- L'ESSENTIEL
- I. PERMETTRE L'ALLONGEMENT DE LA RÉTENTION
DES ÉTRANGERS PRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE DU FAIT DE LEURS
ANTÉCÉDENTS JUDICIAIRES
- II. LA POSITION DE LA COMMISSION :
PRÉCISER LES MOTIFS D'EXTENSION DU RÉGIME DÉROGATOIRE,
SIMPLIFIER LE SÉQUENÇAGE DE LA RÉTENTION
- I. PERMETTRE L'ALLONGEMENT DE LA RÉTENTION
DES ÉTRANGERS PRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE DU FAIT DE LEURS
ANTÉCÉDENTS JUDICIAIRES
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Extension du régime dérogatoire de rétention administrative aux étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale au titre de certaines infractions graves
- Article 2
Caractère suspensif de l'appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention administrative
- Article 3 (nouveau)
Simplification du séquençage et des motifs des dernières prolongations de la rétention administrative
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 429
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mars 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de loi
visant à faciliter le
maintien en
rétention des
personnes condamnées
pour des faits d'une
particulière
gravité et présentant de
forts risques de
récidive,
Par Mme Lauriane JOSENDE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de :
Mme Muriel Jourda, présidente ;
M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La
Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain,
Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman,
MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset,
vice-présidents ; M. André Reichardt,
Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier
Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine
Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie
Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer,
MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco,
Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende,
MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier,
Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte,
Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul
Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia,
M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva
Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis
Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel,
Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
298 et 430 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Les insuffisances du cadre juridique de la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière qui présentent un risque pour la sécurité de nos concitoyens ont été mises en lumière à plusieurs reprises par l'actualité récente.
Eu égard à l'impérieuse nécessité d'éloigner ces personnes du territoire national et aux difficultés particulières rencontrées à cet effet, l'allongement de la durée de la rétention administrative paraît constituer un moyen de favoriser un éloignement effectif.
L'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit un régime spécifique pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation au titre d'activités terroristes, pour lesquelles la durée maximale de la rétention administrative est portée à 180 voire 210 jours, contre 90 dans le régime de droit commun.
La proposition de loi n° 298 (2024-2025) visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, présentée par Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues, propose d'étendre ce régime dérogatoire aux étrangers en situation irrégulière ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits graves, notamment des infractions sexuelles ou violentes ou commises en bande organisée.
Approuvant pleinement le texte et son intention, la commission a étendu et précisé le champ d'application du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 du CESEDA, en prévoyant qu'en relèveraient les étrangers en situation irrégulière :
- condamnés à la peine d'interdiction du territoire français ;
- faisant l'objet d'une décision d'éloignement au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive à un crime ou à un délit puni de cinq ans ou plus d'emprisonnement ;
- ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
Au regard des difficultés relevées dans la mise en oeuvre des prolongations de la rétention administrative de droit commun, la commission a également inséré un article additionnel tendant à simplifier leur séquençage et leurs motifs, en alignant sur le régime de la deuxième prolongation (art. L. 742-4 du CESEDA) celui des troisième et quatrième prolongations (art. L. 742-5) et en fusionnant ces deux dernières en une unique prolongation d'une durée de trente jours. Cette modification a été étendue au régime dérogatoire (art. L. 742-7).
I. PERMETTRE L'ALLONGEMENT DE LA RÉTENTION DES ÉTRANGERS PRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE DU FAIT DE LEURS ANTÉCÉDENTS JUDICIAIRES
A. LE MAINTIEN EN RÉTENTION AU-DELÀ DE 90 JOURS N'EST AUJOURD'HUI POSSIBLE QUE POUR LES SEULS ÉTRANGERS CONDAMNÉS POUR DES INFRACTIONS À CARACTÈRE TERRORISTE
1. La rétention administrative, un objet juridique spécifique et encadré
La rétention administrative est un dispositif permettant à l'administration de maintenir contre leur gré et dans des locaux dont elle a la charge - notamment dans les centres de rétention administrative (CRA) - les étrangers qui font l'objet d'une décision d'éloignement du territoire français et pour lesquels une mesure de contrainte est nécessaire à l'exécution forcée de cette décision1(*).
Mesure administrative et non sanction, la rétention administrative a pour finalité de permettre l'éloignement des personnes concernées. Dès lors qu'il s'agit d'une mesure privative de liberté, elle est placée sous le contrôle du juge judiciaire, à qui il appartient également d'en décider la prolongation2(*).
La rétention administrative est encadrée par le droit de l'Union européenne, tout particulièrement par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dite « directive retour ». En ce qui concerne sa durée, l'article 15 de la directive prévoit que le placement initial en rétention ne peut excéder six mois ; elle peut être prolongée de douze mois supplémentaires en cas de manque de coopération de l'intéressé ou de retards dans l'obtention des documents nécessaires de la part des autorités étrangères.
Le régime juridique de la rétention administrative des étrangers a été encadré par le Conseil constitutionnel, qui juge « qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que les exigences d'une bonne administration de la justice et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties (...). Les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis » (n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, cons. 66).
Il a admis à plusieurs reprises l'allongement de la durée de la rétention administrative, en précisant toutefois que l'étranger « ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet » et sous la réserve « que l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient » (n° 2003-484 DC, 20 novembre 2003, cons. 66). Sous cette même réserve, il a jugé que l'allongement à 90 jours de la durée maximale de la rétention, contre 45 auparavant, était adapté, nécessaire et proportionné à l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public poursuivi par le législateur (n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018).
2. Un régime dérogatoire pour les étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des activités terroristes
Les étrangers condamnés au titre d'activités terroristes sont soumis depuis la loi du 16 juin 2011 à un régime de rétention administrative particulier, qui se caractérise principalement par un séquençage et une durée maximale de la rétention dérogatoires, cette dernière s'élevant à 180 voire 210 jours.
Ces dispositions, désormais prévues aux articles L. 742-6 et L. 742-7 du CESEDA3(*), ont été déclarées conformes à la Constitution dans la décision précitée du 9 juin 2011 (cons. 76) ; le Conseil constitutionnel a en revanche censuré les dispositions permettant, dans le cadre de ce régime dérogatoire, une prolongation de la rétention de douze mois supplémentaires.
L'article L. 742-6 permet ainsi de prolonger, sur décision du magistrat compétent du siège du tribunal judiciaire, la rétention d'un étranger jusqu'à 180 jours dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
- la rétention doit résulter d'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire prononcée « pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal » ou d'une décision d'expulsion « édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées » ;
- l'éloignement de l'étranger doit constituer une « perspective raisonnable » ;
- l'assignation à résidence doit ne pas être suffisante pour assurer le contrôle de la personne concernée.
L'article L. 742-7 prévoit qu'« à titre exceptionnel », la rétention peut être à nouveau prolongée par un magistrat pour deux périodes supplémentaires de quinze jours, pour une durée totale de 210 jours.
Régimes de rétention administrative prévus par le CESEDA (jours)
Source : commission des lois du Sénat
Ce régime dérogatoire ne concerne à ce jour qu'un nombre très réduit d'individus : d'après le ministère de l'intérieur, huit étrangers ont été placés en rétention sur ce fondement, pour une durée moyenne de rétention de 108 jours ; en 2022, 19, pour une durée moyenne de 93 jours ; en 2023, 41, pour une durée moyenne de 91 jours ; en 2024, 37 pour une durée moyenne de 117 jours.
Si le taux d'éloignement des intéressés n'est pas significativement supérieur de celui constaté pour les étrangers relevant du régime de droit commun - le ministère de l'intérieur mettant en avant que les profils les plus dangereux pour l'ordre public sont les plus difficiles à éloigner et donnent lieu à des échanges approfondis avec les États concernés4(*) -, l'allongement de la durée de rétention paraît favoriser leur éloignement effectif puisqu'en 2024, plus de la moitié des éloignements réalisés ont eu lieu au-delà du quatre-vingt-dixième jour de rétention, qui correspond au terme du régime ordinaire (cf. supra).
B. LE TEXTE INITIAL : PERMETTRE UNE RÉTENTION PLUS LONGUE POUR LES ÉTRANGERS CONDAMNÉS POUR DES FAITS GRAVES
1. Un texte qui s'inscrit dans la continuité de précédentes initiatives du Sénat
À l'occasion de l'examen de la proposition de loi n° 756 (2023-2024) tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, en octobre 2024, la commission des lois avait adopté, à l'initiative de sa présidente, un amendement tendant, sur le modèle des dispositions existantes en matière de terrorisme, à prolonger jusqu'à 180, voire 210 jours, la rétention d'un étranger condamné à une interdiction du territoire pour une infraction sexuelle ou violente grave, en renvoyant aux infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, c'est-à-dire celles qui donnent lieu à une inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).
Cet article additionnel avait néanmoins été supprimé en séance publique, le Gouvernement indiquant qu'il préférait réserver ces dispositions pour un prochain texte consacré aux questions migratoires.
2. Le dispositif proposé : étendre le régime dérogatoire des articles L. 742-6 et L. 742-7 du CESEDA aux étrangers condamnés pour des infractions graves ou violentes
L'article 1er de la proposition de loi étend l'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA aux personnes condamnées à une peine d'interdiction du territoire ou ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement édictée pour un comportement « pénalement constaté » au titre d'infractions qu'il énumère.
Seraient désormais concernées les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure, soit celles qui donnent lieu à une inscription au FIJAISV, et celles mentionnées à l'article 706-73 du même code, soit les infractions qui relèvent du régime procédural de la délinquance et de la criminalité organisées. L'article proposé mentionnerait également expressément certaines infractions graves : crimes de meurtre ou d'assassinat, crimes de tortures ou d'actes de barbarie, délits et crimes de traite des êtres humains, délit et crime de proxénétisme.
L'article 2 modifie le dernier alinéa de l'article L. 743-22 du CESEDA - qui confère un caractère suspensif à l'appel de la décision mettant fin à la détention des étrangers relevant du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 - pour faire coïncider son champ d'application avec celui de la nouvelle rédaction de l'article L. 742-6 proposée par l'article 1er.
II. LA POSITION DE LA COMMISSION : PRÉCISER LES MOTIFS D'EXTENSION DU RÉGIME DÉROGATOIRE, SIMPLIFIER LE SÉQUENÇAGE DE LA RÉTENTION
A. ÉTENDRE LE RÉGIME DÉROGATOIRE AUX ÉTRANGERS FAISANT L'OBJET D'UNE INTERDICTION DU TERRITOIRE FRANÇAIS OU QUI CONSTITUENT UNE MENACE D'UNE PARTICULIÈRE GRAVITÉ POUR L'ORDRE PUBLIC
1. Un objectif partagé : assurer l'éloignement des étrangers dont le comportement menace l'ordre public et la sécurité
La commission a approuvé l'objectif poursuivi par la proposition de loi, considérant que l'éloignement des personnes de nationalité étrangère condamnées pour des faits graves ou dont le comportement est une menace pour la sécurité de la population constitue une impérieuse nécessité. Elle a relevé que l'exécution des mesures d'éloignement portant sur des personnes condamnées ou mises en cause pour des faits graves tend à se heurter à des difficultés particulières5(*).
Ces considérations justifient que les étrangers qui représentent, notamment au regard de leurs antécédents judiciaires, une menace grave pour l'ordre public puissent être maintenus en rétention administrative pour une durée qui excéderait celle du droit commun, et ce afin de favoriser leur éloignement effectif.
La commission a relevé qu'aucune exigence constitutionnelle, non plus que le droit de l'Union européenne, ne paraît s'opposer à ce que les étrangers qui constituent une telle menace se voient appliquer le régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA.
2. Un champ d'application précisé, s'agissant des condamnations prises en compte, et étendu
La commission a estimé que le renvoi à une énumération d'infractions présentait plusieurs inconvénients : d'une part, plusieurs infractions graves, y compris criminelles, étaient laissées de côté ; d'autre part, les renvois à des dispositions du code de procédure pénale avaient pour conséquence de mêler des infractions de gravité inégale.
Sur la proposition de sa rapporteure, la commission a estimé préférable, s'agissant des condamnations, de retenir un critère tiré du quantum des peines prononcées plutôt que de la nature des infractions. Elle a ainsi décidé que pourrait relever du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 l'étranger qui a fait l'objet d'une décision d'éloignement édictée au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement.
Elle a également souhaité retenir dans le périmètre du dispositif l'ensemble des étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire français, eu égard à la nature de cette peine et aux conditions de son prononcé.
L'interdiction du territoire français
L'interdiction du territoire français (ITF), prévue à l'article 131-30 du code pénal, est une peine qui peut être infligée par la juridiction répressive à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans. Elle peut être prononcée à titre de peine complémentaire ou bien à titre de peine principale, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus. Son exécution entraîne de plein droit la reconduite à la frontière du condamné.
L'article 35 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration en a fait en une peine générale, qui ne nécessite pas d'être prévue par des dispositions spéciales. Si ce même article a également abrogé l'article 131-30-1 du code pénal qui exigeait, dans un certain nombre d'hypothèses, une motivation spéciale en matière correctionnelle au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger, l'article 131-30 prévoit toujours que la juridiction doit tenir compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, ainsi que de la nature, de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens avec la France, pour prononcer l'ITF.
L'article 131-30-2 du même code prévoit des situations dans lesquelles le prononcé de l'ITF est exclu en raison des liens particulièrement forts que l'intéressé entretient avec le territoire français ; l'article 35 de la loi du 26 janvier 2024 a néanmoins étendu les exceptions à ce principe.
Pour les infractions à caractère terroriste, l'article 422-4 du code pénal fait de l'ITF une peine complémentaire obligatoire, que le tribunal ne peut écarter que par une décision spécialement motivée, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
Le nombre d'ITF prononcées est en forte hausse : 5 568 ITF ont été prononcées en 2023, dont 65 à titre principal et 5 424 en 2022, dont 93 à titre principal, contre moins de 2 000 en 2015.
Afin notamment de prendre en compte la situation d'étrangers qui, sans nécessairement avoir fait l'objet d'une condamnation pénale, représentent une menace particulièrement grave pour l'ordre public (par ex., en cas de radicalisation violente ou de liens avec un groupe terroriste), la commission a étendu le dispositif aux étrangers « dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ».
Cette dernière condition est plus stricte que celle tenant à l'existence d'une simple menace pour l'ordre public, qui est une condition de prolongation de la rétention administrative ordinaire (art. L. 742-4 et L. 742-5 du CESEDA). Autrefois utilisée à l'article L. 742-4 du CESEDA ou encore à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 19456(*) en matière d'expulsion, cette notion a donné lieu à une jurisprudence qui permet d'en préciser les contours : en relèvent tant des étrangers entretenant des relations avec des groupes armés d'action violente ou terroriste7(*) que ceux ayant commis des infractions d'une particulière gravité (homicide volontaire, viol, agressions et trafics de stupéfiants8(*)) ou répétées9(*).
L'application de ce régime continuera de reposer sur une décision du juge judiciaire, à qui il incombera de vérifier si les conditions sont remplies et d'apprécier si la menace constituée par le comportement de l'intéressé justifie l'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA.
La commission a également modifié cet article pour préciser que les faits de provocation ou d'apologie du terrorisme justifient la mise en oeuvre de ce régime, reprenant une disposition déjà adoptée par le Sénat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi n° 202 (2023-2024) instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste (article 10 bis).
Enfin, la commission a modifié l'article 2 de la proposition de loi pour mettre en cohérence les dispositions auxquelles renvoie l'article L. 743-22 du CESEDA avec l'extension du champ d'application de l'article L. 742-6 qu'elle a adoptée.
B. SIMPLIFIER LE RÉGIME DES PROLONGATIONS DE LA RÉTENTION ADMINISTRATIVE
La commission a également souhaité simplifier le séquençage des prolongations de la rétention administrative de droit commun, qui résulte d'une stratification peu cohérente de réformes successives et se révèle d'un maniement difficile, notamment du fait du nombre d'escortes et de rotations exigées des forces de l'ordre.
Tel est en particulier le cas des prolongations exceptionnelles prévues par l'article L. 742-5 du CESEDA (deux prolongations de 15 jours, du soixantième au quatre-vingt-dixième jour de rétention). Les limites des dispositions en cause ont été tragiquement mises en lumière à l'occasion de la libération anticipée du meurtrier de la jeune Philippine. Celle-ci a en effet résulté d'une erreur de droit - qui n'est pas isolée10(*) - dans l'interprétation de la condition tenant à la menace à l'ordre public, le juge ayant exigé que cette menace à l'ordre public résulte d'un comportement survenu dans les quinze derniers jours.
En outre, la condition tirée de ce que l'autorité administrative doit établir que la délivrance des documents de voyage « doit intervenir à bref délai » paraît également faire reposer sur les préfectures une charge de la preuve quasiment impossible. Elle va, au surplus, bien au-delà des exigences de la directive « retour », qui se borne à exiger une « perspective raisonnable d'éloignement » (art. 15, par. 4) et qui permet une prolongation au-delà de six mois motivée par des « retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », en n'exigeant des autorités nationales que « des efforts raisonnables » (art. 15, par. 6).
Par conséquent, sur la proposition de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement fusionnant le régime des prolongations de l'article L. 742-4 (prolongation de 30 jours, du trentième au soixantième jour de rétention) et celui des deux prolongations prévues par l'article L. 742-5, en retenant les motifs et la durée prévus à l'article L. 742-4.
Les motifs de prolongation prévus par l'article L. 742-4 du CESEDA
« 1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
« 2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
« 3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
« a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
« b) de l'absence de moyens de transport. »
Cette modification du séquençage de l'ultime prolongation de la rétention administrative vaut également pour le régime dérogatoire, l'article L. 742-7 renvoyant aux conditions de droit commun en ce qui concerne les motifs et la durée des prolongations qu'il permet.
Régimes de rétention administrative : séquençage proposé par la commission (jours)
Source : commission des lois du Sénat
Cette modification du séquençage des prolongations ne se traduit pas par un allongement de la durée maximale de la rétention administrative, qui demeure fixée à 90 jours ou, pour le régime dérogatoire, à 210 jours. Elle est en outre sans conséquence sur le plein exercice des droits des personnes retenues, ces dernières disposant de la faculté de solliciter leur remise en liberté à tout moment, conformément à l'article L. 742-8 du CESEDA.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Extension du régime dérogatoire de
rétention administrative aux étrangers ayant fait l'objet d'une
condamnation pénale au titre de certaines infractions graves
L'article L. 742-6 du CESEDA prévoit un régime de rétention administrative particulier pour les étrangers en situation irrégulière condamnés à une peine d'interdiction du territoire français (ITF) pour des actes de terrorisme ou qui font l'objet d'une mesure d'expulsion motivée par un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées. La durée maximale de rétention est alors de 180 voire 210 jours.
L'article 1er prévoit d'étendre le champ d'application de ce régime aux étrangers condamnés à une peine d'ITF ou ayant fait l'objet d'une décision d'expulsion édictée pour un comportement pénalement constaté au titre d'infractions graves.
Partageant pleinement l'objectif de cet article, la commission l'a adopté après avoir précisé et étendu son champ d'application : en relèveraient les étrangers sous le coup d'une peine d'ITF, condamnés à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
1. Un régime dérogatoire pour les personnes condamnées au titre d'activités à caractère terroriste
Issu de l'article 56 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) permet de prolonger jusqu'à 180 jours, au lieu de 90 jours, sur décision du magistrat compétent du siège du tribunal judiciaire, la rétention d'un étranger dès lors que plusieurs conditions cumulatives sont réunies :
- la rétention doit résulter d'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire prononcée « pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal » ou d'une décision d'expulsion « édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées » ;
- l'éloignement de l'étranger doit constituer une « perspective raisonnable » ;
- l'assignation à résidence doit ne pas être suffisante pour assurer le contrôle de la personne concernée.
Dans les mêmes conditions, et « à titre exceptionnel », la rétention peut être à nouveau prolongée par un magistrat jusqu'à 210 jours (article L. 742-7 du même code).
2. Le dispositif proposé : étendre ce régime aux auteurs de certaines infractions graves ou violentes
L'article 1er étend le champ d'application de l'article L. 742-6 du CESEDA aux personnes condamnées à une peine d'interdiction du territoire ou ayant fait l'objet d'une décision d'expulsion édictée pour un comportement « pénalement constaté » au titre d'une série d'infractions.
Seraient désormais prises en compte les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, soit celles qui donnent lieu à une inscription au FIJAISV, et celles mentionnées à l'article 706-73 du même code, soit les infractions qui relèvent du régime procédural de la délinquance et de la criminalité organisées.
Article 706-47 du code de procédure pénale
« Le présent titre est applicable aux procédures concernant les infractions suivantes :
« 1° Crimes de meurtre ou d'assassinat (...) lorsqu'ils sont commis sur un mineur ou lorsqu'ils sont commis en état de récidive légale ;
« 2° Crimes de tortures ou d'actes de barbarie (...) et crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (...) ;
« 3° Crimes de viol (...) et délit prévu à l'article 222-26-1 du même code [le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette un viol] ;
« 4° Délits d'agressions sexuelles (...) ;
« 5° Délits et crimes de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur (...) ;
« 6° Délit et crime de proxénétisme à l'égard d'un mineur (...) ;
« 7° Délits de recours à la prostitution (...) ;
« 8° Délit de corruption de mineur (...) ;
« 9° Délit de proposition sexuelle faite par un majeur à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique, (...) ;
« 10° Délits de captation, d'enregistrement, de transmission, d'offre, de mise à disposition, de diffusion, d'importation ou d'exportation, d'acquisition ou de détention d'image ou de représentation pornographique d'un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation (...) ;
« 11° Délits de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (...) ;
« 12° Délit d'incitation d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation (...) ;
« 13° Délits d'atteintes sexuelles et de tentatives d'atteinte sexuelle (...) ;
« 14° Délit d'incitation à commettre un crime ou un délit à l'encontre d'un mineur (...) ;
« 15° Délits prévus au premier alinéa de l'article 521-1-1 du même code [atteintes sexuelles sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité]. »
L'article 1er mentionne également expressément les infractions suivantes :
- les crimes de meurtre ou d'assassinat ;
- les crimes de tortures ou d'actes de barbarie (également mentionnés au 2° de l'article 706-47 du code de procédure pénale) ;
- les délits et crimes de traite des êtres humains ;
- le délit et le crime de proxénétisme.
3. La position de la commission : une initiative bienvenue, un champ d'application qui doit être précisé et étendu
La commission a approuvé l'objectif poursuivi par cette disposition, qui est de nature à favoriser l'éloignement effectif des étrangers qui représentent une menace grave pour l'ordre public.
Pour des considérations tenant tant à l'efficacité qu'au caractère proportionné de ce dispositif, la commission a adopté l'amendement COM-3 de la rapporteure, qui substitue à l'énumération d'infractions trois critères, non cumulatifs, pour l'application du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 du CESEDA.
En premier lieu, relèveraient de ce régime les étrangers qui font l'objet d'une décision d'éloignement édictée au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement.
En deuxième lieu, seraient également concernés les étrangers sous le coup d'une interdiction du territoire français (ITF). La commission a considéré qu'eu égard aux conditions du prononcé de cette peine (cf. supra), qui entraîne de plein droit l'éloignement de l'intéressé, et à la gravité des infractions associées, il convenait de prendre en compte tous les étrangers condamnés à une telle peine, quelle que soit l'infraction associée.
Affaires ayant donné lieu au prononcé d'une peine d'ITF
2022 |
2023* |
|
Aide à l'entrée ou au séjour d'un étranger |
1 039 |
922 |
Détention de stupéfiants |
807 |
893 |
Infraction douanière |
581 |
694 |
Vol avec effraction ou escalade |
949 |
926 |
Infraction à expulsion, interdiction du territoire, reconduite à la frontière |
200 |
153 |
Association de malfaiteurs |
121 |
130 |
Proxénétisme |
107 |
79 |
Faux document d'identité ou administratif / Détention / Usage |
103 |
156 |
Autres vols avec violence |
186 |
181 |
Violences avec ITT supérieure à 8 jours |
135 |
155 |
Autres vols aggravés |
116 |
129 |
Agression sexuelle sur majeur |
119 |
129 |
Viol sur majeur |
61 |
63 |
Blanchiment de capitaux |
73 |
71 |
Cession ou offre de stupéfiants |
63 |
82 |
Homicide volontaire |
61 |
42 |
Recel de vol |
36 |
53 |
Violences par conjoint ou concubin |
53 |
76 |
Obtention ou fourniture indue de documents administratifs |
9 |
9 |
Extorsion |
33 |
43 |
Usurpation d'identité / Infractions à l'état civil |
15 |
13 |
Recel aggravé |
15 |
5 |
Violences sans ou avec ITT inférieure ou égale à 8 jours |
32 |
37 |
Destruction ou dégradation de biens privés ou menace |
27 |
40 |
Acquisition, port, détention et transport d'armes |
32 |
35 |
Agression sexuelle sur mineur |
36 |
40 |
Terrorisme |
22 |
15 |
Enlèvement, séquestration, prise d'otage |
30 |
27 |
Coups mortels ou atteintes volontaires à la personne ayant entraîné la mort |
17 |
16 |
Esclavage / Traite d'êtres humains |
8 |
6 |
Autres |
245 |
283 |
*données provisoires
Source : ministère de la justice, traitement DACG-BEPP, données NATAFF
En dernier lieu, la commission a étendu le dispositif aux étrangers dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public. Cette notion de menace « d'une particulière gravité » figurait, jusqu'à la loi du 26 janvier 2024, à l'article L. 742-4 du CESEDA et, en matière d'expulsion, à l'article 26 de l'ordonnance du 2 février 194511(*), où il a donné lieu à une jurisprudence relativement abondante du Conseil d'État.
L'ajout de ce critère vise notamment à prendre en compte des individus qui, sans nécessairement avoir fait l'objet d'une condamnation pénale, représentent une menace particulièrement grave pour l'ordre public, par exemple en cas de radicalisation violente ou de liens avec un groupe terroriste.
Enfin, l'amendement modifie le premier alinéa de l'article L. 742-6 du CESEDA pour préciser que les faits de provocation ou d'apologie du terrorisme justifient la mise en oeuvre de ce régime. Il s'agit d'une disposition déjà adoptée par le Sénat à l'article 10 bis de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste12(*).
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Caractère suspensif de l'appel interjeté contre
une décision mettant fin à la rétention administrative
Le dernier alinéa de l'article L. 743-22 du CESEDA confère, à titre dérogatoire, un caractère suspensif à l'appel interjeté contre la décision mettant fin à la rétention administrative des étrangers condamnés à une peine d'ITF pour des actes de terrorisme ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
L'article 2 étend cette disposition aux catégories d'étrangers qui relèveraient, en vertu de l'article 1er, du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 du CESEDA. La commission a adopté cet article en le modifiant pour aligner son champ d'application à celui retenu pour l'article 1er.
1. Une disposition récente qui vise à éviter la remise en liberté des étrangers dangereux avant qu'il soit statué au fond par la juridiction d'appel
La contestation par la personne concernée de la décision de placement en rétention, la requête sollicitant sa remise en liberté ainsi que la demande de prolongation de ce placement sont jugées par ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire (art. L. 743-4 du CESEDA).
Les ordonnances rendues sur ces requêtes sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué (art. L. 743-21 du même code), cet appel pouvant être formé par l'étranger, le ministère public ou l'autorité administrative.
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-22 du CESEDA : « L'appel n'est pas suspensif ». Le deuxième alinéa de cet article prévoit toutefois que le ministère public peut demander que son recours soit déclaré suspensif « lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou en cas de menace grave pour l'ordre public » ; il appartient au premier président de la cour d'appel d'apprécier si ces conditions sont satisfaites et, le cas échéant, de donner un effet suspensif à l'appel du ministère public.
Introduit par l'article 79 de la loi du 26 janvier 202413(*), le dernier alinéa de l'article L. 743-22 prévoit que, par dérogation à ces dispositions, l'appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention est suspensif lorsque la personne concernée a été condamnée à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou si elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, soit des conditions proches de celles qui permettent le maintien en rétention en application de l'article L. 742-614(*). Il est précisé que « l'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
2. Le dispositif proposé : étendre ces dispositions aux auteurs de certaines infractions graves ou violentes
Afin de tirer les conséquences de l'extension de son champ d'application prévue par l'article 1er de la proposition de loi, le présent article substitue à la rédaction du dernier alinéa de l'article L. 743-22, qui reprend in extenso les conditions permettant l'application du régime de maintien en rétention de l'article L. 742-6, une rédaction renvoyant expressément à cet article.
3. La position de la commission : une extension cohérente avec l'objet du dispositif, à adapter aux modifications apportées à l'article 1er
La commission a considéré que l'extension de ce dispositif était cohérente avec sa finalité à savoir éviter la remise en liberté des étrangers dont le comportement constitue une menace grave pour l'ordre public - ce qui laisse présumer un risque de fuite très élevé - avant qu'il soit statué sur l'appel formé contre l'ordonnance mettant fin à la rétention.
Elle a par conséquent adopté l'amendement COM-4 de la rapporteure, qui ajoute comme critères permettant l'application de ce dispositif ceux désormais prévus à l'article L. 742-6 du CESEDA (cf. supra).
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.
Article 3
(nouveau)
Simplification du séquençage et des motifs des
dernières prolongations de la rétention administrative
Introduit par la commission à l'initiative de la rapporteure, l'article 3 fusionne les deux dernières prolongations de la rétention administrative prévues par l'article L. 742-5 du CESEDA, d'une durée de quinze jours chacune, en une seule prolongation de trente jours. Il aligne les motifs de cette prolongation sur ceux de la deuxième prolongation de droit commun, régie par l'article L. 742-4 du même code.
La commission a adopté cet article ainsi rédigé.
1. Les prolongations prévues par l'article L. 742-5 du CESEDA : des prolongations brèves, des conditions sources d'insécurité juridique
La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a porté à 90 jours la durée maximale de la rétention administrative des étrangers relevant du régime de droit commun15(*).
Désormais codifiées à l'article L. 742-5 du CESEDA, ces dispositions permettent la prolongation « à titre exceptionnel » de la rétention, pour deux périodes successives de quinze jours chacune, lorsque l'une des « situations » qu'elles énumèrent « apparaît dans les quinze derniers jours ».
Les motifs de prolongation de la rétention prévus par l'article L. 742-5 du CESEDA
« 1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
« 2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
« a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
« b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
« 3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
« Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public. »
L'article L. 742-7 du CESEDA renvoie à l'article L. 742-5 en ce qui concerne la durée et les conditions des deux ultimes prolongations de la rétention administrative du régime dérogatoire (soit de 180 à 210 jours).
La fréquence des interventions du juge se traduit par un nombre important d'escortes et de rotations, qui constituent une charge importante pour les services de l'État.
Surtout, les motifs de ces prolongations se révèlent d'un maniement difficile et sont sources d'insécurité juridique.
Tel est le cas, tout d'abord, s'agissant de l'exigence que les situations pouvant justifier cette prolongation soient « apparues » dans les quinze derniers jours.
Le cas du meurtrier de la jeune Philippine en est l'illustration : le refus d'une quatrième prolongation de sa rétention et sa remise en liberté, survenus trois jours avant la réception du laissez-passer consulaire, résultent d'une erreur de droit dans l'interprétation de la condition tenant à la menace à l'ordre public.
Le juge a interprété les dispositions de l'article L. 742-5 comme exigeant que cette menace résulte d'un comportement survenu dans les quinze derniers jours. Contraire à la lettre des dispositions en cause comme à l'intention du législateur, cette interprétation n'est toutefois pas isolée, la jurisprudence en offrant plusieurs exemples16(*).
De plus, la condition tirée de ce que l'autorité administrative doit établir que la délivrance des documents de voyage « doit intervenir à bref délai » fait, en conjonction avec les délais extrêmement brefs de ces prolongations, reposer sur les services de l'État une charge de la preuve qui paraît excessive.
Cette condition va, au surplus, bien au-delà de ce qu'exige la directive « retour », dont l'article 15 se borne seulement à prévoir une « perspective raisonnable d'éloignement » (paragraphe 4) et permet une prolongation au-delà de six mois motivée par des « retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », en n'exigeant des autorités nationales que « des efforts raisonnables » (paragraphe 6).
2. Une simplification nécessaire du séquençage et des motifs de prolongation au-delà de soixante jours
Sur la proposition de la rapporteure, la commission a adopté l'amendement COM-5 qui crée le présent article.
L'article 3 de la proposition abroge l'article L. 742-5 du CESEDA (2°) et substitue aux deux prolongations de quinze jours prévues par cet article L. 742-5 - les troisième et quatrième prolongations du régime de droit commun - une troisième prolongation de trente jours (1°).
Cette prolongation, désormais prévue au dernier alinéa de l'article L. 742-4 qui régit la deuxième prolongation, peut être accordée pour les motifs prévus à cet article.
Les motifs de prolongation prévus par l'article L. 742-4 du CESEDA
« 1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
« 2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
« 3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
« a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
« b) de l'absence de moyens de transport. »
Le 3° modifie l'article L. 742-7 du CESEDA pour y apporter les mêmes modifications et prévoir une ultime prolongation de trente jours, pour les motifs prévus à l'article L. 742-4.
Ces modifications sont sans conséquence sur la durée maximale de la rétention administrative qui demeure fixée à 90 jours ou, s'agissant du régime dérogatoire, à 210 jours. Elle ne porte aucune atteinte à l'exercice des droits des personnes retenues, ces dernières disposant de la faculté de solliciter leur remise en liberté à tout moment, conformément à l'article L. 742-8 du CESEDA.
La commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport de Lauriane Josende sur la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, présentée par notre collègue, Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'éloignement des étrangers auteurs de troubles à l'ordre public, notamment les sortants de prison, a été affirmé comme une priorité par les gouvernements successifs ; plusieurs instructions et circulaires ont invité les services de l'État à placer prioritairement en centres de rétention administrative (CRA) les étrangers les plus dangereux.
Or, il s'avère que les étrangers aux profils les plus « lourds » sont aussi les plus difficiles à expulser, que cela soit dû à la réticence des États concernés ou aux stratégies d'évitement mises en oeuvre par les intéressés.
La durée de la rétention administrative peut constituer un levier permettant de favoriser cet éloignement. Certes, l'on objectera que la majorité des éloignements a lieu dans les premiers mois de la rétention administrative. Toutefois, une part non négligeable des éloignements a lieu entre 60 et 90 jours, soit dans les dernières prolongations du régime de droit commun : en 2024, cela représentait 958 éloignements, soit 14 % des éloignements réalisés.
Considérant tant l'impérieuse nécessité d'éloigner ces personnes que les difficultés particulières auxquelles se heurte cet éloignement, le législateur a prévu un régime particulier pour les étrangers condamnés pour des activités terroristes. Les articles L. 742-6 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoient ainsi que les intéressés peuvent être maintenus en rétention jusqu'à 180, voire 210 jours, contre 90 jours pour le droit commun.
Plus précisément, l'article L. 742-6 permet de prolonger, sur décision du juge, la rétention d'un étranger jusqu'à 180 jours dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont réunies : la rétention doit découler d'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire prononcée « pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal » ou d'une décision d'expulsion « édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées » ; l'éloignement de l'étranger doit constituer une « perspective raisonnable » ; enfin, l'assignation à résidence doit ne pas être suffisante.
L'article L. 742-7 prévoit qu'« à titre exceptionnel », la rétention peut être à nouveau prolongée par un magistrat pour deux périodes supplémentaires de quinze jours, pour une durée totale de 210 jours.
Le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans une décision du 9 juin 2011 ; il a en revanche censuré les dispositions permettant, dans le cadre de ce régime dérogatoire, une prolongation de la rétention de douze mois supplémentaires - durée pourtant conforme à la directive Retour.
En 2024, moins d'une quarantaine d'individus étaient retenus sur le fondement de ces dispositions. Si le taux d'éloignement n'est pas supérieur à celui de l'ensemble des étrangers retenus, on peut noter que plus de la moitié des laissez-passer consulaires délivrés en 2024 l'ont été au-delà du quatre-vingt-dixième jour de rétention, qui correspond au terme du régime de droit commun. Autrement dit, sans cet allongement de la rétention, le nombre d'éloignés aurait été divisé par deux.
La proposition de loi de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio vise à étendre ce régime dérogatoire aux étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits graves.
Elle reprend en partie une disposition que notre commission avait adoptée en octobre dernier, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.
Son article 1er étend l'application de l'article L. 742-6 du Ceseda aux personnes condamnées à une peine d'interdiction du territoire ou ayant fait l'objet d'une décision d'éloignement édictée pour un comportement « pénalement constaté » au titre d'infractions qu'il énumère. Il s'agit des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, soit celles qui donnent lieu à une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), ainsi que celles mentionnées à l'article 706-73 du même code, c'est-à-dire les infractions qui relèvent de la délinquance et de la criminalité organisées. Sont aussi mentionnées d'autres infractions : meurtre, torture ou acte de barbarie, traite des êtres humains, proxénétisme.
Son article 2 modifie le dernier alinéa de l'article L. 743-22 du Ceseda, qui confère un caractère suspensif à l'appel de la décision mettant fin à la détention des étrangers qui relèvent du régime de l'article L. 742-6, afin de prendre en compte le nouveau champ d'application de ce régime.
Il me semble que nous ne pouvons qu'approuver l'objet de cette proposition de loi. D'une part, l'allongement de la durée de la rétention administrative pour les profils les plus dangereux devrait permettre de favoriser leur éloignement effectif. D'autre part, le choix de procéder à l'extension du champ d'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du Ceseda me paraît judicieux.
Sur le principe, aucune exigence constitutionnelle ni aucune disposition du droit de l'Union européenne ne paraît s'opposer à l'extension de ce régime dérogatoire. Il importe en revanche d'assurer que le dispositif conserve un caractère proportionné afin de limiter le risque d'une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.
Ces considérations - et le souci d'éviter tout « angle mort » - m'amènent à vous proposer de revoir les critères d'extension de ce régime dérogatoire.
Le renvoi à une énumération d'infractions présente pour inconvénient de laisser de côté plusieurs infractions graves, y compris des crimes, et de mêler des infractions de gravité inégale.
Figurent ainsi parmi les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale des délits qui ne sont sans doute pas d'une gravité suffisante pour justifier l'application d'un régime aujourd'hui réservé aux personnes condamnées pour des activités terroristes, à l'instar du délit d'« atteintes sexuelles sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité » ou celui de « fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur ».
C'est pourquoi je vous propose de retenir un critère tiré du quantum des peines prononcées, pour prévoir que relève du régime dérogatoire de rétention l'étranger qui a fait l'objet d'une décision d'éloignement édictée au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement - ce qui me paraît recouvrir des infractions suffisamment graves.
Je vous propose également deux autres critères, qui ne sont évidemment pas cumulatifs.
D'abord, la peine d'interdiction du territoire français. Il s'agit d'une peine prononcée, à titre définitif ou temporaire, par le juge pénal, qui peut être infligée à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans. En vertu de l'article 131-30 du code pénal, la juridiction doit tenir compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, ainsi que de la nature, de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens avec la France, avant de la prononcer.
Il me paraît raisonnable de prévoir que tout étranger tombant sous le coup d'une telle peine puisse relever du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 du Ceseda, quelle que soit l'infraction à l'origine de la condamnation. Quoique prononcée de manière croissante par le juge répressif - 5 568 en 2023 -, cette peine ne l'est pas non plus à la légère, comme le montrent les données de la Chancellerie.
Ensuite, la menace « d'une particulière gravité » pour l'ordre public que constituerait le comportement de l'étranger.
À la différence des autres critères que j'ai énoncés, ce critère ne fait pas référence à l'existence d'une condamnation passée. Il permet donc de prendre en compte la situation de personnes qui, sans nécessairement avoir fait l'objet d'une condamnation pénale, représentent une menace particulièrement grave pour l'ordre public - par exemple en cas de radicalisation violente ou de liens avec un groupe terroriste.
Il s'agit d'une notion déjà utilisée par le passé, qui, en matière d'expulsions, a donné lieu à une jurisprudence relativement abondante du Conseil d'État. En relèvent tant des étrangers entretenant des relations avec des groupes armés d'action violente ou terroriste que des étrangers ayant commis des infractions d'une particulière gravité - homicide volontaire, viol, agressions et trafics de stupéfiants - ou répétées.
Toujours à l'article 1er, je vous propose de préciser que la provocation ou l'apologie du terrorisme font partie des condamnations pénales relevant de l'article L. 742-6. Vous reconnaîtrez là une disposition déjà adoptée par le Sénat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.
En ce qui concerne l'article 2, je suggère un amendement qui vise, dans un souci de cohérence, à aligner son périmètre avec celui qui est proposé pour l'article L. 742-6 du Ceseda.
Enfin, je vous propose d'adopter un article additionnel visant à simplifier le séquençage des prolongations de la rétention administrative de droit commun.
L'affaire du meurtre de la jeune Philippine a, en effet, révélé les limites du régime juridique des prolongations prévues par l'article L. 742-5 du Ceseda, qui sont les troisième et quatrième prolongations du régime de droit commun - les dernières -, dont la durée est de quinze jours - du 60e au 90e jour.
La libération du suspect est le résultat d'une erreur de droit - dont il s'avère qu'elle est malheureusement loin d'être isolée - dans l'interprétation de la condition tenant à la menace à l'ordre public. Contre la lettre même du texte, et à l'instar de plusieurs cours d'appel, le juge a exigé que cette menace à l'ordre public résulte d'un comportement survenu dans les quinze derniers jours, c'est-à-dire pendant la rétention administrative de l'intéressé !
En outre, le motif tiré de ce que l'autorité administrative doit établir que la délivrance des documents de voyage « doit intervenir à bref délai » s'avère d'un maniement difficile. En imposant aux services de l'État d'établir la délivrance prochaine d'un laissez-passer consulaire, il fait reposer sur eux une charge de la preuve quasiment impossible. Au surplus, il va bien au-delà de ce qu'exige la directive Retour, c'est-à-dire simplement une « perspective raisonnable d'éloignement » et des « efforts raisonnables » de la part des autorités.
Par conséquent, je vous propose d'unifier le régime de ces prolongations : les deux prolongations prévues par l'article L. 742-5 seraient fusionnées en une seule prolongation de 30 jours, dont les motifs seraient ceux de l'article L. 742-4, qui régit la deuxième prolongation.
Du fait d'un jeu de renvois dans le Ceseda, cette modification s'appliquerait également à la dernière prolongation du régime dérogatoire - de 180 à 210 jours.
Cette mesure de simplification me paraît répondre à un véritable besoin : elle mettrait fin à l'incertitude juridique qui résulte de l'ambiguïté des motifs de prolongation prévus à l'article L. 742-5 du Ceseda et allégerait aussi la charge des services de l'État, notamment en matière d'escortes.
Elle serait sans effet sur la durée maximale de la rétention administrative, qui demeurerait fixée à 90 jours ou, pour le régime dérogatoire, à 210 jours. Elle serait aussi sans conséquence sur les droits des personnes retenues, qui peuvent solliciter leur remise en liberté à tout moment.
Je vous propose par conséquent d'adopter la proposition de loi ainsi modifiée, qui me paraît constituer un dispositif équilibré, de nature à favoriser l'éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière les plus dangereux.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteure de la proposition de loi. - Je remercie la rapporteure d'avoir amélioré ce texte important, dont le but est de protéger les Français contre des individus particulièrement dangereux qui menacent leur sécurité. Nous devons absolument nous donner les moyens de les éloigner, et je rappelle que le droit européen autorise une durée de rétention qui peut aller jusqu'à dix-huit mois.
M. Christophe Chaillou. - Nous sommes dans un contexte bien particulier, rappelé par Marie-Pierre de La Gontrie, avec une série de textes qui visent l'affichage davantage que l'efficacité. Je note aussi que ce texte apparaît désormais timoré au regard des dernières déclarations du ministre de l'intérieur - ce matin même -, qui propose de porter la durée de rétention à dix-huit mois.
Au-delà des slogans, de la communication, comment pouvons-nous agir concrètement ? Les CRA ont été conçus pour éloigner des personnes en situation irrégulière du territoire français ; ils n'ont pas vocation à devenir des prisons bis.
Nous devons certes nous interroger sur la constitutionnalité des nouvelles mesures, mais aussi sur leur utilité. Or nous ne disposons d'aucune étude d'impact, et les effets de la prolongation de la rétention à 90 jours sur l'augmentation des éloignements semblent, au mieux, très faibles.
Par ailleurs, la multiplication des profils dangereux au sein des centres de rétention rend leur gestion plus difficile et crée des situations de tension. Il est fréquent que de jeunes policiers soient affectés en CRA pour leur premier poste et, pour en avoir discuté avec des responsables de la police, cela n'encourage pas vraiment les vocations, alors que les besoins sont immenses sur la voie publique. Je n'ose pas imaginer le coût pour la société d'une rétention qui serait portée à dix-huit mois, contre sept mois au maximum dans la proposition de loi.
Nous avons donc un désaccord profond sur ce texte, qui participe d'une certaine dérive et ne nous semble pas opérationnel, car il passe à côté de l'essentiel. Il faudrait surtout mettre à profit le temps d'incarcération des individus dangereux pour préparer les mesures d'éloignement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Comme Christophe Chaillou l'a justement noté, l'inflation de la durée de la rétention administrative ne cesse pas !
Par ailleurs, dès lors que Mme Josende se réfère aux délais autorisés en droit européen, il faut s'attendre à ce que nous ayons une discussion juridique intéressante en séance. En effet, la France est dotée d'une Constitution et un certain nombre de règles s'appliquent à la détention sans titre. Il s'agit bien de cela : à partir de quel délai considère-t-on qu'une personne est privée de liberté sans avoir été jugée ?
Christophe Chaillou a parfaitement exposé notre position, il nous semble que nous assistons à une dérive inquiétante...
M. André Reichardt. - J'entends Christophe Chaillou motiver son opposition à la proposition de loi par le fait que, pour optimiser la mise en oeuvre des reconduites à l'étranger, il faudrait mieux utiliser le temps de rétention administrative...
M. Christophe Chaillou. - J'ai parlé du temps d'incarcération !
M. André Reichardt. - D'accord. C'est précisément ma question : la recherche d'une solution ne commence-t-elle pas avant la rétention administrative ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Christophe Chaillou. - Elle devrait !
M. André Reichardt. - Autant que je sache, les efforts en matière de reconduites sont multiples et variés. Ce n'est pas faute de chercher à expulser ces personnes n'ayant rien à faire sur le territoire français. Simplement, les pays qui devraient les accueillir ne les acceptent pas.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. -
Notre rôle est bien de regarder ce qu'il est possible de faire au niveau du droit, en particulier dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du contrôle de proportionnalité. Nous en discuterons en séance, mais mon analyse est que le dispositif proposé est justifié et proportionné.
L'éloignement n'est pas possible pendant l'incarcération. Si les démarches peuvent être enclenchées en vue de la sortie de prison, il est rare que l'éloignement puisse avoir lieu immédiatement. La personne est donc souvent placée en rétention. Mais, cela a été dit, les pays d'accueil rechignent à accepter le retour des profils les plus dangereux ou des personnes ayant commis les infractions les plus graves, celles-ci faisant elles-mêmes tout leur possible pour empêcher l'éloignement.
Enfin, il y a bien une intervention régulière du juge. Même si la décision est administrative, la rétention est placée sous le contrôle du juge et sa prolongation est autorisée par celui-ci.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Non !
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Je le rappelle, la mise en liberté peut être demandée à tout moment et les personnes retenues peuvent exercer leur droit de recours, avec l'assistance de conseils. Enfin, cette prolongation est proposée, c'est bien parce que cela permet de travailler plus efficacement à l'éloignement, a fortiori pour les profils que vous avez cités, monsieur Chaillou.
M. Christophe Chaillou. - Il serait nécessaire de mesurer l'impact sur les contentieux, ceux qui concernent les étrangers ayant explosé ces derniers temps - je le constate au tribunal d'Orléans depuis l'ouverture du CRA. On risque donc d'engorger encore plus la justice administrative et judiciaire. Enfin, vous avez indiqué que la commission des lois est attachée à la constitutionnalité des mesures - c'est tout à fait normal. J'en déduis que le ministre de l'intérieur l'est moins lorsqu'il fait certaines annonces. Je l'ai entendu ce matin, il se disait convaincu d'avoir le soutien du bloc central et j'imagine que la majorité sénatoriale soutiendra le texte.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Pour l'instant, mon cher collègue, nous débattons du texte de la commission.
Comme c'est l'usage, il me revient, avant d'examiner les amendements, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la rétention administrative des étrangers.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Comme je l'ai exposé, l'amendement COM-3 vise à modifier le champ d'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du Ceseda.
Afin de ne retenir que des infractions d'une gravité suffisante et ne pas laisser de côté des infractions graves, je propose de recourir à un critère tiré du quantum de la peine prononcée, qui s'élèverait à cinq ans ou plus d'emprisonnement. Il s'agit d'un seuil déjà utilisé dans le Ceseda pour déterminer la gravité des infractions, par exemple à l'article L. 631-1 pour lever certaines protections contre l'expulsion. Cela correspond aux violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, accompagnées d'une circonstance aggravante, ou aux agressions sexuelles. Ce seuil permet ainsi de prendre en compte les infractions les plus graves, conformément à l'ambition de la proposition de loi.
Cet amendement retient deux autres critères, que j'ai évoqués : le fait que l'étranger soit sous le coup d'une peine d'interdiction du territoire français et le fait que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
Enfin, il tend à préciser que les faits de provocation ou d'apologie du terrorisme relèvent bien du critère tiré d'une condamnation au titre d'activités terroristes.
Deux autres amendements sont en discussion commune.
J'émets un avis défavorable à l'adoption de l'amendement COM-1, qui tend à supprimer la condition pour le maintien en rétention tirée de ce « qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant » de l'étranger. Je comprends bien l'intention de son auteur, mais son adoption, me semble-t-il, serait susceptible de fragiliser l'article 1er.
En effet, le Conseil constitutionnel prend en compte, dans le contrôle de proportionnalité qu'il exerce en la matière, la circonstance voulant que le placement en rétention n'est susceptible d'intervenir qu'en dernier ressort, si une mesure d'assignation à résidence n'est pas suffisante pour parer au risque de fuite. Supprimer cette exigence pourrait le conduire à censurer l'ensemble des dispositions.
En outre, la directive Retour comporte la même exigence pour le recours à la rétention administrative, à savoir que l'application de mesures moins coercitives ne suffise pas.
Même avis pour l'amendement COM-2. Si celui-ci procède d'une volonté de simplification que je partage totalement, la référence à toutes les infractions prévues par le livre II du code pénal, soit les atteintes aux personnes, n'est toutefois pas satisfaisante car elle ne tient pas compte de la gravité des faits, ce qui est un élément important pour la proportionnalité du dispositif.
On trouve dans le livre II du code pénal des infractions d'une gravité variable, comme les menaces ou les délits non intentionnels. Sont également laissées de côté des infractions graves qui ne se trouvent pas dans ce livre II, comme certains crimes ou délits contre les biens - vols aggravés, notamment accompagnés de violences - ou les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation - sabotage, atteintes à la sécurité, etc.
Pour les raisons que j'ai évoquées, il paraît préférable de s'en tenir à un critère tiré du quantum de la peine.
M. André Reichardt. - Autant je peux comprendre votre avis défavorable sur l'amendement COM-2, autant je m'interroge sur votre réaction quant à l'amendement COM-1. En l'état actuel, l'administration est obligée d'apporter la preuve d'un fait négatif, ce qui est impossible à faire. Dès lors, le juge va se substituer à l'administration et c'est lui qui dira si l'assignation à résidence permet, ou pas, le contrôle de l'étranger. C'est pourquoi j'aurais volontiers supprimé ce critère et ne suis pas franchement convaincu par votre argumentation tirée du risque constitutionnel.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Il me paraît important que le dispositif conserve un caractère proportionné : le fait que la rétention n'intervienne qu'en dernier ressort est à cet égard un élément important, même si je comprends bien vos réserves. J'ajoute que cette exigence ne paraît pas, dans la pratique, poser problème ; du moins les services de l'État ne nous en ont pas fait part.
L'amendement COM-3 est adopté. En conséquence, les amendements COM-1 et COM-2 deviennent sans objet.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-4 procède, par coordination, à la modification du dernier alinéa de l'article L. 743-22 du Ceseda, qui prévoit les cas dans lesquels l'appel contre la décision mettant fin à la rétention revêt un caractère suspensif.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-5 procède à la simplification du séquençage de la rétention administrative.
Il s'agit de supprimer les deux prolongations de quinze jours prévues par l'article L. 742-5 du Ceseda - qui sont les deux dernières du régime de droit commun, de 60 à 90 jours -et de les remplacer par une seule prolongation de 30 jours.
Il est proposé de reprendre les motifs de rétention aujourd'hui prévus par l'article L. 742-4 du Ceseda, qui sont moins restrictifs et, surtout, posent beaucoup moins de difficultés d'interprétation. La durée maximale de rétention reste donc fixée, dans le droit commun, à 90 jours.
L'article L. 742-7 du Ceseda, régissant les dernières prolongations du régime dérogatoire, de 180 à 210 jours, doit être modifié en conséquence, car il comporte un renvoi à l'article L. 742-5, que je vous propose d'abroger.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
Mme JOSENDE, rapporteure |
3 |
Modification des conditions d'application du régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA |
Adopté |
M. REICHARDT |
1 |
Suppression de la condition tenant à ce qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger |
Rejeté |
M. REICHARDT |
2 |
Prise en compte de toutes les infractions contre les personnes, sans considération de leur gravité |
Rejeté |
Article 2 |
|||
Mme JOSENDE, rapporteure |
4 |
Extension du champ d'application du caractère suspensif de l'appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention administrative |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
Mme JOSENDE, rapporteure |
5 |
Simplification du séquençage de la rétention administrative |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 17(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie18(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte19(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial20(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 12 mars 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 298 (2024 - 2025) visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la rétention administrative des étrangers.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val d'Oise, auteure de la proposition de loi
Direction générale des étrangers en France (DGEF)
M. Simon Fetet, directeur de l'immigration
M. Cyriaque Bayle, sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière
Mme Claire Poncet, conseillère juridique auprès du directeur général
Direction nationale de la police aux frontières (DNPAF)
Mme Valérie Minne-Thuilliez, directrice nationale de la police aux frontières
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)
La Cimade
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-298.html
* 1 Aux termes de l'article L. 741-1 du CESEDA, l'étranger peut être placé en rétention « lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ».
* 2 Le juge administratif demeure compétent pour connaître de la légalité de la décision d'éloignement qui constitue le fondement de la mesure de rétention.
* 3 Article 56 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
* 4 Voire avec plusieurs États, le ministère de l'intérieur relevant qu'« Il est en effet fréquent que des étrangers faisant l'objet d'une procédure d'éloignement dissimulent leur document de voyage, voire leur identité ou leur nationalité. Par suite, plusieurs pays doivent être successivement saisis en vue d'obtenir le [laissez-passer consulaire]. »
* 5 En témoigne notamment le fait que le taux d'éloignement des personnes retenues en CRA tend à marquer le pas depuis la circulaire du 3 août 2022 qui a donné la priorité à la rétention des étrangers en situation irrégulière auteurs de troubles à l'ordre public.
* 6 Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
* 7 CE, 8 juillet 1991, n° 108810, Rec., CE, 12 mai 1989, n° 97145.
* 8 CE, 20 juillet 1990, n° 109996 ; CE, 26 septembre 1990, n° 106604 ; CE, 13 avril 1992, n° 105828 ;
* 9 CE, 17 mai 1993, n° 121969
* 10 Voir notamment : CA Aix-en-Provence, 24 septembre 2024, n° 24/01481 ; CA Orléans, 30 octobre 2024, n° 24/02784
* 11 Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
* 12 Voir le rapport n° 258 (2023-2024) de Marc-Philippe Daubresse, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi n° 202 (2023-2024) instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste.
* 13 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 14 À la différence que sont prises en compte toutes les mesures d'éloignement et non les seules décisions d'expulsion et qu'il n'est pas exigé que le comportement lié à des activités à caractère terroriste soit « pénalement constaté ».
* 15 Article 29 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
* 16 Voir notamment : CA Aix-en-Provence, 24 septembre 2024, n° 24/01481 ; CA Orléans, 30 octobre 2024, n° 24/02784
* 17 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 18 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 19 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 20 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.