytosanitaires qui, au bout d'un moment, finissent par épuiser les sols. Il y a des produits de biocontrôle qui peuvent être intéressants à utiliser en substitut aux produits phytosanitaires. Il me paraît souhaitable que l'Europe soit aux avant-gardes sur ces sujets. Il y a la santé humaine, la santé végétale et la santé animale et elles doivent être envisagées comme une seule.

Je ne milite pas pour l'absence de réglementation, chers collègues. Mais il s'agit d'essayer de changer de paradigme et de comprendre qu'on ne peut pas bloquer ce type d'innovation : au contraire, il s'agit de s'investir pleinement dans ce domaine parce que nous avons les meilleurs chercheurs au monde en ce moment. On a un temps d'avance aujourd'hui. Si on ne le garde pas, si on ne s'inscrit pas dans une dynamique et qu'on ne se donne pas les moyens de transformer ces résultats de recherche et ces innovations en produits de marché, je vous garantis que demain, on achètera des produits de marché qui viendront de partout, sauf de l'Union.

Aujourd'hui, le rapport Draghi ne fait que confirmer cette analyse et rappelle la nécessité de travailler à assurer notre autonomie dans les domaines de l'alimentation et de la santé. Je vous remercie beaucoup pour ces améliorations et je remercie les membres de la commission.

M. Jean-François Rapin, président. - Je vous remercie. Nous allons maintenant poursuivre notre réunion et je passe la parole à Pascal Allizard pour le second point inscrit à notre ordre du jour.

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