N° 431

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mars 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l'avortement, et par toutes les femmes, avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse,

Par M. Christophe-André FRASSA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

244 et 432 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Cinquante ans après la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, la proposition de loi présentée par Laurence Rossignol et ses collègues du groupe SER propose de reconnaître la souffrance physique et morale subie par les femmes contraintes à des avortements clandestins et certaines des personnes ayant pratiqué ces avortements.

La commission des lois estime incontestable la souffrance des femmes du fait de la législation antérieure à la loi du 17 janvier 1975. Elle a donc adopté la proposition de loi le mercredi 12 mars 2025, en la modifiant par deux amendements de son rapporteur Christophe-André Frassa, en accord avec l'auteure du texte, afin de clarifier le caractère mémoriel et non indemnitaire de la loi et de préciser la composition de la commission destinée à contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire des femmes contraintes aux avortements clandestins et de ceux qui les ont aidées.

I. UNE MÉMOIRE À PRÉSERVER ; DES TRAVAUX HISTORIQUES À POURSUIVRE

A. UN CADRE LÉGAL RÉPRESSIF, UN NOMBRE DE FEMMES CONCERNÉES ENCORE MAL CONNU

L'article 317 du Code pénal de 1810 régit jusqu'en 1975 l'interdiction d'interrompre volontairement une grossesse. L'avortement est qualifié de crime passible de réclusion pour la femme avortée et de travaux forcés pour les médecins pratiquants. En 1852, cette interdiction est assouplie par la reconnaissance de l'avortement thérapeutique.

À partir de 1920, la politique nataliste conduit au renforcement de l'arsenal législatif contre l'avortement, avec une volonté répressive, alors même que les peines prononcées sont généralement faibles :

-  La loi du 31 août 1920 élargit le champ des condamnations aux provocations à l'avortement.

-  La loi du 27 mars 1923 requalifie l'avortement en délit afin d'éviter les jurys de cours d'assises et ainsi faciliter la condamnation effective.

- Un décret-loi du 29 juillet 1939 renforce les peines encourues pour avortement ou pratique de l'avortement qui peuvent aller jusqu'à la peine de mort en cas de récidive.

La répression s'accentue fortement sous le régime de Vichy, sous lequel l'avortement est considéré comme un crime contre la famille. Ainsi, Marie-Louise Giraud, « faiseuse d'ange », est exécutée pour ce motif en 1943.

La Libération entraîne l'abrogation des lois et règlement vichystes, mais le renforcement de l'action de police et de la justice maintient un fort niveau de répression jusqu'en 1948.

Dans son dernier état avant son abrogation par la loi du 17 janvier 1975, l'article 317 du Code pénal prévoyait les sanctions suivantes :

-  pour les femmes s'étant procuré ou ayant tenté de se procurer l'avortement : 6 mois à deux ans d'emprisonnement et une amende de 360 à 20 000 francs ;

-  pour toute personne ayant procuré ou tenté de procurer l'avortement à une femme enceinte, qu'elle y ait consenti ou non : 1 à 5 ans d'emprisonnement et une amende de 1 800 à 100 000 francs.

La loi du 17 janvier 1975 marque l'aboutissement d'une évolution sociale tendant à reconnaître aux femmes la liberté de choix, et le rejet par l'opinion publique mais aussi par les magistrats de la condamnation des femmes avortées, comme l'ont montré les procès de Bobigny d'octobre et novembre 1972. Comme le soulignait Simone Veil dans son discours du 26 novembre 1974 : « On ne peut empêcher les avortements clandestins et [...] on ne peut non plus appliquer la loi pénale à toutes les femmes qui seraient passibles de ses rigueurs ».

Le nombre d'avortements clandestins pratiqués en France est sujet à débat et d'importants travaux historiques sont en cours sur ce sujet. Simone Veil évoquait en 1974 le chiffre de 300 000 femmes interrompant leur grossesse chaque année. Les personnes auditionnées par le rapporteur ont affirmé l'impossibilité pour l'heure de donner une estimation précise, certains allant jusqu'à plus du triple du chiffre donné en 1974.

B. UNE MÉMOIRE À PRÉSERVER PARALLÈLEMENT AUX TRAVAUX HISTORIQUES

Portée par la Fondation des Femmes et plusieurs personnalités issues notamment du monde de la recherche et de l'histoire, la tribune demandant la réhabilitation des femmes condamnées pour avortement, qui a donné l'impulsion à la proposition de loi, entend se fonder sur la mémoire pour « changer l'histoire des femmes ». Un exemple des interactions fécondes entre la mémoire et les travaux historiques est le travail de recueil de témoignages conduit par l'Institut national de l'audiovisuel à partir de 2022. Ce projet intitulé « Il suffit d'écouter les femmes » permet de « documenter et transmettre le ve'cu ordinaire de l'avortement avant l'instauration de la loi Veil » au travers de 79 témoignages choisis pour montrer la diversité des expériences parmi les plus de 400 propositions de témoignage reçues.

Le nombre de personnes souhaitant témoigner, pour la quasi-totalité d'entre elles de manière inédite, montre l'ampleur du travail susceptible d'être accompli, cinquante ans après la dépénalisation de l'avortement.

Le rapporteur a également été sensible à l'analyse mise en avant par Bibia Pavard, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, et Isabelle Foucrier, productrice à la direction éditoriale de l'INA, selon laquelle c'est la possibilité de s'exprimer devant un organisme public qui a amené les personnes, et particulièrement les femmes ayant subi des avortements clandestins, à témoigner.

La reconnaissance publique de la souffrance des femmes du fait de l'interdiction de l'avortement est ainsi susceptible de libérer la parole et de fournir des témoignages sur lesquels les historiens pourront fonder leurs travaux.

II. UNE PROPOSITION DE LOI UTILE MAIS À PRÉCISER

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l'avortement et par les femmes avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse se compose de deux articles.

Le premier tend à la reconnaissance formelle, par la Nation, des atteintes portées aux droits des femmes par la législation condamnant l'avortement, les souffrances subies par celles qui ont subi des avortements clandestins et le préjudice subi par les personnes condamnées pour avoir pratiqué l'avortement. Aucune compensation notamment financière n'est prévue au titre de ce préjudice.

Le second tend à mettre en place une commission nationale indépendante, placée auprès du Premier ministre, chargée de recueillir et de transmettre la mémoire de ces préjudices.

B. LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission partage le souhait de reconnaître les souffrances subies par les femmes et de favoriser le travail de mémoire lié à l'avortement clandestin. Afin de préciser le dispositif de la proposition de loi, elle a adopté deux amendements proposés par le rapporteur en accord avec l'auteure de la proposition de loi.

Le premier amendement tend à éviter toute ambiguïté sur la portée de la proposition de loi. En effet la notion de « préjudice » qui apparaît dans le dispositif des deux articles a une portée juridique qui pourrait donner à croire que seraient ouvertes des procédures judiciaires de compensation financière, alors même que cela n'est pas prévu par le texte. Les auditions du rapporteur et les échanges avec l'auteure du texte ont également permis d'identifier une difficulté supplémentaire concernant les personnes ayant

pratiqué l'avortement : si certains agissaient dans le cadre de leur vocation médicale ou dans un but principalement humanitaire, d'autres ont pu tirer un avantage financier de la détresse de ces femmes, voire l'exploiter.

Afin de limiter l'incertitude juridique que cette notion de préjudice pourrait engendrer, le premier amendement du rapporteur reprend la formulation de la proposition de loi portant reconnaissance et réparation des personnes condamnées pour homosexualité. La commission des lois a donc supprimé la notion de préjudice tout en reconnaissant la souffrance et le traumatisme des victimes.

Le second amendement tend à résoudre une difficulté qui provient de la structure de la commission prévue par la proposition de loi. Celle-ci comprendrait deux parlementaires, un membre du Conseil d'État, un magistrat de la Cour de cassation, trois représentants de l'État, trois professionnels de la santé gynécologique des femmes et trois représentants d'associations oeuvrant pour le droit des femmes et l'accès à l'avortement. Cette structure paraît de ce fait relativement lourde et moins adaptée à son objectif de recueil de la mémoire. Les auditions du rapporteur ont permis de plus de saisir l'importance des travaux historiques ou de recherche engagés sur ce sujet, notamment en partenariat avec l'INA. Il paraît donc opportun de remplacer les représentants de l'État par des historiens et chercheurs spécialistes du sujet, qui seront plus à même d'évaluer les enjeux symboliques et historiques de la reconnaissance des victimes. La commission des lois a donc allégé la structure prévue et prévu la présence d'historiens et de chercheurs en son sein.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée

EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l'avortement.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui un texte d'une grande importance historique et symbolique. Il y a cinquante ans, le 17 janvier 1975, était adoptée la loi légalisant le recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. Cette adoption a mis fin à des décennies de souffrance et de silence pour de nombreuses femmes contraintes de recourir à l'avortement dans l'illégalité, parfois au péril de leur vie.

Dans son célèbre discours à la tribune de l'Assemblée nationale, la ministre de la santé de l'époque, Simone Veil, évoquait les « 300 000 » femmes qui avaient chaque année recours à l'avortement clandestin. Aujourd'hui, nous savons que cette réalité concernait un nombre certainement plus important de femmes. Les travaux menés par des historiens à ce sujet ne permettent pas de fixer un chiffre certain, mais ils fournissent une estimation du nombre d'avortements clandestins annuel comprise entre 800 000 et un million.

Les travaux historiques se heurtent encore, cependant, à la difficulté de recueillir des témoignages de cette expérience, autour de laquelle le sentiment de honte persiste. En 2022, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) a lancé un projet de grande ampleur visant à documenter l'expérience de l'avortement avant la loi Veil. Il a reçu 400 réponses de témoins à sa sollicitation. Néanmoins, faute de moyens, seulement 79 témoignages ont pu être recueillis, offrant une perspective éclairante sur le nécessaire devoir de mémoire à ce sujet.

Derrière les chiffres, il faut voir la réalité tragique de ces situations. Des centaines de milliers de femmes se retrouvaient, souvent seules, devant une décision impossible : prendre le risque d'avorter dans l'illégalité, pour un prix souvent extrêmement élevé, auquel il faut ajouter le risque de complications médicales en raison des conditions sanitaires dans lesquelles l'avortement était réalisé. Ces situations étaient d'autant plus tragiques que ces choix étaient en grande partie dépendants du milieu social de ces femmes. Alors que certaines, issus de milieux favorisés, avaient la possibilité de recourir à l'avortement de façon sécurisée dans des cliniques suisses ou belges, les femmes de milieux plus populaires devaient subir une intervention dangereuse, dans des conditions beaucoup plus précaires.

Pour elles et pour les personnes pratiquant l'avortement, le code pénal prévoyait des sanctions sévères, pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende. De fait, le nombre de condamnations annuelles pour des faits d'avortement a atteint près de 5 000 pendant le régime de Vichy, et avoisinait encore 300 à 500 personnes par an avant la promulgation de la loi Veil.

La proposition de loi déposée par notre collègue Laurence Rossignol vise à faire reconnaître cette souffrance et ce préjudice, en réhabilitant la mémoire de ces femmes et des personnes condamnées sur la base de cette législation.

Le dispositif retenu s'inscrit dans la continuité de celui qui est prévu par la proposition de loi portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, adoptée en première lecture par le Sénat en novembre 2023.

D'une part, il prévoit la reconnaissance formelle par l'État des atteintes portées aux droits des femmes par la législation condamnant l'avortement et du préjudice subi par les personnes condamnées pour avoir pratiqué l'avortement. À la différence de la proposition précitée, aucune compensation financière n'est prévue du fait du préjudice qui serait reconnu par la loi.

D'autre part, il est proposé de mettre en place une commission nationale indépendante, placée auprès du Premier ministre, chargée de recueillir et transmettre la mémoire de ces préjudices.

Il n'y a pas de débat sur la souffrance qu'ont enduré les femmes du fait de cette législation. Mais il peut exister un débat sur la meilleure façon de mettre en place une loi mémorielle afin de réhabiliter celles qui ont subi de ces souffrances. C'est pourquoi nous avons mené, avec l'auteure de la proposition de loi, une réflexion et un travail communs en vue de lever les possibles ambigüités du dispositif. En accord avec elle, je vous présenterai deux amendements visant à clarifier la formulation et le contenu du texte, et à faciliter son adoption.

En premier lieu, la reconnaissance d'un « préjudice » subi par les personnes concernées est source d'incertitude. Comme vous le savez, la notion de « préjudice » comporte une dimension juridique qui pourrait, en conséquence, ouvrir la voie à des procédures judiciaires de compensation financière, alors que cela n'est pas prévu par le texte. Les auditions que nous avons menées nous ont également permis d'identifier une difficulté supplémentaire concernant les personnes ayant pratiqué l'avortement ; si certains agissaient dans le cadre de leur vocation médicale ou dans un but principalement humanitaire, d'autres ont pu tirer un avantage financier de la détresse de ces femmes, voire l'exploiter.

Afin de limiter l'incertitude juridique que cette notion de préjudice pourrait engendrer, je propose d'adopter un premier amendement, visant à reprendre la formulation de la proposition de loi concernant les personnes condamnées pour homosexualité. Nous pourrons ainsi supprimer la notion de préjudice tout en reconnaissant la souffrance et le traumatisme des victimes.

En second lieu, la commission prévue par la proposition de loi comprendrait deux parlementaires, un membre du Conseil d'État, un magistrat de la Cour de cassation, trois représentants de l'État, trois professionnels de la santé gynécologique des femmes et trois représentants d'associations oeuvrant pour le droit des femmes et l'accès à l'avortement. Cela porte le nombre de membres à une douzaine, ce qui en fait une structure relativement lourde. Par ailleurs, les auditions que nous avons menées avec des historiens spécialisés dans l'histoire des femmes et de l'avortement nous ont permis de saisir l'importance des travaux historiques engagés à ce sujet, notamment en partenariat avec l'INA.

Il paraît donc opportun de remplacer les représentants de l'État par des historiens et chercheurs spécialisés sur le sujet, qui seront plus à même d'évaluer les enjeux symboliques et historiques de la reconnaissance des victimes. Mon second amendement propose donc d'alléger la structure prévue, ainsi que la présence d'historiens et de chercheurs en son sein.

Vous l'aurez compris, cette proposition vise à réhabiliter les femmes contraintes à l'avortement clandestin. Leurs souffrances ne pourront pas être effacées, mais leur reconnaissance par l'État permettra d'entretenir la mémoire des victimes et de leur rendre hommage, alors que nous commémorons cette année les cinquante ans de la loi Veil.

Présentant des amendements dont l'objet est simplement de rendre le dispositif plus efficace et opérationnel, je vous propose d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de cette présentation et de ce que nous comprenons être un soutien à ce texte. Quelques modulations dans la rédaction ont, en effet, été examinées avec son auteure et ont recueilli son accord.

Je vous remercie surtout d'être revenu sur ce qui, jusque voilà peu, était considéré en France comme une double transgression. Ainsi, en 1939, Édouard Daladier qualifiait l'IVG de « fléau social compromettant l'avenir de la race ». Le régime de Vichy en a fait un crime contre la sûreté de l'État, passible de la peine de mort. Le nombre de personnes condamnées se monte à 11 000. Il est donc important de reconnaître cette histoire.

Comme l'a indiqué le rapporteur, il n'est pas question d'indemnisation ; il s'agit de regarder cette période, assez longue, pendant laquelle la situation des femmes était traitée violemment sur le plan pénal et sur le plan social.

Je remercie donc le rapporteur et confirme l'accord de l'auteure, dont je ne suis que le porte-voix, sur les amendements proposés.

Mme Catherine Di Folco. - Le rapporteur a terminé son intervention en évoquant la nécessité de réhabiliter les femmes... Le terme « réhabiliter » - qui renvoie à une mesure individuelle, judiciaire ou légale, qui efface une condamnation pénale et ses conséquences - est-il le bon ? Les femmes dont nous parlons ont été victimes, non coupables.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur - Il fallait entendre ce terme dans son sens commun : je parlais de réhabiliter la mémoire de ces femmes. Par ailleurs, je l'ai employé dans mon intervention, mais il n'apparaît pas dans la proposition de loi.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Avant d'entamer l'examen des amendements, nous devons arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la mémoire des avortements clandestins et à celle des personnes les ayant subis ou pratiqués.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - J'ai déjà exposé le sens de mon amendement COM-1. Du fait de l'importance de la reconnaissance symbolique et politique, il ne doit y avoir aucune ambiguïté, notamment sur ses conséquences en matière judiciaire. D'où la proposition de remplacer le terme « préjudice », qui pourrait prêter à confusion, par la reconnaissance des souffrances et traumatismes subis.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - S'agissant de l'amendement COM-2, j'ai également indiqué que la commission instituée à l'article 2, dont la vocation est essentiellement mémorielle, s'inscrit dans le prolongement d'importants travaux engagés par les historiens, notamment en partenariat avec l'INA. Il est donc proposé de prévoir explicitement la présence d'historiens dans cette commission.

M. François Bonhomme. - Nous connaissons, de par l'expérience que nous avons de ce type de textes, les difficultés pouvant découler des lois mémorielles. Nous aurions tout intérêt, lorsque c'est possible, de privilégier la notion de travail historique et historiographique par rapport à celle de mémoire. Le premier est soumis à quelques règles essentielles, alors que la seconde est labile et sujette à enjeux.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - C'est bien tout l'objet de cet amendement : remplacer les représentants de l'État par des historiens et chercheurs, pour indiquer l'importance des travaux de recherche historique.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. FRASSA, rapporteur

1

Reconnaissance des souffrances et traumatismes subis par des personnes condamnées pour avoir pratiqué des avortements

Adopté

Article 2

M. FRASSA, rapporteur

2

Présence d'historiens et chercheurs et allègement de la commission rattachée au Premier Ministre

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 1(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie2(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte3(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial4(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 12 mars 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 244 (2024-2025) visant à reconnaître le préjudice subi par les personnes condamnées sur le fondement de la législation pénalisant l'avortement, et par toutes les femmes, avant la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la mémoire des avortements clandestins et à celle des personnes les ayant subis ou pratiqués.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

AUTEURE DE LA LOI

Mme Laurence Rossignol, sénatrice du Val-de-Marne

SERVICE DE L'ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE ET DE L'AIDE AUX VICTIMES (SADJAV)

Mme Anne-Sophie Bernachot, adjointe à la cheffe de service

Mme Florence Gainot, chargée de mission auprès de la cheffe de service

Mme Jeanne Bornais, stagiaire

Table ronde d'associations de défense des droits des femmes

CHOISIR LA CAUSE DES FEMMES

Mme Maria Cornaz Bassoli, présidente

FONDATION DES FEMMES

Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques

Mme Capucine Blouet, juriste et étudiante plaidoyer/affaires publiques

PERSONNALITÉS QUALIFIÉES

Mme Bibia Pavard, maîtresse de conférences en histoire contemporaine Institut français de presse, Université Paris Panthéon-Assas

Mme Isabelle Foucrier, productrice à la direction éditoriale de l'INA

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-244.html


* 1 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 2 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 3 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 4 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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