II. L'AMBITION DE LA PROPOSITION DE LOI : RECONNAÎTRE UNE PLACE SINGULIÈRE À L'ANTISÉMITISME AU SEIN DE LA LUTTE CONTRE LA HAINE, LA VIOLENCE ET LA DISCRIMINATION

L'ambition portée par la proposition de loi s'appuie sur les dispositifs de lutte et de prévention déjà déployés par les établissements, qui portent notamment sur le racisme et les violences sexuelles et sexistes (VSS), et qu'il ne s'agit pas de remettre en cause ou de concurrencer. Ses dispositions s'insèrent par ailleurs dans un cadre législatif excédant le combat contre l'antisémitisme.

Ce point de départ explique la référence faite par plusieurs de ses dispositions, au-delà de l'antisémitisme, à la lutte contre le racisme et d'autres formes de violence, de haine et de discrimination.

Cette rédaction renvoie au débat tenu devant la mission d'information sur la manière dont le combat contre l'antisémitisme devait ou non être intégré dans un cadre plus large. La position équilibrée retenue par les auteurs de la proposition de loi, qui consiste à reconnaître une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme au sein du combat déjà organisé contre d'autres formes de haine, résulte de trois séries de considérations.

À l'heure de la recrudescence des actes visant les étudiants juifs, il importe d'identifier de manière systématique la lutte contre l'antisémitisme et d'accroître sa visibilité, afin de prévenir le risque de sa dilution au sein des différentes actions engagées par les établissements. L'antisémitisme représente par ailleurs une forme singulière d'hostilité identitaire qui n'est pas entièrement réductible au racisme ou aux pratiques discriminatoires, du point de vue de sa construction historique comme de ses contenus - qui empruntent volontiers au complotisme. Il appelle en conséquence une vigilance accrue et des solutions spécifiques.

D'un point de vue pragmatique, la rédaction retenue tient compte de l'existant et des moyens limités des établissements, qui ne leur permettent pas de financer des dispositifs distincts pour chaque type de violence, de haine ou de discrimination. En pratique, la lutte contre l'antisémitisme, lorsqu'elle existe, est presque toujours associée à celle contre le racisme ; il arrive également qu'elle voisine avec la prise en charge des violences sexistes et sexuelles (VSS). Cette structuration correspond par ailleurs à celle des politiques publiques nationales, puisque l'action de la Dilcrah ne se limite pas à l'antisémitisme. Les rapporteurs relèvent en outre que l'inscription de la lutte contre l'antisémitisme au sein des dispositifs préexistants peut permettre de mutualiser et donc de renforcer les moyens, mais aussi de tirer parti des avancées développées sur d'autres champs, notamment la lutte contre les VSS. Le choix d'éviter la multiplication des dispositifs s'inscrit ainsi dans une logique de renforcement de l'efficacité de l'action publique.

Sur le plan des méthodes et de l'efficacité du combat, il semble enfin qu'un traitement isolé de la lutte contre l'antisémitisme puisse se révéler contre-productif. L'allocation de moyens différenciés à ce combat pourrait en effet donner le sentiment délétère d'une hiérarchisation des violences et des haines, qui pourrait en retour déboucher sur le renforcement des comportements de stigmatisation. Les référents entendus par les rapporteurs soulignent par ailleurs l'existence de parentés entre les différentes formes de violence et de haine, et les bons résultats obtenus par les méthodes de prévention reposant sur la mise en évidence de leurs mécaniques communes.

Les trois volets de la proposition de loi sont irrigués par cette recherche d'équilibre entre la préservation de l'existant et la mise en visibilité du combat contre l'antisémitisme.

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