- AVANT PROPOS
- I. DES BIOTECHNOLOGIES DONT LES APPLICATIONS
POURRAIENT ÊTRE MULTIPLES ET CONSIDÉRÉES COMME
STRATÉGIQUES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE
- A. DES ARN EXTRACELLULAIRES ET DES VÉSICULES
EXTRACELLULAIRES QUI VONT PERMETTRE LA COMMUNICATION ENTRE DEUX CELLULES
- B. UN INTÉRÊT CERTAIN À
DÉVELOPPER LA RECHERCHE
- C. UN SECTEUR CONSIDÉRÉ COMME
STRATÉGIQUE POUR GARANTIR LA SOUVERAINETÉ DE L'UNION ET QUE LA
COMMISSION SOUTIENT
- 1. Les biotechnologies intégrées
à la plateforme « STEP » pour un accès
prioritaire aux financements de l'Union
- 2. Des technologies intégrées dans un
projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) pour un
allègement des règles de l'Union relatives aux aides
d'État
- 3. Un soutien technique qui se
développe
- 1. Les biotechnologies intégrées
à la plateforme « STEP » pour un accès
prioritaire aux financements de l'Union
- A. DES ARN EXTRACELLULAIRES ET DES VÉSICULES
EXTRACELLULAIRES QUI VONT PERMETTRE LA COMMUNICATION ENTRE DEUX CELLULES
- II. UN FINANCEMENT DE L'UNION SATISFAISANT QUI
DEVRA ÊTRE COMPLÉTÉ PAR LE SECTEUR PRIVÉ
- III. DES QUESTIONS ÉTHIQUES ET
RÉGLEMENTAIRES EN SUSPENS
- A. DES QUESTIONS ÉTHIQUES QUI SE POSERONT AU
RYTHME DES DÉCOUVERTES SCIENTIFIQUES
- B. DES DÉFIS TECHNIQUES À
RELEVER
- C. UN SOUTIEN RÉGLEMENTAIRE À
DÉVELOPPER
- D. UNE ADAPTATION SOUHAITABLE DE LA
RÉGLEMENTATION À CERTAINES CONDITIONS
- A. DES QUESTIONS ÉTHIQUES QUI SE POSERONT AU
RYTHME DES DÉCOUVERTES SCIENTIFIQUES
- I. DES BIOTECHNOLOGIES DONT LES APPLICATIONS
POURRAIENT ÊTRE MULTIPLES ET CONSIDÉRÉES COMME
STRATÉGIQUES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
- LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 511
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 avril 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, visant à promouvoir la recherche fondamentale et l'innovation de rupture dans le domaine des ARN extracellulaires et des vésicules extracellulaires,
Par MM. Bernard JOMIER et Jean-François RAPIN,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mmes Valérie Boyer, Sophie Briante Guillemont, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.
Voir les numéros :
Sénat : |
457 et 512 (2024-2025) |
AVANT PROPOS
Si l'ARN (acide ribonucléique) est une molécule connue depuis le milieu du XXème siècle, la découverte des vésicules extracellulaires (VE) qui transportent des molécules d'ARN d'une cellule vers une autre est plus récente. Ce transfert permet la communication entre deux cellules qui peuvent appartenir à deux organismes différents et conditionne l'expression de certains gènes.
Les applications de cette découverte pourraient être multiples, tant dans le domaine de la santé que dans le domaine agricole. C'est dans le but de soutenir la recherche et l'innovation en rapport avec cet ARN extracellulaire (ARNex) et les VE que Mme Vanina Paoli-Gagin, sénateur, a déposé la proposition de résolution européenne n° 457 (2024-2025). Celle-ci insiste sur la nécessité pour l'Union européenne de s'affirmer comme leader dans le domaine des technologies utilisant l'ARNex et les VE afin d'assurer son autonomie stratégique. Pour cela, elle appelle au renforcement de la coopération entre tous les acteurs engagés dans ce domaine, à une mobilisation des financements et à l'établissement de normes propices.
Saisie de cette proposition de résolution, conformément à l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes a nommé rapporteurs MM. Jean-François Rapin, son président, et Bernard Jomier.
Tous deux ont évalué le soutien actuel de l'Union au développement de technologies utilisant l'ARNex et les VE, et examiné les questions scientifiques, éthiques et réglementaires que posent ces technologies.
I. DES BIOTECHNOLOGIES DONT LES APPLICATIONS POURRAIENT ÊTRE MULTIPLES ET CONSIDÉRÉES COMME STRATÉGIQUES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE
Les travaux en cours pour exploiter les découvertes sur l'ARN extracellulaire (ARNex) et les vésicules extracellulaires (VE) s'inscrivent dans le domaine des biotechnologies. À ce jour, la législation de l'Union ne propose pas de définition de ce terme. L'OCDE, quant à elle, définit les biotechnologies comme « l'application de la science et de la technologie à des organismes vivants, de même qu'à leurs composantes, produits et modélisations, pour modifier des matériaux vivants ou non vivants aux fins de la production de connaissances, de biens et de services ».
A. DES ARN EXTRACELLULAIRES ET DES VÉSICULES EXTRACELLULAIRES QUI VONT PERMETTRE LA COMMUNICATION ENTRE DEUX CELLULES
1. Des ARN codants et des ARN non codants
Il existe différents types d'ARN dont les fonctions sont multiples mais qui sont tous composés de quatre bases nucléiques (adénine, uracile, cytosine, guanine) qui s'enchaînent pour former des brins.
Les ARN messagers ou ARNm sont produits dans le noyau des cellules à partir de l'ADN, dans le but de transcrire l'information génétique contenue dans l'ADN. Les molécules d'ARNm vont ensuite migrer du noyau vers le cytoplasme de la cellule où des protéines seront synthétisées sur la base des informations transcrites sur ces molécules d'ARNm. C'est pour cela que l'ARNm est dit codant.
Des petits ARN ou ARNi se lient spécifiquement à des ARNm pour moduler la fabrication de protéines ou l'empêcher. Ils sont dits non codants. Ces ARNi vont interférer avec l'expression d'un gène et peuvent « éteindre » celui-ci sans altération de l'ADN ciblé. L'un des enjeux de l'épigénétique1(*) et des recherches actuelles sur l'ARNex et les VE est de comprendre le rôle de chaque ARN.
L'ARNm est généralement composé d'un seul brin alors les petits ARN comprennent souvent deux brins : ils sont alors qualifiés d'ARN double brin ou ARNdb.
2. Différents types d'ARN que l'on retrouve aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des cellules
L'ARN extracellulaire ou ARNex se trouve à l'extérieur des cellules, contrairement à l'ARN intracellulaire qui reste à l'intérieur de celles-ci. Il est libéré par les cellules dans les fluides corporels comme la salive ou le sang, notamment.
Les molécules d'ARN sont peu stables et donc fragiles. Elles se dégradent rapidement dans l'environnement. Elles requièrent donc une protection et sont souvent transportées à l'aide de vecteurs, dont les vésicules extracellulaires.
Pour les chercheurs, il s'agit de comprendre, d'une part, dans quels cas telle ou telle molécule d'ARN est libérée par une cellule donnée et dans quel but et, d'autre part, d'assurer la stabilité des molécules d'ARN dans les environnements où l'on souhaite les introduire.
3. Les vésicules extracellulaires : un véhicule indispensable pour transporter l'ARN extracellulaire et permettre la communication entre deux cellules
Le terme « vésicule extracellulaire » (VE) est un terme générique permettant de désigner des particules naturellement produites par les cellules, qui sont délimitées par une bicouche lipidique et qui ne peuvent se répliquer. Elles assurent une communication intercellulaire en transportant de l'ARN. Elles contiennent également des protéines et des lipides.
Il existe différentes catégories de VE, notamment les exosomes. La société internationale des vésicules extracellulaires, fondée en 2012, recense ces différentes catégories.
Ces VE permettent le transport de molécules d'ARNex d'une cellule à l'autre et évitent ainsi la dégradation de ces molécules dans les différents liquides corporels. Elles représentent une alternative aux nanoparticules lipidiques qui peuvent présenter une certaine toxicité.
La communication intercellulaire par le biais des VE est essentielle pour le bon fonctionnement des organismes vivants et conditionne notamment la qualité de la réponse immunitaire.
Comprendre les modalités de cette communication, notamment les mécanismes régissant le chargement de tel ou tel ARNex dans une VE et les mécanismes permettant le ciblage des cellules réceptrices et l'endocytose2(*), ouvrirait la voie au développement de nouvelles thérapies dans les domaines de la santé humaine, animale et végétale.
B. UN INTÉRÊT CERTAIN À DÉVELOPPER LA RECHERCHE
1. Dans le domaine de la santé
Des solutions thérapeutiques utilisant les propriétés de l'ARN ont déjà été mises sur le marché. Il s'agit d'ARN de synthèse produits en laboratoire. C'est le cas du vaccin à ARNm développé contre la COVID-19. Celui-ci contient une molécule d'ARNm qui vise à faire produire une protéine de l'agent infectieux par des cellules de la personne vaccinée. Le système immunitaire reconnaît alors cette protéine comme si elle était portée par le virus lui-même et déclenche une réponse immunitaire qui sera mémorisée.
Des traitements utilisant les fonctions de l'ARNex et des vésicules extracellulaires sont en cours de développement notamment en oncologie, avec une vaccination destinée à stimuler le système immunitaire ou des thérapies ciblées visant les mécanismes dérégulés dans les tumeurs. De même, la société EVerZom développe un traitement s'appuyant sur les VE pour lutter contre la maladie de Crohn.
Dans le domaine de l'infectiologie, des études se concentrent sur les ARN sécrétés par le virus de l'hépatite C et qui visent à affaiblir le système immunitaire de l'organisme hôte. En outre, les vésicules extracellulaires pourraient permettre de nouvelles avancées dans la lutte contre l'antibiorésistance. En effet, les cellules des bactéries tout comme celles du corps infecté produisent des ARNex et des vésicules extracellulaires qui vont entraîner une répression de l'action immunitaire et favoriser l'infection. L'objectif de la recherche est d'identifier et d'arrêter le mécanisme qui limite la réaction immunitaire.
Enfin, l'ARNex peut également servir de biomarqueur non invasif pour permettre des diagnostics précoces.
L'ANSM a indiqué aux rapporteurs qu'il y avait un intérêt certain à développer ces technologies notamment dans le domaine de l'antibiorésistance.
2. Dans le domaine agricole
Dans le domaine agricole, des pesticides à base d'ARNi pourraient se substituer aux pesticides chimiques utilisés aujourd'hui et qui restent nocifs pour la santé humaine et l'environnement. Un premier produit a été mis sur le marché aux États-Unis : il s'agit du Calantha, qui protège les cultures de pommes de terre du doryphore. Ce produit contient un ARNi qui va s'arrimer à un ARNm ciblé et bloquer la production d'une protéine nécessaire à la survie du doryphore.
De nouvelles avancées sont attendues dans la lutte contre les pathogènes filamenteux, notamment certains champignons, qui utilisent l'ARNex pour réduire les capacités de défense immunitaire des plantes.
Pour Patrick du Jardin, ingénieur agronome que les rapporteurs ont auditionné, cette technologie est riche de promesses.
C. UN SECTEUR CONSIDÉRÉ COMME STRATÉGIQUE POUR GARANTIR LA SOUVERAINETÉ DE L'UNION ET QUE LA COMMISSION SOUTIENT
L'Union européenne et les États membres sont bien conscients du rôle essentiel des biotechnologies pour assurer à l'avenir la souveraineté de l'Union. L'impact que peuvent avoir les technologies reposant sur les propriétés des ARNex et des vésicules extracellulaires dans les domaines de la santé et de l'alimentation incite à leur accorder une attention particulière.
1. Les biotechnologies intégrées à la plateforme « STEP » pour un accès prioritaire aux financements de l'Union
Le règlement (UE) 2024/795 établissant la plateforme « Technologies stratégiques pour l'Europe » (STEP selon l'acronyme anglais)3(*) a pour objectif de soutenir les technologies critiques émergentes dans le but de garantir la souveraineté et la sécurité de l'Union. En effet, les technologies soutenues doivent apporter au marché intérieur un élément innovant présentant un potentiel économique important. Elles doivent permettre de contribuer à réduire ou à prévenir les dépendances stratégiques de l'Union. Ces technologies peuvent alors bénéficier du label STEP qui donne un accès préférentiel aux financements de l'Union.
Le règlement (UE) 2024/795 vise le domaine des biotechnologies et donc celles reposant sur l'ARNex et les VE.
2. Des technologies intégrées dans un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) pour un allègement des règles de l'Union relatives aux aides d'État
Le PIIEC permet aux États membres d'apporter un concours financier aux porteurs de projets qui va au-delà de ce qui est habituellement permis par la réglementation européenne.
Le 3 mars 2022, 16 États membres, dont la France, ont annoncé le lancement d'un PIIEC dans le domaine de la santé intitulé « Pour une Europe de la santé indépendante, compétitive et innovante ». Parmi les thématiques stratégiques de ce projet figure le développement des thérapies géniques et cellulaires qui peuvent reposer sur les propriétés de l'ARNex et des VE.
Ce projet se déclinera en deux vagues : la première porte sur le secteur pharmaceutique et les molécules critiques (Med4Cure), la seconde sur les technologies médicales innovantes (Tech4Cure).
Le 28 mai 2024, la Commission européenne a validé 14 projets, dont 3 en France dans le cadre de Med4Cure. Parmi les projets financés par la France, on retrouve la joint-venture regroupant neuf partenaires privés et publics français, fédérés autour de l'établissement français du sang (EFS), pour le développement d'innovations de rupture sur toute la chaîne de valeur de la thérapie cellulaire.
Financement de recherches sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires en France
Entre 2014 et 2024, l'ANR (Agence nationale de la recherche) a financé 88 projets dans le domaine de la recherche sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires.
74 projets de recherche traitant des vésicules extracellulaires ont été identifiés avec un budget alloué total de 29,89 millions d'euros. Ces projets sont classés en 2 catégories « Recherche sur les vésicules extracellulaires à visée diagnostique et thérapeutique » (56 projets) et « Recherche fondamentale sur les vésicules extracellulaires » (18 projets).
14 projets de recherche portant sur les ARN extracellulaires à visée diagnostic et thérapeutique ont été financés avec un budget total de 5,98 millions d'euros
La recherche sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires est également présente dans cinq actions de France 2030 et 20 projets. Ces 20 projets ont été contractualisés pour un montant total de 141,4 millions d'euros. Parmi ces projets, six (IVETh, BACTER EV BOOSTER, CARN, RNAvac, STROMAEV,cirB-RNA, Liver-Track) portent uniquement sur la recherche sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires avec un financement à hauteur de 24,2 millions d'euros
Source : Agence nationale de la recherche
3. Un soutien technique qui se développe
Consciente de l'intérêt des biotechnologies, la Commission a présenté le 20 mars 2024 une communication pour stimuler le développement des biotechnologies au sein de l'Union européenne4(*).
Pour cela, elle propose d'aider les entreprises à se doter d'outils d'intelligence artificielle générative et de faciliter l'accès au supercalculateur EuroHPC. Ces technologies sont particulièrement utiles pour réaliser le séquençage à haut débit du génome.
Début 2025, la Commission a indiqué lancer 7 usines d'intelligence artificielle (IA). Celles-ci permettront d'élargir l'utilisation de l'IA et de stimuler la recherche.
Compte tenu des applications envisagées, les rapporteurs reconnaissent l'intérêt à développer la recherche sur les ARNex et les vésicules extracellulaires, ainsi que son potentiel pour renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne.
II. UN FINANCEMENT DE L'UNION SATISFAISANT QUI DEVRA ÊTRE COMPLÉTÉ PAR LE SECTEUR PRIVÉ
A. DES FINANCEMENTS DE L'UNION QUI ONT BÉNÉFICIÉ À LA RECHERCHE SUR L'ARN EXTRACELLULAIRE ET LES VÉSICULES EXTRACELLULAIRES SANS ÊTRE SPÉCIFIQUEMENT CIBLÉS
1. Le programme-cadre Horizon Europe, source de nombreux financements
Le règlement (UE) 2021/6955(*) établit le programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon Europe » pour la durée du cadre financier pluriannuel 2021 - 2027. Ce règlement fixe les règles régissant le soutien de l'Union aux activités de recherche et d'innovation pendant cette durée.
Le programme-cadre « Horizon Europe », doté d'un budget de 95 milliards d'euros pour la période 2021-2027, se structure autour de trois piliers horizontaux, un pilier transversal et cinq missions, dont une sur le cancer, tous susceptibles de soutenir la recherche sur l'ARNex et les VE.
Ainsi, le pilier 1 avec le Conseil européen de la recherche vise à développer la recherche exploratoire, l'unique critère de sélection étant l'excellence scientifique, ce qui permet de mobiliser les meilleurs chercheurs et leurs équipes. Ce centre dispose d'un budget de 15 milliards d'euros. M. Lionel Navarro, directeur de recherche au CNRS, a indiqué aux rapporteurs que trois projets concernant l'ARNex et les VE étaient actuellement financés dans le cadre de ce pilier 1.
La recherche sur l'ARNex et les VE pourrait également être financée via le pilier 2, au sein du pôle « santé » et du pôle « Alimentation, bioéconomie, ressources naturelles, agriculture et environnement », ainsi que via la mission « cancer ». Ces enveloppes disposent respectivement d'un budget de 8,2 milliards d'euros, de 8,9 milliards d'euros et de 2 milliards d'euros. Deux projets de recherche en lien avec l'ARNex et les VE ont été financés dans ce cadre à la suite d'appels à projets présentés en 2021 : l'un concernait le développement d'un traitement par aérosol du cancer du poumon et l'autre visait à permettre la régénération des tissus cardiaques. L'appel à projets pour 2025 n'a pas encore été publié mais devrait inclure le développement de technologies basées sur les VE.
Enfin, le pilier 3 doit permettre de transformer les résultats de la recherche en innovations qui pourront être commercialisées. Ainsi, le Conseil européen de l'innovation, avec un budget de 8,7 milliards d'euros, apporte un soutien financier aux porteurs de projet d'innovations de rupture des laboratoires jusqu'à leur mise sur le marché. La Commission a inclus6(*), dans le programme de travail pour 2025 du Conseil européen de l'innovation, le développement des biotechnologies dans le domaine agricole. Doté d'un budget de 2,7 milliards d'euros, l'institut européen d'innovation et de technologie, quant à lui, aide les entreprises et les établissements d'enseignement et de recherche à travailler ensemble afin de créer des « communautés de la connaissance et de l'innovation ». Ces organismes peuvent faciliter la rencontre entre acteurs privés et publics afin de permettre la mise sur le marché des innovations développées. La société EVerZom, dont le président a été auditionné par les rapporteurs, a bénéficié du soutien de ce programme.
Le pilier transversal, quant à lui, vise à renforcer la coopération au sein de l'Union dans le domaine de la recherche. Il finance aujourd'hui l'action COST sur l'ARNex, dont est membre M. Lionel Navarro que les rapporteurs ont auditionné. Le financement COST (European cooperation in Science & Technology) est un réseau européen interdisciplinaire réunissant des chercheurs et innovateurs pour étudier un sujet de recherche sur une période de 4 ans. Ce financement permet principalement d'organiser des conférences et de mener des projets collaboratifs inter-équipes au sein du réseau. Selon M. Lionel Navarro, ces actions sont bien adaptées pour structurer une communauté scientifique sur une thématique de recherche émergente.
L'action COST exRNA-PATH
Lancée en 2022, cette action COST vise à structurer une communauté scientifique autour de la recherche sur les ARNex et à permettre ainsi une comparaison de leurs travaux utilisant différents modèles (bactéries, végétaux, cellules humaines, ...).
Les objectifs de l'action COST exRNA-PATH visent à :
- répertorier les ARNex et mieux comprendre leurs fonctions dans les interactions hôte-pathogènes ;
- faire avancer les connaissances fondamentales sur les mécanismes de communication inter-cellulaires médiés par les ARNex ;
- exploiter ces connaissances pour contrôler les maladies infectieuses et parasitaires ;
- faire de l'Europe un acteur de premier plan en recherche et innovation sur les ARNex ;
- vulgariser les connaissances sur les ARNex et les technologies qui en découlent auprès du grand public.
Un colloque a été organisé au Sénat le 25 octobre 2024 et un autre pourrait également être organisé à Bruxelles pour sensibiliser les institutions européennes à ce domaine de recherche.
2. Des financements qui ne ciblent pas directement les recherches sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires
Lors de son audition par les rapporteurs, M. Nicolas Rousseau, co-fondateur de la société EVerZom, a indiqué que le montant des fonds alloués par l'Union européenne pour le développement de la recherche était satisfaisant. Il a toutefois regretté que ces fonds ne soient pas spécifiquement ciblés sur l'ARNex et les VE, ce qui place ce domaine de recherche en concurrence avec d'autres.
En réponse, la direction générale de la recherche de la Commission européenne a indiqué aux rapporteurs que les programmes de travail sont présentés pour répondre à des objectifs et que la technologie utilisée est souvent laissée à l'appréciation des porteurs de projets. Ainsi, elle explique que si les technologies liées à l'ARNex et aux VE ne sont pas spécifiquement mentionnées, les programmes de travail présentent aujourd'hui de nombreuses opportunités.
Les règles de mise en oeuvre du programme-cadre Horizon Europe
La décision (UE) 2021/764 (1) définit les règles de mise en oeuvre du programme-cadre Horizon Europe. La Commission élabore un plan stratégique pluriannuel d'activités de recherche et développement qui doit notamment identifier les orientations stratégiques et les objectifs opérationnels du programme-cadre Horizon Europe. Celui-ci est adopté par le biais d'un acte d'exécution avec procédure d'examen par les États membres. Puis des programmes de travail, souvent pluriannuels, sont adoptés selon la même procédure. Ces programmes de travail contiennent des appels à projets. Les financements sont accordés par un comité d'experts indépendants dans le respect des dispositions prévues par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046(2), dit règlement financier de l'Union.
(1) Décision (UE) 2021/764 du Conseil du 10 mai 2021 établissant le programme spécifique d'exécution du programme-cadre pour la recherche et l'innovation Horizon Europe, et abrogeant la décision 2013/743/UE.
(2) Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union, modifiant les règlements (UE) n° 1296/2013, (UE) n° 1301/2013, (UE) n° 1303/2013, (UE) n° 1304/2013, (UE) n° 1309/2013, (UE) n° 1316/2013, (UE) n° 223/2014, (UE) n° 283/2014 et la décision n° 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) n° 966/2012.
3. Des financements qui devraient mieux prendre en compte les innovations de rupture
Le développement de technologies liées à l'ARNex et aux VE peut permettre des innovations de rupture. BpiFrance qualifie d'innovation de rupture une innovation souvent technologique portant sur un produit ou un service et qui finit par remplacer une technologie dominante sur un marché.
Le programme-cadre Horizon Europe a fait l'objet d'une évaluation7(*) à mi-parcours par un groupe d'experts indépendants comme le prévoit le règlement (UE) 2021/695. S'il ne s'agit pas de faire un bilan d'un programme aussi vaste dans le cadre de l'examen de la proposition de résolution n° 128 (2024-2025), on peut noter parmi les recommandations du groupe d'experts :
- mettre en place une unité expérimentale pour lancer des programmes d'innovation de rupture avec des possibilités de financement rapide, sur le modèle des initiatives ARPA8(*) ;
- créer un Conseil de la technologie et de la compétitivité industrielle afin de renforcer les investissements dans la recherche et l'innovation industrielles et de garantir la pertinence pour l'autonomie stratégique ;
- simplifier le programme en réduisant les charges administratives, en intégrant un financement souple et en rationalisant les procédures de demande.
Dans son rapport présenté le 9 septembre 20249(*), l'ancien président de la Banque centrale européenne, M. Mario Draghi appelait à aligner le programme Horizon Europe sur les priorités stratégiques de l'Union et à augmenter les fonds pour l'innovation de rupture. En outre, il préconise la création d'une agence européenne pour soutenir les projets technologiques de rupture. France Biotech, que les rapporteurs ont auditionné, recommande quant à elle la création d'un fond souverain technologique pour soutenir les innovations de rupture jugées trop risquées par les sociétés européennes de capital-risque.
Les rapporteurs estiment que les programmes de travail du programme-cadre Horizon Europe pourraient soutenir spécifiquement les innovations reposant sur les propriétés de l'ARNex et des vésicules extracellulaires, notamment lorsqu'il s'agit d'innovations de rupture. Ils appellent également à simplifier les démarches administratives nécessaires pour l'obtention de financements, notamment pour les petites et moyennes entreprises.
B. LA NÉCESSITÉ DE MOBILISER DES CAPITAUX PRIVÉS
1. Un constat largement partagé
Dans le cadre de son audition par les rapporteurs, France Biotech a pointé les difficultés pour lever des fonds privés, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'innovations développées uniquement en Europe. En effet, les investisseurs ne sont pas enclins à investir si les innovations proposées ne sont pas en cours de développement aux États-Unis.
M. Lionel Navarro et France Biotech ont indiqué aux rapporteurs qu'il est difficile, en Europe, de lever des fonds d'un montant supérieur à 10 millions d'euros, montant nécessaire au développement industriel d'une « licorne ».
Dans sa communication du 20 mars 2024 pour stimuler les biotechnologies dans l'Union européenne, la Commission évoque notamment les difficultés d'accès aux financements devant permettre le passage du stade de l'exploitation des résultats de la recherche au stade de la commercialisation. On parle de passage à l'échelle, traduction de l'anglais « scale-up ». À ce sujet, elle indique que si l'Union européenne occupe la première place en ce qui concerne les publications couvrant le domaine des biotechnologies, on observe des difficultés à exploiter ces résultats pour développer une application qui sera mise sur le marché, faute de financements. M. Nicolas Rousseau a complété ces propos en indiquant aux rapporteurs que l'avance de l'Union sur la partie académique est perdue par manque de financements.
2. Une mobilisation difficile à réaliser
a) Une union des marchés de capitaux dont les principes restent à définir
Dans sa communication du 20 mars 2024, la Commission constate que la fragmentation des marchés de capitaux de l'Union se traduit par l'existence de nombreux fonds de capital-investissement de petite et moyenne taille investissant essentiellement au niveau national.
C'est pourquoi, dans son rapport10(*) sur l'avenir du marché unique remis au Conseil européen en avril 2024, l'ancien Président du Conseil italien Enrico Letta plaide pour un marché financier européen plus intégré, devant permettre une harmonisation réglementaire, ainsi que la création de produits d'épargne adaptés et d'une bourse européenne pour les start-up.
Face aux difficultés de financement rencontrés par les entreprises innovantes, l'idée d'une union des marchés de capitaux a été évoqué dès 2014. Elle vise à développer la libre circulation des flux financiers au sein de l'Union afin d'orienter l'épargne européenne vers l'investissement en permettant la mobilisation des capitaux détenus dans chaque État membre. Pour cela, deux solutions sont possibles et il est difficile de trouver un consensus entre les États membres en faveur de l'une ou l'autre. Dans un cas, il s'agirait de coordonner et d'harmoniser les réglementations nationales régissant les opérateurs et les contrats financiers. Dans l'autre, il s'agirait d'adopter une réglementation supranationale avec un seul régulateur et des produits financiers standardisés.
b) Les institutions européennes conscientes des enjeux
Pour aider à mobiliser les investisseurs privés, la Commission européenne, dans sa communication du 20 mars 2024, a annoncé lancer plusieurs études visant à recenser les obstacles à la consolidation des fonds d'investissement et des places boursières de l'Union et à déterminer les facteurs qui entravent l'innovation au sein de l'Union.
Pour sa part, le Conseil européen, réuni les 7 et 8 novembre 2024 à Budapest, a publié une déclaration pour inciter à renforcer la compétitivité de l'Union européenne. Il préconise des mesures rapides en vue d'une Union de l'épargne et des investissements, ainsi que le développement d'un marché de capitaux intégré et accessible à tous les citoyens pour permettre aux entreprises innovantes de se financer.
Pour les rapporteurs, la Commission doit faire des propositions visant à permettre la mobilisation de l'investissement privé pour financer le développement des entreprises innovantes et leur passage à l'échelle, avec notamment le développement de produits d'épargne de long terme adaptés et la mise en place d'une union des marchés de capitaux.
III. DES QUESTIONS ÉTHIQUES ET RÉGLEMENTAIRES EN SUSPENS
A. DES QUESTIONS ÉTHIQUES QUI SE POSERONT AU RYTHME DES DÉCOUVERTES SCIENTIFIQUES
Le développement de technologies reposant sur les propriétés de l'ARNex et des vésicules extracellulaires susciteront peut-être des interrogations d'ordre éthique. Mais pour le moment, l'état des connaissances scientifiques et la diversité des applications potentielles ne permettent pas de formuler un avis éthique spécifique. En outre, le faible nombre de demandes d'essais cliniques ou d'autorisations de mise sur le marché déposées limite de fait le champ de la réflexion, d'où l'absence de point de vue éthique sur ce sujet précisément.
En effet, les rapporteurs ont sollicité le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) pour obtenir un avis sur les technologies utilisant l'ARNex et les VE. Malheureusement, le CCNE n'a pas encore eu l'occasion de travailler sur cette question. Le CCNE juge ces technologies trop récentes pour formuler un avis. Pour les mêmes raisons, le Comité éthique en commun associant l'INRAE, le Cirad et l'IRD n'a pas non plus travaillé sur cette question.
Dans le domaine de la santé, le règlement (UE) 536/201411(*) relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain prévoit une évaluation des enjeux éthiques de l'essai clinique par chaque État membre concerné par l'essai clinique en question. Un avis défavorable des comités nationaux d'éthique permet à un État membre de refuser la demande d'autorisation sur son territoire.
Enfin, il apparaît nécessaire de préciser que l'ARN ne peut être qualifié d'organisme génétiquement modifié (OGM) ou de micro-organisme génétiquement modifié (MGM) selon la législation actuelle. C'est ce que M. Patrick du Jardin, ingénieur agronome, a confirmé aux rapporteurs, en ajoutant toutefois que le développement de technologies reposant sur l'ARNex et les VE implique souvent la culture de cellules génétiquement modifiées, indispensables pour la production à grande échelle d'ARN et de VE. La directive 2009/41/CE12(*) relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés s'appliquera alors.
La définition des MGM et des OGM
La directive 2009/41/CE et la directive 2001/18/CE(1) du Parlement européen et du Conseil définissent les MGM et les OGM comme des micro-organismes (toute entité microbiologique, cellulaire ou non, capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique, y compris les virus, les viroïdes et les cultures de cellules végétales et animale) ou des organismes dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne se produit pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle.
(1) Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement
B. DES DÉFIS TECHNIQUES À RELEVER
Sur le plan technique, la production à grande échelle d'ARNex et de vésicules extracellulaires représente un véritable défi.
Tout d'abord, les opérateurs ont le choix entre les synthétiser chimiquement ou les produire biologiquement à l'aide de cellules dont ils sont ensuite extraits. Si la première solution permet d'obtenir un produit plus pur, elle demeure coûteuse. L'enjeu est de parvenir à limiter le prix des produits qui seront mis sur le marché. La société américaine GreenLight Biosciences qui a développé le Calantha a réussi à limiter ses coûts, de sorte que ce produit ne soit pas plus cher que d'autres produits phytopharmaceutiques.
En outre, les VE sont considérées comme un produit biologique alors que le procédé de production ressemble davantage à celui des médicaments de thérapies innovantes13(*) (MTI). Les sites de fabrication autorisés pour produire des MTI ne sont généralement pas habilités à fabriquer des médicaments biologiques. Ainsi, la société EVerZom qui travaille avec l'établissement français du sang (EFS) a été obligée de conclure un contrat avec la société CellforCure car le décret régissant les activités de l'EFS n'autorise pas cet établissement à produire des produits biologiques alors qu'il dispose des moyens pour. CellforCure a, quant à elle, dû demander des autorisations spéciales.
Enfin, les régulateurs attendent que, d'un lot à l'autre, les produits soient équivalents alors que les VE sont hétérogènes par nature. Le développement en cours de standards clairs et les progrès techniques en caractérisation devraient aider les régulateurs à définir des critères de libération des lots, mais cela n'est pas aussi simple que pour des molécules chimiques.
Dès lors, les rapporteurs encouragent la création de plateformes spécifiques disposant des autorisations adaptées pour produire des VE, dans le cadre d'un partenariat public-privé, et la définition de lignes directrices permettant le contrôle qualité de la production.
C. UN SOUTIEN RÉGLEMENTAIRE À DÉVELOPPER
1. Un pôle biotechnologique lancé en janvier 2025
Dans sa communication du 20 mars 2024, la Commission avait annoncé la création d'un pôle biotechnologique de l'Union. Il s'agit d'un portail web permettant aux entreprises de biotechnologies de naviguer dans le cadre réglementaire et d'identifier les soutiens financiers. Ce pôle a été lancé en janvier 2025.
Le pôle biotechnologique lancé par la Commission européenne
Dans sa communication du 20 mars 2024, la Commission européenne avait annoncé la création d'un pôle biotechnologique de l'Union. Il s'agit d'un outil opérationnel visant à aider les entreprises de biotechnologies, en particulier les start-ups et les PME, à commercialiser des produits innovants sur le marché de l'Union et à accroître leur compétitivité. Cet outil fournira notamment un soutien réglementaire en expliquant au mieux les règles et exigences auxquelles les entreprises doivent se conformer lorsqu'elles développent et commercialisent des produits biotechnologiques dans l'Union.
Ce pôle, hébergé sur le portail « L'Europe est à vous » de la Commission, vise donc à fournir une information pertinente et facile d'accès sur la législation européenne, les opportunités de financement et les réseaux de soutien aux entreprises.
Dans sa communication précitée, la Commission européenne s'était également engagée à lancer une étude pour déterminer les facteurs qui entravent l'innovation au sein de l'Union et à évaluer les simplifications possibles du cadre réglementaire en vue notamment d'accélérer la mise sur le marché des innovations technologiques. La Commission a indiqué aux rapporteurs que les conclusions de cette étude ne sont pas attendues avant la mi-2025.
2. Des consultations scientifiques à développer
Il n'existe pas de législation de l'Union réglementant spécifiquement la recherche ou les applications impliquant des biotechnologies. Les technologies basées sur l'ARNex et les VE sont donc régies par différentes réglementations de l'Union. En effet, l'ANSM a expliqué aux rapporteurs que selon le caractère de la cellule utilisée pour obtenir de l'ARN ou des VE, la procédure mise en oeuvre et la nature du produit fini que l'on récupère, la législation qui sera appliquée sera différente.
Dans le domaine de la santé, les thérapies élaborées avec des technologies utilisant l'ARNex et les VE pourront s'apparenter à des médicaments biologiques14(*) ou à des thérapies géniques15(*), selon les cas. Si la mise sur le marché de médicaments biologiques fait l'objet d'une évaluation particulière dans le cadre de la directive 2001/83/CE16(*), la mise sur le marché de médicaments de thérapie innovante doit respecter les prescriptions du règlement (CE) n° 1394/200717(*).
Il est donc nécessaire de développer davantage les consultations préalables au dépôt d'une demande d'autorisation. Les autorités nationales compétentes et les agences de l'Union pourront ainsi aider les entreprises à élaborer leurs dossiers au mieux en vue de mieux répondre aux attentes réglementaires.
Ce type de consultation existe déjà au sein de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA selon l'acronyme anglais) et de l'Agence européenne des médicaments (EMA selon l'acronyme anglais), mais également au sein des autorités compétentes françaises (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - ANSM - et Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail - ANSES).
D. UNE ADAPTATION SOUHAITABLE DE LA RÉGLEMENTATION À CERTAINES CONDITIONS
1. Une adaptation qui doit préserver la santé humaine et l'environnement
a) Dans le domaine du médicament avec les bacs à sable réglementaires
Lors de son audition, France Biotech a indiqué suivre avec attention les évolutions en cours de la législation pharmaceutique qui pourraient avoir un impact sur le secteur des biotechnologies dans le domaine de la santé. C'est le cas de la proposition de règlement COM(2023) 193 final 18(*) qui prévoit la création de bacs à sable réglementaires. Ceux-ci visent à permettre aux patients l'accès à des technologies de la santé innovantes dans des conditions de sécurité acceptables, malgré l'absence de cadre réglementaire adapté pour leur évaluation.
Si le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires européennes, a adopté une résolution19(*) pour soutenir la mise en place de bacs à sable réglementaires, il a également rappelé que ce dispositif doit rester exceptionnel et conditionné à l'absence d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. En outre, le Sénat a appelé à bien distinguer les bacs à sable réglementaires des essais cliniques.
Ces bacs à sable réglementaires pourront notamment permettre de faciliter la mise sur le marché de thérapies reposant sur les propriétés de l'ARNex et des VE lorsque le cadre réglementaire actuel n'est pas adapté.
b) Dans le domaine agricole avec une révision du règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques prévue pour fin 2025
Les technologies utilisant l'ARNi pour détruire les nuisibles en agriculture n'impliquent pas de manipulation génétique. Cela signifie qu'il n'y a pas de changement permanent et héréditaire du génome des cultures à protéger. Dès lors, leur processus d'autorisation ne suivra pas la réglementation applicable à la dissémination d'organismes génétiquement modifiés mais celle applicable aux nouveaux produits phytopharmaceutiques, comme l'a indiqué aux rapporteurs M. Patrick du Jardin, ingénieur agronome.
Dans sa communication du 20 mars 2024, la Commission reconnaît que les délais d'approbation d'un produit phytopharmaceutique biologique sont plus longs au sein de l'Union, comparé aux États-Unis.
S'agissant du développement de produits phytopharmaceutiques à base d'ARNdb, l'OCDE a réalisé une étude visant à évaluer les risques de l'utilisation d'ARNi comme produit phytopharmaceutique. Cette étude en deux volets, l'un paru en 2020 puis actualisé en 2023 et consacré aux risques pour l'environnement20(*), l'autre paru en 2023 et consacré aux risques pour la santé humaine21(*), conclut à une exposition limitée aux molécules d'ARNi en raison de la dégradation rapide de l'ARNi dans l'environnement et des barrières physiologiques et biochimiques chez l'homme et les autres vertébrés. Il est en revanche plus difficile de prédire l'impact sur les invertébrés et le rapport recommande la poursuite des études scientifiques pour déterminer le potentiel d'exposition des organismes hors cibles. Par ailleurs, cette étude précise que les informations sur les séquences ne devraient pas et ne peuvent pas être utilisées seules pour prédire les effets hors cible.
En outre, pour favoriser l'absorption des molécules d'ARNi par l'organisme cible et protéger ces molécules peu stables jusqu'à absorption, des formulations spécifiques seront conçues. Les études d'évaluation des risques devront nécessairement prendre en compte les formulations complètes des produits évalués pour véritablement mesurer leur impact sur la santé humaine et l'environnement.
De son côté, la Commission européenne envisage une proposition législative concernant les substances actives de biocontrôle22(*) qui serait incluse dans le paquet simplification du dernier trimestre 2025. Celle-ci pourrait prendre la forme d'une révision du règlement (CE) n° 1107/200923(*) concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. La Commission pourrait proposer une définition des substances actives de biocontrôle et une simplification des procédures d'autorisation associées.
Si les produits phytopharmaceutiques reposant sur l'ARNi ne sont pas assimilables à des produits de biocontrôle, une révision du règlement (CE) n° 1107/2009 devrait permettre également d'instituer des procédures d'évaluation plus adaptées pour ceux-ci, comme le recommande l'OCDE. Cette adaptation ne signifie pas nécessairement une simplification mais la mise en oeuvre d'une procédure mieux à même d'intégrer les spécificités des produits phytopharmaceutiques à base d'ARNi de sorte à préserver la santé humaine et l'environnement.
2. Un projet de règlement en préparation pour 2026, qui devra respecter les compétences des États membres
La Commission européenne a annoncé, fin 2024, qu'elle préparait un acte législatif visant à stimuler le développement des biotechnologies au sein de l'Union.
Les services de la Commission européenne ont indiqué au service de la commission des affaires européennes du Sénat que le contenu de ce règlement n'avait pas encore donné lieu à un arbitrage politique. Le champ de ce futur règlement n'est donc pas défini pour le moment et il pourrait couvrir d'autres secteurs que la santé.
Si la Commission annonçait initialement une proposition de règlement pour la fin 2025, ce ne sera finalement pas avant 2026, ce qui, pour les rapporteurs, doit permettre l'organisation d'une large consultation et la prise en compte de l'ensemble des études lancées à la suite de la communication du 20 mars 2024 sur les biotechnologies.
Les mesures d'adaptation et de simplification qui pourraient être mises en oeuvre, notamment dans le cadre d'un futur règlement sur les biotechnologies ou des paquets de mesure de simplification que la Commission européenne souhaite proposer, devront respecter les compétences des États membres.
Ainsi, la lettre de mission de M. Oliver Varhelyi, Commissaire européen à la santé, publiée le 17 septembre 2024, mentionne un futur règlement de l'Union sur les biotechnologies « mettant l'accent sur la nécessité d'un nouvel environnement réglementaire propice à l'innovation dans les domaines de l'évaluation des technologies de santé, des essais cliniques et autres ».
Or, l'évaluation des technologies de santé a un impact sur les dépenses de sécurité sociale. Les règles relatives au budget de la sécurité sociale relèvent de la compétence des États membres au titre de l'article 168, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Si le règlement (UE) n° 2021/228224(*) permet davantage de coopération entre les États membres sur cette question, chacun fixe de manière unilatérale les conditions de remboursement des traitements.
De même, si les personnes auditionnées ont expliqué aux rapporteurs qu'il n'existe pas de difficulté particulière pour la mise en oeuvre du règlement relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, EuropaBio25(*) se montre plus critique et déplore notamment des conditions de mise en oeuvre des essais cliniques différentes d'un État membre à l'autre. Ces différences sont en partie liées aux conditions de prise en charge des traitements et des patients qui relèvent de la compétence des États membres.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes, réunie le 2 avril 2025, a engagé le débat suivant :
M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, nous nous réunissons ce midi pour aborder deux sujets. Nous examinerons tout d'abord la proposition de résolution européenne visant à promouvoir la recherche fondamentale et l'innovation de rupture dans le domaine des ARN extracellulaires et des véhicules extracellulaires, déposée par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, dont je salue la présence parmi nous. Nous entendrons ensuite une communication de notre collègue Pascal Allizard, en sa qualité de président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il nous rendra compte des derniers travaux de cette instance, en particulier de la session d'hiver qui s'est tenue à Vienne en février, ainsi que du déplacement qu'il a effectué en Israël et dans les territoires palestiniens en sa qualité de représentant spécial pour les affaires méditerranéennes au sein de cette assemblée parlementaire.
Cette communication pourrait être utile à nos collègues qui participeront la semaine prochaine à la partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), certains des thèmes abordés dans ces deux enceintes étant proches. Cela m'amène à vous indiquer que, grâce à notre collègue Claude Kern, nous auditionnerons jeudi prochain, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Vladimir Kara-Mourza, opposant russe et ancien prisonnier politique en Russie. Il nous fait le plaisir et l'honneur de venir s'exprimer librement ici.
Nous devions également nous retrouver demain matin pour une audition de M. Leopoldo Rubinacci, directeur général adjoint de la direction générale du commerce et de la sécurité économique (DG TRADE) de la Commission européenne, sur la réponse de l'Union européenne à la hausse des droits de douane annoncées par le Président des États-Unis. Le secrétariat m'indique toutefois que, compte tenu des annonces du président Trump concernant une nouvelle hausse des droits de douane, attendues ce soir, nous allons devoir reporter cette audition.
M. André Reichardt. - Si des annonces sont faites ce soir par M. Trump, je doute en effet que M. Rubinacci soit en mesure de les commenter demain matin et il est alors préférable de reporter cette audition pour lui permettre d'effectuer les consultations préalables nécessaires.
M. Jean-François Rapin, président. - Nous nous retrouverons ensuite le mercredi 9 avril pour examiner un avis politique préparé par notre collègue Alain Cadec, en vue de contribuer à l'évaluation du règlement sur la politique commune de la pêche. C'est une commande que je lui avais faite puisque la Commission européenne avait ouvert une consultation et je pense qu'il est important que notre commission puisse formuler un avis à cette occasion.
Je vous rendrai également compte du déplacement récent que nous avons effectué en Estonie. Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que le secrétariat de notre commission a saisi les groupes politiques afin de pouvoir composer les délégations de la commission qui effectueront les déplacements suivants : à Bruxelles le 15 mai avec une délégation de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, pour rencontrer des représentants de la Commission européenne ; à Bruxelles à nouveau, le 22 mai, dans le cadre d'un déplacement conjoint avec la délégation sénatoriale aux outre-mer afin de donner suite à la résolution européenne sur l'intégration régionale des régions ultra-périphériques ; et enfin, à La Haye, le 26 mai, dans le cadre d'un déplacement conjoint avec la commission des lois pour se rendre à Europol et Eurojust.
Pour chacun de ces déplacements, en accord avec mes homologues, la composition retenue sera la suivante : le président de la commission et un représentant par groupe politique. Je vous invite donc à vous rapprocher de vos groupes respectifs si vous souhaitez participer à l'un ou l'autre de ces déplacements.
J'en viens maintenant au premier point de notre ordre du jour.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Notre collègue Vanina Paoli-Gagin a déposé une proposition de résolution européenne visant à promouvoir la recherche fondamentale et l'innovation de rupture dans le domaine des ARN acides ribonucléiques extracellulaires et des vésicules extracellulaires.
L'ARN acide ribonucléique (ARN) est une molécule qui transmet les instructions contenues dans l'ADN à la cellule. Il est codant, c'est-à-dire qu'il permet la fabrication de protéines. Les ARN non codants, dits ARNi, peuvent se lier spécifiquement à des ARN messager pour moduler la fabrication des protéines ou l'empêcher. Ces molécules d'ARN sont particulièrement fragiles et peu stables. C'est pour cela qu'elles sont enveloppées d'une vésicule extracellulaire qui les protège et les transporte d'une cellule à l'autre, permettant ainsi une communication intercellulaire qui conditionne notamment la réponse immunitaire.
L'enjeu pour la recherche est de comprendre le processus de sélection des ARN chargés dans les vésicules, ainsi que les mécanismes qui permettent le ciblage des cellules réceptrices. De nombreuses applications seraient possibles dans le domaine de la santé et dans le domaine agricole. Dans le domaine de la santé, des solutions thérapeutiques sont en cours de développement pour lutter contre la maladie de Crohn ou l'hépatite C. De nouvelles avancées sont également espérées dans la lutte contre l'antibiorésistance. Les molécules d'ARN extracellulaire pourraient également être utilisées comme biomarqueurs non invasifs pour permettre des diagnostics précoces.
Dans le domaine agricole, des pesticides à base d'ARNi pourraient se substituer aux pesticides chimiques utilisés aujourd'hui, et qui restent nocifs pour la santé humaine et l'environnement. Un premier produit a été mis sur le marché aux États-Unis. Il s'agit de Calantha, qui permet de lutter contre le doryphore de la pomme de terre. De nouvelles avancées sont attendues dans la lutte contre certains champignons qui utilisent l'ARN extracellulaire pour réduire les capacités de défense immunitaire des plantes.
C'est pour cela qu'il nous apparaît essentiel de soutenir la recherche et le développement dans le domaine de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires, tant sur le plan financier que sur le plan réglementaire. Les technologies reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires sont assimilées à des biotechnologies. Elles peuvent bénéficier du label STEP, prévu par le règlement (UE) 2024/795, qui donne un accès préférentiel aux financements de l'Union aux technologies permettant de réduire ou de prévenir les dépendances stratégiques.
Le programme Horizon Europe finance déjà de nombreux projets dans le domaine de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires, que ce soit en recherche fondamentale ou en soutien à l'innovation. Ainsi, le Conseil européen de la recherche finance actuellement trois projets en recherche fondamentale et la société EVerZom a bénéficié de fonds de l'Institut européen d'innovation et de technologie pour tenter de mettre sur le marché un traitement contre la maladie de Crohn. Enfin, l'action COST exRNA-PATH, réseau regroupant plusieurs chercheurs européens, a également bénéficié de fonds du programme Horizon Europe. Selon les personnes auditionnées, les possibilités de financement pour la recherche dans le domaine de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires sont nombreuses. Toutefois, les fonds ne sont pas spécifiquement fléchés vers ce domaine de recherche.
En 2024, le programme Horizon Europe a fait l'objet d'une évaluation à mi-parcours par un groupe d'experts indépendants. Celui-ci a insisté sur la nécessité de mieux financer les innovations de rupture qui visent à remplacer les technologies existantes actuellement sur le marché. Les programmes de travail du programme Horizon Europe devraient spécifiquement soutenir les innovations reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires, notamment les innovations de rupture.
Le vrai problème de l'Union européenne réside toutefois dans une insuffisance de l'investissement privé dans la recherche-développement. Pour permettre le passage à l'échelle qui correspond au passage du stade de l'innovation à celui de la commercialisation d'un produit, les entreprises ont besoin de fonds particulièrement importants qu'elles ont du mal à lever. Les marchés européens de capitaux restent cloisonnés et les fonds de capital-investissement investissent essentiellement sur leur marché national. Il est donc nécessaire de créer un marché de l'épargne et de l'investissement plus intégré avec des produits d'épargne adaptés. C'est la solution préconisée par les rapports de MM. Draghi et Letta, que nous soutenons ici. Nous encourageons en effet la Commission européenne à faire des propositions visant à permettre la mobilisation de l'investissement privé pour financer le développement des entreprises innovantes et leur passage à l'échelle.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Le développement de nouvelles technologies reposant sur l'ARN extracellulaire et les vésicules extracellulaires va nécessairement nous poser des questions d'ordre éthique, réglementaire et technique.
Sur le plan éthique, l'état des connaissances scientifiques et la diversité des applications potentielles ne permettent pas de formuler un avis définitif. Le faible nombre de demandes d'essais cliniques ou d'autorisations de mise sur le marché déposées limite de fait le champ de la réflexion.
Le comité consultatif national d'éthique et le comité éthique en commun n'ont pas été en mesure d'accepter une audition. Toutefois, je peux indiquer que l'ARN ne modifie pas l'ADN. Le génome des organismes cibles reste le même.
Le règlement de l'Union européenne relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain prévoit une évaluation des enjeux éthiques de l'essai clinique par chaque État membre concerné. Un avis défavorable des comités nationaux d'éthique permet à un État membre de refuser la demande d'autorisation sur son territoire.
Sur le plan technique, le passage au stade industriel nécessite des développements que la réglementation doit pouvoir faciliter mais aussi encadrer de manière à protéger la santé humaine et l'environnement.
Lors de son audition, le président de la société EVerZom nous a expliqué que les vésicules extracellulaires sont considérées comme des produits biologiques, alors que leur procédé de production ressemble davantage à celui des médicaments de thérapie génique. Les sites de fabrication qui sont autorisés à produire des médicaments de thérapie génique ne sont généralement pas habilités à fabriquer des médicaments biologiques. Dès lors, la société EVerZom doit faire appel à deux prestataires distincts.
En outre, les lignes directrices devant permettre d'autoriser la libération des lots produits sont encore en cours d'élaboration, ce qui peut compliquer le développement de la production pour les entreprises et les missions de contrôle pour les régulateurs.
Nous recommandons donc de créer des plateformes spécifiques disposant des autorisations adaptées pour produire des vésicules extracellulaires à l'échelle industrielle et de soutenir la définition de lignes directrices permettant un contrôle qualité adéquat de la production.
En effet, il est nécessaire d'informer au mieux les entreprises sur la réglementation en vigueur et d'adapter cette même réglementation aux spécificités des produits reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires.
Il n'est pas toujours évident de déterminer quelle législation s'applique à une technologie donnée. Dans le domaine de la santé, certaines pourront s'apparenter à des médicaments biologiques et d'autres de ces techniques s'apparenteront à des thérapies géniques. Les exigences réglementaires ne sont pas les mêmes.
La Commission européenne a créé en janvier dernier un pôle biotechnologique de l'Union, qui vise à aider les entreprises de biotechnologie à trouver une information pertinente sur la réglementation en vigueur. Nous pensons qu'il est nécessaire d'aller plus loin en développant davantage les consultations préalables avec les autorités nationales compétentes et les agences de l'Union pour permettre aux entreprises de présenter au mieux leurs dossiers de demande d'autorisation.
En complément, une adaptation de la législation devrait également être envisagée pour permettre le développement de technologies reposant sur les propriétés de l'ARN extracellulaire et des vésicules extracellulaires. Lorsque nous avions examiné les dispositions du paquet pharmaceutique avec Pascale Gruny et Cathy Apourceau-Poly, notre commission avait soutenu la création de ce qu'on appelle des bacs à sable réglementaires dans le domaine du médicament afin de permettre la mise sur le marché de médicaments pour lesquels il n'existe pas d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. On peut raisonner un peu par analogie. Aujourd'hui, il s'agit d'adapter la procédure d'évaluation des produits phytopharmaceutiques pour les produits à base d'ARN. La Commission envisage une révision du règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques afin de prévoir une procédure particulière pour les produits de biocontrôle. Dans le même temps, la définition d'une procédure mieux adaptée aux produits à base d'ARN pourrait être envisagée. Il ne s'agit pas nécessairement de diminuer les exigences, plutôt de prendre en compte les caractéristiques particulières de ces produits, notamment l'instabilité de ces molécules dans l'environnement et l'impact sur la santé humaine et l'environnement qu'elles peuvent avoir lorsqu'elles sont encapsulées.
Enfin, la Commission européenne a annoncé fin 2024 qu'elle préparait un acte législatif visant à stimuler le développement des biotechnologies au sein de l'Union. Si cette proposition était initialement annoncée pour fin 2025, ce ne sera finalement pas avant 2026 et nous ne le regrettons pas, nous le saluons même, car nous souhaitons que la Commission européenne prenne le temps d'organiser une large consultation et tienne compte de l'ensemble des études lancées à la suite de sa communication du 20 mars 2024 sur les biotechnologies. Par ailleurs, la lettre de mission du nouveau commissaire européen à la santé et au bien-être animal, M. Oliver Varhelyi, mentionne ce futur règlement de l'Union sur les biotechnologies et indique la nécessité d'un nouvel environnement réglementaire propice à l'innovation dans les domaines de l'évaluation des technologies de santé et des essais cliniques. Il nous apparaît dès lors nécessaire de rappeler que les règles relatives aux dépenses de santé relèvent de la compétence des États membres et que ces compétences doivent être respectées. En effet, il faut éviter que, sous couvert de vouloir simplifier ou adapter la réglementation, la Commission européenne n'empiète sur les compétences des États membres.
Voilà l'objet de la proposition de résolution que nous avons modifiée et de l'avis politique qui en reprend les termes, que nous vous présentons de concert aujourd'hui.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Ce sujet n'est pas commun. Nous avons eu du mal au départ. Merci à Vanina Paoli-Gagin de nous avoir laissé le temps nécessaire pour examiner cette proposition de résolution. Nous avons essayé d'être les plus pédagogues possibles. C'est un sujet particulièrement pointu, même pour nous qui sommes scientifiques. L'expertise sur ce sujet à l'échelle européenne n'est pas si poussée que ça. Nous l'avons constaté. Il a été difficile de trouver des interlocuteurs même si, au fil du temps, nous avons pu rencontrer quelques experts.
Nous avons largement modifié le texte pour qu'il soit en phase avec l'état des connaissances actuelles et mettre l'accent sur les questions de santé car, au départ, le texte visait davantage les développements en cours dans le domaine agricole. Nous sentons très bien les potentialités dans le domaine de la santé. Il s'agit d'un sujet d'avenir, bien que l'ARN messager ait été découvert depuis de nombreuses années
M. Jacques Fernique. - Je remercie l'auteur de la proposition de résolution et nos rapporteurs. Leur rapport nous permet de mieux comprendre les enjeux de ce dossier. Mon groupe se serait sans doute opposé à la proposition initiale qui exprimait un enthousiasme marqué pour une réglementation moins contraignante.
Notre groupe ne se retrouve pas dans cet enthousiasme, notamment pour ce qui concerne les pesticides utilisant la génomique. Ceux-ci sont intéressants, mais aussi préoccupants, car leur impact sur la biodiversité n'a pas fait l'objet de travaux d'évaluation suffisants.
En effet, il est nécessaire de mieux connaître les risques pour la biodiversité, pour les invertébrés notamment, comme le rapport le souligne. Il est nécessaire de mener un effort de recherche conséquent pour mieux connaître leurs mécanismes d'action, leurs implications et leurs effets sur la santé humaine et la biodiversité. En ce sens, je me retrouve pleinement dans l'alinéa 21 de la proposition de résolution modifiée.
Sur les interrogations d'ordre éthique, le rapport nous rappelle que, pour le moment, l'état des connaissances et la diversité des applications potentielles ne permettent pas de formuler un avis éthique spécifique. Je mesure l'équilibre qu'essaie d'établir la proposition de résolution telle que modifiée par les rapporteurs. Cet équilibre tient entre la volonté de simplifier, de faciliter et d'accélérer la recherche, et la volonté mentionnée à l'alinéa 45 de s'assurer que la réglementation, simplifiée ou adaptée, permette de préserver la santé humaine et l'environnement. C'est cet impératif qui, à mon sens, est absolument nécessaire.
M. Michaël Weber. - Je découvre ce sujet qui me semble très technique. Je remercie tous ceux qui ont contribué à ce que nous puissions avoir ce débat.
Je voudrais revenir sur deux ou trois éléments, en m'excusant de mon manque de connaissances. Ils ont été plus ou moins abordés. Vous évoquez la création d'un pôle biotechnologique de l'Union mais, si je comprends bien, il n'existe pas à l'heure actuelle de législation propre aux biotechnologies. Ne devrait-on pas encourager le développement d'une législation plus ciblée pour soutenir la recherche ?
Je note également que la Commission envisage une proposition législative concernant les substances actives de biocontrôle, qui serait incluse dans le paquet de simplification du dernier trimestre 2025. Je suis inquiet de l'expression « paquet de simplification », même si j'ai bien noté que vous recommandiez davantage une adaptation, ce qui ne signifie pas nécessairement une simplification mais la mise en oeuvre d'une procédure mieux à même d'intégrer les spécificités des produits à base d'ARN. Pensez-vous que le paquet de simplification soit le bon véhicule législatif pour cette adaptation ? Y a-t-il des éléments pour nous rassurer à ce sujet ?
Enfin, je rejoins ce que disait Jacques Fernique à l'instant. Je pense que nous n'avons pas suffisamment de recul pour évaluer au mieux l'impact des biotechnologies sur la biodiversité. Il est nécessaire de poursuivre les recherches dans ce domaine. Nous devons également pouvoir réagir de façon suffisamment prompte si l'on découvrait des impacts négatifs sur la santé humaine ou la biodiversité, déjà fragilisée.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Merci de vos remarques. Nous nous sommes posé les mêmes questions que vous. Nous avons compris que nos interlocuteurs étaient gênés par la réglementation ou plutôt l'absence de réglementation adaptée qui encadre leurs activités. La génétique soulève toujours beaucoup de questions. Nous avions eu un débat sur les nouvelles techniques génomiques qui a permis de lever certains préjugés. Au fil de la discussion, nous sommes arrivés à des conclusions qui nous ont permis de mieux prendre en compte les réalités de ces technologies et de constater la nécessité d'une réglementation plus adaptée.
Sur les aspects financiers, nous comprenons qu'il est difficile de flécher les fonds. Le programme Horizon Europe définit des objectifs et c'est à chaque porteur de projet de présenter des solutions. Les objectifs en matière de santé sont bien intégrés dans le programme Horizon Europe. Didier Marie et moi-même avons insisté sur la nécessité d'intégrer un volet santé dans le programme de travail de la Commission pour 2025.
Enfin, dans le domaine de la recherche et de l'innovation sur lequel je travaille au sein de la commission des finances, ce que nous faisons aujourd'hui prépare les innovations dont nous pourrions bénéficier dans 20, 25, 30 ans.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Je remercie l'autrice de la proposition de résolution de nous avoir permis de nous pencher sur une question très avant-gardiste. Sur les interrogations que vous avez relevées en termes de risque ou d'éthique, notre réflexe, avec Jean-François Rapin, a été de solliciter les instances concernées. Elles n'ont malheureusement pas travaillé sur cette question spécifique parce que la recherche n'en est qu'à ses débuts. Beaucoup de projets de recherches sont en cours. On a listé dans le rapport le nombre de projets de recherche en France, ainsi que les montants alloués. Par ailleurs, les États membres conservent des compétences, notamment en ce qui concerne les autorisations d'essais cliniques sur la base de critères éthiques. Sur ce sujet, nous devons assumer nos responsabilités. Je rappelle l'existence de lois de bioéthique en France, que le Parlement révise régulièrement. Lors de la dernière révision, nous n'avons pas du tout traité de ce sujet, le Gouvernement n'a pas souhaité inclure les questions liées aux biotechnologies dans la révision de 2021, estimant qu'il n'y avait pas lieu de le faire. Nous devons adapter notre cadre national sur ces questions si nous voulons pouvoir intervenir.
J'en profite pour rappeler que les ARN extracellulaires n'entraînent pas de modifications du génome. De folles rumeurs ont circulé sur Internet durant la pandémie de Covid-19 sur l'ARN et les vaccins à ARN. Nous ne captons toujours pas la 5G, même si nous nous sommes fait vacciner ! Et notre génome n'a pas été modifié. Si ces applications sont récentes, les ARN extracellulaires ont été découverts il y a plus de vingt ans. Ce n'est pas une découverte fondamentale d'aujourd'hui. Des prix Nobel ont été décernés il y a deux décennies pour ces découvertes.
Nous proposons de simplifier le cadre juridique avec pour objectif d'aider les industriels à savoir quelle législation s'applique à leur domaine. Nous devons avoir le volontarisme nécessaire pour soutenir des technologies qui sont potentiellement porteuses de très grands progrès en santé humaine et peut-être aussi dans le monde agricole, tout en garantissant le respect de nos règles éthiques qui limitent les possibilités de modifier le génome.
Une fois qu'on a dit cela, on se rend compte que la recherche, tout comme la réglementation, sont en train de se faire. Avec beaucoup d'humilité, nous vous proposons un texte en marchant, c'est-à-dire sur un domaine qui n'est pas du tout stabilisé. Il nous semble que le cadre que nous vous proposons respecte les différentes valeurs que doit respecter la recherche sur le vivant.
M. Jean-François Rapin, président, rapporteur. - Je ne vois pas d'autres demandes de parole. Je mets aux voix la proposition de résolution. Elle est adoptée avec une abstention. Je mets également aux voix l'avis politique qui reprend les termes de la proposition de résolution. Même vote. Je vous remercie. Je vais maintenant donner la parole à notre collègue Vanina Paoli-Gagin, auteur du texte initial, que nous avons profondément remanié pour tenir compte de nos auditions.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Merci du travail effectué sur ce texte, qui est un acte volontariste de ma part. Je ne suis absolument pas une scientifique ni un médecin spécialiste des ARN. En revanche, je connais assez bien les innovations de rupture dans d'autres domaines. J'observe sur le temps long qu'en Europe, très souvent, on rate un coche à cause d'un nombre d'appréhensions qui sont souvent exagérées et au final, au bout d'un moment, les nouvelles technologies nous arrivent de l'extérieur, souvent issues de notre meilleure recherche académique, soit française, soit européenne. Il faut que cela cesse. Le fait de ne pas vouloir explorer de nouveaux territoires que nos amis chinois et américains sont en train de développer me gêne en tant qu'élue de la nation. Si nous voulons préparer l'avenir, il faut que nous changions de posture par rapport à ce type d'innovation.
Comme vous l'avez rappelé, M. le Président, M. le rapporteur, ce sont des recherches qui existent depuis plus d'une vingtaine d'années. J'ai été saisie par un collectif de 120 chercheurs européens qui font partie de cette Action COST pour rappeler que les travaux menés n'impliquent pas de modification du génome. Le problème, c'est qu'au bout d'un moment, ces craintes bloquent l'innovation de rupture en Europe et notre capacité à créer de la valeur.
Finalement, l'approche européenne « One Health » que nous avons choisie est la plus pertinente. Plus nous avançons dans les découvertes scientifiques, plus nous comprenons que seule une approche holistique de la santé humaine doit être privilégiée. Je suis, comme pour la plupart d'entre vous, élue d'une région très agricole. Je vois bien que nos agriculteurs, nos viticulteurs, d'année en année, ont des problématiques liées à l'utilisation des produits phytosanitaires qui, au bout d'un moment, finissent par épuiser les sols. Il y a des produits de biocontrôle qui peuvent être intéressants à utiliser en substitut aux produits phytosanitaires. Il me paraît souhaitable que l'Europe soit aux avant-gardes sur ces sujets. Il y a la santé humaine, la santé végétale et la santé animale et elles doivent être envisagées comme une seule.
Je ne milite pas pour l'absence de réglementation, chers collègues. Mais il s'agit d'essayer de changer de paradigme et de comprendre qu'on ne peut pas bloquer ce type d'innovation : au contraire, il s'agit de s'investir pleinement dans ce domaine parce que nous avons les meilleurs chercheurs au monde en ce moment. On a un temps d'avance aujourd'hui. Si on ne le garde pas, si on ne s'inscrit pas dans une dynamique et qu'on ne se donne pas les moyens de transformer ces résultats de recherche et ces innovations en produits de marché, je vous garantis que demain, on achètera des produits de marché qui viendront de partout, sauf de l'Union.
Aujourd'hui, le rapport Draghi ne fait que confirmer cette analyse et rappelle la nécessité de travailler à assurer notre autonomie dans les domaines de l'alimentation et de la santé. Je vous remercie beaucoup pour ces améliorations et je remercie les membres de la commission.
M. Jean-François Rapin, président. - Je vous remercie. Nous allons maintenant poursuivre notre réunion et je passe la parole à Pascal Allizard pour le second point inscrit à notre ordre du jour.
LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 168, 179 et 180,
Vu le règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) n° 1290/2013 et (UE) n° 1291/2013,
Vu la décision (UE) 2021/764 du Conseil du 10 mai 2021 établissant le programme spécifique d'exécution du programme-cadre pour la recherche et l'innovation Horizon Europe, et abrogeant la décision 2013/743/UE,
Vu le règlement (UE) 2024/795 du Parlement européen et du Conseil du 29 février 2024 établissant la plateforme « Technologies stratégiques pour l'Europe » (STEP) et modifiant la directive 2003/87/CE et les règlements (UE) 2021/1058, (UE) 2021/1056, (UE) 2021/1057, (UE) n° 1303/2013, (UE) n° 223/2014, (UE) 2021/1060, (UE) 2021/523, (UE) 2021/695, (UE) 2021/697 et (UE) 2021/241,
Vu le règlement (UE) 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE,
Vu le règlement (UE) 2021/2282 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 concernant l'évaluation des technologies de la santé et modifiant la directive 2011/24/UE,
Vu le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mars 2024 intitulé : « Bâtir l'avenir à l'aide de la nature : stimuler les biotechnologies et la bioproduction dans l'Union européenne », COM(2024) 137 final,
Vu le rapport du groupe d'experts de la Commission européenne chargé de l'évaluation intermédiaire du programme Horizon Europe du 16 octobre 2024 intitulé « Aligner, Agir, Accélérer : la recherche, la technologie et l'innovation au service de la compétitivité européenne »,
Vu le rapport de M. Enrico Letta du 18 avril 2024 intitulé « Much more than a market - Speed, security, solidarity - Empowering the Single Market to deliver a sustainable future and prosperity for all EU citizens »,
Vu le rapport de M. Mario Draghi du 9 septembre 2024 intitulé « L'avenir de la compétitivité européenne »,
Vu le rapport de la direction de l'environnement de l'OCDE du 30 août 2023 intitulé « Considérations relatives à l'évaluation des risques pour la santé humaine des pesticides à base d'ARNdb appliqués à l'extérieur », ENV/CBC/MONO(2023) 26,
Vu le rapport de la direction de l'environnement de l'OCDE du 17 mars 2023 intitulé « Considérations relatives à l'évaluation des risques pour l'environnement liés à l'application de pesticides à base d'ARNdb par pulvérisation ou application externe », ENV/JM/MONO(2020) 23,
Considérant les récents progrès réalisés par la recherche scientifique européenne autour des acides ribonucléiques extracellulaires (ARNex) et des vésicules extracellulaires (VE) ;
Considérant les applications potentielles tant dans le domaine de la santé humaine, animale et végétale, que dans le domaine agricole ;
Considérant les opportunités offertes par la coopération scientifique et académique au niveau européen ;
Considérant que les biotechnologies, dont celles s'appuyant sur les propriétés de l'ARNex et des VE, sont considérées, aux termes du règlement (UE) 2024/795 susvisé, comme susceptibles de contribuer à réduire ou à prévenir les dépendances stratégiques de l'Union ;
Reconnaît que les technologies s'appuyant sur les propriétés de l'ARNex et des VE peuvent contribuer à renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne, notamment dans les domaines de la santé et de l'agriculture ;
Estime que la recherche et développement dans ce domaine doit être soutenue en conséquence ;
Sur le plan financier
Considérant que le programme-cadre Horizon Europe permet de financer la recherche et l'innovation au sein de l'Union ;
Considérant que les fonds du programme-cadre Horizon Europe sont attribués dans le cadre d'appels à projets établis sur la base de programmes de travail proposés par la Commission européenne ;
Considérant que ces appels à projets tendent à répondre à des objectifs et que la technologie utilisée est souvent laissée à l'appréciation des porteurs de projets ;
Considérant qu'une innovation de rupture est une innovation technologique portant sur un produit ou un service et qui finit par remplacer une technologie dominante sur un marché ;
Considérant que certaines technologies développées grâce aux propriétés de l'ARNex et des vésicules extracellulaires peuvent constituer des innovations de rupture ;
Considérant les difficultés liées au passage à l'échelle des entreprises de biotechnologies au sein de l'Union européenne, le passage à l'échelle étant défini comme le passage du stade du développement d'un produit au stade de sa commercialisation ;
Considérant que ces difficultés sont plus importantes lorsqu'il s'agit d'innovations de rupture ;
Considérant le risque de décrochage scientifique et industriel de l'Union européenne, notamment face aux États-Unis et à la Chine, et la nécessité de se positionner sur les technologies de rupture afin de bénéficier, au plan industriel, du retour sur investissement scientifique, le plus souvent réalisé sur deniers publics ;
Demande que les programmes de travail du programme-cadre Horizon Europe apportent un soutien spécifique aux innovations reposant sur les propriétés de l'ARNex et des vésicules extracellulaires, notamment lorsqu'il s'agit d'innovations de rupture ;
Rappelle la nécessité de simplifier les démarches administratives nécessaires pour l'obtention de financements dans le cadre du programme-cadre Horizon Europe, notamment pour les petites et moyennes entreprises ;
Juge indispensable la mobilisation de l'investissement privé pour financer le développement des entreprises innovantes et leur passage à l'échelle, avec notamment le développement de produits d'épargne de long terme adaptés et la mise en place d'une union de l'épargne et des investissements ;
Sur le plan réglementaire
Considérant que les vésicules extracellulaires sont définies comme des produits biologiques alors que le procédé de leur fabrication ressemble davantage à celui des produits de thérapie génique ;
Considérant que les critères permettant de contrôler la qualité des vésicules extracellulaires produites à grande échelle ne sont pas encore totalement définis ;
Considérant que la Commission souhaite proposer en 2026 une proposition de règlement visant à stimuler le développement des biotechnologies en mettant l'accent sur la nécessité d'un nouvel environnement réglementaire propice à l'innovation, notamment dans les domaines de l'évaluation des technologies de la santé et des essais cliniques ;
Considérant le caractère novateur des technologies s'appuyant sur les propriétés de l'ARNex et des vésicules extracellulaires, et les difficultés que cela peut entraîner pour déterminer la législation applicable à une technologie donnée ;
Considérant le besoin de conseils exprimé par les entreprises pour mettre en oeuvre les procédures réglementaires nécessaires au développement et à la commercialisation de leurs produits ;
Considérant les différences entre un produit phytopharmaceutique à base de molécules chimiques et un produit phytopharmaceutique à base d'ARN ;
Encourage la création de plateformes spécifiques disposant des autorisations adaptées pour produire des vésicules extracellulaires et la définition de lignes directrices permettant le contrôle qualité de la production ;
Demande que les possibilités pour les entreprises de bénéficier des conseils des autorités compétentes de l'Union et des États membres en matière réglementaire soient développées ;
Soutient sur le principe l'idée d'un règlement européen visant à stimuler le développement des biotechnologies au sein de l'Union ; souligne que celui-ci devra faire l'objet d'une large concertation et tenir compte des conclusions des différentes études lancées par la Commission européenne à la suite de sa communication du 20 mars 2024 ;
Recommande d'établir une procédure adaptée pour l'évaluation des produits phytopharmaceutiques à base d'ARN ;
Rappelle toutefois que les mesures visant à simplifier ou adapter la réglementation de l'Union dans le domaine des biotechnologies doivent permettre de préserver la santé humaine et l'environnement, et respecter les compétences des États membres ;
Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.
LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/tableau-historique/ppr24-457.html
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Conseil national de recherche scientifique
- M. Lionel Navarro, directeur de recherche
M. Patrick du Jardin, professeur, ingénieur agronome, docteur en sciences agronomiques et ingénierie biologique, pour lequel il est précisé qu'il s'exprime en son seul nom n'engageant en rien les différents établissements dont il est membre ou qu'il préside
Commission européenne - Direction générale de la Recherche et de l'Innovation
- Mme Catherine Berens, chef d'unité adjoint au sein de la DG Recherche et Innovation
- Mme Cécile Huet, chef d'unité adjoint du Bureau de l'intelligence artificielle
- Mme Saila Rinne, chef d'unité Société numérique, confiance et cybersécurité
- Mme Carmen Laplaza Santos, chef d'unité Santé innovations et écosystèmes
- Mme Giuseppina Luvara, chargée de mission
- Mme Hanna Freienstein, chargée de mission
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
- Mme Carole Le Saulnier, directrice de la réglementation et de la déontologie
- Mme Isabelle Sainte-Marie, directrice adjointe de la direction médicale 1 en charge notamment des médicaments d'oncologie
- Mme Marianne Delville, cheffe du pôle greffe, thérapie cellulaire, médicaments dérivés du plasma, Direction médicale 1
- M. Alban Dhanani, directeur adjoint de la direction médicale 2, en charge notamment des médicaments anti-infectieux
France Biotech
- M. Frédéric Girard, président
- M. Nicolas Rousseau, co-président de la société Everzom
- Mme Valérie Salentey, coordinatrice de la Commission Biotech / MTI
- M. Julien Romanetto, manager affaires réglementaires
* 1 L'épigénétique étudie les modifications qui régulent l'expression des gènes sans changement de séquence sur l'ADN.
* 2 Mécanisme de transport de molécules vers l'intérieur de la cellule.
* 3 Règlement (UE) 2024/795 du 29 février 2024 établissant la plateforme « Technologies stratégiques pour l'Europe » (STEP) et modifiant la directive 2003/87/CE et les règlements (UE) 2021/1058, (UE) 2021/1056, (UE) 2021/1057, (UE) n° 1303/2013, (UE) n° 223/2014, (UE) 2021/1060, (UE) 2021/523, (UE) 2021/695, (UE) 2021/697 et (UE) 2021/241.
* 4 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 20 mars 2024 : Bâtir l'avenir à l'aide de la nature : stimuler les biotechnologies et la bioproduction dans l'Union européenne, COM(2024) 137 final.
* 5 Règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2021 portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) n° 1290/2013 et (UE) n° 1291/201.
* 6 Décision C(2024) 7451 du 29 octobre 2024.
* 7 https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/2f9fc221-86bb-11ef-a67d-01aa75ed71a1/language-en
* 8 Advanced Research Projects Agency qui aux États-Unis vise à soutenir la recherche avancée dans un domaine précis pour créer des innovations de rupture
* 9 https://commission.europa.eu/document/97e481fd-2dc3-412d-be4c-f152a8232961_en
* 10 https://www.consilium.europa.eu/media/ny3j24sm/much-more-than-a-market-report-by-enrico-letta.pdf
* 11 Règlement (UE) 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE.
* 12 Directive 2009/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés.
* 13 Le règlement (CE) n° 1394/2007 définit les MTI comme les médicaments de thérapie génique, les médicaments de thérapie cellulaire somatique ou les produits issus de l'ingénierie tissulaire.
* 14 Un médicament est dit biologique lorsqu'il est fabriqué à partir de cellules ou d'organismes vivants, comme les levures ou les bactéries. C'est par exemple le cas de l'insuline ou de l'hormone de croissance
* 15 Les médicaments de thérapie génique contiennent une substance active qui comprend ou est composée d'une séquence d'acide nucléique qui ne se trouverait pas dans le génome autrement et visent à réguler, réparer, remplacer, ajouter ou supprimer une séquence génétique existante dans le corps humain.
* 16 Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.
* 17 Règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004.
* 18 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) nº 1394/2007 et le règlement (UE) nº 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) nº 726/2004, le règlement (CE) n 141/2000 et le règlement(CE) nº 1901/2006, COM(2023) 193 final.
* 19 Résolution européenne n° 30 (2024-2025) du 29 novembre 2024 sur la révision de la législation pharmaceutique proposée par la Commission européenne.
* 20 https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2020/09/considerations-for-the-environmental-risk-assessment-of-the-application-of-sprayed-or-externally-applied-ds-rna-based-pesticides_898e0d9f/576d9ebb-en.pdf
* 21 https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/publications/reports/2023/08/considerations-for-the-human-health-risk-assessment-of-externally-applied-dsrna-based-pesticides_29cd67bc/54852048-en.pdf
* 22 L'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime définit les produits de biocontrôle comme des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ces produits comprennent en particulier les macro-organismes et les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale.
* 23 Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.
* 24 Règlement (UE) 2021/2282 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 concernant l'évaluation des technologies de la santé et modifiant la directive 2011/24/UE.
* 25 EuropaBio est une association européenne qui représente les intérêts de l'industrie des biotechnologies.