Transmis au Sénat le 29 mai 2024 après son adoption en 1re lecture par l'Assemblée nationale, l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, a été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale annoncée le 9 juin puis par l'adoption de la motion de censure à l'encontre du Gouvernement le 4 décembre.

Examiné en commission des affaires économiques le 21 janvier 2025, puis en séance publique à compter du mardi 4 février après-midi, le projet de loi d'orientation a été adopté par le Sénat le mardi 18 février 2025 après-midi (le résultat du scrutin).

Une commission mixte paritaire (CMP) a élaboré un texte de compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat dans la soirée du mardi 18 février.

Jeudi 20 février 2025, lors de son examen en séance publique, le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (le résultat du scrutin public)

L’Assemblée nationale ayant également adopté ces conclusions le mercredi 19 février, le texte est considéré comme définitivement adopté.

La loi devrait être promulguée dans un délai maximum de 15 jours par le Président de la République, sauf si le Conseil constitutionnel est saisi sur ce texte.

Pourquoi ce texte ?

Le projet de loi d'orientation agricole visait initialement à traiter la problématique du renouvellement des générations en agriculture, à l'heure où environ 1 agriculteur sur 2 aura atteint l'âge de la retraite d'ici à 2030. Dans la suite des manifestations agricoles de début 2024, le projet a été enrichi d'un volet relatif à la reconnaissance de la place particulière de l'agriculture dans notre droit, inspiré des travaux du Sénat, de même qu'à la simplification en matière de normes environnementales.

Composé de 19 articles au stade du dépôt, et de 45 à sa sortie de l'Assemblée nationale, ce texte vise notamment à :

  • Reconnaitre le caractère d'intérêt général majeur de l'agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, en tant que levier de la souveraineté alimentaire de la Nation ;
  • Fixer des objectifs ambitieux en matière de hausse du nombre d'élèves de l'enseignement agricole, notamment par une meilleure visibilité et attractivité de ses filières ;
  • Renforcer la pertinence et la lisibilité du parcours d'installation et de transmission des exploitations agricoles, par la mise en place d'un guichet unique et d'un diagnostic modulaire des exploitations ;
  • Simplifier plusieurs normes environnementales pour faciliter l'activité, au quotidien, des agriculteurs

Les apports du Sénat

Au cours de l'examen, le Sénat a enrichi le texte de 133 amendements en commission, puis de 194 amendements en séance, pour dessiner un cap pour l'agriculture française fondé sur une triple ambition :

- consacrer les principes de souveraineté alimentaire et de non-régression de cette souveraineté, et mieux prendre en compte les nécessités agricoles dans les décisions publiques, en lien avec la Proposition de loi « contraintes agricoles » 

- créer les conditions d'installations viables dans le temps (guichet unique France services agriculture, diagnostic modulaire des projets agricoles avec stress test climatique)

- passer des réflexes de (sur)administration et de sanction à une dynamique d'information et d'incitations  (dépénalisation de certaines infractions environnementales non intentionnelles ou résultant d'un conflit de normes, cartographie des règlementations applicables aux haies,...)

Les apports suivants du Sénat ont été retenus dans le texte issu de la CMP :

clarifier les priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire, affirmer que la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche constituent un intérêt fondamental de la Nation en tant qu'éléments essentiels de son potentiel économique et poser un principe de non-régression de la souveraineté alimentaire de la Nation ;

- miser sur le levier de l'information du consommateur, notamment sur l'origine des produits, pour stimuler l'approvisionnement local ;

- orienter les dispositions relatives à l'enseignement agricole vers des savoirs techniques et des compétences entrepreneuriales, pour former les exploitants de demain, capables d'opérer des choix difficiles dans un environnement économique et climatique de plus en plus incertain ;

- soutenir le principe de création d'un Bachelor Agro attractif ayant un objectif d'insertion professionnelle dans les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire, et orienté vers les compétences de demain nécessaires à la conduite d'exploitations agricoles compétitives et résilientes ;

- créer un volontariat agricole, outil supplémentaire du service de la promotion du lien entre agriculture et société, qui permettra d'attirer notamment des publics non issus du milieu agricole ;

- élargir l'accueil du guichet unique de l'installation et de la transmission « France services agriculture » aux simples "porteurs d'idée", notamment non issus du milieu agricole, mais rendre entièrement facultatif le passage par ce guichet unique tout en prévoyant une relance annuelle dès cinq ans avant l'âge de la retraite pour inciter les cédants à se déclarer ;

-  donner une tonalité davantage économique au diagnostic modulaire des exploitations pour intéresser davantage les agriculteurs à cette démarche, et rendre le stress test climatique obligatoire dès lors qu'un diagnostic est réalisé, afin de favoriser tant la viabilité économique que le caractère vivable des projets agricoles ;

- établir une analyse prospective des évolutions et dynamiques de marché sur un horizon de 10 ans pour présenter aux acteurs de la politique de formation et d’installation et aux filières les contraintes actuelles et à venir sur les aptitudes productives, y compris en termes d'adaptation au changement climatique, et les tendances de consommation ;

dépénaliser certaines infractions environnementales non intentionnelles ou résultant d’un conflit de normes ;

- exclure les constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l’activité agricole du décompte des terres artificialisées pour préserver les conditions de développement de l'activité agricole, qui fait déjà l'objet d'une pression forte pression d'artificialisation, pour éviter une "double peine" pour l'agriculture et ainsi garantir la souveraineté alimentaire de notre pays ;

- instituer, à la charge des aménageurs et non des agriculteurs, des espaces de transition végétalisés non artificialisés entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés, apportant une solution à la question non résolue des interfaces entre agriculture et zones urbaines ;

- établir une cartographie des réglementations applicables aux haies, pour plus de clarté et de sécurité juridique, et reconnaître la possibilité de "travaux d'entretien usuels" échappant par principe à la qualification de "destruction" compte tenu des pratiques usuelles sur le territoire du département, pour une application plus territorialisée des règles, tenant compte notamment de la densité de haies sur ce territoire et de son évolution passée ;

- consacrer une stratégie de gestion durable et de reconquête de la haie, fixer des objectifs de gain de linéaire de haies gérées durablement et de mobilisation de biomasse issue de haies gérées durablement d'ici 2030 et 2050, et créer un cadre de reconnaissance de certifications de gestion durable des haies, sur lequel pourrait s'appuyer un crédit d'impôt incitatif ;

- dans le cadre de la lutte contre prédation du loup sur les troupeaux de bovins, équins et asins, faciliter l'autorisation de tirs de défense sous réserve de démarches engagées par les éleveurs en matière de réduction de vulnérabilité ;

- encourager le développement de l'aquaculture, secteur dans lequel la France est largement tributaire des importations, en inscrivant dans la loi le principe d’une déclaration environnementale unique et en inscrivant dans la loi la reconnaissance des étangs piscicoles et des services écosystémiques qu'ils rendent.

Revoir l'examen en séance publique