N° 992
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE |
N° 355
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
|
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 février 2025 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1)
chargée de proposer un texte sur les dispositions restant
en discussion du projet de
loi
d'orientation pour la
souveraineté alimentaire et le
renouvellement des
générations en
agriculture,
PAR Mme Nicole LE PEIH Députés |
PAR MM. Laurent DUPLOMB Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente ; Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente ; MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville, sénateurs, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, députés, rapporteurs.
Membres titulaires : MM. Pierre Cuypers, Jean-Claude Tissot, Christian Redon-Sarrazy, Bernard Buis, sénateurs ; Mme Hélène Laporte, MM. Robert Le Bourgeois, Dominique Potier, Julien Dive, députés.
Membres suppléants : MM. Jean-Claude Anglars, Christian Bruyen, Yves Bleunven, Lucien Stanzione, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Henri Cabanel, sénateurs ; MM. Hervé de Lépinau, Antoine Armand, Mmes Manon Meunier, Mélanie Thomin, MM. Benoît Biteau, David Taupiac, André Chassaigne, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16e législ.) : |
Première lecture : 2436,
2600 et T.A. 300 |
Sénat : |
Première lecture : 639 (2023-2024),
184, 187, 250,
251 et T.A. 57 (2024-2025) |
SOMMAIRE
TRAVAUX EN COMMISSION
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture s'est réunie au Sénat le mardi 18 février 2025.
Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente, de Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente, de MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville, sénateurs, rapporteurs pour le Sénat, et de Mme Nicole Le Peih et M. Pascal Lecamp, députés, rapporteurs pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
*
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Je souhaite la bienvenue au Sénat à nos collègues députés. Nous sommes réunis afin de parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PJLOA), qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 3 avril 2024, soit depuis près d'un an.
Cinq articles, les articles 1er bis A, 11, 12, 14 ter et 19 bis, ont été adoptés conformes. Il reste donc encore 65 articles en discussion.
À quelques jours du salon de l'agriculture, notre commission mixte paritaire (CMP) est particulièrement attendue. Il était, je crois, important de répondre à la demande conjointe du Gouvernement et du monde agricole de nous réunir rapidement, malgré l'agenda législatif et de contrôle chargé de nos deux commissions. Avec Mme Trouvé, nous avons convenu de tenir cette CMP ce soir, après le vote solennel du Sénat sur ce texte.
Je me réjouis que nos rapporteurs soient parvenus à un accord sur tous les articles du projet de loi, ce qui démontre, une nouvelle fois, la qualité du dialogue entre nos deux assemblées. Si nous adoptons le texte, les conclusions de la CMP pourraient être votées dans nos chambres respectives d'ici à la fin de semaine.
Je rappelle, bien entendu, qu'il ne peut y avoir d'accord partiel en CMP : notre accord final devra porter sur l'ensemble des articles restant en discussion.
Il est prévu que nous siégions jusqu'à minuit et demi. Si nous n'avons pas terminé, nous reprendrons nos discussions demain. Compte tenu du temps dont nous disposons, j'appellerai chacun d'entre vous à aller à l'essentiel avec concision, car il ne s'agit pas ici de reproduire les débats nourris et souvent passionnés qui ont animé nos deux assemblées pendant plusieurs semaines, mais de nous accorder sur la rédaction proposée par nos rapporteurs sur la base du tableau comparatif qui vous a été transmis, et qui comporte, pour chaque article, la rédaction que les quatre rapporteurs nous proposent d'adopter, ainsi que les modifications intervenues lors de la discussion du texte entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Nos rapporteurs vous proposeront également une proposition de rédaction globale d'un commun accord à l'article 1er et à l'article 13 pour plus de lisibilité, car les modifications étaient plus nombreuses.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Nous sommes réunis pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Le Sénat a adopté aujourd'hui ce texte en première lecture. Son examen avait commencé à l'Assemblée nationale au printemps dernier, puisque nous l'avions adopté en première lecture le 28 mai dernier, soit quinze jours avant la dissolution de l'Assemblée nationale... Nous avions alors quatre rapporteurs : Mme Nicole Le Peih et M. Pascal Lecamp, mais aussi M. Pascal Lavergne et M. Éric Girardin.
Les délais sont très courts. Nous avons reçu le tableau comparatif complété par les rédactions proposées par les rapporteurs il y a à peine une heure...
Le salon de l'agriculture se tiendra la semaine prochaine ; le texte est donc très attendu, mais nous devons travailler sans précipitation, avec sérieux et discernement, dans le respect et l'écoute des autres. Je remercie nos rapporteurs qui ont travaillé ces derniers jours pour trouver une rédaction de compromis.
Ce projet de loi définit les grandes orientations sur le renouvellement des générations en agriculture et la souveraineté alimentaire. Il vise à aider les agriculteurs à s'installer et à transmettre leur installation. Il modifie nombre de règles applicables à l'agriculture. La rédaction adoptée par le Sénat s'écarte sensiblement de celle de l'Assemblée nationale. Ce texte aura des répercussions qui dépassent le monde agricole ; je pense notamment à ses effets en matière environnementale.
Les agriculteurs attendent que nous apportions des réponses aux problèmes auxquels ils sont confrontés : la faiblesse et la volatilité des prix, le rapport de force très défavorable avec les centrales d'achat, la concurrence de plus en plus déloyale des pays qui ont moins de normes que nous, etc. Il convient aussi de faciliter l'accès au foncier.
Il faudra s'attaquer à ces sujets à l'avenir, mais, dans l'immédiat et pour cette CMP, nous devons respecter l'article 45 de la Constitution, qui ne nous permet pas d'introduire des dispositions qui n'auraient pas de lien avec le texte initial du projet de loi.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Je tiens à remercier mes collègues rapporteurs, notamment ceux de l'Assemblée nationale, car nous avons réussi hier, au terme d'une réunion qui a duré sept heures, à trouver une rédaction commune. J'espère donc que cette CMP sera conclusive et que nous pourrons répondre aux attentes des agriculteurs.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a voté à une large majorité cet après-midi ce texte en séance publique. Nous avons travaillé hier avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale dans un excellent climat. J'étais rapporteur plus particulièrement sur les parties consacrées à l'enseignement agricole et au renouvellement des générations. J'ai capitalisé sur le travail réalisé par l'Assemblée nationale.
Nous vous proposerons une rédaction commune sur l'ensemble des articles. Si nous parvenions à faire en sorte que cette CMP soit conclusive, nous enverrions un signal fort au monde agricole à quelques jours du salon de l'agriculture.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Le parcours législatif de ce projet de loi a été particulièrement laborieux, comme vous le savez, jusqu'à cette CMP. Après de longs mois d'attente, ce texte vient d'être adopté par le Sénat. Nous voici désormais réunis pour essayer, dans des délais particulièrement contraints, à quelques jours de l'ouverture du salon de l'agriculture, de faire converger les points de vue de nos deux assemblées.
65 articles restent en discussion. Je tiens à remercier Laurent Duplomb et Franck Menonville, avec qui nous avons eu hier des échanges très francs et directs.
Je reviendrai pour ma part sur les titres Ier et II de ce texte, avant de céder la parole à Pascal Lecamp pour les titres III et IV.
Le titre Ier a fait l'objet de longs débats dans nos deux assemblées, en particulier l'article ler, qui consacre la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche comme un « intérêt général majeur », au service de la souveraineté alimentaire, tandis que l'article 1er bis, introduit par l'Assemblée nationale, fait figurer l'agriculture parmi les intérêts fondamentaux de la Nation, au sein du code pénal.
La rédaction de compromis que nous vous proposerons prévoit, comme l'avait fait l'Assemblée nationale, de définir la souveraineté alimentaire et l'agriculture.
L'article 1er énumère ensuite les priorités et les finalités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire, à commencer par la nécessité d'assurer la pérennité et l'attractivité de l'agriculture ainsi que le renouvellement des générations, en facilitant l'installation, la transmission et la reprise des exploitations. Le Sénat a consolidé et clarifié de nombreuses dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
L'agriculture biologique devra représenter 21 % de la surface agricole utile (SAU) cultivée au 1er janvier 2030. Cet objectif a été rétabli.
Le maintien d'un haut niveau de protection des cultures devra être assuré en soutenant la recherche pour trouver des solutions afin de diminuer l'usage des produits phytopharmaceutiques. Si de telles solutions ne sont pas disponibles, les pouvoirs publics devront s'abstenir d'interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l'Union européenne, afin de ne pas créer de concurrence déloyale avec nos voisins européens.
L'article 1er prévoit aussi l'organisation en 2026 de « Conférences de la souveraineté alimentaire », réunissant les représentants des filières et des organisations interprofessionnelles sous l'égide de FranceAgriMer. Il s'agira de définir une stratégie assortie d'objectifs, notamment en termes de production, à l'horizon de dix ans, en vue de renforcer la souveraineté alimentaire de la Nation, ou tout du moins de veiller à sa « non-régression », principe cher à notre collègue Laurent Duplomb, et qui figure à l'article 1er bis AA.
Le texte prévoit également un aménagement de la loi Littoral, afin de soutenir l'activité agricole dans les communes insulaires métropolitaines.
Le titre II vise à définir au mieux les enjeux liés à l'attractivité des métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il tend à préciser aussi les parcours de formation et de recherche agricole.
Parmi les objectifs assignés à la politique d'orientation agricole, il semblait essentiel de trouver un compromis, afin que demeure une référence aux enjeux qui préoccupent nos agriculteurs aujourd'hui et qui préoccuperont les nouvelles générations de demain : je pense aux transitions climatique et environnementale, et à la question de la qualité de nos modes de production, au premier rang desquels figure l'agriculture biologique. Il faut garder en tête que l'agriculture biologique est un facteur d'attractivité pour les nouvelles générations.
Il convient de constater que, pour ce titre II, le texte adopté par le Sénat a su préserver l'essentiel des objectifs et des programmes adoptés par l'Assemblée nationale. L'équilibre proposé en ce qui concerne les relations avec les établissements privés et publics, les missions de l'enseignement agricole et les objectifs en matière de formation est apparu satisfaisant.
Des compléments utiles ont été ajoutés : la création du volontariat agricole, l'actualisation de la procédure disciplinaire dans les établissements de l'enseignement supérieur agricole, ou encore la création d'un centre de formation unique, à la fois pour l'apprentissage et la formation continue.
Ces éléments ont donc pu être intégrés dans le texte sans modification, de même que des éléments plus favorables à la place des femmes dans l'enseignement et le monde agricole de demain. Il s'agit en effet d'un sujet essentiel pour moi, et je salue les initiatives qui ont permis de renforcer ce point.
Pour ces raisons, le texte de compromis qui vous est présenté me semble satisfaisant et fidèle aux grandes lignes tracées par l'Assemblée nationale. Je vous propose donc de l'adopter en l'état.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je remercie les rapporteurs du Sénat pour les échanges francs et directs que nous avons eus hier pendant plus de sept heures.
Ce projet de loi est le fruit d'un long cheminement. Pour les agriculteurs et les futurs agriculteurs dont notre pays a besoin, ce cheminement a été trop long, en grande partie à cause de circonstances politiques sur lesquelles il n'est pas utile de revenir.
Le 28 mai dernier, l'Assemblée nationale a adopté ce texte par 272 voix contre 232, ce qui est exceptionnel dans le contexte politique qui y prévaut. Pour ce faire, les députés ont examiné plus de 5 500 amendements en séance publique ! Des compromis ont émergé sur plusieurs points ; je pense, par exemple, à la réaffirmation de nos objectifs en matière de surfaces cultivées en agriculture biologique.
J'ai eu l'honneur d'être rapporteur du titre III en première lecture et, pour cette CMP, je suis aussi rapporteur du titre IV, dont notre ancien collègue Pascal Lavergne avait la charge avant la dissolution.
Le titre III me tient tout particulièrement à coeur.
Chaque jour, près de trente exploitations agricoles disparaissent en France. L'enjeu est d'endiguer cette trajectoire : c'est une condition essentielle pour protéger notre souveraineté alimentaire.
L'article 8 fixe un cap, celui de tout mettre en oeuvre pour favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles, tout en prenant en compte les attentes socioprofessionnelles et la diversité des profils concernés. L'Assemblée nationale, en adoptant un amendement que j'avais déposé avec M. Potier, puis le Sénat, ont gravé dans le marbre de la loi que la France se fixe comme objectif de compter au moins 400 000 exploitations agricoles et 500 000 exploitants agricoles d'ici à 2035.
Pour suivre ce cap, nous avons trois impératifs.
Le premier impératif est de faciliter la transmission des fermes et leur évolution. Nous devons collectivement prendre la mesure du défi de la durabilité sociale, économique et environnementale, en s'appuyant sur des analyses claires.
Le diagnostic modulaire prévu à l'article 9 de ce projet de loi prévoit un outil d'évaluation de la résilience de l'exploitation au changement climatique. Les versions de l'Assemblée nationale et du Sénat n'étaient pas tellement éloignées sur la nature et le contenu de ces diagnostics. Le texte de compromis qui vous sera présenté reflète un équilibre. Il faudra, dans la phase de mise en oeuvre de cet outil d'aide à la décision, imaginer les moyens de le rendre attractif pour les porteurs de projets en agriculture.
Second impératif, nous devons nous adapter aux profils des futurs installés - je pense notamment à ceux qui ne sont pas issus du milieu agricole -, les conseiller et les accompagner durant la mise en oeuvre de leur projet. Tel est l'objet de l'article 10. Il crée un réseau France services agriculture (FSA), dont le guichet unique aura vocation à être la porte d'entrée pour tous les porteurs de projets d'installation en agriculture et de transmission. Le dispositif reposera non pas sur la contrainte, mais sur l'incitation et l'attractivité par le service rendu : il s'agit de mettre en relation, dans les meilleurs délais, chaque cédant avec un repreneur potentiel, doté d'un projet robuste. Les structures de conseil et d'accompagnement seront le coeur du dispositif FSA, alors que le guichet unique à la chambre d'agriculture sera l'interface.
Enfin, notre troisième impératif est de créer les conditions économiques du rachat des exploitations. Dans les dix prochaines années, plus de 25 milliards d'euros d'investissements dans le foncier agricole seront nécessaires pour racheter les terres détenues par les agriculteurs exploitants qui partiront à la retraite. Ce constat nous incite à trouver des solutions pour lisser dans le temps la charge financière pour les jeunes.
L'article 8 comporte un objectif qui m'est cher, relatif au portage du foncier soutenu par des fonds publics, associés le cas échéant à des fonds privés.
Le titre IV a été conçu spécifiquement pour répondre au mouvement de contestation des agriculteurs, qui n'est jamais vraiment retombé depuis la fin de l'année 2023.
La cohérence de ce titre est nécessairement moins forte que pour le reste du texte, mais l'approche est pragmatique : elle vise à apporter des réponses, les plus concrètes possible, aux attentes de nos agriculteurs. Que veulent nos agriculteurs ? Tout simplement qu'on ne leur mette pas de bâtons dans les roues pour exercer leur beau métier, qu'on leur donne les moyens d'offrir à la population une alimentation saine et de qualité, tout en préservant nos capacités de production dans le temps long. Le titre IV vise à les sécuriser dans les démarches qu'ils doivent accomplir et à alléger les contraintes lorsqu'elles ne sont pas proportionnées par rapport à l'objectif poursuivi.
Les débats ont parfois pu être caricaturaux : il ne s'agit pas d'écarter le droit de l'environnement. D'ailleurs, nous y avons veillé jusqu'au bout des discussions : je pense à l'article 13, qui reprend la rédaction de l'Assemblée nationale, et à l'article 13 bis, dont la rédaction devrait satisfaire tout le monde.
Je regrette néanmoins, comme l'a dit notre présidente, que nous n'ayons pas eu connaissance des tableaux comparatifs suffisamment tôt et que les propositions de rédaction du Sénat nous aient été transmises tardivement. Nous n'avons eu que quelques jours pour nous concerter.
Je conclurai en rappelant que le projet qui vous est présenté est le résultat d'une longue année de concertations, puis d'une longue année de débats parlementaires. Notre objectif, en vous présentant ce compromis, est de ne pas décevoir le monde agricole et de réussir à faire adopter le texte dans nos chambres respectives.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Je remercie nos rapporteurs pour le travail qu'ils ont fourni dans un calendrier très serré.
Je vous propose d'aborder maintenant l'examen des articles. Je mettrai prioritairement aux voix les propositions communes de rédaction globale des rapporteurs sur chaque article.
EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Nous vous soumettons une proposition commune de rédaction afin de réécrire l'article 1er.
Nous sommes tombés d'accord pour maintenir à l'article 1er les dispositions relatives à la souveraineté alimentaire, et pour déplacer à l'article 8 les dispositions relatives à la transmission, à l'installation et la formation. Ces articles conservent une visée programmatique.
Nous vous proposons de reprendre la rédaction de l'Assemblée nationale relative au début de l'article 1er, qui vise à préciser que la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en ce qu'ils garantissent la souveraineté alimentaire, et qu'ils constituent un intérêt fondamental de la Nation. Le Sénat avait choisi de déplacer ces éléments dans un article autonome après l'article 1er.
Nous avons aussi repris les définitions de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire adoptées par l'Assemblée nationale.
Enfin, nous avons repris les cinq priorités des politiques publiques que le Sénat avait adoptées. Nous avons toutefois remonté au deuxième rang la priorité « d'assurer, dans le cadre de la politique de l'alimentation, la sécurité alimentaire et sanitaire de la Nation ».
Aux alinéas suivants, que je qualifie souvent de « litanie des saints », nous avons modifié le texte à la marge : nous avons réintroduit l'objectif que l'agriculture biologique représente 21 % de la surface agricole utile cultivée en 2030. Nous avons conservé autant que possible les dispositions qui avaient été adoptées par l'Assemblée nationale, puis réorganisées au Sénat, sous réserve de quelques petites modifications.
En ce qui concerne les articles suivants, nous sommes tombés d'accord pour reprendre deux articles fondamentaux. Le premier est celui qui vise à ajouter l'économie agricole parmi les intérêts fondamentaux de la Nation au sens du code pénal. Par ailleurs, nous avons décidé conjointement de conserver l'article 1er bis AA introduit par le Sénat, en ne retenant que la partie qui définit le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, les dispositions visant à reconnaître la souveraineté alimentaire comme un intérêt fondamental de la Nation ayant été remontées au sein de l'article 1er.
M. Dominique Potier, député. - Je voudrais demander à M. Duplomb comment s'articuleront, dans la hiérarchie des normes, les principes de non-régression en matière de souveraineté alimentaire, d'une part, et de non-régression en matière environnementale, d'autre part. Ce dernier figure dans les textes fondateurs de notre République. Cela me semble quelque peu mystérieux...
Les rapporteurs de l'Assemblée nationale semblent satisfaits du compromis qui a été exposé, mais ce n'est pas du tout le cas des membres du groupe socialiste ! Nous avons l'impression que tous les compromis sur les questions environnementales que nous nous étions efforcés de trouver à l'Assemblée nationale ont été abandonnés. Le texte proposé par les rapporteurs provoquera, s'il est adopté, des désordres environnementaux et sociaux importants et accroîtra la conflictualité dans nos espaces ruraux. L'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale était pourtant satisfaisant.
Les deux propositions de rédaction que nous proposons avec Mme Mélanie Thomin visent à réécrire l'article 1er. Nous nous inspirons du texte de compromis qui a été adopté à l'Assemblée nationale. Selon nous, la souveraineté alimentaire doit être une souveraineté solidaire des autres pays. Nous mettons l'accent sur l'agroécologie. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi les rapporteurs du Sénat ont eu l'obsession de retirer du texte cette notion et d'inventer d'autres concepts. Cette notion est pourtant inscrite dans la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Les politiques publiques ont toujours eu pour objectif, de manière relativement constante, de développer l'agroécologie.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - En ce qui concerne la hiérarchie des normes, il appartient au juge de la faire respecter. Il n'est pas question de placer la souveraineté alimentaire au-dessus de la protection de l'environnement, mais il ne faut pas non plus que la défense de l'environnement constitue une entrave pour préserver notre souveraineté alimentaire. Pour le reste, monsieur Potier, nous devons reconnaître que nos visions divergent, mais ce désaccord sera tranché par le vote !
Mme Manon Meunier, députée. - Je souscris aux observations formulées par M. Potier. J'entends les propos de M. Duplomb, qui refuse de donner la priorité à la souveraineté alimentaire sur la protection de l'environnement. Tant mieux, mais en inscrivant le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire dans le droit, on créerait un précédent, et cela serait source d'incertitude quant à l'interprétation du droit. Il me semble que la rédaction proposée par les rapporteurs n'est pas constitutionnelle. On peut certes l'adopter, mais le Conseil constitutionnel la retoquera certainement. Nous sommes plutôt favorables à la proposition de rédaction de M. Potier, et donc à la rédaction de l'Assemblée nationale.
J'ai aussi déposé avec Aurélie Trouvé une proposition de rédaction pour supprimer l'alinéa concerné. Celui-ci nous semble dangereux. La prise en compte de l'environnement est fondamentale pour assurer la souveraineté alimentaire de notre pays. Si l'on ne veille pas à limiter le changement climatique et à préserver la biodiversité, la souveraineté alimentaire sera la première à être touchée. Les scientifiques le disent. On observe déjà sur le terrain un recul des rendements céréaliers en raison du changement climatique et de la réduction de la biodiversité.
Enfin, je suis très gênée, dans la rédaction proposée par nos rapporteurs, par les alinéas qui visent à développer la compétitivité : le monde agricole réclame au contraire plus de protectionnisme et souhaite sortir de ce système fondé sur la recherche de la compétitivité à l'international à tout prix. Si nous voulons mettre en place un modèle mieux-disant pour notre agriculture, nous devons privilégier un modèle protectionniste et sortir de cette logique de compétitivité à outrance : il est temps de cesser d'échanger des cultures contre des voitures !
M. Benoît Biteau, député. - Nous avons également déposé des propositions de rédaction. Pour l'anecdote, lorsque j'étais député européen, certains me surnommaient « l'Académicien », car je suis très attaché à la valeur des mots et des définitions.
Nous regrettons que la définition de la souveraineté alimentaire qui figure dans la rédaction du Sénat soit imprécise, notamment au regard de la définition adoptée par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) depuis 1996, qui a été reprise par l'Assemblée générale des Nations unies dans sa déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales en 2018.
Cette notion fait donc l'objet d'une définition extrêmement précise ; or ce n'est pas tout à fait celle qui nous est proposée. Cette dernière, en effet, ne fait nullement référence aux implications commerciales et ne mentionne que vaguement les droits et les revenus des agriculteurs. Elle est même contradictoire avec certains objectifs des politiques publiques en matière agricole. Elle entretient la confusion entre le concept de souveraineté alimentaire, défini par la FAO et l'ONU, et celui de sécurité alimentaire. Cette dernière notion suppose que l'on puisse échanger à l'échelon planétaire et que les différentes zones de la planète se spécialisent sur le plan agricole. Or cette spécialisation nous rend extrêmement vulnérables, comme on a pu le constater lors d'épisodes géopolitiques, tels que la guerre en Ukraine, lors d'épisodes sanitaires, tels que la crise du covid, ou encore lors d'épisodes climatiques, de sécheresses ou d'inondations.
Notre proposition de rédaction vise donc à préciser la définition de la souveraineté alimentaire de la France en se fondant sur la définition retenue par les Nations unies. Nous proposons de supprimer le « principe de non-régression de la souveraineté alimentaire » selon lequel la « protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante ». Il s'agit d'une notion non définie et problématique sur le plan juridique.
Nous ne reprenons pas, pour les mêmes raisons, la notion d'« intérêt général majeur », qui figure dans le texte de l'Assemblée nationale. Selon plusieurs études européennes, il apparaît clairement que ce qui menace la souveraineté alimentaire et la sécurité alimentaire, c'est le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité.
M. André Chassaigne, député. - Il est délicat de se prononcer sur un texte que l'on vient de découvrir... Il est difficile de décrypter la signification des changements opérés par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale. Je m'efforce de comprendre pourquoi certaines dispositions ont été revues ou supprimées par nos rapporteurs.
Je pense notamment à la définition de l'alimentation. Il était question d'une alimentation « suffisante, sûre, saine, diversifiée, nutritive, diversifiée, accessible à tous, tout au long de l'année, issue d'aliments produits de manière durable ». Il me semble que nos rapporteurs se content d'évoquer une « alimentation saine » dans la rédaction qu'ils proposent.
Mon collègue auvergnat Laurent Duplomb expliquait à la télévision dimanche dernier - mais j'ai peut-être mal compris - qu'il existait deux alimentations différentes : l'une, qui serait ouverte au plus grand nombre, et une autre, qui serait destinée à satisfaire les classes plus aisées.
Cette conception se traduit, dans le texte proposé, par une simplification de la rédaction, qui ne fait plus référence qu'à une alimentation saine, et par un abandon de toutes les précisions que le texte apportait par ailleurs.
Allons-nous aboutir à consacrer le principe d'une alimentation à deux vitesses, l'une pour les pauvres, l'autre pour les riches ? Ou bien allons-nous, au contraire, faire en sorte de mettre en place les conditions propices au développement d'une production agricole durable, protectrice de l'environnement, respectueuse de la biodiversité ?
Le risque, en modifiant notre conception de la production agricole, est de faire tomber de nombreuses digues : certes l'alimentation sera moins chère, l'agriculture sera plus rémunératrice pour les producteurs - cela reste toutefois à prouver -, plus exportatrice, mais cela sera au prix de lourdes conséquences à moyen et long terme pour notre environnement et notre biodiversité !
J'espère que vous allez me rassurer sur ce point. Certes, je n'ai pas encore pu prendre connaissance de tout le texte, mais il n'est jamais bon de légiférer avec un pistolet sur la tempe. On nous demande de nous dépêcher de légiférer au motif que le salon de l'agriculture ouvrira à la fin de cette semaine. Mais légiférer demande de la réflexion : il s'agit, non pas d'une course de vitesse, mais d'une course de fond. Or, on nous demande aujourd'hui de faire vite : ce n'est pas à la hauteur de ce que doit être le travail législatif.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - J'ai eu l'occasion de siéger dans de nombreuses CMP. Il n'est pas rare que l'on n'ait accès au tableau comparatif que quelques heures avant la réunion ! La situation n'est donc pas propre à cette CMP, et cela n'a rien à voir avec une prétendue volonté d'aller vite de notre part.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Monsieur Chassaigne, vous avez mal écouté mon interview et mal lu la proposition de rédaction !
Lors de mon interview, j'ai dit exactement l'inverse de ce que vous dites. C'est faire preuve d'une naïveté coupable que de surtransposer systématiquement les textes européens pour prévoir plus de contraintes, de normes et d'entraves à l'agriculture française. Ce faisant, on jette les Français les plus pauvres, ceux que vous prétendez défendre, dans les bras non pas d'une alimentation française moins chère, mais d'une alimentation importée. La France agricole est belle lorsqu'elle est capable de nourrir tout le monde, aussi bien ceux qui ont les moyens d'acheter une alimentation de qualité, que ceux qui n'en ont pas les moyens. Votre département compte plusieurs appellations d'origine protégée (AOP). Un saint-nectaire coûte plus cher que de l'emmental. Ceux qui n'ont pas les moyens ne mangent pas du saint-nectaire tous les jours ! C'est un fait.
Ensuite, en ce qui concerne le texte, il suffit de lire notre proposition commune de rédaction pour constater que, parmi les priorités que nous assignons aux politiques publiques agricoles, figure celle de « garantir une sécurité alimentaire permettant l'accès de l'ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée et nutritive, tout au long de l'année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire définie à l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles ». Nous n'avons rien supprimé ! Nous avons simplement repris la rédaction de l'Assemblée nationale pour l'organiser un petit mieux.
J'indique enfin que le principe de non-régression en matière de souveraineté alimentaire figure non pas à l'article 1er, mais à l'article 1er bis AA.
M. Julien Dive, député. - Je propose de modifier la proposition commune de rédaction de nos rapporteurs en ajoutant, parmi les priorités des politiques publiques, après « préserver la surface agricole utile », l'expression : « et de lutter contre la décapitalisation de l'élevage ». Il s'agit de reprendre la rédaction de l'Assemblée nationale sur ce point.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - La proposition de rédaction des rapporteurs semble éloignée du compromis trouvé à l'Assemblée nationale.
Nous sommes tous favorables à la préservation de notre souveraineté alimentaire, mais je m'interroge sur l'articulation du principe de non-régression de la souveraineté alimentaire avec le principe de non-régression en matière environnementale, qui est inspiré de la Charte de l'environnement. Avez-vous pu évaluer le risque que cette disposition soit déclarée non conforme à la Constitution ? L'inscription de ce principe dans la loi ne donnera-t-elle pas naissance à de nombreux contentieux ? C'est pour ces raisons que l'Assemblée nationale n'a pas adopté un tel principe.
Par ailleurs, dans la rédaction du Sénat, l'une des priorités assignées aux politiques publiques est de « maintenir un haut niveau de protection des cultures, notamment dans le cadre du principe refusant des interdictions de produits phytopharmaceutiques sans solutions économiquement viables et techniquement efficaces apportées aux agriculteurs ». Ne vaudrait-il pas mieux, dès lors qu'il est prouvé scientifiquement qu'un produit phytosanitaire est dangereux pour la santé humaine, et notamment pour celle des agriculteurs, interdire l'usage de ce produit, en France comme dans la culture de produits importés ? Ce serait possible grâce à l'instauration d'une clause de sauvegarde, à l'image de ce qui a été fait pour les cerises importées traitées au diméthoate. Ce sont deux logiques différentes, et il me semble, si j'en juge par les propositions formulées par les groupes parlementaires, que la seconde est plutôt privilégiée à l'Assemblée nationale.
Mme Manon Meunier, députée. - Contrairement à ce que nous a indiqué M. Duplomb, le principe de non-régression figure dans la proposition commune de rédaction de l'article 1er. Il me semble que c'est problématique au regard du principe de clarté et d'intelligibilité de la loi.
Mme Hélène Laporte, députée. - Il est difficile de lire en si peu de temps toutes les propositions de rédaction de M. Biteau, Mme Trouvé et M. Potier. Néanmoins, elles visent à supprimer le principe : « pas d'interdiction sans solutions en matière de produits phytosanitaires. » Qu'est-ce que cela signifie, sinon qu'il sera possible d'importer des noisettes de Turquie ou d'Italie qui auront été produites et contaminées avec de l'acétamipride ?
M. Benoît Biteau, député. - On pourrait aussi parler des cerises.
Mme Hélène Laporte, députée. - En effet. J'évoque le cas des noisettes, car elles sont produites dans le Lot-et-Garonne et que je connais bien ce problème. En revanche, si ces propositions de rédaction étaient adoptées, on laisserait nos producteurs sans solutions et leurs exploitations seraient menacées. Il est évident que l'acétamipride n'est pas une solution satisfaisante, mais, dans l'immédiat, on ne dispose que de ce produit ! Ne laissons pas nos filières disparaître. J'ajoute qu'en application du droit européen, nous ne pourrons pas interdire l'importation de ces produits.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous sommes très attachés au principe : « pas d'interdiction sans solution. »
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - La proposition de modification de M. Dive est satisfaite, car nous prévoyons déjà que les politiques publiques ont notamment pour objet de « d'assurer le maintien de l'élevage et de l'agropastoralisme en France et de lutter contre la décapitalisation ».
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Je partage les propos de M. Potier. Avec mes collègues socialistes, nous avons prêché dans le désert durant la discussion de ce texte ! Je le déplore.
J'ai interrogé la ministre sur la constitutionnalité du texte et notamment sur l'article 1er. Je rejoins les propos de Mme Trouvé. Il conviendrait d'être sûrs que les dispositions proposées seront bien applicables.
Enfin, n'est-il pas problématique que le principe de non-régression figure à l'article 1er, et pas seulement à l'article 1er bis AA ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - À l'article 1er, ce principe fait partie de dispositions relatives au contenu des « Conférences de la souveraineté alimentaire ». L'article 1er bis AA y est plus précisément consacré.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - C'est donc un jeu de chaises musicales : le principe demeure, vous l'avez juste changé de place !
Je rejoins les propos de M. Chassaigne. Il est vrai qu'il est fréquent de n'avoir communication qu'au dernier moment du tableau comparatif lors d'une CMP.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - C'est très fréquent en effet. Les rapporteurs ont travaillé très en amont et viennent juste de parvenir à un accord.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Certes, mais il n'en demeure pas moins que c'est très frustrant pour les membres de l'opposition de découvrir le texte au dernier moment !
La proposition commune de rédaction des rapporteurs est adoptée. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 1er bis AA (nouveau)
M. Benoît Biteau, député. - Nous proposons avec M. Potier de supprimer cet article. Il nous semble dangereux de faire prévaloir des intérêts économiques de court terme sur des considérations de santé publique ou d'environnement. Cet article est vraisemblablement contraire à certaines dispositions inscrites dans la Charte de l'environnement.
Les propositions de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier, de M. Benoît Biteau, Mme Aurélie Trouvé et M. Dominique Potier ne sont pas adoptées.
L'article 1er bis AA est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 1er bis AB (nouveau)
L'article 1er bis AB est supprimé.
Article 1er bis B (supprimé)
M. Benoît Biteau, député. - Dominique Potier et moi-même avons déposé une proposition de rédaction visant à rétablir l'article adopté à l'Assemblée nationale en séance publique, mais supprimé par le Sénat en commission, portant sur la présentation au Parlement d'un programme pluriannuel de développement agricole et rural et une trajectoire prévisionnelle de financement de la recherche et du développement.
Certes, « pas de solution sans solution », madame la présidente, mais, pour apporter des solutions, fondées notamment sur ce que l'on appelle l'agroécologie, par exemple, nous avons besoin de pouvoir anticiper, donc de prévoir le financement de la recherche et du développement.
C'est la raison pour laquelle nous sommes surpris de la disparition de cet article et demandons son rétablissement.
La proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier n'est pas adoptée.
L'article 1er bis B est supprimé.
Article 1er bis C (nouveau)
M. Benoît Biteau, député. - La proposition de rédaction, que j'ai déposée avec mon collègue Dominique Potier, vise à supprimer l'article 1er bis C, qui constitue une dérogation dommageable à la loi Littoral, en vigueur depuis plus de quarante ans, en ce qui concerne les territoires insulaires métropolitains, en vue d'y développer des infrastructures agricoles et alimentaires, même en discontinuité de l'urbanisation.
Ces infrastructures comprennent notamment les bâtiments agricoles en dur, les tunnels sans fondation destinés à la production ou au stockage, ainsi que les constructions accueillant des activités liées à la production ou à l'exploitation agricole.
Une telle évolution n'apparaît ni souhaitable ni proportionnée aux enjeux de développement agricole des communes insulaires métropolitaines.
Je rappelle que la loi Littoral avait précisément pour objet de préserver le littoral en y empêchant la présence d'infrastructures, alors même que l'on y conduit des activités importantes, comme l'ostréiculture ou la mytiliculture. Il s'agit donc de respecter cette loi.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Les députés découvrent aujourd'hui cet article 1er bis C, issu des travaux du Sénat. Un certain nombre de mes collègues s'interrogent sur ce qui a justifié le vote de cet article, qui aura évidemment des implications importantes. Je souhaiterais que les rapporteurs puissent nous l'expliquer.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Cet article est issu de la proposition d'une sénatrice, qui veut régler le problème des toutes petites îles sur lesquelles, dans les faits, on ne peut plus construire un seul bâtiment agricole, parce que la loi Littoral s'applique sur la totalité de l'île.
La proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier n'est pas adoptée.
L'article 1er bis C est adopté dans la rédaction du Sénat.
Articles 1er bis (supprimé)
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 1er ter (supprimé)
L'article 1er ter est supprimé.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Je regrette que nous n'ayons pas le temps de prendre connaissance des modifications proposées par les rapporteurs.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Les rapporteurs sont tombés d'accord sur des rédactions globales. C'est sur ces rédactions globales que nous votons.
Mme Manon Meunier, députée. - Pour la bonne tenue du débat, les rapporteurs pourraient-ils présenter au moins succinctement leurs propositions avant que nous puissions nous prononcer ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Il y a 65 articles. Cela paraît compliqué qu'ils présentent à chaque fois la rédaction globale sur laquelle ils sont tombés d'accord...
Mme Manon Meunier, députée. - Je veux seulement parler des nouvelles rédactions.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Je comprends tout à fait que nous n'ayons pas le temps, mais cette demande de justification me semble légitime pour les rédactions nouvelles que nous découvrons ce soir, de manière que nous puissions être éclairés. Lors des deux dernières CMP, il y avait eu une rapide présentation de chacun des articles par les rapporteurs !
M. Dominique Potier, député. - Je veux appuyer cette requête par un argument supplémentaire : alors qu'il y avait deux rapporteurs au Sénat, il y en avait quatre à l'Assemblée, mais deux d'entre eux ont fait les frais de la dissolution. Nos mandants ne représentent plus que 50 % de la force politique de négociation, si bien qu'ils ne sont pas tout à fait représentatifs de la diversité des opinions.
Nous avons besoin de connaître au moins un peu l'esprit qui a présidé à ces compromis.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Il est aussi important de souligner dans quel contexte nous nous trouvons en tant que membre de la représentation nationale.
Les députés ont été très ambitieux à l'occasion de ce projet de loi d'orientation agricole, notamment en termes d'intelligibilité de la loi pour les citoyens. C'est important de bien le comprendre dans le contexte où nous sommes !
J'ajoute que c'est sous la précédente législature à l'Assemblée nationale que nous avons travaillé ardemment sur ce texte. Celui-ci a beaucoup changé depuis le moment où nous avons commencé à l'aborder - c'était il y a quasiment un an.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Ce n'est pas nous qui avons décidé du calendrier ! Nous avions prévu d'examiner le projet de loi la semaine où l'Assemblée nationale a été dissoute.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Pour les députés, ce texte remonte à assez loin dans le temps. Dès lors, il serait important que nous puissions avoir une remise à niveau en étant informés des intentions de nos collègues sénateurs.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Comme vous, nous avons eu deux semaines de débats à l'Assemblée nationale, et deux semaines en commission.
Il s'agit évidemment d'un texte très important. Comme cela a été dit, ce n'est pas si souvent que nous avons à examiner une loi d'orientation sur l'agriculture !
Lors de la CMP sur le projet de loi sur Mayotte, qui était pourtant un texte d'urgence, les rapporteurs ont pris le temps de justifier chaque article. Il me semble légitime qu'il puisse en être de même aujourd'hui, même succinctement s'il faut aller vite, pour que nous puissions comprendre les nouvelles rédactions.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Pour répondre à la demande exprimée, je dirais, de manière très succincte, que c'est un amendement de Richard Ramos sur l'affichage de l'origine des produits alimentaires qui a été réécrit en commission au Sénat et transformé en objectif programmatique.
L'Assemblée nationale avait longuement débattu du sujet, et il y avait eu un accord assez largement transpartisan.
L'article 1er quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 1er quinquies (nouveau)
L'article 1er quinquies est supprimé.
Article 2
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Peut-on nous expliquer au moins succinctement le remplacement du terme « adaptations » par celui de « transitions », qui est manifestement l'objet du compromis qui a été trouvé ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Les rapporteurs l'ont expliqué lors de leur présentation liminaire.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Oui !
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Exactement ! Votons !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous avons longuement discuté du sujet de la transition agroécologique.
Nous avons voulu, pour cette dernière, défendre la définition « générique », si je puis dire, qu'a développée Dominique Potier.
Nous sommes tombés d'accord pour préserver le mot « transitions » et pour remplacer « agroécologique » par « climatique et environnementale ». C'est le compromis qui a prévalu pour l'ensemble du texte.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - C'est le propre d'une CMP que de chercher des solutions de compromis.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Examinant une loi d'orientation, il convient de faire évoluer la conception de la production, notamment en prenant en compte la partie climatique. Il y a cinq ans encore, on parlait de la météo, et non du climat ! Il est grand temps que l'on rajoute ce mot « climat ».
M. Dominique Potier, député. - Le choix de l'expression « transitions climatique et environnementale » est insensé.
L'agroécologie fait référence à l'agronomie. C'est ancré ! La loi de 2014 parle d'agronomie, de respect et de santé des sols, des agrosystèmes. Avec cette nouvelle rédaction, on croirait que l'on traite de l'automobile ou de l'aviation...
Vous révisez ce qui était acquis dans notre pays ! Vous menez une contre-révolution culturelle par rapport à l'évolution fondamentale, actée en 2014, qu'a marquée le retour à l'agronomie. Assumez-le ! Cette régression sémantique en dit long sur vos intentions.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Pouvez-vous me confirmer que, dans leur recherche de compromis, les rapporteurs proposent de supprimer le module obligatoire sur le bio ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - La référence au bio demeure à l'article 2, dans la rédaction issue des négociations entre les rapporteurs. À l'article 3, la référence à des modules obligatoires relatifs à l'agriculture biologique, au sein des référentiels d'enseignement, directement inscrits dans la sixième mission de l'enseignement agricole, a été supprimée.
Mme Hélène Laporte, députée. - Pour ce qui concerne la définition des objectifs des politiques d'orientation et de formation, j'avoue que j'ai un petit doute sur le caractère national du programme d'orientation et de découverte des métiers. Nous pensons qu'un programme régional aurait pu être plus efficace.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat s'était largement prononcé pour la notion d'« adaptation », mais, à la suite des discussions que nous avons eues hier, nous sommes parvenus à un accord sur le terme de « transitions ».
D'ailleurs, nous avons ajouté, à la demande des rapporteurs de l'Assemblée nationale, une mention de l'agriculture biologique au sein de l'article 2.
En revanche, nous avons maintenu le caractère « national », et non « régional », du programme.
Mme Manon Meunier, députée. - Il est dommage que nous ne puissions pas discuter alinéa par alinéa.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Le débat a eu lieu, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
Mme Manon Meunier, députée. - Je pense en particulier à l'objectif d'augmentation du nombre d'apprenants dans les formations de l'enseignement agricole technique que nous proposons.
En effet, nous avons proposé de passer d'une augmentation de 30 % par rapport à 2022 à une augmentation de 50 % par rapport à 2022 et jusqu'en 2030. De fait, si l'on veut effectivement tenir l'objectif du renouvellement des générations que nous nous fixons, nous devons véritablement nous fixer un objectif ambitieux ! Je trouve dommage que nous ne puissions débattre de ce taux.
Je rejoins bien évidemment les remarques de mon collègue Dominique Potier sur la question de l'agroécologie, terme qui a effectivement pu être dévoyé, mais qui me semble aujourd'hui bien assis, notamment au sein de la communauté scientifique, et de plus en plus utilisé par la communauté agricole. Il nous faudrait y revenir.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Plusieurs d'entre vous y ont insisté. Je crois que nous avons bien compris !
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
Article 2 bis AA (nouveau)
L'article 2 bis AA est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 2 bis A (supprimé)
L'article 2 bis A est supprimé.
Article 2 ter (supprimé)
L'article 2 ter est supprimé.
M. Christian Redon-Sarrazy, sénateur. - Si je comprends bien, nous n'examinons pas l'ensemble des propositions de rédaction déposées ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous examinons d'abord celles qui prévoient une rédaction globale ou une suppression des articles, car leur adoption est de nature à faire tomber les autres propositions de rédaction.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Il y a une petite erreur dans le tableau comparatif concernant l'article 3 : je vous propose de supprimer les mots « et scientifiques » à l'alinéa 9, conformément à l'accord avec nos collègues rapporteurs pour l'Assemblée nationale.
M. Christian Redon-Sarrazy, sénateur. - Je pense que nous serons nombreux à ne pas être vraiment d'accord... La science est un allié précieux dans l'objectif de transition climatique !
M. Benoît Biteau, député. - En tant que scientifique, la suppression de cette référence me pose problème. Nous avons besoin de l'éclairage scientifique pour préparer les solutions !
On l'a dit, « pas de suppression sans solution ». Certes, mais les solutions résident aussi dans les avancées des scientifiques et dans l'apprentissage des métiers de l'agriculture dans l'enseignement agricole ! La rédaction qui nous est soumise est en train de minimiser ces enjeux.
Les futurs professionnels de l'agriculture doivent absolument avoir des compétences, a fortiori compte tenu du contexte de dérèglement climatique : la science va nous éclairer sur la façon de restaurer la fertilité des sols et de préserver la biodiversité dont nous avons besoin pour produire et sur l'adaptation au dérèglement climatique.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Monsieur Biteau, j'entends bien votre réaction. Dans l'actualité, l'intelligence artificielle nous montre l'importance de la science !
Nous l'avions bien noté, en mentionnant, dans le même alinéa, les filières de production et de transformation agricole alliant performance économique, sociale - ces deux dimensions sont très importantes -, sanitaire et environnementale, de promotion de la diversité des systèmes de production agricole, de recherche de solutions techniques et scientifiques.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit simplement d'une erreur rédactionnelle. Cela n'a pas de sens à cet endroit du texte.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Pour donner envie aux jeunes de s'installer, il me semble utile de mentionner les transitions agroécologiques dans les formations et de faire en sorte qu'y soit présentée la diversité des modèles d'installation en agriculture. À ce titre, il me paraît nécessaire de repositionner la notion d'agroécologie à l'alinéa 6.
Cela a fait partie des grands débats que nous avons eus à l'Assemblée nationale voilà quelques mois.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
Article 3 bis A (nouveau)
La proposition de rédaction visant à supprimer l'article 3 bis A de M. Dominique Potier et de Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée.
L'article 3 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 3 bis
M. Benoît Biteau, député. - La proposition de rédaction que j'ai déposée avec M. Potier et Mme Trouvé vise à revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale, qui introduit l'enseignement à l'agroforesterie.
Tout à l'heure, nous disions : « pas d'interdiction sans solution ». Il faut remettre au coeur des pratiques agricoles l'agroforesterie, l'arbre, les haies : voilà des solutions qui peuvent fonctionner !
Le Sénat a eu un magnifique débat autour des haies et des talus, à l'initiative de mon ami Daniel Salmon, adoptant la proposition de loi de ce dernier.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - À l'unanimité !
M. Benoît Biteau, député. - Soyons donc cohérents ! Nous aimerions pouvoir nous appuyer sur les outils que sont les haies et l'agroforesterie. Ces outils sont une partie des solutions quand on a besoin d'interdiction !
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Je mets d'abord aux voix la rédaction globale des rapporteurs.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, la proposition de rédaction de M. Benoît Biteau, M. Dominique Potier et Mme Aurélie Trouvé devient sans objet.
Article 3 ter (nouveau)
L'article 3 ter est adopté dans la rédaction issue du Sénat.
Article 3 quater (nouveau)
L'article 3 quater est adopté dans la rédaction issue du Sénat.
Article 4
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue du Sénat. En conséquence, la proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier devient sans objet.
Article 5
M. Dominique Potier, député. - La proposition de rédaction que j'ai déposée avec Mélanie Thomin évite le mot « bachelor », qui nous a vraiment agacés à l'Assemblée nationale. Nous avions fini par le supprimer, parce qu'il fait référence à des logiques privées insensées, et nous avions appelé les choses par leur nom, avec des termes universitaires adaptés. Nous tenons à ce rétablissement sémantique - comme nous tenions à la mention de l'agroécologie, que vous avez remplacée par des concepts qui ne sont pas davantage universitaires.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - C'est notamment le risque d'affaiblir les diplômes existants - le BTS et les différents diplômes d'ingénieur du vivant, agricole, etc. - qui a motivé un vote extrêmement majoritaire à l'Assemblée nationale contre l'introduction du principe du bachelor agricole. Je me permets d'insister sur ce point, ayant passé vingt-cinq ans dans l'enseignement supérieur agricole, à l'Agro Dijon et à l'Agro de Paris.
Je crois que cette position était partagée à la quasi-unanimité des groupes parlementaires, si mon souvenir est bon.
M. Dominique Potier, député. - Exactement !
Mme Mélanie Thomin, députée. - Je crois que le propre d'un diplôme est de permettre à nos jeunes d'être protégés et de leur garantir d'être considérés au grade qui correspond à ce diplôme.
J'ajoute que les syndicats agricoles, que ce soit la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) ou les Jeunes agriculteurs, ont apporté leur soutien au nouveau diplôme que nous avions porté à l'Assemblée nationale.
Un certain nombre de représentants des personnels des lycées agricoles s'opposent à la création du bachelor agro, car rien ne garantit le grade de licence, sans lequel une poursuite d'études serait envisageable pour les jeunes, et parce que les procédures d'accréditation de ce bachelor agro ne sont absolument pas précisées dans la loi telle qu'elle est rédigée.
Il me semble important que nous ne tombions pas dans les dérives de certaines écoles de commerce privées, et il faut absolument offrir à nos jeunes la garantie du diplôme tel que nous le connaissons aujourd'hui.
M. Benoît Biteau, député. - Moi-même issu de ces écoles, je suis très attaché à ce que le terme « agronomie » figure dans l'intitulé des formations.
Je tiens à insister sur l'importance des dénominations au moment où l'on cherche à renouveler les générations d'agriculteurs et où l'on sait que les enfants issus du monde agricole ne suffiront pas à remplacer les départs à la retraite qui se profilent dans les dix prochaines années : il est important de ne pas brouiller les pistes, notamment pour un public non issu du monde agricole, lequel risquerait de se retrouver floué par une appellation inadaptée qui les éloigne de ce qu'il recherche vraiment, c'est-à-dire le retour à la terre.
Mme Hélène Laporte, députée. - Nous ne vous suivrons pas non plus sur cette dénomination, que nous trouvons faussement jeune.
Au reste, elle est un peu inutile, alors que le diplôme est déjà qualifié de diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l'agronomie, reconnu comme une licence en sciences et techniques de l'agronomie.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Tous les groupes parlementaires de l'Assemblée nationale ont, après de très longs débats, voté contre ce bachelor agricole, et pour de très bonnes raisons - les discussions que j'ai pu avoir avec les représentants de l'ensemble de l'enseignement agricole l'ont montré.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je veux simplement rappeler que le principe même de la CMP est de trouver un texte de compromis.
Peut-être parce que je suis Modem et très centriste, j'assume que, oui, nous avons tous voté contre le bachelor, mais que nous avons préféré avoir un bachelor et 21 % de surfaces agricoles bio plutôt que l'inverse... (Sourires.) Il a fallu faire des choix.
L'article 5 est adopté dans la rédaction du Sénat. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
Article 5 bis (nouveau)
M. Benoît Biteau, député. - J'ai déposé avec M. Potier une proposition de suppression de l'article 5 bis.
En effet, nous souhaitons supprimer l'inclusion des représentants des acteurs de l'enseignement agricole privé au sein du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire (Cneseraav).
L'enseignement supérieur agricole public et privé est déjà présent au sein du Conseil national de l'enseignement agricole, qui assure la représentation de l'enseignement agricole, qu'il soit public ou privé. Cela permet une représentation adéquate de ce secteur.
Il n'apparaît pas nécessaire d'ajouter une représentation des acteurs de l'enseignement privé en plus au sein du Cneseraav. Nous sommes surpris de cette volonté de surreprésentation de ces acteurs !
La proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier n'est pas adoptée.
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 6
M. Dominique Potier, député. - J'ai déposé une proposition de rédaction globale de l'article 6 avec ma collègue Mélanie Thomin.
Sur ce sujet, un travail de dialogue avec les syndicats, le monde de l'enseignement, celui de la recherche, avait abouti à des propositions absolument consensuelles à l'Assemblée nationale. Je ne comprends pas comment et au nom de quels principes ces rédactions ont pu être bradées pendant la négociation.
Pour ma part, je reste sur la position de l'Assemblée nationale, fruit d'un consensus de tous les groupes politiques, consécutif à une réflexion profonde - conformément à notre tradition socialiste, nous avons dialogué avec les représentants des syndicats.
J'aimerais savoir pourquoi les rapporteurs ont abîmé la belle rédaction de l'Assemblée nationale !
M. Benoît Biteau, député. - La notion de dérèglement climatique est fondamentale, puisque les experts du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) nous disent que nous y serons confrontés.
Nous sommes tous d'accord pour dire, dans le cadre de l'examen de cette loi d'orientation agricole, que l'agriculture est un secteur éminemment stratégique pour la souveraineté alimentaire, pour la santé, pour la biodiversité, mais aussi pour le climat. Autrement dit, si l'agriculture est, aujourd'hui, une partie du problème du dérèglement climatique, elle peut aussi être la solution !
Par conséquent, retirer la référence au dérèglement climatique dans l'enseignement dispensé aux futurs professionnels de l'agriculture, c'est les handicaper dans leur avenir d'agriculteur, en ne leur donnant pas la possibilité d'anticiper et d'adapter leurs pratiques agricoles pour continuer à tenir la souveraineté alimentaire.
Alors que l'on a ce rendez-vous avec l'histoire et que l'on parle de renouveler les générations pour plusieurs décennies, il est incroyable que l'on supprime la référence au dérèglement climatique dans l'enseignement agricole. J'avoue ne pas saisir ce qui est en train de se passer.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Dans mon département du Finistère, on me parle de pénurie, notamment parce que l'on ne trouve pas suffisamment de vétérinaires qui acceptent aujourd'hui de venir travailler dans les zones rurales pour soigner les bêtes dans les élevages.
Si nous voulons former les jeunes dans de bonnes conditions, si nous voulons leur donner envie d'aller découvrir le monde rural, dans lequel est concentré notre monde agricole, nous devons leur donner les clés de compréhension des enjeux d'aujourd'hui, en particulier en intégrant les questions d'agroécologie, mais aussi de changement climatique.
Aujourd'hui, une exploitation sur deux en Bretagne est concernée par un projet d'agriculture biologique. Si l'on enlève un objectif spécifique de formation dans ce domaine, on ne donnera pas suffisamment envie aux nouveaux repreneurs d'exploitation de s'y investir !
On a parlé de rendez-vous avec l'Histoire. Il y a là une clé importante pour donner envie à la nouvelle génération de s'impliquer dans le monde agricole, qui est à un tournant majeur.
Mme Manon Meunier, députée. - Arrêtons de nous mettre des oeillères et de croire que cette transition ne serait pas possible.
Les résultats de la science parlent déjà. Je pense, par exemple, à mon rapport sur la question de la biodiversité et de l'agriculture. Nous avions effectué un déplacement au centre d'études biologiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à Chizé. Les résultats montrent que nous pouvons d'ores et déjà aujourd'hui diminuer de 30 % l'usage des produits phytosanitaires sur certaines cultures céréalières, sans avoir aucune baisse de rendement - en rééquilibrant les apports en azote, etc.
Si l'on ne promeut pas aujourd'hui l'agroécologie dans l'éducation, ce sont les rendements agricoles sur le long terme que nous remettons en question. En effet, nous connaissons des baisses de rendement significatives sur des terres céréalières, que nous avons tuées à force de ne pas prendre en compte la biodiversité. De fait, la transition agroécologique est différente de la transition climatique, et l'agroécologie intègre cette constante qu'est la biodiversité, qui est absolument fondamentale. C'est ce qui permet aujourd'hui au premier chef d'obtenir des rendements au niveau des cultures, grâce aux sols, grâce à l'action des pollinisateurs, etc.
Non seulement il est nécessaire pour la suite de transmettre les notions agroécologiques dans les formations, mais ne pas le faire reviendrait à se tirer une balle dans le pied au regard de l'impératif de souveraineté alimentaire de notre pays.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - On en revient toujours au même sujet.
La transition agroécologique figurait dans le texte initial de l'article 6 de l'Assemblée nationale. J'en relis le a. : « Il accompagne les transitions agroécologique et climatique et vise au renforcement de la souveraineté alimentaire. »
Les termes « transition agroécologique », retenus par l'Assemblée nationale, ont été remplacés par « transition », qui en était le mot fondamental, et nous avons accepté « climatique et environnementale » en lieu et place d'« agroécologique », que les rapporteurs du Sénat ne souhaitaient pas conserver.
Madame Meunier, l'alinéa 3 dispose que le plan prioritaire pluriannuel « accompagne le déploiement d'outils scientifiques et techniques utiles aux transitions climatique et environnementale. » Cette rédaction n'est pas parfaite, mais elle ne figurait pas dans le texte de l'Assemblée nationale, et la science y est bien mentionnée.
Nous ne sommes pas tout à fait d'accord, mais nous avons essayé de trouver un compromis.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je confirme que nous faisons justement évoluer la conception de l'agroécologie, puisque nous allons jusqu'au climat, compte tenu de l'urgence, en écrivant, à chaque fois, « transitions climatique et environnementale ».
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, la proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin devient sans objet.
Article 7
L'article 7 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 7 bis A
L'article 7 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 7 bis (supprimé)
L'article 7 bis est supprimé.
Article 8
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Pourrions-nous avoir une explication sur les nombreuses modifications figurant dans la rédaction proposée, que la plupart d'entre nous découvrons maintenant ?
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Nous en avons déjà débattu.
Le Sénat a remplacé « agroécologie » par « adaptation au changement climatique ». Aujourd'hui, nous proposons « transitions climatique et environnementale ». C'est bien évidemment une recherche de compromis.
Nous avons également concédé à l'Assemblée nationale, qui y tenait, la dénomination de France services agriculture pour le guichet unique - pour notre part, nous avions retenu « France installations-transmissions ».
Nous vous avons rejoint sur vos positions, que vous avez défendues avec fermeté.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - L'accompagnement des actifs tout au long de la vie est une attente très forte, notamment des jeunes agriculteurs.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Cela figure à l'article 10.
M. Dominique Potier, député. - Nous avons déposé, sur l'article 8, des propositions de rédaction que nous avons peut-être rédigées de façon maladroite.
Il y en a une à laquelle je tiens particulièrement : il s'agit de l'accompagnement, par la puissance publique - État et collectivités locales -, de la constitution de fonds de portage pour les biens fonciers agricoles. M. le rapporteur Pascal Lecamp nous a fait part d'un doute sur sa rédaction. Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) nous ont appelés à ce sujet, et nous y avons réfléchi.
Je crois qu'il y a une grande maladresse dans la rédaction initiale du texte et même dans la correction que les rapporteurs y ont apportée. On n'y comprend plus rien ! Comment des investisseurs privés peuvent-ils aider à investir dans des fonds publics et susciter l'investissement public ?
Je voudrais que nous nous mettions d'accord sur ce que nous voulons dire. Le groupe socialiste souhaite que l'on ne fasse pas revenir le groupement foncier agricole d'investissement (GFAI) par la petite porte, à l'alinéa 17, à un article où il n'a rien à faire. J'espère que nous trouverons un consensus au moins sur ce point ; c'est important. De fait, nous avons dû mener une bataille terrible à l'Assemblée nationale pour éliminer le GFAI. Je pense que cette position peut être assez partagée.
Je propose donc une rédaction qui permette d'exprimer l'idée que la puissance publique doit bien sûr contribuer à des fonds de portage publics et, éventuellement - j'y suis ouvert -, à des établissements publics comportant des fonds privés, comme les Safer, ou à des associations ou des opérateurs de type Terre de Liens, c'est-à-dire appartenant à l'économie sociale. En revanche, s'il s'agit de mettre le poison de la spéculation privée sur le marché foncier, nous y sommes radicalement opposés.
M. Christian Redon-Sarrazy, sénateur. - Cette question avait été particulièrement discutée au Sénat et j'avais mis en garde la ministre sur le sort qui lui serait réservé en commission mixte paritaire. Un consensus s'est fait jour dans les deux assemblées pour rejeter les GFAI. En séance publique, nous avions trouvé un compromis autour des termes « fonds publics et privés », avec toutes les réserves que j'avais pu émettre sur la nature des fonds privés. L'ajout des mots « ainsi que d'investisseurs privés » signerait le retour par la fenêtre des GFAI, qui étaient sortis par la porte.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Le débat sur les GFAI ressurgit ; à l'Assemblée, il avait été particulièrement âpre.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Au Sénat également !
Mme Mélanie Thomin, députée. - Le rapporteur s'était retrouvé isolé.
M. Julien Dive, député. - Il a été battu !
Mme Mélanie Thomin, députée. - J'ai compris que certains d'entre vous avaient pour objectif de se rendre au salon de l'agriculture la semaine prochaine après avoir adopté un texte « au service de nos agriculteurs ». Or les syndicats agricoles sont tous farouchement opposés à ce que des investisseurs privés décident à leur place de l'avenir de leur foncier et de leurs exploitations. Mon collègue Dominique Potier propose un bon compromis. À quelques jours du salon, nous devrions plutôt envoyer à l'intention du monde agricole un message d'apaisement.
Mme Manon Meunier, députée. - Ce soir même se tient à Peyrilhac, dans le Limousin, une réunion publique sur un projet de reprise de 600 hectares, qui jusque-là appartenaient à un agriculteur, par T'Rhéa, une filiale du géant de l'agro-industrie Carnivor. Ce projet suscite évidemment une forte opposition de la part du monde agricole, qui ne comprend pas qu'on laisse l'agro-industrie accaparer ainsi des terres agricoles qui, pendant tant d'années, ont été protégées. Les agriculteurs ont été les grands oubliés de la révolution et la question du foncier, par le biais notamment de la Safer, a été pour eux une forme de libération. Si la Safer a ses imperfections, elle doit être conservée, l'accès aux terres agricoles devant être réservé en priorité aux agriculteurs.
Dans ma circonscription - le Limousin est encore une terre de résistance pour le modèle agricole familial en France -, c'est bien pourtant à un début d'accaparement des terres agricoles par l'agro-industrie que l'on assiste. Et je ne parlerai pas de la Camargue, où l'un des principaux producteurs de riz appartient au géant italien Euricom, qui exploite les agriculteurs. Nous allons vers un modèle dans lequel les agriculteurs seront non plus des exploitants, mais des exploités agricoles. Ne laissons pas passer une telle rédaction, qui accroîtrait encore la mainmise du modèle agro-industriel sur les terres agricoles. Les agriculteurs, de quelque syndicat qu'ils viennent, ne nous le pardonneraient pas.
M. Benoît Biteau, député. - L'accès au foncier est un sujet extrêmement sensible. Nous nous sommes tous émus de la disparition, au cours de ces vingt dernières années, de 50 % de nos agriculteurs. C'est précisément la conséquence d'un mauvais contrôle des biens fonciers agricoles favorisant la concentration des structures. Nous en sommes maintenant à l'étape suivante : ces structures concentrées sont de moins en moins transmissibles, car financièrement trop lourdes à supporter, en particulier pour les jeunes. Le risque est grand qu'elles échappent au monde agricole et soient reprises par des investisseurs privés.
Sur le papier, les Safer sont pourtant un bel outil. C'est à nous, législateurs, de lui donner les moyens de remplir ses deux missions, à savoir réguler le foncier et les prix du foncier pour favoriser l'installation. Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (Conservatoire du littoral), créé par la loi Littoral, peut être un opérateur foncier extrêmement efficace également. Près de 99 % du foncier acquis qu'il acquiert est en effet confié ensuite à des agriculteurs. N'essayons pas de faire entrer par la fenêtre des investisseurs privés, qui vont déposséder les agriculteurs de leur outil de travail. Utilisons les outils existants : Conservatoire du littoral, les conservatoires d'espaces naturels ou encore l'association Terre de Liens.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - J'aimerais comprendre d'où viennent les mots « ainsi que d'investisseurs privés ». Cette rédaction, qui diffère des « fonds publics et privés », ne figure ni dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, ni dans celui adopté par le Sénat. Vous le savez, tous les syndicats s'opposent aux GFAI. Cet ajout, que nous découvrons aujourd'hui, risque d'être très mal perçu.
M. Julien Dive, député. - En première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement du groupe Les Républicains déposé en commission des affaires économiques par notre collègue Francis Dubois avait supprimé l'article en question sur les GFAI. Je constate que le Sénat n'est pas revenu sur ce point et je m'en félicite. Ce dispositif avait en effet suscité une opposition farouche, contre l'avis du rapporteur et du ministre de l'époque, ce qui en dit long.
Je m'interroge toutefois sur la définition de l'investisseur privé. On peut évidemment considérer qu'un agriculteur en est un, mais le champ me paraît beaucoup plus large. Peut-être pourrions-nous profiter d'une suspension pour retravailler la question et supprimer cette ambiguïté ?
M. André Chassaigne, député. - Je souhaite interpeller les rapporteurs de l'Assemblée nationale. Mes chers collègues, je suis effaré par le fait que, au travers de ce que vous appelez des compromis, vous remettiez en cause des fondamentaux sur lesquels nous étions d'accord.
M. Dominique Potier, député. - Exactement !
M. André Chassaigne, député. - Réintroduire les GFAI par une rédaction qui paraît anodine est gravissime. Par ailleurs, je m'étonne de la façon dont sont conduits les débats : ils se tiennent à un rythme effréné et, pratiquement, aucune proposition de rédaction autre que celles des rapporteurs n'a une chance d'être adoptée. Tout s'est fait en petit comité. J'en appelle à la conscience des rapporteurs de l'Assemblée nationale : on ne peut pas ainsi revenir sur des décisions communes. Au nom de quoi vous permettez-vous, par ces abandons successifs qui portent gravement atteinte aux fondamentaux du texte, de ratatiner ainsi la version issue des travaux de l'Assemblée nationale ?
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Quelle différence y a-t-il entre un investisseur privé et un GFAI ? Je le disais en discussion générale : nous payons les conséquences de vingt ans de politique foncière. À force d'agrandissements, les paysans ne sont plus en mesure de reprendre des structures dont le capital est trop important.
M. Christian Redon-Sarrazy, sénateur. - Eh oui, arrêtons !
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Rien n'empêche un investisseur privé, a fortiori étranger, d'embarquer le blé qu'il aura produit sur ses 1 000 hectares nouvellement acquis sur une péniche, direction le port du Havre. Nous sommes là au coeur du problème d'autonomie et de souveraineté alimentaire que nous soulignons tous dans nos chambres respectives.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 8 a un objectif qui m'est cher et sur lequel je travaille depuis mon élection comme député voilà deux ans et demi : soutenir le foncier par des fonds publics, associés le cas échéant à des fonds privés.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - C'est le rôle des Safer !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Comme l'ont dit Manon Meunier et Benoît Biteau, la Safer n'a pas les moyens de préempter autant qu'elle le voudrait.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Donnons-les-lui !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je considère que ces fonds publics - je pense au fonds Élan ; je parlais il y a deux ans d'un « fonds pour le renouvellement des générations futures » - sont un bras de levier pour permettre aux investisseurs privés d'aider les jeunes agriculteurs à s'installer. C'est dans ce sens que j'avais sollicité à l'époque la Banque des territoires, Bpifrance ou encore la Caisse des dépôts et consignations. Je signale au passage que Terre de liens est une société privée.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Elle n'est pas capitalistique.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit tout de même d'une société privée. L'objectif est que les jeunes agriculteurs s'installent. Les fonds publics étant insuffisants, l'idée est d'associer des fonds privés aux fonds publics. La Safer m'a d'ailleurs alerté sur la formulation « et privés », qui n'était pas adaptée, d'où sa suppression au profit des mots « ainsi que d'investisseurs privés ».
M. Dominique Potier, député. - C'est très mal rédigé !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous pouvons réfléchir à une meilleure formulation. En tout état de cause, le message à faire passer est qu'un bras de levier d'investissement public sera mis à la disposition des collectivités territoriales ou de quiconque souhaitant installer de nouveaux agriculteurs sur son territoire. Il s'agit de donner aux jeunes les moyens de payer un loyer pendant dix à vingt ans, avant de devenir propriétaires de leur foncier.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Les collectivités peuvent déjà acheter du foncier. Je l'ai fait en tant que maire.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous parlons bien de fonds publics mobilisés « aux côtés » d'investisseurs privés.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - « Aux côtés de », en effet. On fait un procès d'intention.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Par ailleurs, la proposition de rédaction de M. Potier, qui vise à « s'adapter aux besoins des personnes dès la phase d'émergence de leur projet », est en réalité satisfaite par l'article 10.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Il n'y a pas d'ambiguïté : que ce soit en commission des affaires économiques ou en séance publique, le Sénat s'est opposé très majoritairement à la réintroduction des GFAI, considérant que ces derniers pouvaient ouvrir la voie à la financiarisation et je dirais même à la dématérialisation du foncier agricole, et donc à une perte de contrôle et à un risque d'accaparement.
Relisons la rédaction proposée par Pascal Lecamp : « l'État se donne comme objectif, aux côtés des collectivités territoriales volontaires, ainsi que d'investisseurs privés d'accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage des biens fonciers agricoles ». La précision relative à la mobilisation de « fonds publics et privés » qui avait été faite dans le texte du Sénat lui paraissait en effet ambiguë.
Nous l'avons donc supprimée. Cette rédaction permet d'être plus précis sur le rôle de l'État en réaffirmant que l'État se fixe comme seul objectif d'augmenter les fonds publics, en se servant le cas échéant des fonds privés comme d'un levier pour cela. Je rappelle toutefois que les agriculteurs qui sont propriétaires à 100 % de leur exploitation sont peu nombreux. À titre personnel, je ne suis propriétaire qu'à 50 %. J'ai donc recours non pas à des fonds, mais à des propriétaires privés, qui mettent les terres en fermage. Nous avons donc également besoin d'investisseurs, c'est-à-dire de propriétaires privés qui mettent à bail.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Il y a une différence entre investisseurs et propriétaires.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - C'est sous-jacent. Nous nous opposons fermement aux GFAI. La rédaction que nous vous proposons est à droit constant : des investisseurs privés sont présents dans toutes les exploitations, mais d'une façon clairement encadrée, notamment par le statut du fermage, qui est très protecteur.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous étions tous d'accord ou presque pour supprimer les GFAI. Peut-être pourrions-nous supprimer la mention « ainsi que d'investisseurs privés » qui fait peur à certains à juste titre, et préciser : « de fonds publics associés à des fonds privés » ? J'ai utilisé cette formulation en discussion générale et elle a été validée par la Safer.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - La rédaction que vient de lire le rapporteur me semble plus protectrice.
M. Dominique Potier, député. - Cette loi aurait dû être une loi sur le foncier. C'est le seul sujet important.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous l'avons tous dit.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Tout le monde est d'accord sur ce point.
M. Dominique Potier, député. - Ne soyons pas hypocrites : si nous avions vraiment été d'accord, ce texte contiendrait des dispositions sur le foncier !
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous étions d'accord sur le fait qu'il y avait là un impensé considérable.
M. Dominique Potier, député. - Le seul sujet important est celui dont on ne parle pas. Le foncier n'est pas présent dans la loi. Et le seul article où l'on en parle, on en parle mal. La phrase proposée est pour le moins ambiguë. Des investisseurs privés aux côtés des pouvoirs publics pour accroître des fonds publics, cela n'a aucun sens juridiquement.
M. André Chassaigne, député. - Cela ne veut rien dire !
M. Dominique Potier, député. - La formulation proposée par la Safer est sage : parlons de « mobilisation de fonds publics et de fonds publics associés à des fonds privés ».
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Nous sommes d'accord.
M. Vincent Louault, sénateur. - Il va falloir changer le statut des collectivités territoriales. Excepté les banquiers, personne ne peut acheter des terres pour une collectivité sans l'intermédiaire d'une société. Il faut permettre aux porteurs privés d'être présents dans la société de portage.
M. Dominique Potier, député. - Cela s'appelle une société d'économie mixte (SEM).
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Ou un syndicat mixte.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous vous faisons donc la proposition de rédaction suivante : « l'État se donne comme objectif, aux côtés des collectivités territoriales volontaires, d'accroître progressivement la mobilisation de fonds publics et de fonds publics associés à des fonds privés au soutien du portage des biens fonciers agricoles [...] ». Cela vous convient-il ?
M. Dominique Potier, député. - Si l'on ajoute « non lucratifs », c'est parfait.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Je vous propose plutôt d'en rester là.
La proposition commune de rédaction des rapporteurs est adoptée.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Messieurs Potier et Biteau, je constate que vous n'avez pas pris part au vote. Nous avons pourtant accepté ces modifications à votre demande...
M. Benoît Biteau, député. - On ne nous donne pas la parole !
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Vous vous êtes déjà exprimé sur l'article 8.
M. Benoît Biteau, député. - Pardonnez-moi, mais il y a des fondamentaux et le foncier en est un. M. Duplomb s'étonne que nous n'ayons pas voté. Nous pouvons l'expliquer.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Dans ce cas, expliquez-nous.
M. Benoît Biteau, député. - Dominique Potier a raison : nous aurions dû travailler sur une loi foncière et remettre cette question au centre du débat.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Ce n'est pas l'objet de l'article 8.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous avons tous dit que le foncier n'était pas traité à sa juste mesure.
M. Benoît Biteau, député. - Des procédés existent déjà pour aider au portage et à la conservation du foncier. L'interlocuteur central doit être les Safer. Si nous avions été de véritables législateurs, nous aurions donné aux Safer un plus large accès au marché que les 30 % du foncier qui lui sont accessibles aujourd'hui. De fait, les Safer ont aujourd'hui un intérêt très limité. En préférant renforcer les investisseurs privés, nous faisons fausse route.
Article 8 bis A (nouveau)
L'article 8 bis A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Trois propositions de rédaction visent à rétablir l'article 8 bis.
M. Dominique Potier, député. - L'objectif relatif à la SAU cultivée en agriculture biologique a été réintroduit à l'article 1er, mais la rédaction de l'Assemblée nationale me paraissait plus précise. Elle mentionnait notamment un objectif de SAU cultivée en légumineuses de 10 %. L'enjeu, que nous partageons tous, est celui de notre autonomie en protéines.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Cet objectif est mentionné à l'article 1er.
Les propositions de rédaction sont retirées.
L'article 8 bis est supprimé.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - L'article 9 fait l'objet de deux propositions de rédaction globale, l'une de M. Potier et de Mme Thomin, l'autre de MM. Biteau et Potier.
M. Dominique Potier, député. - Bien que n'ayant pas voté ce projet de loi à l'Assemblée nationale, nous étions très satisfaits de l'articles 10 relatif au guichet unique et au parcours de formation et plus encore de cet article 9 relatif au diagnostic modulaire. Aussi, je regrette que les dispositions sur lesquelles nous avions travaillé avec les Jeunes Agriculteurs notamment - nous évoquions en termes clairs l'agroécologie, les relations sociales entre les associés, qui sont essentielles à la compétitivité de l'agriculture et au bien-être des personnes ou encore l'agriculture de groupe - aient disparu du texte au profit des rédactions largement appauvries issues du compromis entre les rapporteurs.
M. Benoît Biteau, député. - Les objectifs fixés à l'article 1er - la souveraineté alimentaire ou encore le refus d'interdictions sans solution - convoquent l'agronomie, la rotation des cultures et des solutions différentes de celles qui sont à l'oeuvre depuis six décennies. Or, dans cette rédaction, cet article plaide pour une logique de spécialisation de l'agriculture. Revenons aux fondamentaux : il faut revisiter les pratiques agricoles si nous voulons permettre aux générations futures de s'adapter au climat, de préserver la biodiversité et la santé, mais aussi, grâce à l'agroécologie, d'atteindre une meilleure efficacité économique.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes parvenus à un texte de compromis.
M. Benoît Biteau, député. - Il n'est pas bon !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Comme le souligne Dominique Potier, nous avons travaillé des mois durant avec les syndicats agricoles et les différents partis pour parvenir à un diagnostic modulaire simple en trois modules : économique, social, climatique. Nous avons repris les propositions du Sénat en portant le nombre de modules à six au lieu de trois. Nous avons maintenu la modularité du diagnostic, ainsi que le stress-test climatique obligatoire. Il s'agit pour nous d'un moindre mal, notre objectif étant d'aboutir à une CMP conclusive et à une loi d'orientation agricole.
La rédaction du Sénat apporte une description plus précise des modules du diagnostic et conserve celui qui consiste en un stress-test climatique, le rendant même obligatoire. Cela correspond à une forte attente des Jeunes Agriculteurs.
Les propositions de rédaction globale de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin ainsi que de MM. Benoît Biteau et Dominique Potier ne sont pas adoptées.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, la proposition de rédaction restante de MM. Benoît Biteau et Dominique Potier devient sans objet.
Article 9 bis (nouveau)
L'article 9 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, la proposition de rédaction de MM. Benoît Biteau et Dominique Potier devient sans objet.
Article 10
M. Dominique Potier, député. - Nous souhaitons rétablir la rédaction de l'article 10 issue des travaux de l'Assemblée nationale. Dans une logique de compromis, notre rapporteur a dû céder sur des dispositions qui nous tenaient à coeur au profit de la rédaction du Sénat, qui nous paraît moins claire. Toutefois l'écart est mince entre les deux rédactions. Nous n'en ferons pas un casus belli.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Vous allez donc la voter !
M. Benoît Biteau, député. - Le rôle des centres de formation professionnelle est déterminant dans le renouvellement des générations. Le métier agricole évoluant sans cesse, il est essentiel de pouvoir continuer à se former tout au long de son parcours. La rédaction proposée par le Sénat ne permet pas cette formation continue et ne prépare pas au mieux les agriculteurs de demain à maîtriser l'agronomie par exemple.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le point important que M. Potier voulait introduire dans sa proposition de rédaction à l'article 8 et que vient d'évoquer M. Biteau - « l'accompagnement personnalisé s'adapte aux besoins des personnes dès la phase d'émergence de leur projet » - est satisfait par l'article 10 dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et de Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
La réunion, suspendue à 21 h 05, est reprise à 21 h 45.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Trois propositions de rédaction visant à insérer un article additionnel après l'article 10 ont été jugées irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution : celle de MM. Biteau et Potier concernant la création d'un registre national des exploitations agricoles et celles de M. Potier et de Mme Thomin portant l'une sur la majoration des retraites, l'autre sur la création d'un réseau d'expérimentation pour la reconception des systèmes de production agricoles.
D'autres propositions de rédaction ont été jugées irrecevables au titre de l'article 45 : celles de M. Potier et de Mme Thomin sur la définition juridique de la sous-traitance agricole, sur la simplification de l'ouverture au sociétariat des coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) à de nouveaux acteurs ruraux, sur le renforcement de la transparence des cessions d'usufruit ou de nue-propriété et, enfin, celle sur la définition de l'agriculture de groupe.
Les propositions de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier, de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin sont déclarées irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Deux propositions de rédaction tendant à insérer un article additionnel ont été jugées recevables. La première concerne les conditions de dispense de travail accordées au sein d'un groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec), particulièrement l'allongement de la dispense concernant l'impossibilité de travailler en raison d'un état de santé d'un an à trois ans.
M. Dominique Potier, député. - J'ai en effet été confronté à la situation tragique d'une personne associée d'un Gaec et atteinte d'un cancer, qui s'est vue retirer par l'administration son statut de Gaec après avoir renouvelé sa dispense de travail tous les trois mois. Cette perte du statut et de la transparence associée à la forme des Gaec lui a fait perdre notamment le bénéfice des aides de la politique agricole commune (PAC) et de la couverture par la Mutualité sociale agricole (MSA). Les cas sont peut-être rarissimes, mais je m'étais promis de faire en sorte de prolonger cette durée de dispense.
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - À ce stade, nous n'avons pas expertisé les conséquences de cette proposition. La fragilisation du statut des Gaec est souvent en débat et nous sommes sur une ligne de crête. Je donnerai à ce stade un avis défavorable, même si nous comprenons les enjeux.
La proposition de rédaction n'est pas adoptée.
M. Dominique Potier, député. - Mme Thomin et moi-même présentons également une proposition de rédaction visant à apporter une précision sur la représentation pluraliste et équitable des différents syndicats agricoles au sein du futur réseau France services agriculture. C'est un combat porté par la gauche dans son ensemble que de reconnaître les droits des minorités syndicales agricoles...
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Nous sommes défavorables à cette proposition, qui est satisfaite par les alinéas 19 et 20 de l'article 10.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - En effet, la mesure est satisfaite, au sens où tous les syndicats pourront faire partie de France services agriculture. Nos collègues pensent plus particulièrement à la question des élections, je crois, mais ce n'est pas ici que cette question doit être traitée.
M. Dominique Potier, député. - Les arguments m'ont convaincu, je retire la proposition de rédaction. En revanche, je me permets de revenir sur la problématique que je viens d'évoquer au sujet des Gaec. Convenons ici de ne pas l'abandonner, et de l'aborder dans un autre texte. Cette situation, même si elle ne concerne que dix personnes en France, est insupportable !
M. Franck Menonville, rapporteur pour le Sénat. - Oui, bien sûr.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Je veux bien porter cette mesure dans une proposition de loi. Je ne doute pas que mes collègues la voteront.
M. Dominique Potier, député. - Nous serions tous heureux de trouver une solution.
Par ailleurs, nous avions établi un amendement sur l'agriculture de groupe, travaillé avec l'ensemble des organisations nationales agricoles, notamment la Fédération nationale des Cuma (FNCuma), et ce texte, pour des raisons mystérieuses, n'a pas été jugé recevable à l'Assemblée nationale. Il redéfinissait simplement l'agriculture de groupe et lui donnait une reconnaissance par le droit comme jamais on ne l'avait fait auparavant. Selon nous, c'est en effet par la capacité à se regrouper, à faire des économies d'échelle, à mutualiser que l'on peut gagner une réelle compétitivité. L'adversaire, c'est l'individualisme et la compétition stérile, pas les normes ! Le rapporteur Franck Menonville n'a pas parlé autrement lorsqu'il a évoqué le machinisme agricole ; nous partageons l'analyse pour l'agriculture de groupe. Un amendement sur le sujet aurait pris tout son sens dans une loi d'orientation agricole.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin est retirée.
Article 10 bis A
L'article 10 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 10 bis
L'article 10 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 12 bis
L'article 12 bis est adopté dans la rédaction du Sénat. En conséquence, la proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin devient sans objet.
Article 12 ter A (nouveau)
L'article 12 ter A est supprimé. En conséquence, la proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin devient sans objet.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Cet article vise à apporter une précision en rapport avec les magasins de producteur.
L'article 12 ter B est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 12 ter C (nouveau)
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Il est proposé de supprimer cet article. Pouvons-nous savoir pourquoi ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Il ne nous semble pas intéressant d'ajouter la possibilité pour des GAEC de procéder à des assolements en commun car cela pourrait troubler l'équilibre entre associés. D'où la décision de supprimer cet article, prise par les quatre rapporteurs.
L'article 12 ter C est supprimé.
Article 12 ter
L'article 12 ter est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Deux propositions de suppression de cet article, la première portée par M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin, la seconde par M. Benoît Biteau et M Dominique Potier, ont été déposées.
Mme Mélanie Thomin, députée. - L'article 13, dans sa version initialement déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, habilitait le Gouvernement à revoir, par ordonnance, les dispositifs de répression de nombreuses infractions. Il est la conséquence d'une mauvaise lecture des mouvements de mobilisation des agriculteurs, laissant entendre que les règles environnementales seraient les principales responsables du malaise de la profession agricole. De la sorte, le Gouvernement évite de traiter les sujets de fond, comme les questions de concurrence déloyale ou de revenu digne des agriculteurs.
Originellement circonscrit aux manquements commis à l'occasion d'activités agricoles ou forestières, cet article a été élargi à tous les manquements, indépendamment des activités concernées. Il s'agit notamment du non-respect des législations suivantes : protection des espèces ou de leurs habitats, législation sur l'eau, autorisations environnementales, installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) soumises à enregistrement, nuisances sonores, canalisations de transport de gaz naturel ou assimilés, d'hydrocarbures ou de produits chimiques.
Le Gouvernement pourra transformer les sanctions pénales en sanctions administratives, décidées par le préfet, qui est placé sous son autorité, alors que les sanctions judiciaires sont prononcées par un juge impartial et indépendant. De plus, en vertu des dispositions du code de procédure pénale, l'absence d'incrimination pénale privera la police environnementale de pouvoirs d'investigation - nous avons pu rappeler, avec d'autres groupes de l'Assemblée nationale, tout le soutien que nous apportions à cette police environnementale, dont les prérogatives sont actuellement remises en cause. En réduisant à néant le rôle d'enquête de l'Office français de la biodiversité (OFB), on ferait peser sur l'environnement des risques importants.
M. Benoît Biteau, député. - Je partage le diagnostic qui vient d'être dressé. Comme toutes les réglementations en vigueur dans notre pays, les réglementations environnementales sont faites pour être respectées ! C'est d'autant plus important que les infrastructures écologiques offrent parfois des solutions alternatives. Prenons le cas de la punaise diabolique qui ravage les noisetiers : sa prolifération peut être jugulée par la guêpe samouraï, que l'on trouve précisément dans ces infrastructures écologiques. Ne pas sanctionner leur destruction, c'est donc, en réalité, s'éloigner des solutions qui permettraient de se passer de substances dangereuses.
Mme Manon Meunier, députée. - J'aimerais que l'on mesure la gravité de cet article 13 et de l'introduction - inédite - d'un principe de non-intentionnalité dans le droit.
Pour déterminer l'intentionnalité, ou non, dans la commission d'un acte, il faut normalement une procédure judiciaire. Cette mesure est donc bien inédite. Mais ce qu'elle montre surtout, c'est que l'on ne comprend pas que l'environnement est d'abord un outil au service des agriculteurs eux-mêmes.
Il ne s'agit pas, ici, de remettre en question les dégâts environnementaux des seuls agriculteurs ; sont concernés ceux qui pourraient être commis par n'importe quel citoyen. Demain, par exemple, une ICPE qui ne serait pas une exploitation agricole pourrait causer des dégâts importants sur l'environnement sans conséquence devant la justice ou sur son autorisation au motif d'un principe de non-intentionnalité. On pourrait envisager la même chose sur les promoteurs éoliens, les impacts de leurs équipements sur la biodiversité ayant suscité de nombreuses interrogations à l'Assemblée nationale.
Ce principe de non-intentionnalité est donc inédit et dangereux pour l'environnement - en conséquence, pour les agriculteurs et pour l'ensemble des citoyens.
M. André Chassaigne, député. - L'un des rapporteurs du Sénat vient de justifier le rejet d'une proposition de rédaction de Dominique Potier par le fait que la mesure n'avait pas été expertisée. J'imagine donc que l'article 13, au regard de son importance et de sa gravité, a non seulement été expertisé, mais que ses impacts ont été étudiés à court comme à plus long terme.
On dit souvent qu'il ne faut fabriquer la loi que d'une main tremblante... La main a-t-elle véritablement tremblé pour écrire cet article 13, que, sans vouloir faire de provocation, je pourrais qualifier de « trumpiste » ? Peu à peu, on fait sauter les protections... Soyons attentifs aux conséquences ! J'en veux pour preuve les propos tenus sur les agents de l'OFB. Ils dépassent ce que l'on peut imaginer. On jette l'anathème sur des professionnels dont la mission est de faire appliquer la loi que nous avons tous votée !
Nous assistons à un glissement d'une immense gravité. Chacun d'entre nous doit avoir conscience de ce que nous nous apprêtons à inscrire dans la loi et, je le dis à mes collègues rapporteurs de l'Assemblée nationale, je ne comprends pas qu'ils aient pu céder et accepter de tels abus.
M. Dominique Potier, député. - Cette question a donné lieu à des débats très nourris à l'Assemblée nationale. Lorsque nous avions habilité le Gouvernement à légiférer, le ministre de l'époque, Marc Fesneau, avait tenté de rassurer en précisant qu'il s'agissait d'entrer dans une forme de dialogue avant d'envisager une pénalisation, et ce pour des délits mineurs.
Le Sénat, je le sais, a très largement élargi le champ. J'aimerais qu'on nous en dise plus sur cet élargissement et sur le compromis qui a été trouvé. De nombreuses autorités environnementales, dont le ministère lui-même, ont exprimé des inquiétudes quant à ce qui était envisagé, avec le risque de créer un précédent aux conséquences très graves.
Tout le monde peut commettre une erreur ; cela ne fait pas de la personne un criminel. Mais n'êtes-vous pas en train de faire sauter tous les garde-fous, en permettant à des gens mal intentionnés de saccager l'environnement sans conséquence juridique ?
M. Julien Dive, député. - Je rappelle que ces dispositions ont été introduites à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de mon groupe Les Républicains. Nous avons souhaité appliquer la logique du droit à l'erreur, que nous connaissons dans d'autres domaines, en nous inspirant de cas concrets. Je pense, par exemple, à des cas d'agriculteurs condamnés pour avoir entretenu un cours d'eau ou un fossé, alors même que nous avons pu voir, durant l'hiver 2023-2024, les conséquences dramatiques sur certains de nos territoires d'un mauvais entretien des canaux.
Il s'agit donc de rappeler que l'agriculteur connaît son territoire et essaie de l'entretenir, qu'il n'est pas un dangereux bandit, comme on peut aussi l'entendre dénoncer par certains à la radio. Cette ouverture du droit à l'erreur me paraît assez intelligente, d'autant que le Sénat a enrichi la démarche en ajoutant une amende.
M. Vincent Louault, sénateur. - Dans le cadre de nos débats, les chiffres suivants ont été portés à la connaissance des sénateurs : 100 000 procédures pénales ayant concerné des agriculteurs entre 2019 et 2021 ; seulement 350 personnes condamnées au moins avec sursis ; 40 % des procédures abandonnées ou classées sans suite au bout d'une ou de plusieurs années. Il y a réellement un problème d'application de ce principe pénal. Il faut envisager un système comme le code de la route : suivant la gravité des excès de vitesse, les peines sont plus ou moins légères.
Les propositions de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin, et de M. Benoît Biteau et M Dominique Potier ne sont pas adoptées.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cet article 13 est sans doute celui sur lequel nous avons le plus discuté entre rapporteurs.
Par une concession de nos collègues sénateurs, nous sommes revenus à une version proche de celle qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale - je rappelle brièvement l'objet de l'article : adapter le régime des sanctions pour certaines atteintes à l'environnement provoquées par des activités agricoles ou forestières, ce qui exclut les atteintes commises de manière intentionnelle ou du fait d'une négligence grave. Au texte de l'Assemblée nationale, nous avons adjoint l'amende proposée par le Sénat. Nous avons par ailleurs conservé notre proposition de stage de sensibilisation à la biodiversité. En cas de sanction, l'agriculteur aura le choix entre l'amende et le stage.
Nous avons donc fait disparaître les mentions aux installations, ouvrages, travaux et activités de la nomenclature Iota, ainsi qu'aux ICPE. Quant à l'OFB, lors d'une récente manifestation de ses agents devant la préfecture de la Vienne, j'ai reçu des remerciements de leur part pour les avoir soutenus dans les moments difficiles. Ce texte n'est absolument pas contre eux ! Il s'agit de simplifier, d'alléger la charge pesant sur les agriculteurs.
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Comment mesurez-vous la gravité des actes ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Ce sera d'abord fait par l'autorité administrative.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - La version de l'Assemblée nationale portait la mention : « sans préjudice des poursuites pénales », ce qui laissait entendre que l'on pouvait envisager des poursuites pénales - en tout cas aller au-delà d'une amende de 450 euros. Pouvez-vous apporter une clarification sur ce point ?
La question des travaux forestiers a été largement discutée à l'Assemblée nationale. Le texte de compromis reprend la formulation du Sénat, selon laquelle les faits sont réputés ne pas avoir été commis de manière intentionnelle s'il y a des documents de gestion. Or ceux-ci sont des documents de management, qui n'ont rien à voir avec les questions environnementales et ne garantissent en rien l'absence d'atteintes à l'environnement.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Je souhaite vous lire un extrait d'interview : « Je préfère privilégier sur des infractions mineures la sanction administrative, c'est plus rapide, c'est plus clair. On évite cette dimension qui est extraordinairement intrusive d'une procédure pénale où on a l'impression d'être un grand délinquant. Lorsque vous garez mal votre voiture, vous avez une amende, lorsque vous faites mal une procédure environnementale, sans qu'il y ait un impact majeur sur l'environnement, vous avez une amende. Cela paraît raisonnable. » Ces mots ont été prononcés par Mme Agnès Pannier-Runacher : nous n'avons rien fait d'autre que mettre en application la parole de la ministre de la transition écologique.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La version de l'Assemblée nationale prévoyait en effet que l'OFB puisse aller plus loin, jusqu'à un plafond relativement lourd de 45 000 euros. Mais dans le compromis trouvé, nous retenons l'amendement proposé par le Sénat, et réintroduisons le stage issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Mme Manon Meunier, députée. - Je présente également deux propositions de rédaction globale.
La première revient à la version de l'Assemblée nationale, qui, bien qu'insatisfaisante, me semblait préférable à la version du Sénat élargissant le champ aux ICPE. J'ai bien noté que dans la rédaction de compromis proposée par les rapporteurs, ce n'est plus le cas.
La seconde retire le principe de non-intentionnalité. Il s'agit non pas de considérer les agriculteurs comme de grands criminels - loin de nous cette idée -, mais de voir que la mesure proposée ne concerne pas qu'eux. Que se passerait-il si, demain, un chasseur tirait sans intentionnalité sur une espèce protégée ? Et qu'advient-il alors de la notion d'espèce protégée ? N'a-t-elle plus aucune valeur dans la loi ? Tire-t-on un trait sur le code de l'environnement ? C'est ce à quoi revient, en définitive, l'application d'un principe de non-intentionnalité.
À cet égard, je n'ai pas entendu la réponse à la question pertinente qui a été posée : qui évaluera l'intentionnalité ? Quelle est l'autorité administrative compétente ? Si c'est l'OFB, comment ses agents vont-ils pouvoir appliquer concrètement un tel texte ?
Encore une fois, le respect du code de l'environnement est un prérequis à la préservation de l'outil premier des agriculteurs et des agricultrices. Pourquoi irait-on casser ce code ?
Mme Mélanie Thomin, députée. - Ce texte a été examiné à l'Assemblée nationale peu de temps après la crise agricole. L'une des premières mesures portées par Gabriel Attal, alors Premier ministre, était de répondre à la colère par ce type de mesures. Mais l'article 13, tel qu'il est rédigé, pose concrètement la question de l'égalité de toutes et tous devant la loi : en voulant prémunir les chefs d'exploitation du respect de cette loi, vous procédez en réalité à une dérégulation qui concerne l'ensemble de la société.
Un point m'étonne à titre personnel. En tant que sénateurs, vous représentez les collectivités locales. Les élus locaux sont les premiers à chercher les bons outils pour répondre aux atteintes à l'environnement qu'ils constatent sur leur territoire et pour les sanctionner. Leur meilleur partenaire, c'est la police environnementale, seule à même de les accompagner pour cela. La régression maximale du droit environnemental que vous êtes en train d'opérer est donc aussi une régression pour l'intérêt général. Elle risque de poser des problèmes importants au niveau des collectivités territoriales.
M. Vincent Louault, sénateur. - De nombreux maires ont justement été condamnés au pénal pour de simples déboisements de quelques mètres carrés, du fait d'une procédure inadaptée !
Je rappelle que nous établissons une législation et qu'il revient ensuite au pouvoir réglementaire de l'adapter, tout en respectant l'esprit de la loi. On ne va pas me faire croire que le ministère de l'environnement, qui participera activement à cette déclinaison, ne donnera pas aux agents de l'OFB un cadre clair d'application.
M. Benoît Biteau, député. - Il faut raison garder dans ce débat ! En réalité, nous sommes en train de faire plier une réglementation pour traiter la question d'une poignée d'agriculteurs, qui ne sont pas forcément les plus vertueux. Puisque chacun y va de sa petite anecdote, je vis sur une zone humide en bord de mer, qui connaît des risques de submersion marine - mon territoire a subi de plein fouet la tempête Xynthia. Un agriculteur qui avait procédé à un endiguement illégal de ses parcelles agricoles pour les préserver de cette submersion marine a provoqué en 2010 la submersion du village dans lequel il habitait. Si cet agriculteur avait été sanctionné comme il aurait dû l'être, des vies auraient été préservées ! Certains agissements peuvent avoir des conséquences tragiques ; il faut pouvoir les sanctionner.
La proposition commune de rédaction des rapporteurs est adoptée. En conséquence, les autres propositions de rédaction deviennent sans objet.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Dans notre proposition commune de rédaction des rapporteurs, nous reprenons la partie relative aux ICPE qui figurait à l'article 13, mais dans le cas particulier des bâtiments d'élevage, en instaurant une forme de dérogation jusqu'à 15 % au-dessus du seuil.
Je donne un exemple fictif : imaginons une exploitation qui ne peut dépasser 150 vaches laitières ; si l'exploitation atteint ce seuil et que trois génisses vêlent le même jour, elle passe à 153 vaches laitières, ce qui rend les exploitants condamnables à 75 000 euros d'amende et un an d'emprisonnement en cas de passage non déclaré du seuil de la déclaration à celui de l'enregistrement. Ne peut-on rester sur une amende forfaitaire de 450 euros dans une marge de 15 % au-dessus du seuil ?
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - Sauf que 15 % de 150 vaches, c'est près de 25 vaches en plus !
La proposition commune de rédaction des rapporteurs est adoptée et devient article additionnel.
Article 13 bis AAA (nouveau)
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Si vous me le permettez, madame la présidente, je voudrais apporter un premier éclairage sur la proposition de suppression de cet article de mes collègues Benoît Biteau et Dominique Potier.
Le Sénat a introduit un article visant à sécuriser juridiquement, tout au long de l'année, un certain nombre de travaux forestiers reconnus d'intérêt général majeur. En conséquence, ces travaux ne pourront plus faire l'objet d'une quelconque poursuite judiciaire, y compris en cas d'atteinte à l'environnement. Je comprends que c'est la raison pour laquelle cette proposition de suppression a été présentée.
Mme Manon Meunier, députée. - Il s'agit en effet de revenir une nouvelle fois à la notion d'intérêt général majeur, cette fois-ci pour des opérations forestières. On est déjà en droit de se demander pourquoi la forêt, et non d'autres secteurs... Au-delà, cette mesure contrevient totalement aux chapitres du code de l'environnement venant encadrer les travaux forestiers. Parler d'intérêt général tout au long de l'année, c'est considérer cet intérêt comme potentiellement supérieur à d'autres, notamment en matière de préservation de la biodiversité ou encore de respect des périodes de nidification. Enfin, la disposition sera a priori inapplicable, ou inconstitutionnelle, ou, si elle est promulguée, source de nombreux contentieux entre ceux qui tiendront compte de cette loi et ceux qui tiendront compte du code de l'environnement.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Il est écrit dans le texte que ces travaux seront réalisés « dans le respect du présent code et des instructions figurant dans les documents de gestion ». Ces documents sont en lien avec le code de l'environnement.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Le document de gestion, qui est en fait un document de management, ne comporte pas tellement d'aspects environnementaux. L'article 13 dépénalise déjà les travaux forestiers puisqu'il les associe, de fait et grâce à ce document de gestion, à des atteintes non intentionnelles. Ce nouvel article va encore plus loin, puisqu'il vise à neutraliser les actions administratives ou juridictionnelles par l'expression « sécurisées juridiquement », qui semble toutefois nébuleuse sur le plan juridique. La combinaison de ces deux articles ouvre très largement le champ des travaux forestiers pouvant porter atteinte à l'environnement.
M. Benoît Biteau, député. - Je suis gêné par l'utilisation de la notion d'intérêt général. Je ne conteste pas l'intérêt de valoriser l'exploitation de la forêt, qui est indispensable. Cependant, nous devons aussi tenir compte du rôle joué par la forêt en matière d'environnement et de préservation de la biodiversité. Il nous faut trouver un équilibre, qui est absent du texte. Il faut trouver un compromis entre une gestion durable et une gestion un peu débridée, qui pourrait télescoper le code de l'environnement. Un document de gestion constitue un document privé, qui n'a pas de valeur juridique.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Cet article m'intrigue. Je distingue bien les enjeux des travaux forestiers des enjeux de protection et de développement du domaine forestier. J'ai travaillé avec les syndicats des sylviculteurs, notamment après des tempêtes, et je peux vous dire que nous ne répondons pas ici aux attentes de la profession, bien au contraire. Ces associations sont préoccupées par la recherche de foncier, afin de développer les domaines forestiers et donc la préservation des écosystèmes. Aujourd'hui, ce sont des objectifs et une trajectoire de développement des politiques de reforestation qui sont attendus, ce qui n'a rien à voir avec les travaux forestiers. De plus, les sylviculteurs nous alertent : dans le cas d'aléas climatiques, des travaux forestiers ont lieu et on peut observer une spéculation quand il s'agit de faire commerce des forêts décimées. Cet article ne prend pas en compte l'intérêt général majeur.
M. Julien Dive, député. - Les travaux forestiers comprennent la récolte du bois, l'élagage, l'entretien et le débroussaillement ; il s'agit de la définition en droit. Cet article est important, car il fait référence à une actualité récente. En 2022, 32 000 hectares de forêt sont partis en cendres sur la côte landaise. L'une des causes principales de cette perte était l'absence d'entretien des forêts, des associations s'y étant opposées. Pourquoi ? Parce que, si un acteur s'était permis d'entretenir la forêt, il aurait été sous le coup d'une condamnation au pénal. Nous cherchons à éviter de tels cas inextricables.
La proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier n'est pas adoptée.
L'article 13 bis AAA est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 13 bis A (supprimé)
L'article 13 bis A est supprimé.
Article 13 bis B (supprimé)
L'article 13 bis B est supprimé.
Article 13 bis C (nouveau)
L'article 13 bis C est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Deux propositions de suppression de l'article ont été déposées, l'une par M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin, l'autre par M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier, député. - Notre proposition vise à supprimer cet article, qui va à rebours du principe d'égalité devant la loi.
Mme Manon Meunier, députée. - Quels éléments ont changé entre les deux versions de l'article ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - C'est le même texte.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit de l'amendement de Mme Blin sur la présomption de bonne foi, que nous avions adopté en commission.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Un seul élément a été ajouté : « lorsqu'il est constaté un manquement reposant sur une norme qui entre en contradiction avec une autre, l'exploitation agricole ne peut pas être sanctionnée ».
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée, non plus que la proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier.
L'article 13 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 13 ter
L'article 13 ter est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Une proposition de rédaction globale est présentée par M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin.
M. Dominique Potier, député. - Un énorme travail a été accompli sur les haies, notamment par le sénateur Daniel Salmon, à travers sa proposition de loi sur la gestion durable et la reconquête de la haie, et la députée Chantal Jourdan. Nous proposons de revenir à la version de l'Assemblée nationale, notamment en raison du coefficient de compensation, qui nous paraît dangereux tel que défini par le Sénat.
Mme Hélène Laporte, députée. - Chaque département décidera donc de la compensation qu'il voudra mettre en place ?
Mme Manon Meunier, députée. - Je soutiens un retour à la version de l'Assemblée nationale. En effet, dans la version actuelle, la haie doit comprendre au moins deux éléments parmi les trois suivants : des arbustes, des arbres et d'autres ligneux. Or, en Limousin, nous avons des haies qui ne sont constituées que d'arbustes. La définition retenue par le Sénat les exclut donc et ouvre la porte à une absence de contrôle de leur suppression.
Pourtant, nous perdons un patrimoine exceptionnel en supprimant les haies, premier lieu d'accueil de la biodiversité. Les haies sont encore omniprésentes en Limousin grâce à la préservation de l'élevage extensif. Elles apportent de nombreux services environnementaux, accueillent des espèces auxiliaires qui régulent naturellement les ravageurs de cultures et les parasites. Pourquoi ne pas prendre en considération les haies d'arbustes ?
M. Benoît Biteau, député. - Les haies constituent un sujet central, auquel nous devons nous montrer très attentifs. Malgré la volonté de replanter, nous arrachons encore deux à trois fois plus de linéaires de haies que nous n'en plantons. De plus, quand nous replantons, l'efficacité écosystémique des haies met beaucoup de temps à se développer. Nous devons donc préserver les vieilles haies. Les haies séquestrent du carbone, offrent des solutions grâce à l'hébergement d'auxiliaires de l'agriculture, jouent un rôle pour prévenir les inondations et permettent d'envoyer une eau épurée vers les nappes phréatiques. Cet article néglige trop les haies pour que nous puissions nous y reconnaître.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous plaidons tous pour la réintroduction des haies et le Sénat a d'ailleurs adopté, à l'unanimité, la proposition de loi de Daniel Salmon en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie, qui a été introduite par amendement au présent texte et figure à l'article 14 bis A.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Dans certaines régions, en particulier en Bretagne, il existe un attachement viscéral à la haie. Or la version proposée par les rapporteurs adopte une définition restrictive des haies. Tel que le texte est rédigé aujourd'hui, certaines haies pourront être arrachées sans autorisation.
S'il s'agit d'un texte d'orientation agricole, s'il s'agit de construire l'avenir de notre agriculture, nous devons penser aux filières stratégiques qui ont besoin de la haie, notamment à la filière laitière. Le paysage bocager va de pair avec un modèle extensif d'élevage et la fierté de produire avec celle de préserver nos paysages. Nous avons besoin d'une définition riche du terme. Je soutiens un retour à la version de l'Assemblée nationale, qui prévoit une compensation systématique.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - La définition de la haie est simple : il s'agit de celle de la PAC, que tous les agriculteurs connaissent. Notre volonté, que vous partagiez, est de ne pas englober avec cette définition les plantations de platanes qui bordent les routes.
En ce qui concerne la compensation, rendue systématique par l'article L. 412-25 du code de l'environnement qui résulterait de l'adoption de cet article 14, nous avons souhaité territorialiser. Chaque préfet de département pourra définir les dates d'entretien et les dates d'interdiction d'intervention sur la haie. C'est sans doute mieux pour la biodiversité, plutôt que d'avoir une règle jacobine qui ne prend pas en compte les spécificités des territoires.
Le coefficient de compensation s'applique en cas de destruction. Pour que cette dernière ait lieu, il faudra passer par une déclaration au guichet unique, qui devra faire l'objet d'une réponse et d'une mesure de compensation, qui revient à chaque préfet de département. En effet, tous les départements ne sont pas comme ceux que vous décrivez. En Haute-Loire, comme en témoignent des photos, des milliers de kilomètres de haies ont été plantés depuis 1950. La compensation se fera par replantation d'un linéaire qui devra être au moins égal à celui détruit, comme le prévoit ce même article L. 412-25. Nous demandons aussi à ce que ces décisions relatives à l'autorisation et à la compensation soient prises en tenant compte de ce qui s'est passé durant les cinquante dernières années dans ce territoire. C'est du bon sens.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les sénateurs avaient proposé un délai de deux mois pour traiter les demandes effectuées au guichet unique, sachant que la formule « silence vaut accord » est de vigueur. Nous sommes passés à un décret fixant un délai d'au plus quatre mois, car pour certaines des réglementations le délai initial aurait été trop court pour l'administration.
Nous avons aussi ajouté, aux côtés notamment des organisations représentatives agricoles, un représentant d'une association de protection de l'environnement, sur la liste des acteurs que le préfet devra consulter avant de prendre l'arrêté relatif à la gestion des haies à l'échelle du département. De plus, à la demande de la commission aménagement du territoire et développement durable de notre assemblée, nous avons réintégré l'obligation de mettre en oeuvre un plan d'action pour atteindre l'objectif de gestion durable des haies pour les gestionnaires de distribution d'électricité, qui avaient été exemptés de cette obligation au Sénat. Enfin, nous avons maintenu l'article 14 bis A, qui reprend la proposition de loi de Daniel Salmon, pour donner un cadre à la gestion durable des haies qui puisse être incitatif. Nous sommes tous d'ardents défenseurs des haies dans nos territoires.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Je suis formelle, pour l'avoir vérifié juridiquement, le texte retenu exclut les haies composées uniquement d'arbustes, qui ne seront donc pas protégées.
Par ailleurs, il faut parler des statistiques au niveau national et, selon l'Agreste, nous perdons chaque année 23 000 kilomètres de haies...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Ce n'est pas vrai. D'abord, ce sont des statistiques du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Ensuite, il s'agit d'une transcription de surface en kilomètres. Or une haie n'est pas une surface.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Je note donc que vous remettez en cause le rapport du CGAAER, qui s'appuie sur l'Agreste et les statistiques agricoles. Ce chiffre de 23 000 kilomètres est largement retenu...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Il est largement diffusé, ce qui n'est pas la même chose.
Mme Manon Meunier, députée. - Je ne pense pas avoir été la seule à avoir été décontenancée : nous avions prévu de voter sur une proposition de rédaction déposée par Dominique Potier et Mélanie Thomin, mais nous avons d'abord voté sur la rédaction proposée par les rapporteurs.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous avons voté la version proposée par les rapporteurs.
Mme Manon Meunier, députée. - Vous avez recours aux définitions de la PAC quand cela vous arrange. En l'occurrence, dans ce cas, on se tire une balle dans le pied à ne plus considérer les haies d'arbustes comme des haies. Elles apportent les mêmes services écosystémiques que les autres. Quelques années ne suffisent pas à reconstituer une haie. Ce patrimoine est essentiel, pour l'agriculture, mais aussi pour l'équilibre des écosystèmes.
En ce qui concerne le guichet unique, la négociation nous a permis d'obtenir quatre mois au lieu de deux pour le délai de traitement des demandes. Cependant, l'administration sera sûrement confrontée à un afflux de déclarations et, après quatre mois, les « déplacements » et les destructions de haies pourront avoir lieu, qu'ils soient considérés ou non comme d'intérêt environnemental.
Enfin, je suis heureuse d'apprendre que la situation en Haute-Loire compense le chiffre de la CGAAER ! Au niveau national, nous observons bien une dynamique de perte. Planter est une bonne chose, mais il faudrait d'abord conserver l'existant.
M. Benoît Biteau, député. - Nous parlons d'entrée de jeu de compensation, mais celle-ci ne constitue que le troisième volet de la séquence « éviter, réduire, compenser », inscrite dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Nous appuyons tout de suite sur le bouton « compensation » en sachant bien qu'une haie plantée aujourd'hui mettra très longtemps pour remplacer une vieille haie. Les mesures compensatoires ne compensent jamais ce qui est détruit.
Article 14 bis A (nouveau)
L'article 14 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 14 bis
L'article 14 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 14 quater A (nouveau)
L'article 14 quater A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Une proposition de rédaction visant à supprimer l'article a été déposée par M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier, député. - Il s'agit d'une innovation du Sénat et je m'étonne que nos rapporteurs ne se soient pas battus pour supprimer cet article. En effet, ce dernier prévoit une dérogation pour l'ensemble des bâtiments agricoles, dans le cadre de l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN). Or la non-artificialisation vise avant tout à protéger les terres agricoles et donc le monde agricole.
La construction de hangars agricoles ou de bâtiments d'élevage, qui permettent de préserver nos prairies et nos écosystèmes, n'est pas interdite aujourd'hui dans le cadre de nos règles d'urbanisme. Les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) et les schémas de cohérence territoriale (Scot) prévoient des dispositions et des enveloppes pour que le monde agricole puisse bénéficier de constructions permettant d'améliorer la qualité du travail de l'éleveur ou sa capacité à agrandir son troupeau. Toutes les dispositions existent dans la loi pour que le législateur local puisse intégrer les besoins de l'industrie et de l'agriculture dans le cadre de sa planification.
Si votre dessein est d'abandonner le ZAN, il faut le dire, mais cette dérogation n'est pas fondée. En fait, elle pourrait même donner lieu à des mécanismes spéculatifs. Des terrains pourraient être artificialisés pour des constructions présentées comme nécessaires à l'exploitation agricole avant de changer de destination. Comment une disposition aussi contraire au droit commun et aussi éloignée de notre objectif a-t-elle pu être pensée ? Comment nos rapporteurs n'ont-ils pas été les protecteurs d'une ligne directrice permanente à l'Assemblée nationale ? Nous ne sommes pas opposés au développement des territoires, mais nous avons tous un effort de sobriété à fournir ; il y va de notre capacité de résilience face au dérèglement climatique, du maintien de la biodiversité et de notre souveraineté agricole.
M. Benoît Biteau, député. - Nous nous sommes émus de la difficulté des jeunes agriculteurs à accéder au foncier dans le cadre de leur installation. Nous ne pouvons pas continuer de penser des solutions qui remettent en cause l'utilisation du foncier. Je vis dans une zone littorale, qui connaît de forts enjeux en matière de biodiversité et de préservation du patrimoine. Ce sont les activités d'élevage qui permettent de préserver la valeur patrimoniale de ces grands espaces. Il est déjà possible de construire ou d'étendre des bâtiments d'élevage, y compris dans des zones Natura 2000 ou des zones visées par des arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB), pour lesquelles les activités d'élevage sont déterminantes. Des solutions existent déjà, et je ne comprends pas pourquoi nous devrions conserver cet article.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - L'objectif premier de ce projet de loi était le renouvellement des générations. Or, j'alerte sur le fait que les jeunes agriculteurs auxquels j'ai pu parler s'opposent à cet article. En effet, pour eux, le ZAN vise avant tout à protéger les agriculteurs. Par ailleurs, le dispositif a déjà connu des assouplissements substantiels, qui permettent de prendre en compte le développement agricole. Enfin, l'article pourra favoriser la création d'installations présentées comme étant à vocation agricole, mais dont l'objectif ne serait finalement pas essentiellement agricole.
Mme Mélanie Thomin, députée. - Je m'interroge aussi sur l'aspect protecteur de cette mesure pour les jeunes exploitants. Surtout, je m'adresse aux rapporteurs de l'Assemblée nationale : je m'interroge sur les conséquences de cet article sur le dialogue que nous menons avec nos collectivités locales. Aujourd'hui, en Bretagne par exemple, il y a consensus sur la mise en oeuvre du ZAN ; comment assumer l'adoption de cet article qui va déséquilibrer ce que nous avons envisagé pour la répartition du foncier au sein de notre territoire ? L'article peut avoir des conséquences néfastes pour la prise de décision au niveau local.
M. Dominique Potier, député. - Monsieur Duplomb, vous créez un régime spécifique pour le monde agricole et vous l'affranchissez de toutes sortes de devoirs. Imaginez-vous ce que cela pourra susciter en termes de jalousie, de concurrence et de conflit, alors que nous avons besoin de réconciliation ? Comment réagiront nos concitoyens, alors que nous leur demandons un effort de sobriété foncière, quand ils verront des bâtiments être construits, parfois de manière illogique et pas toujours pour des usages agricoles ? Vous ne rendez pas service au monde agricole en créant toutes ces dérogations au droit commun. Un travail d'accompagnement financier et pédagogique qui pourrait permettre d'engager la transition vers l'agroécologie : voilà le vrai service que nous pouvons rendre à l'agriculture.
M. André Chassaigne, député. - J'alerte sur les difficultés que cet article peut poser à nos collectivités locales. Dans le cas d'un PLUi, la disposition devrait pouvoir être encadrée dans le cadre de son règlement. Mais de très nombreuses communes fonctionnent toujours selon le règlement national d'urbanisme (RNU), qui offre une protection pour les maires et les conseils municipaux, car s'il est considéré comme contraignant, il permet parfois, par dérogation et après délibération motivée, d'obtenir quelques aménagements. Les élus locaux seront confrontés à des difficultés quand ils essaieront de s'opposer aux demandes de construction, qui vont se multiplier. Je crains qu'on n'ouvre ici une boîte de Pandore et qu'on ne complique la tâche des maires ruraux et des collectivités plutôt que de les aider.
Mme Manon Meunier, députée. - Je rejoins l'observation de M. Potier sur le fait que ces dérogations ne sont que de faux cadeaux, qui ne rendent en réalité pas service au monde agricole. Ce qui se dessine ici va même à l'encontre de la protection des terres agricoles - et donc des agriculteurs - et ressemble au cadeau empoisonné qu'avait négocié M. Arnaud Rousseau pour réduire la proportion de zones humides à conserver.
Je rappelle que la protection des zones humides permet de protéger les systèmes d'élevage : l'abandonner, en même temps que la protection des zones agricoles, aboutira à une transformation durable du modèle agricole qui s'orientera vers des productions de taille industrielle, bien éloignées du modèle familial français.
Tel est d'ailleurs l'objectif de ce texte : achever de tuer ce modèle agricole français pour rentrer dans un modèle agro-industriel.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous allons passer au vote.
M. Benoît Biteau, député. - Nous pourrions avoir quelques réponses, quand même !
M. André Chassaigne, député. - Respectez au moins nos interventions !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je rappelle que nous avons essayé de lever les points de blocage dans le cadre de cette CMP. Nous étions initialement favorables à la suppression de cet article, mais notre position a évolué au cours des négociations, nous permettant d'obtenir d'autres concessions et de parvenir à un texte susceptible de déboucher sur un accord.
Mme Manon Meunier, députée. - Qu'avons-nous gagné ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Des dispositions relatives aux haies dont nous venons de parler, ainsi que le retour sur des dérogations aux zones de non-traitement à l'article qui suit, le rétablissement d'une obligation de recours à un architecte pour les bâtiments d'élevage et la suppression de l'article additionnel relatif à la compétence eau et assainissement. J'insiste sur l'important travail qui a été nécessaire afin de parvenir à un texte de consensus de nature à répondre aux attentes des agriculteurs, et ne dites pas que les négociations ont été vaines : lorsque MM. Duplomb et Menonville ont souhaité maintenir cet article, qui ne figurait pas dans le texte établi par l'Assemblée nationale, nous leur avons indiqué qu'il faudrait des contreparties.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et M. Benoît Biteau n'est pas adoptée.
L'article 14 quater est adopté dans la rédaction du Sénat.
En conséquence, la proposition de rédaction de Mme Manon Meunier devient sans objet.
Article 14 quinquies (nouveau)
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous allons passer au vote...
M. Dominique Potier, député. - Je trouve choquant que les rapporteurs ne daignent pas nous donner des explications sur un sujet aussi important.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Je vais vous donner des explications. Le principe d'une diminution de 50 % de l'artificialisation entre 2021 et 2031 a été voté. Autrement dit, la surface artificialisée à considérer sur la période 2011-2021 doit être divisée par deux. Or de nombreux territoires atteindront déjà ce seuil dès le 1er février 2027, car le compteur tourne depuis 2021.
À compter de cette date, tous les maires qui auront dépassé le quota se verront donc privés du droit de construire. Vous avez évoqué le risque d'ouvrir la boîte de Pandore, mais ne l'avez-vous pas déjà ouverte en créant le monstre qu'est le ZAN, monstre que nous ne pourrons plus arrêter ?
M. Benoît Biteau, député. - Il faut arrêter...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - J'aurais pu réagir à une série de vos interventions, monsieur Biteau, mais j'ai choisi de ne pas le faire, donc laissez-moi terminer.
À partir du 1er février 2027, il faudra « renaturer » pour pouvoir construire : un agriculteur désireux de construire un bâtiment de 500 mètres carrés devra ainsi en acquérir un autre ailleurs afin de le détruire et de le « remettre » à la nature, ce qui permettra d'exporter le droit de construire d'un territoire à l'autre.
La boîte de Pandore, encore une fois, est déjà ouverte : des promoteurs immobiliers commencent déjà, dans mon territoire, à écrire des courriels aux maires et à tous ceux qui seraient susceptibles de vendre des maisons abandonnées, des friches ou encore des bâtiments agricoles, en fin d'activité ou non. Par là même, ils pourront exporter le droit de construire du département de la Haute-Loire vers Paris, Lyon ou Marseille, car rien ne permet, dans la loi, de limiter une telle pratique.
Rien d'étonnant à cela, car le dogme environnementaliste a consisté, avec le ZAN, à concentrer tout le monde en un même lieu. Notre proposition permettra d'éviter aux maires, monsieur Chassaigne, d'avoir à décider de continuer à accorder quelques permis de construire pour conserver des habitants - et donc une école -, tout en refusant un permis à l'agriculteur au motif que ce dernier consommerait à lui seul 1 500 mètres carrés : telle est la réalité du ZAN, que vous vivrez à partir du 1er février 2027.
L'article 14 quinquies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Plusieurs propositions de rédaction visent à supprimer cet article ou des alinéas de cet article.
M. Dominique Potier, député. - M. Biteau et moi-même proposons en effet de supprimer cet article, car le projet de loi prévoit d'introduire plusieurs aménagements dans la procédure applicable au contentieux administratif des décisions relatives aux projets d'installations, d'ouvrages, de travaux ou d'activités concernant les plans d'eaux et prélèvements d'eaux.
Un référé suspension ne pourra être introduit que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge en premier ressort. Le caractère d'urgence, en cas de référé-suspension, sera également présumé, et le délai du juge des référés pour statuer sera limité à un mois.
La cristallisation des moyens accompagnée de la cristallisation du référé-suspension peut aboutir, d'une part, à ce que le requérant invoque tous les moyens possibles en début de procédure pour éviter le risque de cristallisation, ce qui entraînerait, contrairement à l'effet recherché, un alourdissement du contentieux ; et, d'autre part, à ce que le requérant demande un référé-suspension de manière systématique pour ne pas prendre le risque de ne plus le pouvoir après la cristallisation, ce qui augmenterait le nombre de référés déposés et donc la charge des tribunaux, à l'inverse de l'objectif recherché.
De manière générale, cet article prévoit un allègement des procédures en matière de captage de l'eau, ce qui va à l'encontre de la philosophie que nous avons développée tout au long de nos travaux. Les questions de l'eau ne pourront se régler que de manière territoriale, démocratique et scientifique, et tout oukase donné au monde agricole pour s'accaparer la réserve en eau sera contraire à ses intérêts, en provoquant des conflits d'usages nocifs.
M. Benoît Biteau, député. - Le sujet est extrêmement sensible, car plusieurs textes s'appliquent, dont la directive-cadre européenne sur l'eau et la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui en est la déclinaison. Lesdits textes mettent en avant le caractère commun de l'eau, ce qui implique la notion de partage. Or cet article ignore largement cet aspect, d'où notre souhait de le supprimer.
Les mauvaises langues insinuent que nous sommes des irréductibles opposants à l'irrigation en agriculture, ce qui est absolument faux. Afin de satisfaire tous les usages de l'eau, nous devons nous référer au code de l'environnement, qui les hiérarchise. La première des priorités est l'accès de tous à une eau potable de qualité, en quantité suffisante. Selon le code de l'environnement, nous devons préserver les milieux aquatiques, car ils stockent l'eau lorsqu'elle est présente en quantité importante et favorisent son infiltration, ce qui permet de nourrir les nappes profondes et de restaurer le fonctionnement du grand cycle de l'eau.
La protection de ces milieux humides permet également de satisfaire l'usage de l'eau à des fins économiques, dont l'irrigation en agriculture : nous devons donc prendre les choses dans l'ordre, en respectant la réglementation en vigueur, plutôt que de nous borner à dresser le constat des dysfonctionnements du grand cycle de l'eau et de déployer des retenues de substitution à grand renfort d'argent public. Ces équipements ne satisfont d'ailleurs que 6 % des agriculteurs, soit une portion infime du monde agricole : il est donc parfaitement insultant de prétendre qu'il n'existe pas d'agriculture sans irrigation quand 94 % des agriculteurs n'ont pas accès à l'eau !
Nous considérons, au contraire, que nous devons partager l'eau dans l'intérêt de tous les agriculteurs. C'est pourquoi nous avons aussi proposé une rédaction globale de l'article tenant compte de cette problématique.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous allons passer au vote.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je tiens à préciser que nous proposons de retenir pour cet article la rédaction du Sénat, mais que celle-ci est exactement celle de l'article adopté par l'Assemblée nationale, à une date près.
M. Benoît Biteau, député. - Ne refusez pas la parole aux députés qui la demandent ! Mme Thomin a demandé à intervenir.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Il me semble que vous l'avez suffisamment eue. Vous répétez toujours les mêmes choses.
Mme Mélanie Thomin, députée. - En tant que représentante du Finistère, il me semblerait intéressant d'intervenir sur cet article, car les demandes de modernisation et d'extension des bâtiments d'élevage suscitent systématiquement des recours dans mon territoire.
L'article 15 génère de l'incompréhension chez un certain nombre de députés dans la mesure où il est à la fois question d'aménagement des plans d'eau soumis à la réglementation Iota et des bâtiments d'élevage soumis au régime des ICPE, alors qu'il s'agit de deux sujets distincts dans les terres d'élevage et que l'on demande pourtant au juge de se prononcer sur ces deux enjeux.
Concernant les autorisations environnementales, il convient de rappeler qu'aucun bilan des recours n'a été établi en matière de modernisation et d'extension des bâtiments d'élevage. De plus, nous ne disposons d'aucune stratégie pour des filières aussi majeures que l'élevage porcin : dans ce contexte, les réflexions du Conseil d'État sont salutaires...
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Vous vous êtes suffisamment exprimée. Pour une suppléante, vous parlez énormément et quasiment plus que les titulaires.
La proposition de rédaction de M. Benoît Biteau n'est pas adoptée, non plus que les propositions de suppression de l'article présentées par MM. Dominique Potier, Benoît Biteau et Mélanie Thomin. la proposition de rédaction de MM. Dominique Potier et Benoît Biteau et que la proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin.
L'article 15 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Les propositions de rédaction restantes deviennent sans objet.
Article 15 bis (nouveau)
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée.
L'article 15 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Une proposition de rédaction visant à supprimer l'article a été déposée par M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin.
M. Dominique Potier, député. - L'article prévoit, pour les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et les ouvrages de stockage d'électricité une étude d'impact comprenant un repérage des établissements d'élevage. Or le code de l'environnement dispose déjà qu'il est attendu, dans l'étude d'impact, une description des incidences notables que le projet considéré est susceptible d'avoir sur l'environnement, terme qui inclut bien sûr l'exploitation agricole qui pourrait être affectée par le projet. L'étude d'impact doit notamment comporter une description de l'émission des polluants, du bruit, de la vibration, de la chaleur, de la radiation et des risques pour la santé humaine.
En résumé, vous avez créé un article totalement superfétatoire, ou qui vise à opposer l'élevage au développement des projets d'énergies renouvelables. Le rapporteur pourrait s'expliquer sur les raisons ayant conduit à surprotéger ainsi le monde agricole, qui nous conduisent à demander la suppression de cet article. Nous avons aussi une proposition de rédaction globale.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - De nombreux agriculteurs ont des difficultés avec les antennes-relais ou avec les éoliennes. Cet article vise à s'assurer de la réalisation d'une étude d'impact en amont, afin de s'assurer de l'absence de répercussions pour les agriculteurs. Actuellement, l'agriculteur qui subit les conséquences de l'installation d'une antenne doit remonter au créneau et les opérateurs se défaussent de toute responsabilité.
Il s'agit donc de protéger les agriculteurs : si vous y êtes opposé, il faudra vous en expliquer publiquement.
M. Dominique Potier, député. - La CMP n'a pas vocation à être un lieu où des menaces sont proférées.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - La communication autour des positions des uns et des autres n'est pas une menace.
Les propositions de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin ne sont pas adoptées.
L'article 15 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 15 quater (nouveau)
L'article 15 quater est supprimé.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous allons voter sur la rédaction globale de cet article.
M. Benoît Biteau, député. - J'avais des remarques !
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 17
M. Dominique Potier. - Nous ne découvrons le tableau qu'aujourd'hui et avons préparé plusieurs propositions de rédaction. Merci de nous laisser quelques instants pour les retrouver, car nous avons travaillé dans des conditions très difficiles cet après-midi. Votre volonté de hâter les travaux me contrarie et tranche avec le fonctionnement qui avait prévalu jusqu'à présent.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Les propositions de rédaction visant à supprimer des articles ont été examinées puis votées, tout comme les propositions de rédaction globale distinctes de celles des rapporteurs. En revanche, les propositions qui visent à modifier une partie de la rédaction globale ne sont pas examinées : nous avons procédé ainsi depuis le début et ne modifierons pas notre méthode en cours de route.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Je rappelle que nous découvrons une partie des modifications, certains d'entre nous ayant quitté une audition importante de trois ministres trois quarts d'heure avant le début de cette réunion. J'ai moi-même quitté l'audition alors qu'elle n'était pas achevée et je souhaiterais que les députés soient au minimum respectés, en consacrant au moins un peu de temps de présentation, sur chaque article, aux modifications que les rapporteurs proposent d'apporter au texte adopté par l'Assemblée nationale ou le Sénat.
Nous avons accepté beaucoup de concessions pour tenir, dans des délais extrêmement courts, cette réunion avant le salon de l'agriculture ; ayez donc un peu de respect pour notre travail et tâchons d'examiner les changements de manière appropriée.
M. Dominique Potier, député. - Je viens de retrouver la proposition de rédaction correspondante à l'article 15 ter.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous en sommes à l'article 17 !
M. Benoît Biteau, député. - Ce n'est pas respectueux de notre travail. Les sénateurs n'ont pas été les seuls à travailler sur ce texte !
M. Dominique Potier, député. - C'est regrettable, car nous étions parvenus à une rédaction de compromis sur l'article 15 ter.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Vous avez déposé, avec M. Biteau, une proposition de rédaction visant à supprimer l'article 17.
M. Dominique Potier, député. - Cette proposition de rédaction vise à demander au Gouvernement en quoi il est nécessaire de dévitaliser le principe de non-régression défini par le code de l'environnement en ce qui concerne les chiens de protection des troupeaux.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les chiens de protection faisaient l'objet du I de l'article 16. Afin de valoriser la laine, il est nécessaire d'adapter la nomenclature ICPE, ce que fait le I de l'article 17. Je suis donc défavorable à la suppression de cet article.
La proposition de rédaction présentée par M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier n'est pas adoptée, non plus que celle de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin.
L'article 17 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 17 bis (nouveau)
L'article 17 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 18
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Merci de nous expliquer les changements apportés au texte.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Nous avons supprimé certains mots par souci de cohérence avec la suppression de l'article 18 bis.
Mme Mélanie Thomin, députée. - M. Potier et moi-même portons une proposition de rédaction de l'article 18 visant à assurer, sur l'ensemble du territoire, une véritable planification en matière de gestion de l'eau.
Dans un chapitre de son rapport public annuel de 2023, portant sur la gestion de l'eau, la Cour des comptes souligne que la carte de France des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) reste très incomplète, puisqu'elle ne couvrait en 2021 que 54,3 % du territoire.
Cette inégalité de couverture entre les bassins ne se justifie pas par des différences objectives de situation. Dans le bassin de l'Adour par exemple, le sous-bassin versant du Lot aval, pourtant situé en zone de répartition des eaux (ZRE), ne fait pas l'objet d'un Sage.
Qu'elle soit définie dans les Sage ou les outils contractuels, la politique de l'eau doit s'inscrire localement dans un projet préalablement concerté entre toutes les parties prenantes, porté par les collectivités territoriales et s'appuyant surtout sur des études scientifiques actualisées.
Nous portons la conviction suivante : afin d'éviter tout conflit d'usage au sujet de l'eau, l'État, les porteurs de projets et l'ensemble des collectivités concernées doivent s'appuyer sur la démocratie locale, la science et la cohérence au travers de documents de planification qui permettent d'appréhender l'ensemble des enjeux, de mettre en place des actions d'économies de la ressource en eau et de garantir ainsi à l'ensemble de la population l'accès à l'eau.
M. Dominique Potier, député. - M. Biteau et moi-même portons une autre proposition de rédaction.
M. Julien Dive, député. - J'ai entendu la colère froide de Mme Trouvé, mais il est également temps de mettre un terme à l'obstruction. Les interventions à rallonge pour soutenir des propositions de rédaction qui n'ont aucune chance d'être adoptées sont inutiles.
La proposition commune de rédaction présentée par Mme Mélanie Thomin et M. Dominique Potier n'est pas adoptée, non plus que la proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 18 bis (nouveau)
L'article 18 bis est supprimé.
Article 19
L'article 19 est adopté dans la rédaction du Sénat.
En conséquence, la proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin devient sans objet.
Article 19 bis A (nouveau)
L'article 19 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Une proposition de rédaction visant à supprimer cet article a été déposée par MM. Dominique Potier et Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau, député. - Nous souhaitons en effet supprimer cet article, qui renforce les prérogatives de Chambres d'agriculture France et qui va à l'encontre du respect de la démocratie agricole et de l'adaptation territoriale des missions des chambres.
La proposition de rédaction de M. Benoît Biteau et M. Dominique Potier n'est pas adoptée.
L'article 19 bis B est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 20
L'article 20 est supprimé.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Une proposition de rédaction de Mme Mélanie Thomin et de M. Dominique Potier vise à introduire un article additionnel demandant un rapport relatif à la régulation de l'accès au foncier agricole.
M. Dominique Potier, député. - La question du foncier n'est absolument pas abordée et il faudra rouvrir ce dossier compte tenu du fait que le renouvellement des générations n'est pas assuré : la moitié des agriculteurs seront partis à la retraite d'ici à 2030 et pendant que nous ferraillons autour des bassines et des haies, 10 millions d'hectares s'apprêtent à changer de main. Là réside le véritable enjeu, car ces transferts d'hectares pourraient appuyer les phénomènes d'agrandissement et de « céréalisation », menaçant ainsi la polyculture-élevage.
Nous pourrions au contraire réfléchir aux manières de produire autrement et de remplir un contrat à la fois social, économique et écologique. Loin d'être un gadget, cette demande de rapport traduit le regret de constater que le foncier n'a pas été au coeur des débats.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je partage ce regret et vous remercie pour cette proposition, qui est néanmoins en dehors du champ du texte.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - La proposition suivante, également à l'initiative de Mme Mélanie Thomin et de M. Dominique Potier, vise aussi à introduire un article additionnel demandant un rapport.
M. Dominique Potier, député. - De la même manière, cette proposition vise à alerter sur la situation des Gaec, qui doit être préservée. Il s'agit plus précisément de demander un rapport visant à étudier l'allongement de la dispense lorsque l'un des membres d'un Gaec est dans l'incapacité de travailler en raison de son état de santé.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Sous réserve de l'accord de nos collègues du Sénat, j'y suis favorable.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin est adoptée.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Une autre proposition de rédaction de Mme Mélanie Thomin et de M. Dominique Potier tend à introduire un article additionnel demandant au Gouvernement de présenter au Parlement un état des lieux de la trajectoire et des objectifs définis à l'article 8 du présent projet de loi.
M. Dominique Potier, député. - Il s'agit ici de l'objectif de maintenir 400 000 exploitations agricoles, objectif qui paraît difficile à atteindre compte tenu de la diminution du cheptel et du phénomène d'accaparement qui sont à l'oeuvre. Cette évaluation me semble bien plus importante, monsieur Duplomb, que l'usine à gaz créée à l'article 1er afin d'évaluer notre degré de souveraineté alimentaire.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Vous avez déjà avancé cet argument à l'Assemblée nationale, mais cette demande est satisfaite par la mise en place de France services agriculture.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et Mme Mélanie Thomin est retirée.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - La proposition de rédaction suivante de Mme Mélanie Thomin et de M. Dominique Potier prévoit d'introduire un article additionnel demandant un rapport portant sur le nombre d'installations en agriculture biologique nécessaires pour atteindre les objectifs fixés en termes de SAU par ce type de production.
M. Dominique Potier, député. - Une fois encore, nous regrettons que ce projet de loi ne s'empare pas des véritables enjeux. La décence la plus élémentaire consisterait à en modifier le titre en « projet de loi de dérégulation environnementale permettant d'amuser le peuple paysan pour la popularité de M. Duplomb », ce qui aurait été plus adapté tant ce texte ne changera rien au désastre que connaît actuellement l'agriculture.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Merci de vous préoccuper de ma popularité !
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je suis défavorable à cette proposition de rédaction.
La proposition de rédaction de M. Dominique Potier et de Mme Mélanie Thomin n'est pas adoptée.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - La proposition de rédaction suivante vise à introduire un article additionnel demandant un rapport relatif aux bâtiments d'élevage relevant de la nomenclature ICPE.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je m'en remets à la sagesse de la commission mixte paritaire.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Défavorable.
La proposition de rédaction n'est pas adoptée.
Article 20 bis (nouveau)
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. -Je suis surprise que cet article ait été introduit au Sénat alors qu'indépendamment du fond, cet ajout pourrait être considéré comme contraire à l'article 45 de la Constitution : il n'entretient pas de lien direct ou indirect avec le reste du texte du projet de loi, qui ne comportait pas de dispositions fiscales. Je souhaiterais donc connaître la raison de l'introduction de ce nouvel article.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Il a été introduit à la suite d'un amendement du Gouvernement !
M. Jean-Claude Tissot, sénateur. - J'ai posé la question au Sénat, on m'a éconduit poliment.
Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Je rappelle tout de même que le Gouvernement est soumis, lui aussi, à l'article 45 de la Constitution...
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - En réalité, cette exonération avait été décidée par un gouvernement précédent et devait s'appliquer aux revenus des années 2024 à 2027. Or lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, l'année 2024 a été malencontreusement oubliée, et le Gouvernement a souhaité corriger cette erreur. Nous avons accepté qu'un article supplémentaire soit introduit dans le texte à cette fin.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - J'étais présent quand M. Le Maire a annoncé la création de cet avantage fiscal pour 2024 ; en effet, il s'agit ici de graver dans le marbre une mesure qui aurait eu sa place dans le projet de loi de finances.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat. - Par ailleurs, il est inexact de soutenir que cette disposition n'entretient pas de rapport avec le texte, car elle vise à empêcher l'augmentation rapide de la décapitalisation du cheptel français, en lien avec l'article 1er du projet de loi, sur la souveraineté alimentaire. Le problème est simple : le prix d'une vache est plus élevé aujourd'hui qu'hier, mais la somme correspondante n'est réalisée que lors de la vente éventuelle de l'animal, alors que le capital augmente mécaniquement. Or l'impôt est dû sur le capital avant réalisation. Le principe de cette mesure d'exonération est de permettre l'étalement des paiements pour éviter une décapitalisation contrainte.
L'article 20 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 21
L'article 21 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 22
L'article 22 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 23 (supprimé)
L'article 23 est supprimé.
Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous examinons maintenant une proposition de M. Biteau et M. Potier visant à rétablir la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. Benoit Biteau, député. - Nous proposons de rétablir cet article dans la version adoptée à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'étudier les modalités de contrôle systématique de l'entrée des miels étrangers sur le territoire national, afin de sauver la filière apicole française, fleuron de notre agriculture. Je suis surpris que cet article ait été supprimé par le Sénat ; il me semblait que sur les miels et les abeilles, une convergence aurait pu se dessiner.
Mme Manon Meunier, députée. - Je ne comprends pas non plus la suppression de cet article. La filière miel a des coûts de production de l'ordre de 12 euros le kilogramme alors qu'elle subit des entrées de produits étrangers à des prix déloyaux qui ne font pas l'objet de contrôles et qui fixent les prix des produits distribués en grandes surfaces. Or ces prix ne permettent pas aux agriculteurs de vivre.
M. Pascal Lecamp, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le sujet est certes important, mais il a sa place dans un projet de loi de finances.
L'article 24 est supprimé.
L'intitulé du projet de loi est adopté dans la rédaction du Sénat.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
La réunion est close à minuit.
TABLEAU COMPARATIF
Le tableau est consultable ici.