EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 12 MARS 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport de Lauriane Josende sur la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, présentée par notre collègue, Jacqueline Eustache-Brinio.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'éloignement des étrangers auteurs de troubles à l'ordre public, notamment les sortants de prison, a été affirmé comme une priorité par les gouvernements successifs ; plusieurs instructions et circulaires ont invité les services de l'État à placer prioritairement en centres de rétention administrative (CRA) les étrangers les plus dangereux.

Or, il s'avère que les étrangers aux profils les plus « lourds » sont aussi les plus difficiles à expulser, que cela soit dû à la réticence des États concernés ou aux stratégies d'évitement mises en oeuvre par les intéressés.

La durée de la rétention administrative peut constituer un levier permettant de favoriser cet éloignement. Certes, l'on objectera que la majorité des éloignements a lieu dans les premiers mois de la rétention administrative. Toutefois, une part non négligeable des éloignements a lieu entre 60 et 90 jours, soit dans les dernières prolongations du régime de droit commun : en 2024, cela représentait 958 éloignements, soit 14 % des éloignements réalisés.

Considérant tant l'impérieuse nécessité d'éloigner ces personnes que les difficultés particulières auxquelles se heurte cet éloignement, le législateur a prévu un régime particulier pour les étrangers condamnés pour des activités terroristes. Les articles L. 742-6 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoient ainsi que les intéressés peuvent être maintenus en rétention jusqu'à 180, voire 210 jours, contre 90 jours pour le droit commun.

Plus précisément, l'article L. 742-6 permet de prolonger, sur décision du juge, la rétention d'un étranger jusqu'à 180 jours dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont réunies : la rétention doit découler d'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire prononcée « pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal » ou d'une décision d'expulsion « édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées » ; l'éloignement de l'étranger doit constituer une « perspective raisonnable » ; enfin, l'assignation à résidence doit ne pas être suffisante.

L'article L. 742-7 prévoit qu'« à titre exceptionnel », la rétention peut être à nouveau prolongée par un magistrat pour deux périodes supplémentaires de quinze jours, pour une durée totale de 210 jours.

Le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans une décision du 9 juin 2011 ; il a en revanche censuré les dispositions permettant, dans le cadre de ce régime dérogatoire, une prolongation de la rétention de douze mois supplémentaires - durée pourtant conforme à la directive Retour.

En 2024, moins d'une quarantaine d'individus étaient retenus sur le fondement de ces dispositions. Si le taux d'éloignement n'est pas supérieur à celui de l'ensemble des étrangers retenus, on peut noter que plus de la moitié des laissez-passer consulaires délivrés en 2024 l'ont été au-delà du quatre-vingt-dixième jour de rétention, qui correspond au terme du régime de droit commun. Autrement dit, sans cet allongement de la rétention, le nombre d'éloignés aurait été divisé par deux.

La proposition de loi de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio vise à étendre ce régime dérogatoire aux étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits graves.

Elle reprend en partie une disposition que notre commission avait adoptée en octobre dernier, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

Son article 1er étend l'application de l'article L. 742-6 du Ceseda aux personnes condamnées à une peine d'interdiction du territoire ou ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement édictée pour un comportement « pénalement constaté » au titre d'infractions qu'il énumère. Il s'agit des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, soit celles qui donnent lieu à une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), ainsi que celles mentionnées à l'article 706-73 du même code, c'est-à-dire les infractions qui relèvent de la délinquance et de la criminalité organisées. Sont aussi mentionnées d'autres infractions : meurtre, torture ou acte de barbarie, traite des êtres humains, proxénétisme.

Son article 2 modifie le dernier alinéa de l'article L. 743-22 du Ceseda, qui confère un caractère suspensif à l'appel de la décision mettant fin à la détention des étrangers qui relèvent du régime de l'article L. 742-6, afin de prendre en compte le nouveau champ d'application de ce régime.

Il me semble que nous ne pouvons qu'approuver l'objet de cette proposition de loi. D'une part, l'allongement de la durée de la rétention administrative pour les profils les plus dangereux devrait permettre de favoriser leur éloignement effectif. D'autre part, le choix de procéder à l'extension du champ d'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du Ceseda me paraît judicieux.

Sur le principe, aucune exigence constitutionnelle ni aucune disposition du droit de l'Union européenne ne paraît s'opposer à l'extension de ce régime dérogatoire. Il importe en revanche d'assurer que le dispositif conserve un caractère proportionné afin de limiter le risque d'une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.

Ces considérations - et le souci d'éviter tout « angle mort » - m'amènent à vous proposer de revoir les critères d'extension de ce régime dérogatoire.

Le renvoi à une énumération d'infractions présente pour inconvénient de laisser de côté plusieurs infractions graves, y compris des crimes, et de mêler des infractions de gravité inégale.

Figurent ainsi parmi les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale des délits qui ne sont sans doute pas d'une gravité suffisante pour justifier l'application d'un régime aujourd'hui réservé aux personnes condamnées pour des activités terroristes, à l'instar du délit d'« atteintes sexuelles sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité » ou celui de « fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ».

C'est pourquoi je vous propose de retenir un critère tiré du quantum des peines prononcées, pour prévoir que relève du régime dérogatoire de rétention l'étranger qui a fait l'objet d'une décision d'éloignement édictée au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement - ce qui me paraît recouvrir des infractions suffisamment graves.

Je vous propose également deux autres critères, qui ne sont évidemment pas cumulatifs.

D'abord, la peine d'interdiction du territoire français. Il s'agit d'une peine prononcée, à titre définitif ou temporaire, par le juge pénal, qui peut être infligée à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans. En vertu de l'article 131-30 du code pénal, la juridiction doit tenir compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, ainsi que de la nature, de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens avec la France, avant de la prononcer.

Il me paraît raisonnable de prévoir que tout étranger tombant sous le coup d'une telle peine puisse relever du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 du Ceseda, quelle que soit l'infraction à l'origine de la condamnation. Quoique prononcée de manière croissante par le juge répressif - 5 568 en 2023 -, cette peine ne l'est pas non plus à la légère, comme le montrent les données de la Chancellerie.

Ensuite, la menace « d'une particulière gravité » pour l'ordre public que constituerait le comportement de l'étranger.

À la différence des autres critères que j'ai énoncés, ce critère ne fait pas référence à l'existence d'une condamnation passée. Il permet donc de prendre en compte la situation de personnes qui, sans nécessairement avoir fait l'objet d'une condamnation pénale, représentent une menace particulièrement grave pour l'ordre public - par exemple en cas de radicalisation violente ou de liens avec un groupe terroriste.

Il s'agit d'une notion déjà utilisée par le passé, qui, en matière d'expulsions, a donné lieu à une jurisprudence relativement abondante du Conseil d'État. En relèvent tant des étrangers entretenant des relations avec des groupes armés d'action violente ou terroriste que des étrangers ayant commis des infractions d'une particulière gravité - homicide volontaire, viol, agressions et trafics de stupéfiants - ou répétées.

Toujours à l'article 1er, je vous propose de préciser que la provocation ou l'apologie du terrorisme font partie des condamnations pénales relevant de l'article L. 742-6. Vous reconnaîtrez là une disposition déjà adoptée par le Sénat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.

En ce qui concerne l'article 2, je suggère un amendement qui vise, dans un souci de cohérence, à aligner son périmètre avec celui qui est proposé pour l'article L. 742-6 du Ceseda.

Enfin, je vous propose d'adopter un article additionnel visant à simplifier le séquençage des prolongations de la rétention administrative de droit commun.

L'affaire du meurtre de la jeune Philippine a, en effet, révélé les limites du régime juridique des prolongations prévues par l'article L. 742-5 du Ceseda, qui sont les troisième et quatrième prolongations du régime de droit commun - les dernières -, dont la durée est de quinze jours - du 60e au 90e jour.

La libération du suspect est le résultat d'une erreur de droit - dont il s'avère qu'elle est malheureusement loin d'être isolée - dans l'interprétation de la condition tenant à la menace à l'ordre public. Contre la lettre même du texte, et à l'instar de plusieurs cours d'appel, le juge a exigé que cette menace à l'ordre public résulte d'un comportement survenu dans les quinze derniers jours, c'est-à-dire pendant la rétention administrative de l'intéressé !

En outre, le motif tiré de ce que l'autorité administrative doit établir que la délivrance des documents de voyage « doit intervenir à bref délai » s'avère d'un maniement difficile. En imposant aux services de l'État d'établir la délivrance prochaine d'un laissez-passer consulaire, il fait reposer sur eux une charge de la preuve quasiment impossible. Au surplus, il va bien au-delà de ce qu'exige la directive Retour, c'est-à-dire simplement une « perspective raisonnable d'éloignement » et des « efforts raisonnables » de la part des autorités.

Par conséquent, je vous propose d'unifier le régime de ces prolongations : les deux prolongations prévues par l'article L. 742-5 seraient fusionnées en une seule prolongation de 30 jours, dont les motifs seraient ceux de l'article L. 742-4, qui régit la deuxième prolongation.

Du fait d'un jeu de renvois dans le Ceseda, cette modification s'appliquerait également à la dernière prolongation du régime dérogatoire - de 180 à 210 jours.

Cette mesure de simplification me paraît répondre à un véritable besoin : elle mettrait fin à l'incertitude juridique qui résulte de l'ambiguïté des motifs de prolongation prévus à l'article L. 742-5 du Ceseda et allégerait aussi la charge des services de l'État, notamment en matière d'escortes.

Elle serait sans effet sur la durée maximale de la rétention administrative, qui demeurerait fixée à 90 jours ou, pour le régime dérogatoire, à 210 jours. Elle serait aussi sans conséquence sur les droits des personnes retenues, qui peuvent solliciter leur remise en liberté à tout moment.

Je vous propose par conséquent d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée, qui me paraît constituer un dispositif équilibré, de nature à favoriser l'éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière les plus dangereux.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteure de la proposition de loi. - Je remercie la rapporteure d'avoir amélioré ce texte important, dont le but est de protéger les Français contre des individus particulièrement dangereux qui menacent leur sécurité. Nous devons absolument nous donner les moyens de les éloigner, et je rappelle que le droit européen autorise une durée de rétention qui peut aller jusqu'à dix-huit mois.

M. Christophe Chaillou. - Nous sommes dans un contexte bien particulier, rappelé par Marie-Pierre de La Gontrie, avec une série de textes qui visent l'affichage davantage que l'efficacité. Je note aussi que ce texte apparaît désormais timoré au regard des dernières déclarations du ministre de l'intérieur - ce matin même -, qui propose de porter la durée de rétention à dix-huit mois.

Au-delà des slogans, de la communication, comment pouvons-nous agir concrètement ? Les CRA ont été conçus pour éloigner des personnes en situation irrégulière du territoire français ; ils n'ont pas vocation à devenir des prisons bis.

Nous devons certes nous interroger sur la constitutionnalité des nouvelles mesures, mais aussi sur leur utilité. Or nous ne disposons d'aucune étude d'impact, et les effets de la prolongation de la rétention à 90 jours sur l'augmentation des éloignements semblent, au mieux, très faibles.

Par ailleurs, la multiplication des profils dangereux au sein des centres de rétention rend leur gestion plus difficile et crée des situations de tension. Il est fréquent que de jeunes policiers soient affectés en CRA pour leur premier poste et, pour en avoir discuté avec des responsables de la police, cela n'encourage pas vraiment les vocations, alors que les besoins sont immenses sur la voie publique. Je n'ose pas imaginer le coût pour la société d'une rétention qui serait portée à dix-huit mois, contre sept mois au maximum dans la proposition de loi.

Nous avons donc un désaccord profond sur ce texte, qui participe d'une certaine dérive et ne nous semble pas opérationnel, car il passe à côté de l'essentiel. Il faudrait surtout mettre à profit le temps d'incarcération des individus dangereux pour préparer les mesures d'éloignement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Comme Christophe Chaillou l'a justement noté, l'inflation de la durée de la rétention administrative ne cesse pas !

Par ailleurs, dès lors que Mme Josende se réfère aux délais autorisés en droit européen, il faut s'attendre à ce que nous ayons une discussion juridique intéressante en séance. En effet, la France est dotée d'une Constitution et un certain nombre de règles s'appliquent à la détention sans titre. Il s'agit bien de cela : à partir de quel délai considère-t-on qu'une personne est privée de liberté sans avoir été jugée ?

Christophe Chaillou a parfaitement exposé notre position, il nous semble que nous assistons à une dérive inquiétante...

M. André Reichardt. - J'entends Christophe Chaillou motiver son opposition à la proposition de loi par le fait que, pour optimiser la mise en oeuvre des reconduites à l'étranger, il faudrait mieux utiliser le temps de rétention administrative...

M. Christophe Chaillou. - J'ai parlé du temps d'incarcération !

M. André Reichardt. - D'accord. C'est précisément ma question : la recherche d'une solution ne commence-t-elle pas avant la rétention administrative ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Christophe Chaillou. - Elle devrait !

M. André Reichardt. - Autant que je sache, les efforts en matière de reconduites sont multiples et variés. Ce n'est pas faute de chercher à expulser ces personnes n'ayant rien à faire sur le territoire français. Simplement, les pays qui devraient les accueillir ne les acceptent pas.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. -

Notre rôle est bien de regarder ce qu'il est possible de faire au niveau du droit, en particulier dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du contrôle de proportionnalité. Nous en discuterons en séance, mais mon analyse est que le dispositif proposé est justifié et proportionné.

L'éloignement n'est pas possible pendant l'incarcération. Si les démarches peuvent être enclenchées en vue de la sortie de prison, il est rare que l'éloignement puisse avoir lieu immédiatement. La personne est donc souvent placée en rétention. Mais, cela a été dit, les pays d'accueil rechignent à accepter le retour des profils les plus dangereux ou des personnes ayant commis les infractions les plus graves, celles-ci faisant elles-mêmes tout leur possible pour empêcher l'éloignement.

Enfin, il y a bien une intervention régulière du juge. Même si la décision est administrative, la rétention est placée sous le contrôle du juge et sa prolongation est autorisée par celui-ci.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Non !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Je le rappelle, la mise en liberté peut être demandée à tout moment et les personnes retenues peuvent exercer leur droit de recours, avec l'assistance de conseils. Enfin, cette prolongation est proposée, c'est bien parce que cela permet de travailler plus efficacement à l'éloignement, a fortiori pour les profils que vous avez cités, monsieur Chaillou.

M. Christophe Chaillou. - Il serait nécessaire de mesurer l'impact sur les contentieux, ceux qui concernent les étrangers ayant explosé ces derniers temps - je le constate au tribunal d'Orléans depuis l'ouverture du CRA. On risque donc d'engorger encore plus la justice administrative et judiciaire. Enfin, vous avez indiqué que la commission des lois est attachée à la constitutionnalité des mesures - c'est tout à fait normal. J'en déduis que le ministre de l'intérieur l'est moins lorsqu'il fait certaines annonces. Je l'ai entendu ce matin, il se disait convaincu d'avoir le soutien du bloc central et j'imagine que la majorité sénatoriale soutiendra le texte.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Pour l'instant, mon cher collègue, nous débattons du texte de la commission.

Comme c'est l'usage, il me revient, avant d'examiner les amendements, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la rétention administrative des étrangers.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Comme je l'ai exposé, l'amendement  COM-3 vise à modifier le champ d'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du Ceseda.

Afin de ne retenir que des infractions d'une gravité suffisante et ne pas laisser de côté des infractions graves, je propose de recourir à un critère tiré du quantum de la peine prononcée, qui s'élèverait à cinq ans ou plus d'emprisonnement. Il s'agit d'un seuil déjà utilisé dans le Ceseda pour déterminer la gravité des infractions, par exemple à l'article L. 631-1 pour lever certaines protections contre l'expulsion. Cela correspond aux violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, accompagnées d'une circonstance aggravante, ou aux agressions sexuelles. Ce seuil permet ainsi de prendre en compte les infractions les plus graves, conformément à l'ambition de la proposition de loi.

Cet amendement retient deux autres critères, que j'ai évoqués : le fait que l'étranger soit sous le coup d'une peine d'interdiction du territoire français et le fait que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.

Enfin, il tend à préciser que les faits de provocation ou d'apologie du terrorisme relèvent bien du critère tiré d'une condamnation au titre d'activités terroristes.

Deux autres amendements sont en discussion commune.

J'émets un avis défavorable à l'adoption de l'amendement COM-1, qui tend à supprimer la condition pour le maintien en rétention tirée de ce « qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant » de l'étranger. Je comprends bien l'intention de son auteur, mais son adoption, me semble-t-il, serait susceptible de fragiliser l'article 1er.

En effet, le Conseil constitutionnel prend en compte, dans le contrôle de proportionnalité qu'il exerce en la matière, la circonstance voulant que le placement en rétention n'est susceptible d'intervenir qu'en dernier ressort, si une mesure d'assignation à résidence n'est pas suffisante pour parer au risque de fuite. Supprimer cette exigence pourrait le conduire à censurer l'ensemble des dispositions.

En outre, la directive Retour comporte la même exigence pour le recours à la rétention administrative, à savoir que l'application de mesures moins coercitives ne suffise pas.

Même avis pour l'amendement COM-2. Si celui-ci procède d'une volonté de simplification que je partage totalement, la référence à toutes les infractions prévues par le livre II du code pénal, soit les atteintes aux personnes, n'est toutefois pas satisfaisante car elle ne tient pas compte de la gravité des faits, ce qui est un élément important pour la proportionnalité du dispositif.

On trouve dans le livre II du code pénal des infractions d'une gravité variable, comme les menaces ou les délits non intentionnels. Sont également laissées de côté des infractions graves qui ne se trouvent pas dans ce livre II, comme certains crimes ou délits contre les biens - vols aggravés, notamment accompagnés de violences - ou les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation - sabotage, atteintes à la sécurité, etc.

Pour les raisons que j'ai évoquées, il paraît préférable de s'en tenir à un critère tiré du quantum de la peine.

M. André Reichardt. - Autant je peux comprendre votre avis défavorable sur l'amendement COM-2, autant je m'interroge sur votre réaction quant à l'amendement COM-1. En l'état actuel, l'administration est obligée d'apporter la preuve d'un fait négatif, ce qui est impossible à faire. Dès lors, le juge va se substituer à l'administration et c'est lui qui dira si l'assignation à résidence permet, ou pas, le contrôle de l'étranger. C'est pourquoi j'aurais volontiers supprimé ce critère et ne suis pas franchement convaincu par votre argumentation tirée du risque constitutionnel.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Il me paraît important que le dispositif conserve un caractère proportionné : le fait que la rétention n'intervienne qu'en dernier ressort est à cet égard un élément important, même si je comprends bien vos réserves. J'ajoute que cette exigence ne paraît pas, dans la pratique, poser problème ; du moins les services de l'État ne nous en ont pas fait part.

L'amendement COM-3 est adopté. En conséquence, les amendements COM-1 et COM-2 deviennent sans objet.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-4 procède, par coordination, à la modification du dernier alinéa de l'article L. 743-22 du Ceseda, qui prévoit les cas dans lesquels l'appel contre la décision mettant fin à la rétention revêt un caractère suspensif.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-5 procède à la simplification du séquençage de la rétention administrative.

Il s'agit de supprimer les deux prolongations de quinze jours prévues par l'article L. 742-5 du Ceseda - qui sont les deux dernières du régime de droit commun, de 60 à 90 jours -et de les remplacer par une seule prolongation de 30 jours.

Il est proposé de reprendre les motifs de rétention aujourd'hui prévus par l'article L. 742-4 du Ceseda, qui sont moins restrictifs et, surtout, posent beaucoup moins de difficultés d'interprétation. La durée maximale de rétention reste donc fixée, dans le droit commun, à 90 jours.

L'article L. 742-7 du Ceseda, régissant les dernières prolongations du régime dérogatoire, de 180 à 210 jours, doit être modifié en conséquence, car il comporte un renvoi à l'article L. 742-5, que je vous propose d'abroger.

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme JOSENDE, rapporteure

3

Modification des conditions d'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA

Adopté

M. REICHARDT

1

Suppression de la condition tenant à ce qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger

Rejeté

M. REICHARDT

2

Prise en compte de toutes les infractions contre les personnes, sans considération de leur gravité

Rejeté

Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

4

Extension du champ d'application du caractère suspensif de l'appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention administrative

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

5

Simplification du séquençage de la rétention administrative

Adopté

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