B. DERRIÈRE LE RETOUR AU CALME SUR LES CAMPUS, LE RISQUE DE LA BANALISATION DES DÉRIVES

Afin d'effectuer un suivi de la situation, les rapporteurs ont entendu à nouveau plusieurs des acteurs auditionnés dans le cadre de leurs travaux d'information. Sur la base de ces entretiens, il semble exister un consensus sur le fait que les manifestations d'antisémitisme fortement visibles ont globalement cessé sur les campus, et n'ont pas repris à l'occasion de la date anniversaire des massacres du 7 octobre 2023. Au cours de la période récente, les mobilisations ont ainsi plutôt porté sur le thème de la précarité étudiante.

Ce retour au calme ne signifie cependant pas que les manifestations d'antisémitisme aient totalement disparu des campus. Il semble au contraire qu'un climat d'antisémitisme à bas bruit tende à s'y enraciner sous l'effet d'une certaine banalisation des discours antisémites, qui n'est pas propre à l'Université. Ce climat se traduit notamment par la récurrence d'actes anonymes au quotidien, telles que des inscriptions dans les espaces communs, et par une certaine institutionnalisation des thématiques antisionistes, portées par des listes élues de représentants étudiants.

Ces phénomènes sont tous deux susceptibles de créer une atmosphère pesante pour les étudiants juifs, qui peut les conduire à redouter, voire à éviter la fréquentation des campus.

C. DES ÉTABLISSEMENTS DÉSARMÉS

Face à cette situation, les pouvoirs publics et les responsables d'établissements ont le devoir de garantir à tous les étudiants les conditions du bon déroulement de leurs études dans un climat serein et apaisé. Au terme de leurs auditions de suivi, les rapporteurs font à ce titre le constat d'un engagement renforcé des pouvoirs publics et des établissements.

Cet engagement se traduit notamment par la reprise en main de situations très dégradées, telle que celle qui prévalait à l'Institut d'études politiques de Paris au printemps dernier. Il est également illustré par la diffusion le 4 octobre 2024, à l'approche de la date anniversaire des massacres du 7 octobre, d'une circulaire ministérielle rappelant aux présidents d'établissements leurs obligations en matière de maintien de l'ordre public, de respect du principe de laïcité et d'indépendance du service public de l'enseignement supérieur, et de signalement des infractions dont ils auraient connaissance.

En dépit de ce volontarisme affiché, les fortes lacunes constatées par la mission d'information sur la détection, la prévention et la sanction des actes antisémites sont loin d'être résolues. En l'absence de dispositifs et de procédures de signalement unifiés, la connaissance du phénomène demeure très imparfaite. Sans cadre législatif contraignant, l'hétérogénéité des dispositifs de lutte déployés sur la base du volontariat ne garantit pas la prise en compte des enjeux spécifiques à l'antisémitisme. En matière de sanction, l'administration de la preuve dans le cadre disciplinaire et l'absence de retour persistant des services judiciaires sur les signalements portés à leur connaissance concentrent les difficultés.

Les onze recommandations formulées par la mission d'information, qui visent à améliorer la détection des actes antisémites, à prévenir les dérives et à sanctionner leurs auteurs, restent ainsi d'une urgente actualité. La proposition de loi constitue la traduction de celles d'entre elles qui relèvent du domaine législatif.

La commission souligne qu'une lutte effective contre les manifestations d'antisémitisme à l'Université suppose la mise en oeuvre rapide et complète des autres recommandations de la mission d'information, notamment le financement d'une structure ou d'une équipe de recherche pour améliorer la connaissance du phénomène et la mise en place d'échanges entre les établissements et les procureurs.

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