II. UNE PROPOSITION DE LOI UTILE MAIS À PRÉCISER

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l'avortement et par les femmes avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse se compose de deux articles.

Le premier tend à la reconnaissance formelle, par la Nation, des atteintes portées aux droits des femmes par la législation condamnant l'avortement, les souffrances subies par celles qui ont subi des avortements clandestins et le préjudice subi par les personnes condamnées pour avoir pratiqué l'avortement. Aucune compensation notamment financière n'est prévue au titre de ce préjudice.

Le second tend à mettre en place une commission nationale indépendante, placée auprès du Premier ministre, chargée de recueillir et de transmettre la mémoire de ces préjudices.

B. LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission partage le souhait de reconnaître les souffrances subies par les femmes et de favoriser le travail de mémoire lié à l'avortement clandestin. Afin de préciser le dispositif de la proposition de loi, elle a adopté deux amendements proposés par le rapporteur en accord avec l'auteure de la proposition de loi.

Le premier amendement tend à éviter toute ambiguïté sur la portée de la proposition de loi. En effet la notion de « préjudice » qui apparaît dans le dispositif des deux articles a une portée juridique qui pourrait donner à croire que seraient ouvertes des procédures judiciaires de compensation financière, alors même que cela n'est pas prévu par le texte. Les auditions du rapporteur et les échanges avec l'auteure du texte ont également permis d'identifier une difficulté supplémentaire concernant les personnes ayant

pratiqué l'avortement : si certains agissaient dans le cadre de leur vocation médicale ou dans un but principalement humanitaire, d'autres ont pu tirer un avantage financier de la détresse de ces femmes, voire l'exploiter.

Afin de limiter l'incertitude juridique que cette notion de préjudice pourrait engendrer, le premier amendement du rapporteur reprend la formulation de la proposition de loi portant reconnaissance et réparation des personnes condamnées pour homosexualité. La commission des lois a donc supprimé la notion de préjudice tout en reconnaissant la souffrance et le traumatisme des victimes.

Le second amendement tend à résoudre une difficulté qui provient de la structure de la commission prévue par la proposition de loi. Celle-ci comprendrait deux parlementaires, un membre du Conseil d'État, un magistrat de la Cour de cassation, trois représentants de l'État, trois professionnels de la santé gynécologique des femmes et trois représentants d'associations oeuvrant pour le droit des femmes et l'accès à l'avortement. Cette structure paraît de ce fait relativement lourde et moins adaptée à son objectif de recueil de la mémoire. Les auditions du rapporteur ont permis de plus de saisir l'importance des travaux historiques ou de recherche engagés sur ce sujet, notamment en partenariat avec l'INA. Il paraît donc opportun de remplacer les représentants de l'État par des historiens et chercheurs spécialistes du sujet, qui seront plus à même d'évaluer les enjeux symboliques et historiques de la reconnaissance des victimes. La commission des lois a donc allégé la structure prévue et prévu la présence d'historiens et de chercheurs en son sein.

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La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée

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