AVANT-PROPOS

La proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur est issue des travaux de la mission d'information1(*) chargée par la commission, à la suite des incidents survenus dans plusieurs établissements après le 7 octobre 2023, de dresser un état des lieux de la diffusion de l'antisémitisme à l'Université et d'évaluer la réponse apportée par les pouvoirs publics.

Adoptées à l'unanimité le 26 juin 2024, les conclusions de cette mission ont pointé l'inquiétante résurgence d'un climat d'antisémitisme à l'Université, dans le contexte des mobilisations étudiantes en faveur de la Palestine. Cet « antisémitisme d'atmosphère » se caractérise par des formes d'expression renouvelées, qui rendent son identification difficile, et son inscription dans une dynamique collective. Face à cette situation, les outils de lutte à la disposition des établissements apparaissent nettement insuffisants.

La commission a en conséquence formulé onze recommandations visant à améliorer la connaissance du phénomène, à déployer des mesures de prévention ciblées et à mieux sanctionner les dérives dans un cadre disciplinaire renforcé. Cette proposition de loi constitue la traduction de celles de ces recommandations qui relèvent du domaine législatif.

Elle comporte trois articles prévoyant une sensibilisation obligatoire à la lutte contre l'antisémitisme tout au long du parcours éducatif (article 1er), une clarification et un renforcement des dispositifs de prévention et de signalement au sein des établissements (article 2), et une évolution de la procédure disciplinaire, aujourd'hui centrée sur la fraude académique, pour l'adapter aux actes de violence, de haine et de discrimination (article 3).

À l'issue de leurs travaux, qui leur ont permis d'effectuer un suivi de la situation auprès des interlocuteurs précédemment consultés, les rapporteurs ont souligné la persistance d'un antisémitisme à bas bruit dans les établissements, en dépit du retour au calme sur la grande majorité des campus. À leur initiative, la commission a adopté onze amendements permettant de préciser et d'améliorer les trois dispositifs proposés.

I. UNE SITUATION TOUJOURS PRÉOCCUPANTE À L'UNIVERSITÉ

A. DEPUIS LE 7 OCTOBRE 2023, UN CLIMAT D'ANTISÉMITISME LARGEMENT SOUS-ÉVALUÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS

La mission d'information a établi que les établissements d'enseignement supérieur n'ont pas été épargnés par la forte augmentation des actes et propos antisémites observée dans l'ensemble de la société française dans le contexte de la réponse militaire israélienne aux attaques terroristes du 7 octobre 2023.

Les mobilisations étudiantes en faveur de la Palestine qui en ont découlé, associées à une remise en cause parfois radicale de la politique du gouvernement israélien, ont notamment donné lieu à des dérapages reposant sur l'assignation d'étudiants juifs à Israël.

67 actes antisémites ont ainsi été recensés par France Universités entre cette date et le 10 avril 2024, soit le double de ceux enregistrés sur toute l'année universitaire 2022-2023. Ces agissements recouvrent des manifestations d'hostilité très diverses allant du tag anonyme à l'agression physique, en passant par la diffusion de messages insultants sur des groupes de conversation en ligne.

Si le nombre de ces actes peut apparaître faible en valeur absolue, le phénomène ne saurait pour autant être considéré comme résiduel. La très probable sous-évaluation du nombre des actes perpétrés a en effet été pointée par la direction interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Le fort décalage entre ces chiffres et les résultats d'une étude réalisée par l'Ifop en septembre 2023, selon laquelle 9 étudiants juifs sur 10 ont déjà été confrontés à un acte antisémite, incite par ailleurs à la prudence.

Plusieurs facteurs contribuent à cette difficulté de mesure : le silence des victimes et des témoins, dont résulte une sous-déclaration commune à l'ensemble des atteintes à caractère raciste et discriminatoire ; les pratiques hétérogènes des équipes dirigeantes, dont certaines choisissent d'agir a minima pour se prémunir de toute polémique ; l'existence d'une zone grise juridique pour le recensement des actes survenant dans des contextes périuniversitaires tels que les soirées étudiantes, les lieux de stage, les réseaux sociaux ou les messageries en ligne ; les difficultés relatives à la qualification juridique de certains actes.

Les présidents d'établissements indiquent ainsi se sentir démunis pour distinguer entre la critique politique du gouvernement israélien, protégée par la liberté d'expression, et les déclarations antisémites, constitutives de délits sanctionnés par le droit pénal. Du fait de l'ambiguïté et du caractère amalgamant du terme, ces difficultés portent notamment sur les prises de position « antisionistes ». Elles portent également sur l'identification des situations de harcèlement et d'ostracisation d'étudiants juifs, qui peuvent prendre la forme de bousculades répétées dans les couloirs, de changements de place dans les salles de cours, de blagues reposant sur des clichés antisémites ou encore de l'isolement de certains étudiants dans la constitution de groupes de travail.

Ces actes sont constitutifs du climat d'antisémitisme mis en évidence par la commission. La forme diffuse de cet antisémitisme d'atmosphère, alimenté par la confusion conceptuelle et juridique qui entoure les nouvelles formes de son expression, le rend particulièrement difficile à repérer et à combattre.

B. DERRIÈRE LE RETOUR AU CALME SUR LES CAMPUS, LE RISQUE DE LA BANALISATION DES DÉRIVES

Afin d'effectuer un suivi de la situation, les rapporteurs ont entendu à nouveau plusieurs des acteurs auditionnés dans le cadre de leurs travaux d'information. Sur la base de ces entretiens, il semble exister un consensus sur le fait que les manifestations d'antisémitisme fortement visibles ont globalement cessé sur les campus, et n'ont pas repris à l'occasion de la date anniversaire des massacres du 7 octobre 2023. Au cours de la période récente, les mobilisations ont ainsi plutôt porté sur le thème de la précarité étudiante.

Ce retour au calme ne signifie cependant pas que les manifestations d'antisémitisme aient totalement disparu des campus. Il semble au contraire qu'un climat d'antisémitisme à bas bruit tende à s'y enraciner sous l'effet d'une certaine banalisation des discours antisémites, qui n'est pas propre à l'Université. Ce climat se traduit notamment par la récurrence d'actes anonymes au quotidien, telles que des inscriptions dans les espaces communs, et par une certaine institutionnalisation des thématiques antisionistes, portées par des listes élues de représentants étudiants.

Ces phénomènes sont tous deux susceptibles de créer une atmosphère pesante pour les étudiants juifs, qui peut les conduire à redouter, voire à éviter la fréquentation des campus.

C. DES ÉTABLISSEMENTS DÉSARMÉS

Face à cette situation, les pouvoirs publics et les responsables d'établissements ont le devoir de garantir à tous les étudiants les conditions du bon déroulement de leurs études dans un climat serein et apaisé. Au terme de leurs auditions de suivi, les rapporteurs font à ce titre le constat d'un engagement renforcé des pouvoirs publics et des établissements.

Cet engagement se traduit notamment par la reprise en main de situations très dégradées, telle que celle qui prévalait à l'Institut d'études politiques de Paris au printemps dernier. Il est également illustré par la diffusion le 4 octobre 2024, à l'approche de la date anniversaire des massacres du 7 octobre, d'une circulaire ministérielle rappelant aux présidents d'établissements leurs obligations en matière de maintien de l'ordre public, de respect du principe de laïcité et d'indépendance du service public de l'enseignement supérieur, et de signalement des infractions dont ils auraient connaissance.

En dépit de ce volontarisme affiché, les fortes lacunes constatées par la mission d'information sur la détection, la prévention et la sanction des actes antisémites sont loin d'être résolues. En l'absence de dispositifs et de procédures de signalement unifiés, la connaissance du phénomène demeure très imparfaite. Sans cadre législatif contraignant, l'hétérogénéité des dispositifs de lutte déployés sur la base du volontariat ne garantit pas la prise en compte des enjeux spécifiques à l'antisémitisme. En matière de sanction, l'administration de la preuve dans le cadre disciplinaire et l'absence de retour persistant des services judiciaires sur les signalements portés à leur connaissance concentrent les difficultés.

Les onze recommandations formulées par la mission d'information, qui visent à améliorer la détection des actes antisémites, à prévenir les dérives et à sanctionner leurs auteurs, restent ainsi d'une urgente actualité. La proposition de loi constitue la traduction de celles d'entre elles qui relèvent du domaine législatif.

La commission souligne qu'une lutte effective contre les manifestations d'antisémitisme à l'Université suppose la mise en oeuvre rapide et complète des autres recommandations de la mission d'information, notamment le financement d'une structure ou d'une équipe de recherche pour améliorer la connaissance du phénomène et la mise en place d'échanges entre les établissements et les procureurs.

II. L'AMBITION DE LA PROPOSITION DE LOI : RECONNAÎTRE UNE PLACE SINGULIÈRE À L'ANTISÉMITISME AU SEIN DE LA LUTTE CONTRE LA HAINE, LA VIOLENCE ET LA DISCRIMINATION

L'ambition portée par la proposition de loi s'appuie sur les dispositifs de lutte et de prévention déjà déployés par les établissements, qui portent notamment sur le racisme et les violences sexuelles et sexistes (VSS), et qu'il ne s'agit pas de remettre en cause ou de concurrencer. Ses dispositions s'insèrent par ailleurs dans un cadre législatif excédant le combat contre l'antisémitisme.

Ce point de départ explique la référence faite par plusieurs de ses dispositions, au-delà de l'antisémitisme, à la lutte contre le racisme et d'autres formes de violence, de haine et de discrimination.

Cette rédaction renvoie au débat tenu devant la mission d'information sur la manière dont le combat contre l'antisémitisme devait ou non être intégré dans un cadre plus large. La position équilibrée retenue par les auteurs de la proposition de loi, qui consiste à reconnaître une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme au sein du combat déjà organisé contre d'autres formes de haine, résulte de trois séries de considérations.

À l'heure de la recrudescence des actes visant les étudiants juifs, il importe d'identifier de manière systématique la lutte contre l'antisémitisme et d'accroître sa visibilité, afin de prévenir le risque de sa dilution au sein des différentes actions engagées par les établissements. L'antisémitisme représente par ailleurs une forme singulière d'hostilité identitaire qui n'est pas entièrement réductible au racisme ou aux pratiques discriminatoires, du point de vue de sa construction historique comme de ses contenus - qui empruntent volontiers au complotisme. Il appelle en conséquence une vigilance accrue et des solutions spécifiques.

D'un point de vue pragmatique, la rédaction retenue tient compte de l'existant et des moyens limités des établissements, qui ne leur permettent pas de financer des dispositifs distincts pour chaque type de violence, de haine ou de discrimination. En pratique, la lutte contre l'antisémitisme, lorsqu'elle existe, est presque toujours associée à celle contre le racisme ; il arrive également qu'elle voisine avec la prise en charge des violences sexistes et sexuelles (VSS). Cette structuration correspond par ailleurs à celle des politiques publiques nationales, puisque l'action de la Dilcrah ne se limite pas à l'antisémitisme. Les rapporteurs relèvent en outre que l'inscription de la lutte contre l'antisémitisme au sein des dispositifs préexistants peut permettre de mutualiser et donc de renforcer les moyens, mais aussi de tirer parti des avancées développées sur d'autres champs, notamment la lutte contre les VSS. Le choix d'éviter la multiplication des dispositifs s'inscrit ainsi dans une logique de renforcement de l'efficacité de l'action publique.

Sur le plan des méthodes et de l'efficacité du combat, il semble enfin qu'un traitement isolé de la lutte contre l'antisémitisme puisse se révéler contre-productif. L'allocation de moyens différenciés à ce combat pourrait en effet donner le sentiment délétère d'une hiérarchisation des violences et des haines, qui pourrait en retour déboucher sur le renforcement des comportements de stigmatisation. Les référents entendus par les rapporteurs soulignent par ailleurs l'existence de parentés entre les différentes formes de violence et de haine, et les bons résultats obtenus par les méthodes de prévention reposant sur la mise en évidence de leurs mécaniques communes.

Les trois volets de la proposition de loi sont irrigués par cette recherche d'équilibre entre la préservation de l'existant et la mise en visibilité du combat contre l'antisémitisme.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme
tout au long du parcours éducatif

Cet article vise à inscrire la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme parmi les missions de formation des établissements d'enseignement.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté trois amendements visant à préciser que les formations dispensées portent également sur la lutte contre les discriminations, les violences et la haine, à étendre l'obligation de formation aux établissements d'enseignement supérieur privés, et à prévoir que les élus étudiants bénéficient d'une formation sur ces thématiques.

I. Le dispositif proposé

• L'article 1er inscrit la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme parmi les missions de formation obligatoirement assurées par différents établissements d'enseignement.

Sont tout d'abord visés l'ensemble des établissements assurant le service public d'enseignement, c'est-à-dire les établissements d'enseignement supérieur, mais aussi les écoles, les collèges et les lycées. Il s'agit ainsi de créer une chaîne de formation tout au long du parcours éducatif, afin que les jeunes adultes qui entrent à l'université aient déjà bénéficié d'une ouverture sur ces questions.

Sont également concernées les formations assurées par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ).

Si des formations sur ces aspects sont d'ores et déjà prévues par plusieurs textes réglementaires, comme l'arrêté du 16 juillet 20212(*) en ce qui concerne les INSPÉ, et enseignées sous la forme de modules dédiés, leur inscription dans la loi permettra de garantir la pérennité de cette obligation.

• Les contenus des enseignements qui seront dispensés sur cette base relèvent des maquettes pédagogiques définies par les ministères et les établissements. Plusieurs observations peuvent être formulées à ce titre.

Les rapporteurs insistent sur la nécessité de diffuser largement la définition opérationnelle de l'antisémitisme fixée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), conformément à la recommandation n° 4 de la mission d'information et à la résolution relative à la lutte contre toutes les formes d'antisémitisme adoptée par le Sénat le 5 octobre 20213(*). À l'heure de la remise en cause radicale des agissements du gouvernement israélien à Gaza, le rappel que l'établissement de comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis est susceptible de constituer un discours antisémite est en particulier bienvenu.

Il semble ensuite que les contenus de sensibilisation et de prévention doivent aujourd'hui faire l'objet d'ajustements pour s'adapter aux nouvelles formes prises par l'expression antisémite, dans le contexte nouveau de la mise en concurrence, voire de l'instrumentalisation du thème du génocide dans le cadre des mobilisations en faveur de la Palestine. Tandis que certains interlocuteurs, notamment le Camp des Milles, ont souligné l'importance de continuer à transmettre la mémoire de la Shoah à travers la visite de lieux de mémoire, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a insisté sur la nécessité de définir des formes de sensibilisation complémentaires. Plusieurs établissements ont également pointé les nouveaux enjeux de déconstruction de la désinformation à laquelle les étudiants sont très exposés, ainsi que l'intérêt de recourir à des formes participatives de sensibilisation, sous la forme notamment de mises en situation en petits groupes.

Les rapporteurs soulignent enfin que ces enseignements peuvent utilement être dispensés en lien avec des acteurs spécialisés sur ces sujets, notamment les associations de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme telles que la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), SOS Racisme ou le Camp des Milles. Le programme CoExist, animé par l'UEJF, SOS Racisme et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) et qui repose sur la déconstruction des préjugés et des stéréotypes, apparaît particulièrement intéressant.

II. Les modifications apportées par la commission

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté trois amendements à cet article.

Conformément à la position d'équilibre retenue par les auteurs et rapporteurs de la proposition de loi sur l'ensemble du texte, qui consiste à reconnaître une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme au sein du combat déjà organisé contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, elle a tout d'abord précisé que les formations dispensées porteront également sur la lutte contre les discriminations, les violences et la haine ( COM-2).

Elle a ensuite adopté deux amendements visant à étendre le champ d'application de l'obligation de formation et sensibilisation. Elle a ainsi souhaité appliquer aux établissements privés l'obligation de proposer une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine ( COM-3). Elle a également prévu que les élus étudiants bénéficient d'une formation sur ces thématiques ( COM-4).

La commission a par ailleurs adopté un amendement rédactionnel visant à modifier l'intitulé du chapitre Ier de la proposition de loi ( COM-1).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2
Prévention, détection et signalement
des actes antisémites survenant dans l'enseignement supérieur

Cet article prévoit l'installation obligatoire, dans les établissements d'enseignement supérieur, de missions « égalité et diversité » disposant d'un référent dédié à l'antisémitisme et au racisme, ainsi que le déploiement systématique de dispositifs de signalement.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté quatre amendements visant à rétablir le pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique pour l'installation des missions « égalité et diversité », à clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les signalements adressés à la cellule ad hoc, à prévoir la qualification et la formation des référents antisémitisme et racisme et des personnes recueillant les signalements, et à préciser que ces différents dispositifs porteront sur la lutte contre les actes d'antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination et de haine.

L'article 2 constitue la traduction de la première recommandation de la mission, qui vise à « rationaliser le cadre législatif et réglementaire des dispositifs de lutte et de signalement, en précisant dans la loi les obligations incombant aux établissements en matière de détection des actes antisémites ».

Ses dispositions visent à généraliser des dispositifs de prévention et de signalement des établissements et à clarifier le cadre de leur fonctionnement.

I. Le dispositif proposé

A. L'installation obligatoire de missions « égalité et diversité » disposant d'un référent dédié à l'antisémitisme et au racisme

• Si, conformément aux récentes instructions ministérielles, de nombreux établissements se sont dotés de missions « égalité et diversité » et de référents compétents pour le traitement des actes antisémites, les obligations définies par la loi portent aujourd'hui uniquement sur la mise en place de missions « égalité entre les hommes et les femmes ».

Il en découle des disparités importantes entre les établissements quant au champ des dispositifs mis en place et à leur degré d'implication dans la prise en charge de la lutte contre les actes d'antisémitisme, de racisme, de haine, de violence et de discrimination.

L'installation de missions « égalité »
et la désignation de référents dans les établissements :
des pratiques hétérogènes sur la base d'obligations textuelles incomplètes

• Les missions « égalité entre les hommes et les femmes », généralement désignées sous le nom de missions « égalité », ont été rendues obligatoires par la loi Fioraso de 20134(*) dans l'objectif de promouvoir l'égalité entre les sexes via la formalisation d'une stratégie et d'un plan d'action. En application de l'article L. 712-2 du code de l'éducation, leur mise en place relève de la compétence de chaque chef d'établissement, sur proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique.

Une grande hétérogénéité s'est développée au fil des années dans leur organisation, leur périmètre d'intervention et leur gouvernance. La plupart d'entre elles ne se limitent plus à l'égalité femmes-hommes et prennent en charge d'autres thématiques, notamment la lutte contre les VSS et contre le racisme et l'antisémitisme. 63 % des missions « égalité » installées dans les 52 établissements de l'échantillon de l'enquête Remede traitent ainsi des sujets d'antisémitisme et de racisme - ce qui signifie a contrario que plus d'un quart de ces établissements ne disposent pas de structures compétentes à ce titre.

• La structuration de ces missions, qui relève d'une obligation législative dans le cadre d'une politique conduite au niveau national, est plus avancée que celle du réseau des référents racisme et antisémitisme, dont la création a été laissée à l'appréciation des établissements sur le fondement de textes réglementaires uniquement.

Initié dans le cadre du plan interministériel « Grande mobilisation de l'école pour les valeurs de la République » de 2015, ce réseau de référents a progressivement émergé ; un courrier du 27 octobre 2023 de la ministre de l'enseignement supérieur, puis une circulaire de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) du 9 octobre 2024 sont récemment venus encourager les chefs d'établissement à développer cette fonction. On dénombre aujourd'hui 222 référents répartis dans les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche.

• L'article vise donc à clarifier les obligations qui s'imposent aux établissements en prévoyant :

- la généralisation des missions « égalité » sous la forme de missions « égalité et diversité », avec un champ d'intervention explicitement étendu à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine ;

- la désignation systématique en leur sein d'un référent dédié à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, qui permettra d'incarner la fonction de lutte contre l'antisémitisme et d'offrir un contact humain favorisant la prise de parole sur ces sujets. Cette rédaction vise à éviter les situations dans lesquelles les référents désignés par les établissements cumulent plusieurs compétences, ce qui nuit à leur visibilité et à l'accomplissement de leurs missions.

• L'organisation ainsi proposée est compatible avec la structuration considérée comme optimale par les référents et la conférence permanente des chargés de mission « égalité et diversité » (CPED) - c'est-à-dire la constitution de véritables services prenant en charge l'ensemble de ces sujets, disposant de référents dédiés sur chaque thématique en même temps que de la possibilité de mutualiser certains dispositifs et expériences acquises, et pilotées par un vice-président assurant son portage au niveau politique.

Au-delà des exigences minimales qu'elle définit, la proposition de loi laisse cependant les établissements libres d'organiser la prise en charge de chacune des autres thématiques ainsi que leur rattachement aux vice-présidences.

• La commission souligne que ces dispositifs ne pourront produire leurs effets qu'à la condition que les responsables d'établissements s'en emparent et s'attachent à les rendre visibles. Elle encourage à ce titre la généralisation du portage de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme au niveau des vice-présidences des établissements.

B. Le déploiement systématique de dispositifs de signalement

• Les missions « égalité et diversité » auront l'obligation de déployer un dispositif de signalement des actes de violence, de racisme, d'antisémitisme et de discrimination garantissant l'anonymat des victimes et témoins, et permettant d'assurer un suivi statistique des éléments recueillis.

Cette disposition est inspirée par les expériences réussies menées par plusieurs établissements, notamment à l'université Paris-Panthéon-Assas - dont la cellule Réagir, qui recueille les signalements sur des serveurs hébergés à l'extérieur de l'établissement afin de garantir leur anonymat, agit comme une plateforme d'orientation vers les procédures et les interlocuteurs adéquats (dépôt de plainte, saisine du procureur, saisine de la section disciplinaire, accompagnement psychologique).

• Une obligation de signalement des actes antisémites auprès du référent est par ailleurs créée pour les personnels, tandis que l'obligation pour le président d'établissement de signaler les actes de racisme ou d'antisémitisme au procureur de la République est inscrite dans le code de l'éducation.

• Les rapporteurs soulignent que le fonctionnement de ces dispositifs de signalement devra être articulé avec le système de remontée d'informations du ministère, qui passe par la cellule ministérielle de veille et d'alerte (CMVA) sous l'autorité du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (FDS).

La Dgesip indique à ce titre qu'une plateforme similaire à celle qui permet de recenser les faits « établissement » dans l'enseignement primaire et secondaire permettra prochainement de collecter l'intégralité des signalements remontés par les établissements, mais aussi de suivre au long cours le traitement qui leur est réservé, sur le modèle de la plateforme Dialogue pour les VSS. Il semble ainsi que l'intégration des signalements de faits d'antisémitisme et de racisme à la plateforme Dialogue, qui avait été annoncée à la commission par la ministre Sylvie Retailleau le 29 mai 2024, ne soit plus d'actualité.

II. Les modifications apportées par la commission

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté quatre amendements à cet article.

En ce qui concerne l'installation des missions « égalité et diversité », elle a tout d'abord rétabli le pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique, aujourd'hui prévu pour la mise en place des missions « égalité entre les hommes et les femmes » auxquelles elles se substituent ( COM-5).

Afin de clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les signalements adressés à la cellule ad hoc, elle a également, par un amendement COM-6 :

- précisé que les signalements recueillis sont transmis au président d'établissement, ce qui permettra de lier le recueil des signalements et le déclenchement d'une éventuelle procédure de sanction. Cette solution permettra par ailleurs de créer un canal unique de saisine du procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale (CPP). En raison de sa redondance avec cette disposition, la commission a par ailleurs supprimé l'inscription dans le code de l'éducation de l'obligation faite aux présidents d'université de signaler au procureur de la République tout acte d'antisémitisme ou de racisme ;

- prévu que les signalements des personnels doivent être adressés au dispositif ad hoc et non au référent, dans la même logique de création d'un canal unique de remontée d'informations. Le passage par le référent pourrait par ailleurs avoir des effets ambigus quant à sa responsabilité au regard de l'article 40 du CPP.

Elle a précisé que les référents antisémitisme et racisme devront être qualifiés, et donc formés, pour l'exercice de ces missions ( COM-8). Il s'agit ainsi de garantir que les méthodes de prévention déployées seront efficaces et la prise en charge des victimes adéquate. Il s'agit également de protéger les référents eux-mêmes, qui peuvent se trouver très exposés sur ces thématiques sensibles.

Dans la même logique, l'amendement COM-6 prévoit également la qualification des personnes assurant le recueil des signalements, selon une formulation laissant la possibilité aux établissements de confier cette mission à des personnels spécifiquement formés ou à des acteurs extérieurs disposant d'une expertise de ces sujets.

La commission a enfin adopté un amendement de cohérence rédactionnelle avec la position définie par les rapporteurs sur le champ dans lequel s'inscrit la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur ( COM-7).

Les rapporteurs ont par ailleurs indiqué leur volonté de poursuivre le débat en séance sur le financement de ces dispositifs renforcés, qui pourrait passer par l'allocation aux missions « égalité et diversité » d'une fraction de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3
Adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d'antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination

Cet article complète la liste des motifs permettant de déclencher la procédure disciplinaire en y ajoutant les faits d'antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination, prévoit la prise en compte des victimes et précise les pouvoirs d'investigation des présidents d'établissement.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté deux amendements. Le premier substitue la notion d'information des victimes à celle de leur association à la procédure et prévoit la formation des membres des sections disciplinaires aux nouveaux champs traités dans le cadre disciplinaire. Le second supprime la disposition selon laquelle les présidents d'établissements disposent d'un pouvoir d'accès aux données de communication électronique des usagers faisant l'objet d'une procédure disciplinaire.

L'article 3 constitue la traduction de la recommandation n° 10 de la mission d'information, qui vise à « adapter le régime de la procédure disciplinaire à la sanction des actes racistes et antisémites, en complétant la liste des faits permettant de la déclencher et en renforçant les pouvoirs d'investigation des établissements ».

I. Le dispositif proposé

La procédure disciplinaire des établissements d'enseignement supérieur, telle qu'elle est aujourd'hui définie dans la partie réglementaire du code de l'éducation (articles R. 811-10 et suivants), est centrée sur les cas de fraude académique, auxquels s'ajoute « tout fait de nature à porter atteinte à l'ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l'université ».

Cette formulation est appréciée de manière diverse par les présidents d'université : certains d'entre eux estiment qu'elle leur permet d'engager une procédure en cas d'agissements antisémites, tandis que d'autres considèrent qu'il s'agit d'une base trop floue.

Cet article vise en conséquence à ajouter explicitement les actes d'antisémitisme et de racisme, de violence et de discrimination aux motifs permettant d'engager une procédure disciplinaire.

Il pose par ailleurs le principe de la prise en compte des victimes de tels agissements dans le cadre de la procédure, en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les actions à mettre en oeuvre.

Le cadre réglementaire et jurisprudentiel en vigueur
fait une place limitée aux victimes dans la procédure disciplinaire

Plusieurs dispositions de la partie réglementaire du code de l'éducation prévoient aujourd'hui la possibilité pour les victimes d'enclencher la procédure disciplinaire des usagers ou d'être associées à son déroulement. L'article R. 811-25 prévoit ainsi que les poursuites peuvent être engagées par le recteur de région académique « à son initiative ou sur saisine de toute personne s'estimant lésée par des faits imputés à l'usager ». La victime peut également être entendue lors de l'instruction (article R. 811-29) ou, à sa demande, lors de la séance de la commission (article R. 811-33).

Leur rôle est cependant limité à ces situations. Le juge administratif a en effet décidé qu'un tiers n'a pas intérêt pour agir contre le refus de prononcer une sanction disciplinaire (CE, 10 juillet 1995, n° 141 654), ni contre la sanction infligée à un fonctionnaire (CE, 17 mai 2006, Bellanger, n° 268 938). Il ne reconnaît pas davantage la possibilité pour la victime de rechercher la responsabilité de l'administration en raison de l'absence ou de l'insuffisance de la sanction disciplinaire (CE, 2 juillet 2010, n° 322 521).

Il renvoie enfin à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les pouvoirs d'investigation dont disposent les présidents d'université pour l'établissement des faits susceptibles d'être portés à la connaissance de la section disciplinaire, notamment en matière d'accès aux données de communication électronique des personnes mises en cause. L'intention des auteurs de la proposition de loi est ici principalement de donner des outils aux présidents pour identifier les auteurs de discours antisémites en ligne, notamment sur des groupes de conversation entre étudiants, en les autorisant à rapprocher les numéros de téléphone recueillis de ceux figurant sur leurs listes administratives.

II. Les modifications apportées par la commission

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté deux amendements à cet article.

• Elle a tout d'abord substitué la notion d'information des victimes à celle de leur association à la procédure ( COM-9), en visant les personnes s'estimant lésées par les faits en cause et s'étant fait connaître. Cette précision permet de répondre aux préoccupations exprimées lors des auditions sans transformer radicalement la nature de la procédure disciplinaire, qui se distingue de la procédure judiciaire et a pour fonction de sanctionner les auteurs d'infractions sans apporter de réparation aux victimes.

Cet amendement a également prévu la formation des membres des sections disciplinaires des usagers et des enseignants-chercheurs aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences et les discriminations. Comme celle retenue pour les motifs de déclenchement d'une procédure, cette rédaction ne vise pas la haine, dans la mesure où cette notion est inopérante dans le cadre disciplinaire.

• Elle a également supprimé la disposition selon laquelle les présidents d'établissement disposent d'un pouvoir d'accès aux données de communication électronique des usagers faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ( COM-10).

Outre qu'elle apparaît incompatible avec le cadre général de protection des données, sa rédaction ne correspond pas à l'objectif poursuivi par la proposition de loi. Les informations transmises par le ministère de la justice laissent par ailleurs penser que la possibilité pour les présidents d'effectuer des rapprochements entre des informations recueillies par signalement et leur liste administrative existe déjà, sans qu'ils en soient à ce jour parfaitement informés.

Il n'existe par ailleurs pas de consensus parmi les responsables d'établissement sur leur souhait de disposer de compétences d'investigation approfondies, qui entraîneraient une profonde évolution de leur positionnement en même temps que de la nature de la procédure disciplinaire.

Les limites du cadre disciplinaire actuel appellent à une réforme en profondeur

Les auditions des rapporteurs ont mis en lumière les limites du cadre actuel de la procédure disciplinaire, dans lequel les sections rencontrent des difficultés récurrentes de recrutement et de fonctionnement, et qui mériterait d'être profondément rénové.

Le modèle disciplinaire traditionnel, fondé sur un jugement par les pairs de l'établissement sur la base de dossiers d'enquête administrative peu étoffés et comportant principalement des témoignages, se heurte en effet à l'évolution des faits examinés et des pratiques des mis en cause, fréquemment assistés par un avocat. La procédure disciplinaire tend ainsi à se rapprocher du modèle contentieux, sans que ses acteurs ne disposent des outils ni de la formation adéquate. La composition des conseils disciplinaires, dans lesquels siègent des représentants élus parmi les membres du conseil académique, soulève également des questions.

Plusieurs évolutions possibles ont été évoquées au cours des auditions, parmi lesquelles :

- une professionnalisation des sections disciplinaires afin de renforcer leur indépendance, la solidité des procédures et l'adéquation des sanctions prononcées ;

- le recours plus fréquent au dépaysement des procédures portant sur des sujets sensibles tels que les actes antisémites ou encore les VSS, ou encore la constitution de sections disciplinaires interétablissements à l'échelle de la région académique. L'article R. 811-23 prévoit déjà à ce titre, pour la procédure disciplinaire des usagers, que « s'il existe une raison objective de mettre en doute l'impartialité de la section disciplinaire initialement saisie dans son ensemble, ou en cas de risque avéré de trouble à l'ordre public ou au bon fonctionnement de l'établissement, l'examen des poursuites peut être attribué à la section disciplinaire d'un autre établissement ».

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3
Application outre-mer

Par un amendement des rapporteurs ( COM-11), la commission a créé un article additionnel visant à assurer l'application des dispositions de la proposition de loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

La commission a adopté cet article additionnel.

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

12 FÉVRIER 2025

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport de nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, qu'ils ont déposée avec plusieurs de leurs collègues et dont nous débattrons en séance publique jeudi prochain dans le cadre de l'espace réservé au groupe Union Centriste (UC).

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur, auteur de la proposition de loi. - Lorsque notre commission a adopté à l'unanimité, le 26 juin dernier, nos conclusions sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, nous vous avions annoncé une proposition de loi permettant de transformer nos recommandations en normes contraignantes. Nous avons tenu parole, et c'est avec une grande satisfaction que nous vous présentons aujourd'hui nos observations et nos améliorations sur ce texte, que nombre d'entre vous ont cosigné.

Par cette proposition de loi, nous entendons apporter une réponse à ce qui a constitué le constat majeur de notre mission d'information, c'est-à-dire la progression inquiétante d'un climat d'antisémitisme à l'Université. Les établissements d'enseignement supérieur n'ont pas été épargnés par la forte augmentation des actes antisémites observée dans l'ensemble de la société française à la suite des attaques terroristes du 7 octobre 2023 et de la réponse militaire israélienne. Un antisémitisme latent était cependant déjà présent sur les campus, comme l'a montré une étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) de septembre 2023, selon laquelle 9 étudiants juifs sur 10 ont déjà subi un acte antisémite.

Il en résulte une situation inacceptable pour de nombreux étudiants juifs : assimilés aux agissements de l'État d'Israël, ils sont confrontés aux dérapages de certaines mobilisations en faveur de la Palestine, mais aussi à un antisémitisme du quotidien passant par des tags, des mises à l'écart, des insultes ou des plaisanteries douteuses.

Ces formes nouvelles de l'expression antisémite sont très difficiles à combattre, ne serait-ce que parce qu'elles sont difficiles à repérer. Outre que les victimes préfèrent souvent garder le silence, les prises de position « antisionistes » posent le défi de la distinction entre la critique politique du gouvernement israélien et le discours ouvertement antisémite ; certains présidents d'établissement ne souhaitent pas s'y risquer.

Face à cette situation, le cadre législatif et réglementaire en vigueur laisse les établissements relativement désarmés. En l'absence de dispositifs unifiés de formation, de signalement et de prévention, faute également d'un cadre disciplinaire adapté et d'une coopération avec les services judiciaires, la réponse apportée au phénomène est très hétérogène d'un établissement à l'autre.

Tel est le constat de départ qui a alimenté la rédaction de notre proposition de loi. Dans le cadre de nos auditions au cours des dernières semaines, nous avons souhaité faire une mise à jour de notre diagnostic, en procédant à des auditions de suivi des interlocuteurs que nous avions rencontrés au printemps.

Nous avons ainsi constaté que, sous l'effet notamment d'un engagement renforcé des pouvoirs publics et des directions d'établissements, les manifestations d'antisémitisme les plus visibles ont globalement cessé sur les campus. Lors de notre audition du nouveau directeur de Sciences Po, nous avons tous pu constater la reprise en main de la situation très dégradée qui régnait au printemps à l'Institut.

Ce retour au calme ne signifie cependant pas que l'antisémitisme ait totalement disparu des établissements. Il semble au contraire que le climat que nous avions identifié tende à s'enraciner sous l'effet d'une certaine banalisation des discours antisémites, qui n'est d'ailleurs pas propre à l'Université. Les recommandations que nous avons formulées en juin dernier restent en conséquence toutes d'actualité ; nous ne pouvons que le déplorer.

M. Bernard Fialaire, rapporteur, auteur de la proposition de loi. - La proposition de loi constitue la traduction de celles de ces recommandations qui relèvent du domaine législatif. Elle comporte trois articles, qui prévoient des obligations en matière de formation et d'organisation de la lutte dans les établissements, et procèdent à une mise en adéquation de la procédure disciplinaire avec le défi que représente la lutte contre la haine et la violence à l'université.

Avant d'en venir au détail de ces mesures, une précision liminaire nous paraît importante. Vous aurez sans doute remarqué que plusieurs dispositions de la proposition de loi font référence, au-delà de l'antisémitisme, à la lutte contre le racisme et d'autres formes de violence, de discrimination et de haine. Nous avons retenu cette rédaction, qui correspond à celle de dispositions du code pénal, au terme d'une réflexion approfondie ; un débat avait d'ailleurs eu lieu devant notre mission d'information sur la manière dont le combat contre l'antisémitisme devait être ou non intégré parmi ces autres luttes.

Notre position, qui me paraît équilibrée, est la suivante : nous souhaitons reconnaître, au sein du combat déjà organisé contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme.

Notre proposition de loi ne prétend pas, en effet, remettre en cause ou concurrencer les actions déjà déployées auprès des étudiants, qui concernent souvent l'antisémitisme en même temps que le racisme ou les violences sexuelles et sexistes (VSS), selon des configurations propres à chaque établissement. Ses dispositions s'insèrent par ailleurs dans un cadre législatif traitant de la lutte contre les discriminations, que nous n'entendons évidemment pas supprimer.

Nous avons ainsi retenu une rédaction permettant à la fois d'identifier clairement la lutte contre l'antisémitisme et de l'inscrire dans le champ des dispositifs déjà présents sur le terrain. L'identification systématique de la lutte contre l'antisémitisme doit, selon nous, permettre de renforcer sa visibilité, de prévenir sa dilution au sein du combat contre la haine, la violence et la discrimination, mais aussi de s'assurer que les méthodes de lutte mises en oeuvre seront adaptées aux enjeux. L'antisémitisme représente en effet une forme singulière d'hostilité identitaire, qui appelle des mesures adaptées et une vigilance accrue.

En termes opérationnels, l'inscription de ces mesures dans ce cadre général n'est d'ailleurs pas dépourvue d'intérêt. D'un point de vue purement pragmatique, elle permet de ne pas remettre en cause l'existant et de tenir compte des moyens limités des établissements. En mutualisant les dispositifs, nous faisons le choix de renforcer l'efficacité de l'action publique et de tirer parti des avancées développées sur d'autres champs - je pense notamment aux moyens de signalement déployés contre les VSS.

D'un point de vue méthodologique enfin, il semble qu'un traitement isolé du combat contre l'antisémitisme, en donnant le sentiment d'une hiérarchisation des violences, puisse s'avérer contre-productif. À l'inverse, les méthodes de prévention reposant sur la mise en évidence des mécaniques communes aux différentes haines, violences et discriminations semblent particulièrement efficaces.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous proposerons plusieurs amendements visant à unifier cette rédaction d'équilibre dans tous les articles du texte.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - J'en viens aux dispositions de l'article 1er, qui inscrit la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme parmi les missions de formation des établissements du service public d'enseignement supérieur, des écoles, des collèges, des lycées ainsi que des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) ; nous vous proposerons tout à l'heure de l'étendre aux établissements privés du supérieur. Il s'agit ainsi de créer une chaîne de formation tout au long du parcours éducatif, afin que les jeunes adultes qui entrent à l'université aient déjà été sensibilisés à ces questions.

Nous n'ignorons pas, bien entendu, que les maquettes de formation élaborées par les ministères intègrent déjà des enseignements sur ces thématiques. En les inscrivant dans la loi, nous souhaitons cependant assurer leur pérennité et affirmer le principe d'une formation spécifique à la lutte contre l'antisémitisme.

Du point de vue de ses contenus, trois éléments nous paraissent importants : la nécessité de s'appuyer sur la définition opérationnelle de l'antisémitisme fixée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (Ihra) tout d'abord ; l'adaptation des contenus de prévention aux nouvelles formes de l'expression antisémite ensuite, dans le contexte nouveau de la mise en concurrence, voire de l'instrumentalisation du thème du génocide ; l'utilité de faire intervenir des acteurs spécialisés, notamment les associations de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Le programme CoExist, animé par l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), SOS Racisme et la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), nous est apparu particulièrement intéressant.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'article 2 porte sur les dispositifs de lutte et de signalement des établissements, dont il vise à rationaliser le fondement législatif.

En l'état actuel, les obligations prévues par la loi portent uniquement sur la mise en place d'une mission « Égalité entre les hommes et les femmes », prévue par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « Fioraso ». Rien n'est en revanche prévu pour la désignation de référents, qui est simplement encouragée au niveau réglementaire.

En pratique, de nombreux établissements se sont dotés de missions « Égalité et diversité » intervenant au-delà des problématiques d'égalité entre les sexes, et ont désigné des référents compétents pour la prévention et le traitement des actes antisémites, racistes, anti-LGBT ou encore pour les VSS. On dénombre aujourd'hui 222 référents dans l'ensemble des universités, des grandes écoles et des organismes de recherche.

De l'absence d'obligations unifiées résultent cependant des disparités importantes entre les établissements sur le champ des dispositifs mis en place, leur visibilité et l'engagement des équipes dirigeantes. En d'autres termes, rien ne permet aujourd'hui de garantir que tous les établissements disposent d'un dispositif et de personnels compétents en matière de lutte contre l'antisémitisme, et que les étudiants juifs en difficulté puissent trouver un interlocuteur auquel s'adresser.

Nous souhaitons en conséquence clarifier les obligations qui s'imposent aux établissements en prévoyant à l'article 2, d'une part, la généralisation des missions « Égalité » sous la forme de missions « Égalité et diversité », avec un champ d'intervention étendu à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine ; et, d'autre part, la désignation systématique en leur sein d'un référent dédié à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme.

Ces missions « Égalité et diversité » auront l'obligation de déployer un dispositif de signalement des actes de violence, de racisme, d'antisémitisme et de discrimination garantissant l'anonymat des victimes et témoins, et permettant d'assurer un suivi statistique des éléments recueillis. Une obligation de signalement des actes antisémites auprès du référent est par ailleurs créée pour les personnels.

Nous nous inspirons ici des expériences réussies menées par plusieurs établissements. L'université Paris II-Assas a ainsi créé en 2020 la cellule Réagir, qui recueille les signalements sur des serveurs hébergés à l'extérieur de l'établissement pour garantir leur anonymat, et qui agit comme une plateforme d'orientation vers les procédures et les interlocuteurs adéquats - qu'il s'agisse d'un dépôt de plainte, d'une saisine du procureur ou de la section disciplinaire, ou encore d'un accompagnement psychologique.

Nous vous proposerons plusieurs amendements visant à clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les différents signalements recueillis, et à prévoir que les personnes désignées pour exercer les fonctions de référent et recueillir les signalements doivent être formées à la lutte contre l'antisémitisme.

Il me faut enfin souligner que le dispositif prévu par cet article ne pourra produire ses effets qu'à la condition que les responsables d'établissements s'en emparent, en s'attachant à les rendre visibles et en leur donnant les moyens nécessaires à leur fonctionnement. Nous souhaiterions ainsi voir se généraliser le portage de la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes de haines et de violences au niveau des vice-présidences des établissements.

Sur la question des moyens, il semble que nous ayons une divergence d'appréciation avec les services du ministère, qui estiment que l'application de l'article 2 ne nécessite pas de moyens financiers, et nous suggèrent même de supprimer le gage figurant à l'alinéa 17. Nous estimons, pour notre part, qu'il faut trouver un moyen de flécher une partie des ressources universitaires vers ces missions, ce qui pourrait passer par l'allocation d'une fraction de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Nous vous proposons d'approfondir ce débat en séance afin de recueillir la position du Gouvernement.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'article 3 porte sur l'adaptation de la procédure disciplinaire à la sanction des actes antisémites. Tel qu'il est défini dans la partie réglementaire du code de l'éducation, le cadre disciplinaire est aujourd'hui centré sur les cas de fraude académique, auxquels s'ajoute « tout fait de nature à porter atteinte à l'ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l'université ». Cette formulation est appréciée de manière diverse par les présidents d'université, ce qui ne permet pas de garantir que tous les faits d'antisémitisme font l'objet de poursuites.

Cet article ajoute en conséquence explicitement les actes d'antisémitisme et de racisme, de discrimination, de violence et d'incitation à la haine aux motifs permettant d'engager une procédure disciplinaire. Nous vous proposerons en outre un amendement précisant que les membres de la section disciplinaire doivent être formés à ces thématiques.

Il pose par ailleurs le principe de l'association des victimes de tels agissements à la procédure ; nous vous proposerons d'y substituer le principe de leur information, qui permettra de résoudre les difficultés rencontrées dans les établissements sans remettre en cause la nature particulière de la procédure disciplinaire.

L'article 3 comporte enfin une disposition renvoyant au décret le soin de préciser les pouvoirs d'investigation des présidents, notamment en matière d'accès aux données de communication électronique des personnes mises en cause. Cette dernière précision, incompatible avec le cadre général de protection des données personnelles, a suscité d'importantes réserves au cours de nos auditions ; nous vous proposerons de la supprimer.

Elle a cependant donné lieu à un intéressant débat sur l'étendue des possibilités d'investigation aujourd'hui offertes aux présidents. Notre intention ici était principalement de les aider à identifier les auteurs de discours antisémites sur des groupes de conversation en ligne, en les autorisant à rapprocher les numéros de téléphone y figurant de ceux de leurs listes administratives. Selon une analyse très éclairante du ministère de la justice, cette possibilité leur semble en réalité déjà ouverte, sans que la plupart d'entre eux semblent en avoir connaissance. France Universités nous a cependant indiqué travailler à organiser la circulation de l'information sur cette thématique.

J'en terminerai en soulignant l'urgente nécessité, au-delà des enjeux de la proposition de loi, d'une évolution en profondeur de la procédure disciplinaire. Les limites du cadre actuel ont en effet été spontanément soulignées par la quasi-unanimité de nos interlocuteurs, qui ont notamment pointé l'ambiguïté qui existe dans les faits avec le modèle contentieux. Plusieurs pistes d'évolution ont été proposées, parmi lesquelles une professionnalisation partielle des membres des sections, ou encore le recours plus fréquent au dépaysement des affaires les plus sensibles. Il nous semble que ces réflexions pourront utilement alimenter les travaux à venir de notre commission.

Telles sont, mes chers collègues, les observations dont nous souhaitions vous faire part. Nous avons eu à coeur de coconstruire les dispositions avec les acteurs du terrain, que nous avons tenu à rencontrer à deux reprises. Nous souhaitons aujourd'hui que le fruit de ce travail permette de replacer les principes républicains au coeur du fonctionnement des établissements, qui doivent redevenir le lieu du débat, de l'ouverture humaniste et du dépassement des préjugés. Nous vous invitons donc à adopter cette proposition de loi ainsi que les améliorations que nous vous proposerons par amendement.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je propose que le périmètre de la proposition de loi inclue les dispositions relatives à la formation et à la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine assurées par les établissements d'enseignement ; à la prévention et au traitement des actes d'antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination et de haine dans les établissements d'enseignement supérieur ; à la procédure disciplinaire des établissements d'enseignement supérieur.

Il en est ainsi décidé.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Je remercie ceux de nos collègues qui ont assisté aux auditions. Nous sommes sensibles à l'intérêt qu'ils ont porté à nos travaux.

M. Max Brisson. - Au nom du groupe Les Républicains, j'exprime ma gratitude pour ce travail au long cours qui a permis le dépôt d'une proposition de loi transpartisane. Cette démarche vous honore, messieurs les rapporteurs, car vous y avez mis votre énergie, vos convictions et tout votre engagement.

Lors des auditions, j'ai surtout ressenti un malaise face à la peur des étudiants juifs français au sein de certaines universités. Il faut le redire, cette situation est totalement insupportable ! Une belle histoire est née tout au long des XIXe et XXe siècles entre le judaïsme et la République française. Or une cassure, extrêmement dangereuse pour notre démocratie et notre République, est en train de mettre à mal cette exception française, traditionnellement cultivée au sein de l'université.

L'antisémitisme présente, par rapport aux autres formes de discriminations, des spécificités qui imposent une lutte sans relâche - ce qui ne veut pas dire bien entendu que la lutte contre les autres discriminations soit secondaire. Notre pays a déjà connu un antisémitisme virulent aux heures les plus sombres de notre histoire contemporaine, mais celui que nous voyons émerger aujourd'hui présente un nouveau visage - qui existe ailleurs dans le monde -, lié au projet politique de l'islamisme.

Au demeurant, la situation de Sciences Po ne saurait être transposée à tous les établissements d'enseignement supérieur, dont beaucoup ne déplorent aucun incident de cet ordre. Certains présidents d'université sont même exemplaires.

Nous partageons totalement vos premiers éléments de réponse en matière de formation, de détection, d'identification et d'accompagnement. Néanmoins, je m'interroge sur la nécessité d'aller plus loin en termes de sanctions disciplinaires propres à l'université - indépendamment des voies de recours en justice - et sur la rapidité de leur mise en oeuvre. Nous avons également des interrogations sur le coût du fonctionnement des dispositifs que vous souhaitez mettre en place.

Nous voterons bien sûr votre texte et les amendements que vous nous proposerez.

M. David Ros. - Je remercie également les rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont effectué, y compris lors de la mission d'information. J'ai mis un point d'honneur à participer à l'ensemble des auditions.

Ces travaux très fructueux ont permis de faire le point sur l'état de l'enseignement supérieur « un an après » et sur les améliorations globalement constatées dans les établissements, même si la bêtise humaine n'épargne pas la vie universitaire. Les personnes auditionnées ont elles-mêmes reconnu l'utilité de nouveaux dispositifs législatifs, sous réserve de disposer des moyens suffisants pour leur application. Elles ont aussi montré un grand intérêt pour les amendements en cours d'élaboration par les rapporteurs et appelé de leurs voeux d'autres évolutions.

Par ailleurs, quelques-unes se sont senties réhabilitées par cette deuxième série d'auditions, après avoir été affectées par les propos d'une sociologue lors d'une table ronde organisée par la commission.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) votera cette proposition de loi.

M. Pierre Ouzoulias. - Je remercie nos collègues pour la qualité de leur travail et la façon dont ils ont réussi à renouer le dialogue avec les présidents d'université, dans un lien de confiance exceptionnel. Un travail pédagogique a été accompli auprès de ces derniers, pour leur expliquer comment on fait la loi et pour leur montrer que nous n'agissons pas contre eux, mais que nous sommes là pour les aider.

L'antisémitisme n'est pas un racisme comme les autres. Il s'agit d'un racisme bimillénaire, fortement ancré dans la façon dont nos sociétés européennes chrétiennes se sont constituées. Pour reprendre les mots de François Rachline, « le racisme est un rejet de l'autre, l'antisémitisme le refus d'une éthique. » En ce moment, la montée de l'antisémitisme est le symptôme d'un reflux de l'humanisme et de l'universalisme, ce dernier étant combattu par une vision segmentariste de la société, qui assigne à chaque citoyen une case étanche, pour la vie. Nous devons faire preuve d'une attention soutenue et particulière à l'égard de l'antisémitisme, qui révèle quelque chose de fondamental de ce qui se passe dans notre société.

Lors des auditions, j'ai senti la nécessité d'effectuer un travail juridique sur trois notions fondamentales, qui ne sont ni comprises ni distinguées : la liberté académique, la liberté d'expression des étudiants et des professeurs, et les franchises académiques. France Universités avait lancé un travail sur la liberté académique et un rapport avait été demandé à M. Vicherat. Aujourd'hui, plus rien ne se passe, alors que Mme Retailleau nous avait donné des garanties sur la continuité de ce travail. Nous devrons le mener à bien.

J'ai déploré à plusieurs reprises que, dans le monde universitaire, le nombre des études sur le judaïsme ait autant baissé ces dix dernières années. Le nombre de thèses dans ce domaine a notamment été divisé par deux au cours de la période. Nous avons besoin d'un plan national pour relancer ces études.

Le judaïsme est constitutif de l'identité de la France depuis 2 000 ans. Rabbi Chlomo ben Itzhak HaTzarfati, plus connu sous le nom de Rachi de Troyes, a créé le premier lexique d'ancien français, au XI? siècle ; si nous savons aujourd'hui ce qu'était le français parlé de l'époque, c'est grâce à ce rabbin. Qui le sait ? Nous avons un travail immense à accomplir. La proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons.

Mme Mathilde Ollivier. - Je reviendrai sur les témoignages sans appel des étudiants juifs que nous avons entendus. Ils ont raconté les propos antisémites, les tags dans les espaces communs ou les messages sur les groupes de discussion, qui créent une ambiance délétère dans certaines universités. Certains indiquent se résigner et avoir arrêté de faire des signalements, qui ne leur semblent pas servir à grand-chose. D'autres prennent la décision plus radicale de quitter l'université et ces stratégies d'évitement posent question.

Un autre constat me semble important : la difficulté pour les présidents d'université d'obtenir un suivi quand ils font un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Le temps de la justice n'est pas celui des procédures disciplinaires et cette absence de retour renforce le sentiment d'impuissance des étudiants.

Nous voterons cette proposition de loi. Je voulais revenir sur certaines dispositions, notamment sur l'article 3 et sur la question de l'accès aux données. Cependant, vous avez déposé un amendement et la nouvelle formulation nous convient. Par ailleurs, la possibilité de saisir un conseil disciplinaire en cas d'atteinte à la réputation de l'université nécessite précision, la formulation étant assez floue.

Enfin, sans dédouaner les étudiants qui tiennent des propos antisémites, il y a un vrai manque de formation et de connaissance sur ce que sont l'antisémitisme et l'histoire de la Shoah. Un travail doit être mené bien en amont, avec l'éducation nationale.

Mme Laure Darcos. - Le négationnisme et la violence que l'on retrouve dans l'enseignement supérieur prennent racine à l'école. Depuis l'assassinat de Samuel Paty et même avant, l'enseignement du fait religieux, notamment des trois religions monothéistes, n'est pas forcément dispensé, les professeurs ayant peur des réactions. Or la méconnaissance de l'autre génère de la violence. Il ne s'agit pas de dédouaner ceux qui se permettent des agressions physiques et verbales à l'égard des étudiants juifs, mais cette question doit être traitée.

Vous avez souhaité écarter les polémiques politiciennes, mais je salue notre collègue député Jérôme Guedj, qui dit haut et fort que La France insoumise (LFI) et surtout Jean-Luc Mélenchon attisent la haine antisémite par certains propos. Un basculement est aussi à l'oeuvre dans certaines universités, à Sciences Po ou ailleurs, qui consiste en une instrumentalisation politique grave, que je vous invite à ne jamais laisser passer.

Notre groupe soutiendra cette proposition de loi et les amendements des rapporteurs.

M. Jean Hingray. - Il y a un antisémitisme d'ambiance et nous le vivons tous dans nos territoires, quelles que soient les universités, même si les présidents, les équipes enseignantes et les étudiants ne réagissent pas tous de la même manière. Nous avons été rassurés par les propos du président de Sciences Po, mais tous les présidents ne sont pas sur cette ligne. À cet égard, on peut s'étonner qu'un meeting de Jean-Luc Mélenchon se soit tenu à l'université de Toulouse, sous couvert de « conférence-débat », et que l'université puisse être le lieu d'une telle dérive.

Concernant le texte, il me semble important de flécher des crédits pour la formation.

Enfin, les conseils de discipline fonctionnent un peu à la tête du client. Il faudrait prévoir des sanctions minimales en cas de propos racistes et antisémites. Il faudrait aussi que tout le monde soit logé à la même enseigne partout en France. Quelles pourraient être ces sanctions minimales ?

Notre groupe soutiendra le texte.

M. Stéphane Piednoir. - Ce texte dit quelque chose de notre cécité. La société doit faire front contre d'innombrables périls qui menacent son équilibre. Les discriminations sont chaque jour plus prégnantes et violentes. Ces phénomènes sont exacerbés dans l'enseignement supérieur, même s'il faut garder à l'esprit que les établissements ne sont pas tous concernés de la même manière, et qu'ils sont souvent placés dans l'ombre projetée des fréquents débordements observés à l'Institut d'études politiques de Paris. Au milieu de ce magma révélateur de la noirceur de l'âme humaine, l'antisémitisme tient une place singulière, en raison de son histoire, mais aussi depuis les attentats du 7 octobre. La mission d'information que vous avez menée a mis en lumière ce phénomène et proposé des pistes de remédiation.

À l'instar de ce qui a déjà été accompli pour d'autres formes de discrimination, disposer d'un référent bien identifié peut faciliter la dénonciation. Cependant, je souscris à l'observation de Bernard Fialaire sur le caractère contre-productif d'un combat isolé et sur la nécessité d'avoir une mécanique commune de lutte contre les haines et violences.

Rappelons que l'antisémitisme n'est pas une opinion, mais un délit et qu'il va de la responsabilité des chefs d'établissement et des présidents d'université de prendre des mesures disciplinaires. Je plaide pour une fermeté absolue en la matière.

La liberté académique se heurte au droit, et c'est heureux. Je souligne le courage de ceux qui choisissent de s'opposer à la tenue des conférences alimentant l'antisémitisme et de ceux qui prennent ouvertement position en ce sens.

Si l'enjeu de formation est important, la multitude des items prévus dans le code peut poser question.

Enfin, concernant l'allocation de moyens, une part de CVEC pourrait être fléchée vers les dispositifs que vous souhaitez mettre en place ; pourriez-vous préciser les contours d'un tel fléchage ? Quelle est l'appréciation du ministre en la matière ? Comment associer les établissements privés, qui reçoivent une partie de la CVEC, mais la reversent intégralement ?

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'antisémitisme d'atmosphère est effectivement observé par tout le monde : par les présidents d'université, les référents, les étudiants dont l'UEJF. La proposition de loi est attendue, mais pas par tous.

Ainsi, sur les sept présidents d'université que nous avons entendus, cinq l'attendent avec impatience et deux considèrent que nous n'avons pas besoin de loi. Peut-on s'en étonner quand des établissements sont infiltrés par des militants d'extrême gauche ? D'ailleurs, c'est dans l'un de ces deux établissements que s'est récemment tenu un meeting de Jean-Luc Mélenchon et que, hier, des étudiants de l'UNI ont été frappés alors qu'ils voulaient présenter leur candidature à une élection.

L'université est un lieu d'échange et de débat, et tout le monde doit pouvoir s'y exprimer. Certains présidents sont très attentifs aux personnalités qui prennent la parole sur leurs campus, d'autres s'opposent systématiquement à ces prises de parole, d'autres encore ne laissent s'exprimer qu'une seule tendance politique, ce qui pose problème.

Madame Ollivier, nous avons modifié la rédaction de l'article 3 pour nous assurer de son applicabilité.

Notre texte s'inscrit par ailleurs dans le cadre du principe d'autonomie des universités. On peut donner des orientations aux présidents, mais on ne peut pas tout leur imposer. Notre rapport d'information comprenait onze recommandations, sur lesquelles trois relevaient du domaine de la loi ; ce sont celles que nous avons traduites, en nous montrant prudents dans la rédaction des articles.

En ce qui concerne les sanctions, il faut d'abord avoir en tête que ceux qui siègent dans les conseils de discipline ne sont pas formés pour juger du caractère antisémite d'un acte. Certaines saisines ont ainsi abouti à des non-lieux. J'ai eu connaissance d'un de ces cas, dans lequel un président a fait appel de la décision ; la procédure a finalement abouti à une exclusion de six mois. L'exclusion momentanée est l'une des sanctions possibles. Par ailleurs, quand les élèves portent plainte, le pénal prend la relève.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Sur la question des procédures et des sanctions disciplinaires, une mission est en cours au ministère.

Monsieur Ouzoulias, concernant les études hébraïques et juives, Paris VIII s'interroge sur la possibilité de relancer un tel enseignement.

Madame Ollivier et madame Darcos, effectivement, il faut former très tôt et en amont. C'est pourquoi, en matière de prévention et de formation, la proposition de loi concerne l'intégralité de la chaîne d'enseignement, du scolaire au supérieur.

Enfin, il peut être difficile pour les étudiants siégeant dans les conseils de discipline de maîtriser la hiérarchie des sanctions. Il faut les former. C'est la raison pour laquelle nous envisageons le fléchage d'une fraction de la CVEC, qui s'adresse aux étudiants. La question plus générale du financement de nos mesures sera abordée en séance.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier : Mission des établissements de formation à la lutte
contre l'antisémitisme

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à améliorer la rédaction du titre du chapitre Ier, en substituant « Formation à la lutte contre l'antisémitisme dans les établissements d'enseignement » à « Mission des établissements de formation à la lutte contre l'antisémitisme ».

L'amendement COM-1 est adopté.

L'intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.

Article 1er

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à unifier le champ de la formation qui devra être assurée par les établissements d'enseignement, en prévoyant qu'elle portera sur l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Cette formulation reflète notre position d'équilibre, qui consiste à reconnaître une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme au sein du combat déjà organisé contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-3 étend aux établissements privés l'obligation de dispenser une formation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Cette extension a été demandée par les établissements privés eux-mêmes, lors de leur audition.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-4 prévoit une formation des élus étudiants aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à rétablir, pour l'installation par le président d'université des missions « égalité et diversité », un pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique.

Dans le cadre de l'autonomie des universités, ce pouvoir de proposition est aujourd'hui prévu pour la mise en place des missions « égalité entre les femmes et les hommes », auxquelles se substituent les missions « égalité et diversité ».

L'amendement COM-5 est adopté.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-6 a deux objets. D'abord, il vise à clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les signalements, en prévoyant notamment une remontée auprès du président. Cette solution permettra de lier le recueil des signalements et le déclenchement d'éventuelles procédures de sanction, mais aussi de créer un canal unique de saisine du procureur au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Il prévoit également que les personnes chargées du recueil des signalements seront qualifiées pour ce faire, ce qui permettra de protéger les victimes comme les écoutants. La formulation retenue laisse la possibilité aux établissements de confier cette mission à des personnels spécifiquement formés ou à des acteurs extérieurs disposant d'une expertise de ces sujets, comme certains établissements le font déjà.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-7 prévoit que les missions « égalité » et les dispositifs de signalement seront compétents pour tout le champ de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine. Il s'agit là encore de notre position d'équilibre, qui permet de ne pas écraser les actions déjà mises en place dans les établissements sur une base volontaire.

L'amendement COM-7 est adopté.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-8 prévoit que les référents racisme et antisémitisme désignés par les établissements seront adéquatement formés pour le traitement de ces sujets. Nous souhaitons ainsi garantir que les méthodes de prévention déployées seront efficaces et que la prise en charge des victimes sera adéquate. Il s'agit également de protéger les référents eux-mêmes, qui peuvent se trouver très exposés sur ces thématiques sensibles.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-9 prévoit de modifier l'article 3 relatif à la procédure disciplinaire, avec trois objectifs. D'abord, il s'agit de prévoir la formation des membres des sections disciplinaires aux enjeux de lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences et les discriminations. Ensuite, l'amendement vise à remplacer la notion d'association à la procédure disciplinaire des victimes par celle de leur information. Cette précision permet de répondre aux préoccupations exprimées lors de nos auditions, sans transformer radicalement la nature de la procédure. Enfin, il s'agit d'établir une rédaction cohérente avec les modifications proposées aux articles 1er et 2, en prévoyant que la procédure disciplinaire portera sur des faits de violence, d'antisémitisme, de racisme, de discrimination et d'incitation à la haine.

L'amendement COM-9 est adopté, de même que l'amendement COM-10.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-11 prévoit les dispositions nécessaires pour assurer l'application de la proposition de loi en outre-mer.

L'amendement COM-11 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

La proposition de loi est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

Titre du chapitre 1er

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

1

Rédactionnel

Adopté

Article 1er 

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

2

Extension du champ de la formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine

Adopté

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

3

Extension de l'obligation de formation aux établissements privés d'enseignement supérieur

Adopté

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

4

Formation des élus étudiants aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine

Adopté

Article 2

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

5

Pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique pour l'installation des missions « égalité et diversité »

Adopté

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

6

Clarification du mécanisme de remontée d'informations sur les signalements recueillis

Adopté

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

7

Champ de compétence des missions « égalité et diversité » et des dispositifs de signalement

Adopté

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

8

Qualification des référents antisémitisme et racisme

Adopté

Article 3

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

9

Information des victimes et formation des membres des sections disciplinaires

Adopté

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

10

Suppression du pouvoir d'accès des présidents aux données de communication électronique des usagers

Adopté

Après l'article 3

MM. Levi et Fialaire, rapporteurs

11

Application en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mardi 21 janvier 2025

Union des étudiants juifs de France (UEJF) : M. Yossef MURCIANO, président.

Mercredi 22 janvier 2025

Table ronde des référents racisme et antisémitisme des établissements universitaire :

Université de Picardie Jules Verne : Mme Céline MASSON, référente racisme et antisémitisme auprès de la présidence ;

Université de Strasbourg : Mme Isabelle KRAUS, vice-présidente égalité, parité, diversité ;

Université Sorbonne Paris Nord : M. Daniel VERBA, chargé de mission laïcité et ancien référent racisme, antisémitisme et homophobie ;

Université Paris 8 : Mme Marie-Anne MATARD, chargée de mission racisme, antisémitisme, laïcité.

Mardi 28 janvier 2025

Table ronde des grandes écoles :

- Conférence des grandes écoles (CGE) : MM. Laurent CHAMPANEY, président, et Hughes BRUNET, délégué général ;

Union des Grandes Écoles Indépendantes (UGEI) : Mme Sophie SAVIN, déléguée générale ;

Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (FESIC) : Mme Laure VIELLARD, vice-présidente, M. Quentin ALLARD, chargé de mission affaires publiques ;

Sciences Po Paris : M. Nathan HAÏK, directeur de cabinet du directeur de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris.

Mercredi 29 janvier 2025

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) : MM. Olivier GINEZ, directeur général, Louis BUYSSENS, directeur de cabinet du directeur général, et Sébastien CHEVALIER, chef du service de la coordination des stratégies de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Jeudi 30 janvier 2025

Table ronde des institutions juives :

- Grand rabbinat de France : M. Haïm KORSIA, grand rabbin de France ;

Conseil représentatif des institutions juives en France (CRIF) : M. Yonathan ARFI, président ;

- Consistoire central israélite de France : M. Elie KORCHIA, président ;

- Fondation du Camp des Milles : M. Alain CHOURAQUI, président.

Mardi 4 février 2025

- M. Stéphane BRACONNIER, président de l'Université Paris-Panthéon-Assas.

- Table ronde des présidents d'université :

- Université Toulouse Capitole : M. Hugues KENFACK, président ;

- Université de Strasbourg : M. Michel DENEKEN, président ;

- Université Toulouse Jean Jaurès : Mme Emmanuelle GARNIER, présidente ;

- Université de Nanterre : Mme Caroline ROLLAND-DIAMOND, présidente ;

- Université de Lyon : Mme Nathalie DOMPNIER, présidente ;

- Université de Paris 8 : Mme Annick ALLAIGRE, présidente.

Mercredi 5 février 2025

- Mme Véronique VAN DE BOR, présidente de la conférence permanente des chargé.e.s de mission égalité et diversité (CPED), et M. Yannick L'HORTY, professeur de sciences économiques et directeur de l'Observatoire National des Discriminations et de l'Égalité dans le Supérieur (ONDES).

- France Universités : MM. Lamri ADOUI, président, Jean-François HUCHET, vice-président, et Antoine GUERY, chargé des relations parlementaires et institutionnelles.

CONTRIBUTION ÉCRITE

Ø Jurisup

Proposition de loi n° 26 (2024-2025) relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 5(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie6(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte7(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial8(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a arrêté, lors de sa réunion du 12 février 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- à la formation et à la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine assurées par les établissements d'enseignement ;

- à la prévention et au traitement des actes d'antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination et de haine dans les établissements d'enseignement supérieur ;

- à la procédure disciplinaire des établissements d'enseignement supérieur.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-026.html


* 1 La page Internet retraçant les travaux de la mission d'information est accessible à cette adresse.

* 2 Arrêté du 16 juillet 2021 fixant le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d'éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République.

* 3 Cette résolution (701 - 2020-2021) portant sur la lutte contre toutes les formes d'antisémitisme, adoptée par le Sénat le 5 octobre 2021 à l'initiative de MM. Bruno Retailleau, Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues, « [invite] le Gouvernement, dans un travail de pédagogie, à diffuser [la définition opérationnelle de l'antisémitisme de l'IHRA] auprès des services éducatifs, répressifs et judiciaires ».

* 4 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 5 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 6 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 7 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 8 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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