EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Sensibilisation
à la lutte contre l'antisémitisme
tout au long du parcours
éducatif
Cet article vise à inscrire la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme parmi les missions de formation des établissements d'enseignement.
À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté trois amendements visant à préciser que les formations dispensées portent également sur la lutte contre les discriminations, les violences et la haine, à étendre l'obligation de formation aux établissements d'enseignement supérieur privés, et à prévoir que les élus étudiants bénéficient d'une formation sur ces thématiques.
I. Le dispositif proposé
• L'article 1er inscrit la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme parmi les missions de formation obligatoirement assurées par différents établissements d'enseignement.
Sont tout d'abord visés l'ensemble des établissements assurant le service public d'enseignement, c'est-à-dire les établissements d'enseignement supérieur, mais aussi les écoles, les collèges et les lycées. Il s'agit ainsi de créer une chaîne de formation tout au long du parcours éducatif, afin que les jeunes adultes qui entrent à l'université aient déjà bénéficié d'une ouverture sur ces questions.
Sont également concernées les formations assurées par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ).
Si des formations sur ces aspects sont d'ores et déjà prévues par plusieurs textes réglementaires, comme l'arrêté du 16 juillet 20212(*) en ce qui concerne les INSPÉ, et enseignées sous la forme de modules dédiés, leur inscription dans la loi permettra de garantir la pérennité de cette obligation.
• Les contenus des enseignements qui seront dispensés sur cette base relèvent des maquettes pédagogiques définies par les ministères et les établissements. Plusieurs observations peuvent être formulées à ce titre.
Les rapporteurs insistent sur la nécessité de diffuser largement la définition opérationnelle de l'antisémitisme fixée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), conformément à la recommandation n° 4 de la mission d'information et à la résolution relative à la lutte contre toutes les formes d'antisémitisme adoptée par le Sénat le 5 octobre 20213(*). À l'heure de la remise en cause radicale des agissements du gouvernement israélien à Gaza, le rappel que l'établissement de comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis est susceptible de constituer un discours antisémite est en particulier bienvenu.
Il semble ensuite que les contenus de sensibilisation et de prévention doivent aujourd'hui faire l'objet d'ajustements pour s'adapter aux nouvelles formes prises par l'expression antisémite, dans le contexte nouveau de la mise en concurrence, voire de l'instrumentalisation du thème du génocide dans le cadre des mobilisations en faveur de la Palestine. Tandis que certains interlocuteurs, notamment le Camp des Milles, ont souligné l'importance de continuer à transmettre la mémoire de la Shoah à travers la visite de lieux de mémoire, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a insisté sur la nécessité de définir des formes de sensibilisation complémentaires. Plusieurs établissements ont également pointé les nouveaux enjeux de déconstruction de la désinformation à laquelle les étudiants sont très exposés, ainsi que l'intérêt de recourir à des formes participatives de sensibilisation, sous la forme notamment de mises en situation en petits groupes.
Les rapporteurs soulignent enfin que ces enseignements peuvent utilement être dispensés en lien avec des acteurs spécialisés sur ces sujets, notamment les associations de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme telles que la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), SOS Racisme ou le Camp des Milles. Le programme CoExist, animé par l'UEJF, SOS Racisme et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) et qui repose sur la déconstruction des préjugés et des stéréotypes, apparaît particulièrement intéressant.
II. Les modifications apportées par la commission
À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté trois amendements à cet article.
Conformément à la position d'équilibre retenue par les auteurs et rapporteurs de la proposition de loi sur l'ensemble du texte, qui consiste à reconnaître une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme au sein du combat déjà organisé contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, elle a tout d'abord précisé que les formations dispensées porteront également sur la lutte contre les discriminations, les violences et la haine ( COM-2).
Elle a ensuite adopté deux amendements visant à étendre le champ d'application de l'obligation de formation et sensibilisation. Elle a ainsi souhaité appliquer aux établissements privés l'obligation de proposer une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine ( COM-3). Elle a également prévu que les élus étudiants bénéficient d'une formation sur ces thématiques ( COM-4).
La commission a par ailleurs adopté un amendement rédactionnel visant à modifier l'intitulé du chapitre Ier de la proposition de loi ( COM-1).
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 2
Prévention, détection et signalement
des
actes antisémites survenant dans l'enseignement supérieur
Cet article prévoit l'installation obligatoire, dans les établissements d'enseignement supérieur, de missions « égalité et diversité » disposant d'un référent dédié à l'antisémitisme et au racisme, ainsi que le déploiement systématique de dispositifs de signalement.
À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté quatre amendements visant à rétablir le pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique pour l'installation des missions « égalité et diversité », à clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les signalements adressés à la cellule ad hoc, à prévoir la qualification et la formation des référents antisémitisme et racisme et des personnes recueillant les signalements, et à préciser que ces différents dispositifs porteront sur la lutte contre les actes d'antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination et de haine.
L'article 2 constitue la traduction de la première recommandation de la mission, qui vise à « rationaliser le cadre législatif et réglementaire des dispositifs de lutte et de signalement, en précisant dans la loi les obligations incombant aux établissements en matière de détection des actes antisémites ».
Ses dispositions visent à généraliser des dispositifs de prévention et de signalement des établissements et à clarifier le cadre de leur fonctionnement.
I. Le dispositif proposé
A. L'installation obligatoire de missions « égalité et diversité » disposant d'un référent dédié à l'antisémitisme et au racisme
• Si, conformément aux récentes instructions ministérielles, de nombreux établissements se sont dotés de missions « égalité et diversité » et de référents compétents pour le traitement des actes antisémites, les obligations définies par la loi portent aujourd'hui uniquement sur la mise en place de missions « égalité entre les hommes et les femmes ».
Il en découle des disparités importantes entre les établissements quant au champ des dispositifs mis en place et à leur degré d'implication dans la prise en charge de la lutte contre les actes d'antisémitisme, de racisme, de haine, de violence et de discrimination.
L'installation de missions
« égalité »
et la désignation de
référents dans les établissements :
des pratiques
hétérogènes sur la base d'obligations textuelles
incomplètes
• Les missions « égalité entre les hommes et les femmes », généralement désignées sous le nom de missions « égalité », ont été rendues obligatoires par la loi Fioraso de 20134(*) dans l'objectif de promouvoir l'égalité entre les sexes via la formalisation d'une stratégie et d'un plan d'action. En application de l'article L. 712-2 du code de l'éducation, leur mise en place relève de la compétence de chaque chef d'établissement, sur proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique.
Une grande hétérogénéité s'est développée au fil des années dans leur organisation, leur périmètre d'intervention et leur gouvernance. La plupart d'entre elles ne se limitent plus à l'égalité femmes-hommes et prennent en charge d'autres thématiques, notamment la lutte contre les VSS et contre le racisme et l'antisémitisme. 63 % des missions « égalité » installées dans les 52 établissements de l'échantillon de l'enquête Remede traitent ainsi des sujets d'antisémitisme et de racisme - ce qui signifie a contrario que plus d'un quart de ces établissements ne disposent pas de structures compétentes à ce titre.
• La structuration de ces missions, qui relève d'une obligation législative dans le cadre d'une politique conduite au niveau national, est plus avancée que celle du réseau des référents racisme et antisémitisme, dont la création a été laissée à l'appréciation des établissements sur le fondement de textes réglementaires uniquement.
Initié dans le cadre du plan interministériel « Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République » de 2015, ce réseau de référents a progressivement émergé ; un courrier du 27 octobre 2023 de la ministre de l'enseignement supérieur, puis une circulaire de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) du 9 octobre 2024 sont récemment venus encourager les chefs d'établissement à développer cette fonction. On dénombre aujourd'hui 222 référents répartis dans les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche.
• L'article vise donc à clarifier les obligations qui s'imposent aux établissements en prévoyant :
- la généralisation des missions « égalité » sous la forme de missions « égalité et diversité », avec un champ d'intervention explicitement étendu à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine ;
- la désignation systématique en leur sein d'un référent dédié à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, qui permettra d'incarner la fonction de lutte contre l'antisémitisme et d'offrir un contact humain favorisant la prise de parole sur ces sujets. Cette rédaction vise à éviter les situations dans lesquelles les référents désignés par les établissements cumulent plusieurs compétences, ce qui nuit à leur visibilité et à l'accomplissement de leurs missions.
• L'organisation ainsi proposée est compatible avec la structuration considérée comme optimale par les référents et la conférence permanente des chargés de mission « égalité et diversité » (CPED) - c'est-à-dire la constitution de véritables services prenant en charge l'ensemble de ces sujets, disposant de référents dédiés sur chaque thématique en même temps que de la possibilité de mutualiser certains dispositifs et expériences acquises, et pilotées par un vice-président assurant son portage au niveau politique.
Au-delà des exigences minimales qu'elle définit, la proposition de loi laisse cependant les établissements libres d'organiser la prise en charge de chacune des autres thématiques ainsi que leur rattachement aux vice-présidences.
• La commission souligne que ces dispositifs ne pourront produire leurs effets qu'à la condition que les responsables d'établissements s'en emparent et s'attachent à les rendre visibles. Elle encourage à ce titre la généralisation du portage de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme au niveau des vice-présidences des établissements.
B. Le déploiement systématique de dispositifs de signalement
• Les missions « égalité et diversité » auront l'obligation de déployer un dispositif de signalement des actes de violence, de racisme, d'antisémitisme et de discrimination garantissant l'anonymat des victimes et témoins, et permettant d'assurer un suivi statistique des éléments recueillis.
Cette disposition est inspirée par les expériences réussies menées par plusieurs établissements, notamment à l'université Paris-Panthéon-Assas - dont la cellule Réagir, qui recueille les signalements sur des serveurs hébergés à l'extérieur de l'établissement afin de garantir leur anonymat, agit comme une plateforme d'orientation vers les procédures et les interlocuteurs adéquats (dépôt de plainte, saisine du procureur, saisine de la section disciplinaire, accompagnement psychologique).
• Une obligation de signalement des actes antisémites auprès du référent est par ailleurs créée pour les personnels, tandis que l'obligation pour le président d'établissement de signaler les actes de racisme ou d'antisémitisme au procureur de la République est inscrite dans le code de l'éducation.
• Les rapporteurs soulignent que le fonctionnement de ces dispositifs de signalement devra être articulé avec le système de remontée d'informations du ministère, qui passe par la cellule ministérielle de veille et d'alerte (CMVA) sous l'autorité du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (FDS).
La Dgesip indique à ce titre qu'une plateforme similaire à celle qui permet de recenser les faits « établissement » dans l'enseignement primaire et secondaire permettra prochainement de collecter l'intégralité des signalements remontés par les établissements, mais aussi de suivre au long cours le traitement qui leur est réservé, sur le modèle de la plateforme Dialogue pour les VSS. Il semble ainsi que l'intégration des signalements de faits d'antisémitisme et de racisme à la plateforme Dialogue, qui avait été annoncée à la commission par la ministre Sylvie Retailleau le 29 mai 2024, ne soit plus d'actualité.
II. Les modifications apportées par la commission
À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté quatre amendements à cet article.
En ce qui concerne l'installation des missions « égalité et diversité », elle a tout d'abord rétabli le pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique, aujourd'hui prévu pour la mise en place des missions « égalité entre les hommes et les femmes » auxquelles elles se substituent ( COM-5).
Afin de clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les signalements adressés à la cellule ad hoc, elle a également, par un amendement COM-6 :
- précisé que les signalements recueillis sont transmis au président d'établissement, ce qui permettra de lier le recueil des signalements et le déclenchement d'une éventuelle procédure de sanction. Cette solution permettra par ailleurs de créer un canal unique de saisine du procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale (CPP). En raison de sa redondance avec cette disposition, la commission a par ailleurs supprimé l'inscription dans le code de l'éducation de l'obligation faite aux présidents d'université de signaler au procureur de la République tout acte d'antisémitisme ou de racisme ;
- prévu que les signalements des personnels doivent être adressés au dispositif ad hoc et non au référent, dans la même logique de création d'un canal unique de remontée d'informations. Le passage par le référent pourrait par ailleurs avoir des effets ambigus quant à sa responsabilité au regard de l'article 40 du CPP.
Elle a précisé que les référents antisémitisme et racisme devront être qualifiés, et donc formés, pour l'exercice de ces missions ( COM-8). Il s'agit ainsi de garantir que les méthodes de prévention déployées seront efficaces et la prise en charge des victimes adéquate. Il s'agit également de protéger les référents eux-mêmes, qui peuvent se trouver très exposés sur ces thématiques sensibles.
Dans la même logique, l'amendement COM-6 prévoit également la qualification des personnes assurant le recueil des signalements, selon une formulation laissant la possibilité aux établissements de confier cette mission à des personnels spécifiquement formés ou à des acteurs extérieurs disposant d'une expertise de ces sujets.
La commission a enfin adopté un amendement de cohérence rédactionnelle avec la position définie par les rapporteurs sur le champ dans lequel s'inscrit la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur ( COM-7).
Les rapporteurs ont par ailleurs indiqué leur volonté de poursuivre le débat en séance sur le financement de ces dispositifs renforcés, qui pourrait passer par l'allocation aux missions « égalité et diversité » d'une fraction de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC).
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article 3
Adaptation de la procédure disciplinaire à la
poursuite des faits d'antisémitisme, de racisme, de violence et de
discrimination
Cet article complète la liste des motifs permettant de déclencher la procédure disciplinaire en y ajoutant les faits d'antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination, prévoit la prise en compte des victimes et précise les pouvoirs d'investigation des présidents d'établissement.
À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté deux amendements. Le premier substitue la notion d'information des victimes à celle de leur association à la procédure et prévoit la formation des membres des sections disciplinaires aux nouveaux champs traités dans le cadre disciplinaire. Le second supprime la disposition selon laquelle les présidents d'établissements disposent d'un pouvoir d'accès aux données de communication électronique des usagers faisant l'objet d'une procédure disciplinaire.
L'article 3 constitue la traduction de la recommandation n° 10 de la mission d'information, qui vise à « adapter le régime de la procédure disciplinaire à la sanction des actes racistes et antisémites, en complétant la liste des faits permettant de la déclencher et en renforçant les pouvoirs d'investigation des établissements ».
I. Le dispositif proposé
La procédure disciplinaire des établissements d'enseignement supérieur, telle qu'elle est aujourd'hui définie dans la partie réglementaire du code de l'éducation (articles R. 811-10 et suivants), est centrée sur les cas de fraude académique, auxquels s'ajoute « tout fait de nature à porter atteinte à l'ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l'université ».
Cette formulation est appréciée de manière diverse par les présidents d'université : certains d'entre eux estiment qu'elle leur permet d'engager une procédure en cas d'agissements antisémites, tandis que d'autres considèrent qu'il s'agit d'une base trop floue.
Cet article vise en conséquence à ajouter explicitement les actes d'antisémitisme et de racisme, de violence et de discrimination aux motifs permettant d'engager une procédure disciplinaire.
Il pose par ailleurs le principe de la prise en compte des victimes de tels agissements dans le cadre de la procédure, en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les actions à mettre en oeuvre.
Le cadre réglementaire et jurisprudentiel
en vigueur
fait une place limitée aux victimes dans la
procédure disciplinaire
Plusieurs dispositions de la partie réglementaire du code de l'éducation prévoient aujourd'hui la possibilité pour les victimes d'enclencher la procédure disciplinaire des usagers ou d'être associées à son déroulement. L'article R. 811-25 prévoit ainsi que les poursuites peuvent être engagées par le recteur de région académique « à son initiative ou sur saisine de toute personne s'estimant lésée par des faits imputés à l'usager ». La victime peut également être entendue lors de l'instruction (article R. 811-29) ou, à sa demande, lors de la séance de la commission (article R. 811-33).
Leur rôle est cependant limité à ces situations. Le juge administratif a en effet décidé qu'un tiers n'a pas intérêt pour agir contre le refus de prononcer une sanction disciplinaire (CE, 10 juillet 1995, n° 141 654), ni contre la sanction infligée à un fonctionnaire (CE, 17 mai 2006, Bellanger, n° 268 938). Il ne reconnaît pas davantage la possibilité pour la victime de rechercher la responsabilité de l'administration en raison de l'absence ou de l'insuffisance de la sanction disciplinaire (CE, 2 juillet 2010, n° 322 521).
Il renvoie enfin à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les pouvoirs d'investigation dont disposent les présidents d'université pour l'établissement des faits susceptibles d'être portés à la connaissance de la section disciplinaire, notamment en matière d'accès aux données de communication électronique des personnes mises en cause. L'intention des auteurs de la proposition de loi est ici principalement de donner des outils aux présidents pour identifier les auteurs de discours antisémites en ligne, notamment sur des groupes de conversation entre étudiants, en les autorisant à rapprocher les numéros de téléphone recueillis de ceux figurant sur leurs listes administratives.
II. Les modifications apportées par la commission
À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté deux amendements à cet article.
• Elle a tout d'abord substitué la notion d'information des victimes à celle de leur association à la procédure ( COM-9), en visant les personnes s'estimant lésées par les faits en cause et s'étant fait connaître. Cette précision permet de répondre aux préoccupations exprimées lors des auditions sans transformer radicalement la nature de la procédure disciplinaire, qui se distingue de la procédure judiciaire et a pour fonction de sanctionner les auteurs d'infractions sans apporter de réparation aux victimes.
Cet amendement a également prévu la formation des membres des sections disciplinaires des usagers et des enseignants-chercheurs aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences et les discriminations. Comme celle retenue pour les motifs de déclenchement d'une procédure, cette rédaction ne vise pas la haine, dans la mesure où cette notion est inopérante dans le cadre disciplinaire.
• Elle a également supprimé la disposition selon laquelle les présidents d'établissement disposent d'un pouvoir d'accès aux données de communication électronique des usagers faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ( COM-10).
Outre qu'elle apparaît incompatible avec le cadre général de protection des données, sa rédaction ne correspond pas à l'objectif poursuivi par la proposition de loi. Les informations transmises par le ministère de la justice laissent par ailleurs penser que la possibilité pour les présidents d'effectuer des rapprochements entre des informations recueillies par signalement et leur liste administrative existe déjà, sans qu'ils en soient à ce jour parfaitement informés.
Il n'existe par ailleurs pas de consensus parmi les responsables d'établissement sur leur souhait de disposer de compétences d'investigation approfondies, qui entraîneraient une profonde évolution de leur positionnement en même temps que de la nature de la procédure disciplinaire.
Les limites du cadre disciplinaire actuel appellent à une réforme en profondeur
Les auditions des rapporteurs ont mis en lumière les limites du cadre actuel de la procédure disciplinaire, dans lequel les sections rencontrent des difficultés récurrentes de recrutement et de fonctionnement, et qui mériterait d'être profondément rénové.
Le modèle disciplinaire traditionnel, fondé sur un jugement par les pairs de l'établissement sur la base de dossiers d'enquête administrative peu étoffés et comportant principalement des témoignages, se heurte en effet à l'évolution des faits examinés et des pratiques des mis en cause, fréquemment assistés par un avocat. La procédure disciplinaire tend ainsi à se rapprocher du modèle contentieux, sans que ses acteurs ne disposent des outils ni de la formation adéquate. La composition des conseils disciplinaires, dans lesquels siègent des représentants élus parmi les membres du conseil académique, soulève également des questions.
Plusieurs évolutions possibles ont été évoquées au cours des auditions, parmi lesquelles :
- une professionnalisation des sections disciplinaires afin de renforcer leur indépendance, la solidité des procédures et l'adéquation des sanctions prononcées ;
- le recours plus fréquent au dépaysement des procédures portant sur des sujets sensibles tels que les actes antisémites ou encore les VSS, ou encore la constitution de sections disciplinaires interétablissements à l'échelle de la région académique. L'article R. 811-23 prévoit déjà à ce titre, pour la procédure disciplinaire des usagers, que « s'il existe une raison objective de mettre en doute l'impartialité de la section disciplinaire initialement saisie dans son ensemble, ou en cas de risque avéré de trouble à l'ordre public ou au bon fonctionnement de l'établissement, l'examen des poursuites peut être attribué à la section disciplinaire d'un autre établissement ».
La commission a adopté l'article ainsi modifié.
Article
additionnel après l'article 3
Application outre-mer
Par un amendement des rapporteurs ( COM-11), la commission a créé un article additionnel visant à assurer l'application des dispositions de la proposition de loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
La commission a adopté cet article additionnel.
*
* *
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
* 2 Arrêté du 16 juillet 2021 fixant le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d'éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République.
* 3 Cette résolution (701 - 2020-2021) portant sur la lutte contre toutes les formes d'antisémitisme, adoptée par le Sénat le 5 octobre 2021 à l'initiative de MM. Bruno Retailleau, Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues, « [invite] le Gouvernement, dans un travail de pédagogie, à diffuser [la définition opérationnelle de l'antisémitisme de l'IHRA] auprès des services éducatifs, répressifs et judiciaires ».
* 4 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.