B. L'EXAMEN À L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA SUPPRESSION DE L'OBLIGATION DE TRANSFERT ENTÉRINÉE ET ASSORTIE DE PLUSIEURS AJUSTEMENTS
Lors de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, les députés ont, pour l'essentiel, approuvé le dispositif adopté par le Sénat, rejoignant ainsi la position constamment défendue par les sénateurs depuis l'adoption de la loi « NOTRe ».
1. La fin du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » : un principe approuvé et assorti de plusieurs ajustements
L'équilibre du dispositif voté au Sénat à l'article 1er a été conservé par les députés : à compter de l'entrée en vigueur de la loi, les communes qui ont conservé l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » n'auront plus l'obligation de procéder à ce transfert - qui devait intervenir au 1er janvier 2026. En revanche, aucun « retour en arrière » ne sera possible dans les cas où ces compétences ont déjà été transférées.
Plusieurs ajustements ont parallèlement été introduits.
a) L'affirmation du caractère sécable de la compétence « assainissement »
Par l'adoption d'un amendement12(*) du rapporteur Jean-Luc Warsmann à l'article 1er, la commission des lois de l'Assemblée nationale a conféré un caractère « sécable » à la compétence « assainissement ».
Dès lors, les communautés de communes qui exercent seulement une partie de la compétence « assainissement », c'est-à-dire soit l'assainissement collectif, soit l'assainissement non collectif, n'auront pas l'obligation d'exercer l'autre partie de la compétence.
Cette précision vise à permettre aux communes qui ont transféré à la communauté de communes une partie seulement de la compétence « assainissement » - il s'agit souvent de la compétence « assainissement non collectif »13(*) - de demeurer libres de transférer ou non l'autre partie de cette compétence à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
b) La création facilitée de syndicats de gestion de l'eau et de l'assainissement
Les députés ont, par l'adoption d'un amendement présenté par Vincent Descoeur14(*), introduit un article 1er A visant à sécuriser la possibilité pour les communes et les intercommunalités compétentes pour la gestion des compétences « eau » et « assainissement » de créer de nouveaux syndicats afin d'en mutualiser l'exercice.
L'article 1er A tend ainsi à compléter l'article L. 5111-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT)15(*), qui subordonne l'autorisation par le préfet de la création de syndicats de communes et de syndicats mixtes à leur compatibilité avec le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI), afin d'exonérer les syndicats compétents en matière d'eau ou d'assainissement d'une telle exigence de compatibilité.
Cette catégorie de syndicats bénéficierait donc de l'exception16(*) aujourd'hui applicable aux syndicats compétents en matière de construction ou de fonctionnement d'école préélémentaire ou élémentaire, d'accueil de la petite enfance ou d'action sociale.
c) La possibilité de conduire des études communes sur la gestion de la ressource en eau
Les députés ont, enfin, complété l'article 1er pour préciser qu'une commune ayant conservé l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » peut « réaliser, avec l'établissement public de coopération intercommunale et les communes du bassin versant, des études sur la gestion de la ressource en eau et sur la sécurité du service ».
Issue d'un amendement17(*) adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale avec un avis de sagesse du rapporteur, cette disposition explicite une faculté déjà existante, et n'ajoute a priori rien à l'état du droit.
2. Le dialogue relatif à l'organisation territoriale des compétences : une obligation précisée et assouplie
En commission, les députés ont entièrement réécrit l'article 3 bis18(*) relatif au dialogue territorial sur l'organisation des compétences « eau » et « assainissement » à l'échelle du département.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale présente deux principales différences par rapport à sa version initiale :
· d'une part, la fréquence des réunions a été réduite, l'article prévoyant désormais que la CDCI devra se réunir pour évoquer l'organisation territoriale des compétences relatives à l'eau et l'assainissement une fois tous les six ans, dans les six mois suivant chaque renouvellement général des conseils municipaux19(*) ;
· d'autre part, les conseils municipaux20(*) et organes délibérants des EPCI21(*) compétents devront se réunir, après chaque renouvellement général et une fois publié le compte-rendu de la réunion de la CDCI susmentionnée, pour évoquer les mêmes enjeux.
L'article précise enfin que la commission ne peut que « formuler des propositions non contraignantes22(*) sur l'organisation territoriale des compétences “eau” et “assainissement” à l'échelle du département ».
3. L'introduction d'un mécanisme de solidarité entre communes en cas de pénurie d'eau
À l'initiative du rapporteur Jean-Luc Warsmann23(*), la commission des lois de l'Assemblée nationale a introduit un article 5 qui tend à inscrire dans la loi un mécanisme de solidarité entre communes voisines en cas de pénurie d'eau potable.
Ainsi, aux termes de cet article, « [l]orsque le réseau public d'adduction et de distribution d'eau potable d'une commune connaît une rupture qualitative ou quantitative pour la première fois depuis au moins cinq ans, le maire peut demander à une commune voisine dont les réserves d'eau sont supérieures aux besoins estimés la mise à disposition d'eau potable ». Dans cette hypothèse, il incomberait à la commune bénéficiaire - à laquelle la ressource en eau est fournie à titre gratuit -, de financer son acheminement.
Le second alinéa de l'article 5 précise que la « commune donatrice est exemptée de toute contribution sur l'eau faisant l'objet du transfert gratuit ». Ce dispositif semble ainsi destiné à permettre que les volumes d'eau mis à disposition par la commune donatrice ne soient pas pris en compte pour le calcul des redevances24(*) liées à l'eau potable auxquelles sont assujetties les communes compétentes en matière de distribution d'eau potable.
D'après le rapporteur Jean-Luc Warsmann, ce mécanisme a pour objectif « [d'inciter] au volontariat » tout en veillant, via l'instauration d'un délai de cinq ans, à ce que « cette possibilité [ne puisse pas] se transformer en une prime »25(*) en faveur des communes qui ne fournissent pas les efforts suffisants pour garantir la performance de leur système de captage d'eau.
* 12 Amendement n° CL20 de Jean-Luc Warsmann.
* 13 En effet, d'après les données fournies par la direction générale des collectivités locales (DGCL), au 1er octobre 2022, 42 % des communautés de communes exerçaient la compétence « assainissement collectif » et 73 % d'entre elles la compétence « assainissement non collectif ».
* 14 Amendement n° CL1 de Vincent Descoeur et plusieurs de ses collègues.
* 15 Cet article est issu de l'article 44 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
* 16 Ces exceptions ont été introduites par la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.
* 17 Amendement n° CL16 de Marie Pochon.
* 18 Amendement n° CL21 du rapporteur Jean-Luc Warsmann.
* 19 Ces dispositions seraient intégrées, comme l'avait proposé le Sénat, au sein d'un nouvel article L. 5211-45-1 du code général des collectivités territoriales, placé dans la section consacrée aux attributions de la commission départementale de la coopération intercommunale.
* 20 Cette prescription figurerait au sein d'un nouvel article L. 2224-7-1-2 du code général des collectivités territoriales.
* 21 Cette prescription figurerait au sein de l'article L. 5214-17 du code général des collectivités territoriales.
* 22 Cette précision rédactionnelle ne fait qu'expliciter le caractère non-contraignant des propositions susceptibles d'être formulées par la CDCI, lequel ressortait déjà du dispositif voté par la Sénat.
* 24 À commencer par les redevances pour la performance des réseaux d'eau potable et pour la performance des systèmes d'assainissement collectif (articles L. 213-10-5 et suivants du code de l'environnement).
* 25 Compte rendu de la séance publique du 13 mars 2025.