EXAMEN EN COMMISSION
12 FÉVRIER 2025
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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent le rapport de nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, qu'ils ont déposée avec plusieurs de leurs collègues et dont nous débattrons en séance publique jeudi prochain dans le cadre de l'espace réservé au groupe Union Centriste (UC).
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur, auteur de la proposition de loi. - Lorsque notre commission a adopté à l'unanimité, le 26 juin dernier, nos conclusions sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, nous vous avions annoncé une proposition de loi permettant de transformer nos recommandations en normes contraignantes. Nous avons tenu parole, et c'est avec une grande satisfaction que nous vous présentons aujourd'hui nos observations et nos améliorations sur ce texte, que nombre d'entre vous ont cosigné.
Par cette proposition de loi, nous entendons apporter une réponse à ce qui a constitué le constat majeur de notre mission d'information, c'est-à-dire la progression inquiétante d'un climat d'antisémitisme à l'Université. Les établissements d'enseignement supérieur n'ont pas été épargnés par la forte augmentation des actes antisémites observée dans l'ensemble de la société française à la suite des attaques terroristes du 7 octobre 2023 et de la réponse militaire israélienne. Un antisémitisme latent était cependant déjà présent sur les campus, comme l'a montré une étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) de septembre 2023, selon laquelle 9 étudiants juifs sur 10 ont déjà subi un acte antisémite.
Il en résulte une situation inacceptable pour de nombreux étudiants juifs : assimilés aux agissements de l'État d'Israël, ils sont confrontés aux dérapages de certaines mobilisations en faveur de la Palestine, mais aussi à un antisémitisme du quotidien passant par des tags, des mises à l'écart, des insultes ou des plaisanteries douteuses.
Ces formes nouvelles de l'expression antisémite sont très difficiles à combattre, ne serait-ce que parce qu'elles sont difficiles à repérer. Outre que les victimes préfèrent souvent garder le silence, les prises de position « antisionistes » posent le défi de la distinction entre la critique politique du gouvernement israélien et le discours ouvertement antisémite ; certains présidents d'établissement ne souhaitent pas s'y risquer.
Face à cette situation, le cadre législatif et réglementaire en vigueur laisse les établissements relativement désarmés. En l'absence de dispositifs unifiés de formation, de signalement et de prévention, faute également d'un cadre disciplinaire adapté et d'une coopération avec les services judiciaires, la réponse apportée au phénomène est très hétérogène d'un établissement à l'autre.
Tel est le constat de départ qui a alimenté la rédaction de notre proposition de loi. Dans le cadre de nos auditions au cours des dernières semaines, nous avons souhaité faire une mise à jour de notre diagnostic, en procédant à des auditions de suivi des interlocuteurs que nous avions rencontrés au printemps.
Nous avons ainsi constaté que, sous l'effet notamment d'un engagement renforcé des pouvoirs publics et des directions d'établissements, les manifestations d'antisémitisme les plus visibles ont globalement cessé sur les campus. Lors de notre audition du nouveau directeur de Sciences Po, nous avons tous pu constater la reprise en main de la situation très dégradée qui régnait au printemps à l'Institut.
Ce retour au calme ne signifie cependant pas que l'antisémitisme ait totalement disparu des établissements. Il semble au contraire que le climat que nous avions identifié tende à s'enraciner sous l'effet d'une certaine banalisation des discours antisémites, qui n'est d'ailleurs pas propre à l'Université. Les recommandations que nous avons formulées en juin dernier restent en conséquence toutes d'actualité ; nous ne pouvons que le déplorer.
M. Bernard Fialaire, rapporteur, auteur de la proposition de loi. - La proposition de loi constitue la traduction de celles de ces recommandations qui relèvent du domaine législatif. Elle comporte trois articles, qui prévoient des obligations en matière de formation et d'organisation de la lutte dans les établissements, et procèdent à une mise en adéquation de la procédure disciplinaire avec le défi que représente la lutte contre la haine et la violence à l'université.
Avant d'en venir au détail de ces mesures, une précision liminaire nous paraît importante. Vous aurez sans doute remarqué que plusieurs dispositions de la proposition de loi font référence, au-delà de l'antisémitisme, à la lutte contre le racisme et d'autres formes de violence, de discrimination et de haine. Nous avons retenu cette rédaction, qui correspond à celle de dispositions du code pénal, au terme d'une réflexion approfondie ; un débat avait d'ailleurs eu lieu devant notre mission d'information sur la manière dont le combat contre l'antisémitisme devait être ou non intégré parmi ces autres luttes.
Notre position, qui me paraît équilibrée, est la suivante : nous souhaitons reconnaître, au sein du combat déjà organisé contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine, une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme.
Notre proposition de loi ne prétend pas, en effet, remettre en cause ou concurrencer les actions déjà déployées auprès des étudiants, qui concernent souvent l'antisémitisme en même temps que le racisme ou les violences sexuelles et sexistes (VSS), selon des configurations propres à chaque établissement. Ses dispositions s'insèrent par ailleurs dans un cadre législatif traitant de la lutte contre les discriminations, que nous n'entendons évidemment pas supprimer.
Nous avons ainsi retenu une rédaction permettant à la fois d'identifier clairement la lutte contre l'antisémitisme et de l'inscrire dans le champ des dispositifs déjà présents sur le terrain. L'identification systématique de la lutte contre l'antisémitisme doit, selon nous, permettre de renforcer sa visibilité, de prévenir sa dilution au sein du combat contre la haine, la violence et la discrimination, mais aussi de s'assurer que les méthodes de lutte mises en oeuvre seront adaptées aux enjeux. L'antisémitisme représente en effet une forme singulière d'hostilité identitaire, qui appelle des mesures adaptées et une vigilance accrue.
En termes opérationnels, l'inscription de ces mesures dans ce cadre général n'est d'ailleurs pas dépourvue d'intérêt. D'un point de vue purement pragmatique, elle permet de ne pas remettre en cause l'existant et de tenir compte des moyens limités des établissements. En mutualisant les dispositifs, nous faisons le choix de renforcer l'efficacité de l'action publique et de tirer parti des avancées développées sur d'autres champs - je pense notamment aux moyens de signalement déployés contre les VSS.
D'un point de vue méthodologique enfin, il semble qu'un traitement isolé du combat contre l'antisémitisme, en donnant le sentiment d'une hiérarchisation des violences, puisse s'avérer contre-productif. À l'inverse, les méthodes de prévention reposant sur la mise en évidence des mécaniques communes aux différentes haines, violences et discriminations semblent particulièrement efficaces.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous proposerons plusieurs amendements visant à unifier cette rédaction d'équilibre dans tous les articles du texte.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - J'en viens aux dispositions de l'article 1er, qui inscrit la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme parmi les missions de formation des établissements du service public d'enseignement supérieur, des écoles, des collèges, des lycées ainsi que des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) ; nous vous proposerons tout à l'heure de l'étendre aux établissements privés du supérieur. Il s'agit ainsi de créer une chaîne de formation tout au long du parcours éducatif, afin que les jeunes adultes qui entrent à l'université aient déjà été sensibilisés à ces questions.
Nous n'ignorons pas, bien entendu, que les maquettes de formation élaborées par les ministères intègrent déjà des enseignements sur ces thématiques. En les inscrivant dans la loi, nous souhaitons cependant assurer leur pérennité et affirmer le principe d'une formation spécifique à la lutte contre l'antisémitisme.
Du point de vue de ses contenus, trois éléments nous paraissent importants : la nécessité de s'appuyer sur la définition opérationnelle de l'antisémitisme fixée par l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (Ihra) tout d'abord ; l'adaptation des contenus de prévention aux nouvelles formes de l'expression antisémite ensuite, dans le contexte nouveau de la mise en concurrence, voire de l'instrumentalisation du thème du génocide ; l'utilité de faire intervenir des acteurs spécialisés, notamment les associations de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Le programme CoExist, animé par l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), SOS Racisme et la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), nous est apparu particulièrement intéressant.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'article 2 porte sur les dispositifs de lutte et de signalement des établissements, dont il vise à rationaliser le fondement législatif.
En l'état actuel, les obligations prévues par la loi portent uniquement sur la mise en place d'une mission « Égalité entre les hommes et les femmes », prévue par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « Fioraso ». Rien n'est en revanche prévu pour la désignation de référents, qui est simplement encouragée au niveau réglementaire.
En pratique, de nombreux établissements se sont dotés de missions « Égalité et diversité » intervenant au-delà des problématiques d'égalité entre les sexes, et ont désigné des référents compétents pour la prévention et le traitement des actes antisémites, racistes, anti-LGBT ou encore pour les VSS. On dénombre aujourd'hui 222 référents dans l'ensemble des universités, des grandes écoles et des organismes de recherche.
De l'absence d'obligations unifiées résultent cependant des disparités importantes entre les établissements sur le champ des dispositifs mis en place, leur visibilité et l'engagement des équipes dirigeantes. En d'autres termes, rien ne permet aujourd'hui de garantir que tous les établissements disposent d'un dispositif et de personnels compétents en matière de lutte contre l'antisémitisme, et que les étudiants juifs en difficulté puissent trouver un interlocuteur auquel s'adresser.
Nous souhaitons en conséquence clarifier les obligations qui s'imposent aux établissements en prévoyant à l'article 2, d'une part, la généralisation des missions « Égalité » sous la forme de missions « Égalité et diversité », avec un champ d'intervention étendu à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine ; et, d'autre part, la désignation systématique en leur sein d'un référent dédié à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme.
Ces missions « Égalité et diversité » auront l'obligation de déployer un dispositif de signalement des actes de violence, de racisme, d'antisémitisme et de discrimination garantissant l'anonymat des victimes et témoins, et permettant d'assurer un suivi statistique des éléments recueillis. Une obligation de signalement des actes antisémites auprès du référent est par ailleurs créée pour les personnels.
Nous nous inspirons ici des expériences réussies menées par plusieurs établissements. L'université Paris II-Assas a ainsi créé en 2020 la cellule Réagir, qui recueille les signalements sur des serveurs hébergés à l'extérieur de l'établissement pour garantir leur anonymat, et qui agit comme une plateforme d'orientation vers les procédures et les interlocuteurs adéquats - qu'il s'agisse d'un dépôt de plainte, d'une saisine du procureur ou de la section disciplinaire, ou encore d'un accompagnement psychologique.
Nous vous proposerons plusieurs amendements visant à clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les différents signalements recueillis, et à prévoir que les personnes désignées pour exercer les fonctions de référent et recueillir les signalements doivent être formées à la lutte contre l'antisémitisme.
Il me faut enfin souligner que le dispositif prévu par cet article ne pourra produire ses effets qu'à la condition que les responsables d'établissements s'en emparent, en s'attachant à les rendre visibles et en leur donnant les moyens nécessaires à leur fonctionnement. Nous souhaiterions ainsi voir se généraliser le portage de la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes de haines et de violences au niveau des vice-présidences des établissements.
Sur la question des moyens, il semble que nous ayons une divergence d'appréciation avec les services du ministère, qui estiment que l'application de l'article 2 ne nécessite pas de moyens financiers, et nous suggèrent même de supprimer le gage figurant à l'alinéa 17. Nous estimons, pour notre part, qu'il faut trouver un moyen de flécher une partie des ressources universitaires vers ces missions, ce qui pourrait passer par l'allocation d'une fraction de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Nous vous proposons d'approfondir ce débat en séance afin de recueillir la position du Gouvernement.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'article 3 porte sur l'adaptation de la procédure disciplinaire à la sanction des actes antisémites. Tel qu'il est défini dans la partie réglementaire du code de l'éducation, le cadre disciplinaire est aujourd'hui centré sur les cas de fraude académique, auxquels s'ajoute « tout fait de nature à porter atteinte à l'ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l'université ». Cette formulation est appréciée de manière diverse par les présidents d'université, ce qui ne permet pas de garantir que tous les faits d'antisémitisme font l'objet de poursuites.
Cet article ajoute en conséquence explicitement les actes d'antisémitisme et de racisme, de discrimination, de violence et d'incitation à la haine aux motifs permettant d'engager une procédure disciplinaire. Nous vous proposerons en outre un amendement précisant que les membres de la section disciplinaire doivent être formés à ces thématiques.
Il pose par ailleurs le principe de l'association des victimes de tels agissements à la procédure ; nous vous proposerons d'y substituer le principe de leur information, qui permettra de résoudre les difficultés rencontrées dans les établissements sans remettre en cause la nature particulière de la procédure disciplinaire.
L'article 3 comporte enfin une disposition renvoyant au décret le soin de préciser les pouvoirs d'investigation des présidents, notamment en matière d'accès aux données de communication électronique des personnes mises en cause. Cette dernière précision, incompatible avec le cadre général de protection des données personnelles, a suscité d'importantes réserves au cours de nos auditions ; nous vous proposerons de la supprimer.
Elle a cependant donné lieu à un intéressant débat sur l'étendue des possibilités d'investigation aujourd'hui offertes aux présidents. Notre intention ici était principalement de les aider à identifier les auteurs de discours antisémites sur des groupes de conversation en ligne, en les autorisant à rapprocher les numéros de téléphone y figurant de ceux de leurs listes administratives. Selon une analyse très éclairante du ministère de la justice, cette possibilité leur semble en réalité déjà ouverte, sans que la plupart d'entre eux semblent en avoir connaissance. France Universités nous a cependant indiqué travailler à organiser la circulation de l'information sur cette thématique.
J'en terminerai en soulignant l'urgente nécessité, au-delà des enjeux de la proposition de loi, d'une évolution en profondeur de la procédure disciplinaire. Les limites du cadre actuel ont en effet été spontanément soulignées par la quasi-unanimité de nos interlocuteurs, qui ont notamment pointé l'ambiguïté qui existe dans les faits avec le modèle contentieux. Plusieurs pistes d'évolution ont été proposées, parmi lesquelles une professionnalisation partielle des membres des sections, ou encore le recours plus fréquent au dépaysement des affaires les plus sensibles. Il nous semble que ces réflexions pourront utilement alimenter les travaux à venir de notre commission.
Telles sont, mes chers collègues, les observations dont nous souhaitions vous faire part. Nous avons eu à coeur de coconstruire les dispositions avec les acteurs du terrain, que nous avons tenu à rencontrer à deux reprises. Nous souhaitons aujourd'hui que le fruit de ce travail permette de replacer les principes républicains au coeur du fonctionnement des établissements, qui doivent redevenir le lieu du débat, de l'ouverture humaniste et du dépassement des préjugés. Nous vous invitons donc à adopter cette proposition de loi ainsi que les améliorations que nous vous proposerons par amendement.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je propose que le périmètre de la proposition de loi inclue les dispositions relatives à la formation et à la sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine assurées par les établissements d'enseignement ; à la prévention et au traitement des actes d'antisémitisme, de racisme, de violence, de discrimination et de haine dans les établissements d'enseignement supérieur ; à la procédure disciplinaire des établissements d'enseignement supérieur.
Il en est ainsi décidé.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Je remercie ceux de nos collègues qui ont assisté aux auditions. Nous sommes sensibles à l'intérêt qu'ils ont porté à nos travaux.
M. Max Brisson. - Au nom du groupe Les Républicains, j'exprime ma gratitude pour ce travail au long cours qui a permis le dépôt d'une proposition de loi transpartisane. Cette démarche vous honore, messieurs les rapporteurs, car vous y avez mis votre énergie, vos convictions et tout votre engagement.
Lors des auditions, j'ai surtout ressenti un malaise face à la peur des étudiants juifs français au sein de certaines universités. Il faut le redire, cette situation est totalement insupportable ! Une belle histoire est née tout au long des XIXe et XXe siècles entre le judaïsme et la République française. Or une cassure, extrêmement dangereuse pour notre démocratie et notre République, est en train de mettre à mal cette exception française, traditionnellement cultivée au sein de l'université.
L'antisémitisme présente, par rapport aux autres formes de discriminations, des spécificités qui imposent une lutte sans relâche - ce qui ne veut pas dire bien entendu que la lutte contre les autres discriminations soit secondaire. Notre pays a déjà connu un antisémitisme virulent aux heures les plus sombres de notre histoire contemporaine, mais celui que nous voyons émerger aujourd'hui présente un nouveau visage - qui existe ailleurs dans le monde -, lié au projet politique de l'islamisme.
Au demeurant, la situation de Sciences Po ne saurait être transposée à tous les établissements d'enseignement supérieur, dont beaucoup ne déplorent aucun incident de cet ordre. Certains présidents d'université sont même exemplaires.
Nous partageons totalement vos premiers éléments de réponse en matière de formation, de détection, d'identification et d'accompagnement. Néanmoins, je m'interroge sur la nécessité d'aller plus loin en termes de sanctions disciplinaires propres à l'université - indépendamment des voies de recours en justice - et sur la rapidité de leur mise en oeuvre. Nous avons également des interrogations sur le coût du fonctionnement des dispositifs que vous souhaitez mettre en place.
Nous voterons bien sûr votre texte et les amendements que vous nous proposerez.
M. David Ros. - Je remercie également les rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont effectué, y compris lors de la mission d'information. J'ai mis un point d'honneur à participer à l'ensemble des auditions.
Ces travaux très fructueux ont permis de faire le point sur l'état de l'enseignement supérieur « un an après » et sur les améliorations globalement constatées dans les établissements, même si la bêtise humaine n'épargne pas la vie universitaire. Les personnes auditionnées ont elles-mêmes reconnu l'utilité de nouveaux dispositifs législatifs, sous réserve de disposer des moyens suffisants pour leur application. Elles ont aussi montré un grand intérêt pour les amendements en cours d'élaboration par les rapporteurs et appelé de leurs voeux d'autres évolutions.
Par ailleurs, quelques-unes se sont senties réhabilitées par cette deuxième série d'auditions, après avoir été affectées par les propos d'une sociologue lors d'une table ronde organisée par la commission.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) votera cette proposition de loi.
M. Pierre Ouzoulias. - Je remercie nos collègues pour la qualité de leur travail et la façon dont ils ont réussi à renouer le dialogue avec les présidents d'université, dans un lien de confiance exceptionnel. Un travail pédagogique a été accompli auprès de ces derniers, pour leur expliquer comment on fait la loi et pour leur montrer que nous n'agissons pas contre eux, mais que nous sommes là pour les aider.
L'antisémitisme n'est pas un racisme comme les autres. Il s'agit d'un racisme bimillénaire, fortement ancré dans la façon dont nos sociétés européennes chrétiennes se sont constituées. Pour reprendre les mots de François Rachline, « le racisme est un rejet de l'autre, l'antisémitisme le refus d'une éthique. » En ce moment, la montée de l'antisémitisme est le symptôme d'un reflux de l'humanisme et de l'universalisme, ce dernier étant combattu par une vision segmentariste de la société, qui assigne à chaque citoyen une case étanche, pour la vie. Nous devons faire preuve d'une attention soutenue et particulière à l'égard de l'antisémitisme, qui révèle quelque chose de fondamental de ce qui se passe dans notre société.
Lors des auditions, j'ai senti la nécessité d'effectuer un travail juridique sur trois notions fondamentales, qui ne sont ni comprises ni distinguées : la liberté académique, la liberté d'expression des étudiants et des professeurs, et les franchises académiques. France Universités avait lancé un travail sur la liberté académique et un rapport avait été demandé à M. Vicherat. Aujourd'hui, plus rien ne se passe, alors que Mme Retailleau nous avait donné des garanties sur la continuité de ce travail. Nous devrons le mener à bien.
J'ai déploré à plusieurs reprises que, dans le monde universitaire, le nombre des études sur le judaïsme ait autant baissé ces dix dernières années. Le nombre de thèses dans ce domaine a notamment été divisé par deux au cours de la période. Nous avons besoin d'un plan national pour relancer ces études.
Le judaïsme est constitutif de l'identité de la France depuis 2 000 ans. Rabbi Chlomo ben Itzhak HaTzarfati, plus connu sous le nom de Rachi de Troyes, a créé le premier lexique d'ancien français, au XI? siècle ; si nous savons aujourd'hui ce qu'était le français parlé de l'époque, c'est grâce à ce rabbin. Qui le sait ? Nous avons un travail immense à accomplir. La proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons.
Mme Mathilde Ollivier. - Je reviendrai sur les témoignages sans appel des étudiants juifs que nous avons entendus. Ils ont raconté les propos antisémites, les tags dans les espaces communs ou les messages sur les groupes de discussion, qui créent une ambiance délétère dans certaines universités. Certains indiquent se résigner et avoir arrêté de faire des signalements, qui ne leur semblent pas servir à grand-chose. D'autres prennent la décision plus radicale de quitter l'université et ces stratégies d'évitement posent question.
Un autre constat me semble important : la difficulté pour les présidents d'université d'obtenir un suivi quand ils font un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Le temps de la justice n'est pas celui des procédures disciplinaires et cette absence de retour renforce le sentiment d'impuissance des étudiants.
Nous voterons cette proposition de loi. Je voulais revenir sur certaines dispositions, notamment sur l'article 3 et sur la question de l'accès aux données. Cependant, vous avez déposé un amendement et la nouvelle formulation nous convient. Par ailleurs, la possibilité de saisir un conseil disciplinaire en cas d'atteinte à la réputation de l'université nécessite précision, la formulation étant assez floue.
Enfin, sans dédouaner les étudiants qui tiennent des propos antisémites, il y a un vrai manque de formation et de connaissance sur ce que sont l'antisémitisme et l'histoire de la Shoah. Un travail doit être mené bien en amont, avec l'éducation nationale.
Mme Laure Darcos. - Le négationnisme et la violence que l'on retrouve dans l'enseignement supérieur prennent racine à l'école. Depuis l'assassinat de Samuel Paty et même avant, l'enseignement du fait religieux, notamment des trois religions monothéistes, n'est pas forcément dispensé, les professeurs ayant peur des réactions. Or la méconnaissance de l'autre génère de la violence. Il ne s'agit pas de dédouaner ceux qui se permettent des agressions physiques et verbales à l'égard des étudiants juifs, mais cette question doit être traitée.
Vous avez souhaité écarter les polémiques politiciennes, mais je salue notre collègue député Jérôme Guedj, qui dit haut et fort que La France insoumise (LFI) et surtout Jean-Luc Mélenchon attisent la haine antisémite par certains propos. Un basculement est aussi à l'oeuvre dans certaines universités, à Sciences Po ou ailleurs, qui consiste en une instrumentalisation politique grave, que je vous invite à ne jamais laisser passer.
Notre groupe soutiendra cette proposition de loi et les amendements des rapporteurs.
M. Jean Hingray. - Il y a un antisémitisme d'ambiance et nous le vivons tous dans nos territoires, quelles que soient les universités, même si les présidents, les équipes enseignantes et les étudiants ne réagissent pas tous de la même manière. Nous avons été rassurés par les propos du président de Sciences Po, mais tous les présidents ne sont pas sur cette ligne. À cet égard, on peut s'étonner qu'un meeting de Jean-Luc Mélenchon se soit tenu à l'université de Toulouse, sous couvert de « conférence-débat », et que l'université puisse être le lieu d'une telle dérive.
Concernant le texte, il me semble important de flécher des crédits pour la formation.
Enfin, les conseils de discipline fonctionnent un peu à la tête du client. Il faudrait prévoir des sanctions minimales en cas de propos racistes et antisémites. Il faudrait aussi que tout le monde soit logé à la même enseigne partout en France. Quelles pourraient être ces sanctions minimales ?
Notre groupe soutiendra le texte.
M. Stéphane Piednoir. - Ce texte dit quelque chose de notre cécité. La société doit faire front contre d'innombrables périls qui menacent son équilibre. Les discriminations sont chaque jour plus prégnantes et violentes. Ces phénomènes sont exacerbés dans l'enseignement supérieur, même s'il faut garder à l'esprit que les établissements ne sont pas tous concernés de la même manière, et qu'ils sont souvent placés dans l'ombre projetée des fréquents débordements observés à l'Institut d'études politiques de Paris. Au milieu de ce magma révélateur de la noirceur de l'âme humaine, l'antisémitisme tient une place singulière, en raison de son histoire, mais aussi depuis les attentats du 7 octobre. La mission d'information que vous avez menée a mis en lumière ce phénomène et proposé des pistes de remédiation.
À l'instar de ce qui a déjà été accompli pour d'autres formes de discrimination, disposer d'un référent bien identifié peut faciliter la dénonciation. Cependant, je souscris à l'observation de Bernard Fialaire sur le caractère contre-productif d'un combat isolé et sur la nécessité d'avoir une mécanique commune de lutte contre les haines et violences.
Rappelons que l'antisémitisme n'est pas une opinion, mais un délit et qu'il va de la responsabilité des chefs d'établissement et des présidents d'université de prendre des mesures disciplinaires. Je plaide pour une fermeté absolue en la matière.
La liberté académique se heurte au droit, et c'est heureux. Je souligne le courage de ceux qui choisissent de s'opposer à la tenue des conférences alimentant l'antisémitisme et de ceux qui prennent ouvertement position en ce sens.
Si l'enjeu de formation est important, la multitude des items prévus dans le code peut poser question.
Enfin, concernant l'allocation de moyens, une part de CVEC pourrait être fléchée vers les dispositifs que vous souhaitez mettre en place ; pourriez-vous préciser les contours d'un tel fléchage ? Quelle est l'appréciation du ministre en la matière ? Comment associer les établissements privés, qui reçoivent une partie de la CVEC, mais la reversent intégralement ?
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'antisémitisme d'atmosphère est effectivement observé par tout le monde : par les présidents d'université, les référents, les étudiants dont l'UEJF. La proposition de loi est attendue, mais pas par tous.
Ainsi, sur les sept présidents d'université que nous avons entendus, cinq l'attendent avec impatience et deux considèrent que nous n'avons pas besoin de loi. Peut-on s'en étonner quand des établissements sont infiltrés par des militants d'extrême gauche ? D'ailleurs, c'est dans l'un de ces deux établissements que s'est récemment tenu un meeting de Jean-Luc Mélenchon et que, hier, des étudiants de l'UNI ont été frappés alors qu'ils voulaient présenter leur candidature à une élection.
L'université est un lieu d'échange et de débat, et tout le monde doit pouvoir s'y exprimer. Certains présidents sont très attentifs aux personnalités qui prennent la parole sur leurs campus, d'autres s'opposent systématiquement à ces prises de parole, d'autres encore ne laissent s'exprimer qu'une seule tendance politique, ce qui pose problème.
Madame Ollivier, nous avons modifié la rédaction de l'article 3 pour nous assurer de son applicabilité.
Notre texte s'inscrit par ailleurs dans le cadre du principe d'autonomie des universités. On peut donner des orientations aux présidents, mais on ne peut pas tout leur imposer. Notre rapport d'information comprenait onze recommandations, sur lesquelles trois relevaient du domaine de la loi ; ce sont celles que nous avons traduites, en nous montrant prudents dans la rédaction des articles.
En ce qui concerne les sanctions, il faut d'abord avoir en tête que ceux qui siègent dans les conseils de discipline ne sont pas formés pour juger du caractère antisémite d'un acte. Certaines saisines ont ainsi abouti à des non-lieux. J'ai eu connaissance d'un de ces cas, dans lequel un président a fait appel de la décision ; la procédure a finalement abouti à une exclusion de six mois. L'exclusion momentanée est l'une des sanctions possibles. Par ailleurs, quand les élèves portent plainte, le pénal prend la relève.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Sur la question des procédures et des sanctions disciplinaires, une mission est en cours au ministère.
Monsieur Ouzoulias, concernant les études hébraïques et juives, Paris VIII s'interroge sur la possibilité de relancer un tel enseignement.
Madame Ollivier et madame Darcos, effectivement, il faut former très tôt et en amont. C'est pourquoi, en matière de prévention et de formation, la proposition de loi concerne l'intégralité de la chaîne d'enseignement, du scolaire au supérieur.
Enfin, il peut être difficile pour les étudiants siégeant dans les conseils de discipline de maîtriser la hiérarchie des sanctions. Il faut les former. C'est la raison pour laquelle nous envisageons le fléchage d'une fraction de la CVEC, qui s'adresse aux étudiants. La question plus générale du financement de nos mesures sera abordée en séance.
EXAMEN DES ARTICLES
Chapitre Ier : Mission
des établissements de formation à la lutte
contre
l'antisémitisme
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à améliorer la rédaction du titre du chapitre Ier, en substituant « Formation à la lutte contre l'antisémitisme dans les établissements d'enseignement » à « Mission des établissements de formation à la lutte contre l'antisémitisme ».
L'amendement COM-1 est adopté.
L'intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.
Article 1er
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à unifier le champ de la formation qui devra être assurée par les établissements d'enseignement, en prévoyant qu'elle portera sur l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Cette formulation reflète notre position d'équilibre, qui consiste à reconnaître une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme au sein du combat déjà organisé contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
L'amendement COM-2 est adopté.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-3 étend aux établissements privés l'obligation de dispenser une formation à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine. Cette extension a été demandée par les établissements privés eux-mêmes, lors de leur audition.
L'amendement COM-3 est adopté.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-4 prévoit une formation des élus étudiants aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à rétablir, pour l'installation par le président d'université des missions « égalité et diversité », un pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique.
Dans le cadre de l'autonomie des universités, ce pouvoir de proposition est aujourd'hui prévu pour la mise en place des missions « égalité entre les femmes et les hommes », auxquelles se substituent les missions « égalité et diversité ».
L'amendement COM-5 est adopté.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-6 a deux objets. D'abord, il vise à clarifier le mécanisme de remontée d'informations sur les signalements, en prévoyant notamment une remontée auprès du président. Cette solution permettra de lier le recueil des signalements et le déclenchement d'éventuelles procédures de sanction, mais aussi de créer un canal unique de saisine du procureur au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.
Il prévoit également que les personnes chargées du recueil des signalements seront qualifiées pour ce faire, ce qui permettra de protéger les victimes comme les écoutants. La formulation retenue laisse la possibilité aux établissements de confier cette mission à des personnels spécifiquement formés ou à des acteurs extérieurs disposant d'une expertise de ces sujets, comme certains établissements le font déjà.
L'amendement COM-6 est adopté.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-7 prévoit que les missions « égalité » et les dispositifs de signalement seront compétents pour tout le champ de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences, les discriminations et la haine. Il s'agit là encore de notre position d'équilibre, qui permet de ne pas écraser les actions déjà mises en place dans les établissements sur une base volontaire.
L'amendement COM-7 est adopté.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-8 prévoit que les référents racisme et antisémitisme désignés par les établissements seront adéquatement formés pour le traitement de ces sujets. Nous souhaitons ainsi garantir que les méthodes de prévention déployées seront efficaces et que la prise en charge des victimes sera adéquate. Il s'agit également de protéger les référents eux-mêmes, qui peuvent se trouver très exposés sur ces thématiques sensibles.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement COM-9 prévoit de modifier l'article 3 relatif à la procédure disciplinaire, avec trois objectifs. D'abord, il s'agit de prévoir la formation des membres des sections disciplinaires aux enjeux de lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les violences et les discriminations. Ensuite, l'amendement vise à remplacer la notion d'association à la procédure disciplinaire des victimes par celle de leur information. Cette précision permet de répondre aux préoccupations exprimées lors de nos auditions, sans transformer radicalement la nature de la procédure. Enfin, il s'agit d'établir une rédaction cohérente avec les modifications proposées aux articles 1er et 2, en prévoyant que la procédure disciplinaire portera sur des faits de violence, d'antisémitisme, de racisme, de discrimination et d'incitation à la haine.
L'amendement COM-9 est adopté, de même que l'amendement COM-10.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 3
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement COM-11 prévoit les dispositions nécessaires pour assurer l'application de la proposition de loi en outre-mer.
L'amendement COM-11 est adopté.
Une division additionnelle est ainsi insérée.
La proposition de loi est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Titre du chapitre 1er |
|||
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
1 |
Rédactionnel |
Adopté |
Article 1er |
|||
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
2 |
Extension du champ de la formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine |
Adopté |
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
3 |
Extension de l'obligation de formation aux établissements privés d'enseignement supérieur |
Adopté |
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
4 |
Formation des élus étudiants aux enjeux de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine |
Adopté |
Article 2 |
|||
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
5 |
Pouvoir de proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique pour l'installation des missions « égalité et diversité » |
Adopté |
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
6 |
Clarification du mécanisme de remontée d'informations sur les signalements recueillis |
Adopté |
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
7 |
Champ de compétence des missions « égalité et diversité » et des dispositifs de signalement |
Adopté |
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
8 |
Qualification des référents antisémitisme et racisme |
Adopté |
Article 3 |
|||
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
9 |
Information des victimes et formation des membres des sections disciplinaires |
Adopté |
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
10 |
Suppression du pouvoir d'accès des présidents aux données de communication électronique des usagers |
Adopté |
Après l'article 3 |
|||
MM. Levi et Fialaire, rapporteurs |
11 |
Application en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna |
Adopté |